
1.D.4) «Sally» (décembre 1920)

Partitions de «On withthe Dance»
de «Sally» (1920)
Sally () est un musical avec une musique Jerome Kern, créée en 1920, qui reste l'une de ses œuvres les plus emblématiques de l'époque du théâtre musical américain pré-Show Boat. C’est un spectacle qui reflète parfaitement la transition entre l'opérette et la comédie musicale moderne, avec un mélange de mélodies entraînantes, de romance légère et de comédie.
Il s'est associé avec Guy Bolton pour le livret et Clifford Grey pour les paroles des chansons. Une chanson, Land of Butterflies Ballet, a été composée par Victor Herbert. Le musical a été produit par Florenz Ziegfled au New Amsterdam Theatre. Le spectacle a été créé le 21 décembre 1920 et s'est joué jusqu'au 22 avril 1922 lors de 570 représentations. Ce fut l’un des musicals "Cendrillon" parmi les plus populaires de l’époque et a été la plus longue série de la saison 1920-1921 et le troisième "Book-musical" de la décennie. La version scénique a été suivie d'une adaptation cinématographique muette en 1925, puis d’un film sonore en 1929 avec Marilyn Miller reprenant son rôle.

Marilyn Miller dans «Sally» (1920)
Comme beaucoup de musicals du début du XXème siècle, Sally () repose sur un schéma classique de «rags to riches» (l’ascension sociale d’une héroïne talentueuse). L’histoire suit Sally Green (Marilynn Miller), une orpheline qui travaille comme serveuse et rêve de devenir danseuse. Après avoir été renvoyée d’un restaurant, elle trouve une opportunité inattendue grâce à Blair Farquar (Irving Fisher), un aristocrate qui l’aide à intégrer un spectacle en la faisant passer pour une danseuse russe. Sur scène, Sally triomphe et devient une star des Ziefeld Follies, mais elle craint que son imposture ne soit découverte. Pendant ce temps, Blair, tombé amoureux d’elle, hésite à lui révéler son propre secret: il est de haute lignée. Finalement, la vérité éclate, mais Sally est acceptée pour son talent, et Blair lui avoue son amour. Elle réalise ainsi son rêve de gloire tout en trouvant le bonheur. On est bien dans un conte de fée américain, sorte de Cendrillon moderne.

Marilyn Miller et Leon Errol dans «Sally»
L'un des numéros les plus célèbres de Sally () est Look for the Silver Lining (en Look for the Silver Lining, elle a servi de titre à la biographie cinématographique de Marilyn Miller par Warner Brothers). Other). Elle deviendra un standard du Great American Songbook. Ce morceau est particulièrement emblématique car il véhicule l’optimisme caractéristique de l’ère du jazz naissante. Il faut aussi mentionner: Wild Rose, Whip-Poor-Will et The Lorelei.
Les critiques ont été ébloui par Marilyn Miller, et sa performance dans Sally () lui a garanti une place au panthéon de Broadway. Elle avait participé à un certain nombre de revues, et était en tête d’affiche des éditions 1918 et 1919 des Ziegfeld Follies (dans la première, elle a présenté When I Hear a Syncopated Tune de Louis A. Hirsch, et pour la deuxième, A Syncopated Cocktail de Irving Berlin). Sally () était seulement son second "book musical".
Il faut enfin signaler que, comme producteur, Ziegfeld s’était surpassé et que le musical Sally () était encore plus somptueux que les Ziegfeld Follies. Woollcott a dit que la production offrait "une splendeur de rideaux, de décors et de costumes comme peu de théâtres dans le monde osent rêver," et quand on pense à Sally (), malheureusement, c’est à Ziegfeld lui-même que l'on pense.
Pourquoi Sally () est-elle une œuvre importante? Bien sûr, parce que ce musical fut un tremplin pour Marilyn Miller qui devint l’un des visages les plus emblématiques du théâtre musical des années '20. Mais surtout parce qu'il montre le style de Kern en pleine évolution: on y sent déjà la patte de Kern, qui s’éloigne de la tradition européenne de l’opérette pour développer un son américain plus fluide et intégré à l’intrigue.
Voici une version actuelle de l'œuvre:
«Sally» (2016 Light Opera of New York Orchestra)
1.D.5) «Good Morning Dearie» (novembre 1921)

Partitions de «Good Morning Dearie»
de «Good Morning Dearie» (1921)
Good Morning, Dearie () est un musical de Jerome Kern, créé en 1921, avec un livret de Anne Caldwell (1867-1936). Il fait partie des œuvres moins connues de Kern. Pourtant, le musical fut créé le 1er septembre 1921 au Knickerbocker Theatre et tint l'affiche jusqu'au 26 août 1922, soit 347 représentations; un succès notable pour l'époque! Il fut d'ailleurs le troisième plus long musical de la saison 1921-1922. Le spectacle était produit par Charles Dillingham.
Le musical a connu une longue tournée après Broadway, ce qui prouve son attrait auprès du public, même s’il est tombé dans l’oubli aujourd’hui.
L’histoire racontée n’est pas très originale, et un ou deux critiques ont noté que le titre de la série était complètement dénué de sens (si ce n'est qu'il était le titre d'une chanson). L’intrigue suit la tradition des musicals Cendrillon comme Irene () (1919) ou Sally () de Kern.
Le jeune millionnaire Billy Van Cortlandt (Oscar Shaw) craque pour Rose-Marie, mais son implication passée avec l’escroc Chesty Costello (Harland Dixon) menace de tout remettre en cause, dont bien sûr sa relation amoureuse avec Billy. Surtout maintenant que Chesty est sorti de prison et de retour en ville pour reprendre ses activités criminelles. Mais tout finit bien quand Billy et Chesty s’engagent dans une bagarre au Hell’s Bells Dance Hall. Billy en sort gagnant, et obtient la promesse de Chesty de laisser Rose-Marie en paix. Ce qu’il fait… parce que nous sommes dans un musical!
1.D.6) «The Cabaret Girl» (septembre 1922 - London)

Partitions de «Good Morning Dearie»
de «Good Morning Dearie» (1921)
The Cabaret Girl () est un musical en deux actes de Jerome Kern, avec un livret de George Grossmith Jr. et P.G. Wodehouse, créé en 1922 à Londres. Faisons une petite digression...
Comment se fait-il qu'un musical de Jerome Kern soit créé à Londres? Jerome Kern n’était pas un compositeur exclusivement tourné vers Broadway. Dès le début de sa carrière, il avait des liens avec la scène musicale britannique. Il a même travaillé à Londres en 1905, où il a adapté des opérettes européennes pour le marché britannique ou contribué à des spectacles du West End comme The Beauty of Bath () (1906) pour lequel ila composé une chanson justement avec le parolier P. G. Wodehouse). Dix ans plus tard, Kern et P.G. Wodehouse feront partie du trio qui créera les fameux musicals du Princess Theatre (). P.G. Wodehouse était au début des années '20 un célèbre écrivain britannique, sa plume vive et ironique correspondant parfaitement à l’univers du théâtre londonien. Il était donc normal qu'il se tourne vers Kern pour composer la musique d'un musical qu'il voulait créer à Londres.

Dorothy Dickson (Mailynn)
et Geoffrey Gwyther (Jim Paradene)
dans «The Cabaret Girl» (1922)
Le musical suit l’histoire de Jim Paradene, un jeune homme issu d’une riche famille aristocratique britannique. Au grand dam de ses proches, il tombe amoureux d’une chanteuse de cabaret, Marilynn, une jeune femme pétillante mais considérée comme indigne de son rang social. Pour prouver qu’il peut subvenir à ses besoins et qu’il ne dépend pas de son héritage, Jim décide de monter un spectacle de revue où Marilynn pourra briller. Cependant, ses plans sont contrariés par les membres de sa famille, qui veulent à tout prix l’éloigner de la jeune artiste. L’intrigue se complique à l'acte II avec l’arrivée de personnages excentriques, notamment un oncle grincheux, une fiancée imposée par la famille et des investisseurs peu fiables. Tandis que Jim lutte pour garder son spectacle à flot, Marilynn doit prouver qu’elle n’est pas qu’une simple "cabaret girl", mais une femme digne d’amour et de respect. Finalement, tout s’arrange dans un final joyeux et exubérant: le spectacle est un succès, Jim défie sa famille et reste avec Marilynn, qui se révèle être bien plus qu’une chanteuse légère.
Le livret de Wodehouse est rempli de dialogues spirituels et de situations burlesques. Ce musical est une satire sociale sur la rigidité de l’aristocratie britannique.
1.D.7) «The Bunch and Judy» (novembre 1922)

Partitions du musical
«The bunch and Judy» (1922)
The Bunch and Judy () est une comédie musicale américaine en deux actes composée par Jerome Kern, avec un livret et des paroles de Anne Caldwell. Elle a été produite à Broadway en 1922, mais elle reste aujourd’hui relativement obscure par rapport aux autres œuvres de Kern.
The Bunch and Judy () a ouvert à Broadway au Plymouth Theatre le 28 novembre 1922 et a tenu l'affiche 63 représentations seulement, ce qui était respectable pour l’époque, mais certainement pas un grand succès. Et on peut presque le qualifier de "Flop" pour une œuvre signée de Kern. Pourtant, le spectacle a été produit par Charles Dillingham, un important producteur de l’époque.
L’histoire suit Judy, une jeune femme vive et indépendante, star dans un musical. Dès sa dernière performance dans Love Will Find a Way, elle abandonne sa carrière et s’embarque pour l’Écosse afin d’épouser un noble anglais. Le mariage échoue lorsqu’elle et les amis snobs de son mari ne parviennent pas à trouver un compromis. Elle se rend à Londres, où elle tombe sur son ancien collègue, le premier rôle masculin du musical, Gerald Lane. En un rien de temps, elle se rend compte que Gerald a toujours été son véritable amour.
Aucune chanson de The Bunch and Judy () n’a vraiment survécu dans le canon des standards, contrairement à des œuvres de Kern comme Show Boat () (1927) ou Sally () (1920). La critique a été globalement positive, louant la musique de Kern, mais l’œuvre n’a pas marqué les esprits de manière durable. L'un des problèmes du musical était qu’il n’apportait rien de vraiment nouveau dans le paysage théâtral de l’époque, surtout comparé aux autres succès de Kern.
1.D.8) «Stepping Stones» (novembre 1923)

Programme de
«Stepping Stones» (1923)
Le musical suivant de Jerome Kern, Stepping Stones (), sera également produit par Charles Dillingham et aura un livret d'Anne Caldwell. Il a été créé à Broadway au Globe Theatre (aujourd'hui le Lunt-Fontanne Theatre), le 6 novembre 1923. Ce spectacle est relativement méconnu aujourd’hui, mais il a connu un succès notable à l’époque - 281 représentation, le musical fermant le 4 octobre 1924 - notamment grâce à sa star principale, Fred Stone, un acteur et danseur populaire qui avait déjà marqué Broadway avec des rôles dans des revues et des comédies musicales légères, dont The Wizard of Oz () en 1902. Stepping Stones () a été conçu pour lui, et mettait en avant ses talents de danseur et d’acrobate.
L’intrigue est essentiellement une version musicale des aventures de Roughette Hood (c’est-à-dire Le Petit Chaperon Rouge) (Dorothy Stone) avec Otto DeWolfe (Oscar Ragland), un méchant. Elle est sauvée du méchant en chanson, danse et comédie acrobatique par Peter Plug (Fred Stone), un garçon de courses et plombier sauvage de la Pampa!!!
La plupart des critiques ont consacré leurs premiers paragraphes à faire l’éloge de Dorothy Stone, âgée de dix-sept ans. Les clowneries et les acrobaties de Fred Stone ont été applaudies (pour sa première entrée, il sautait en parachute). Il faut dire que l’intrigue repose en grande partie sur les talents physiques et comiques de Fred Stone, qui était connu pour ses acrobaties et ses gags burlesques, et le spectacle mettait en valeur ses capacités de danseur et de clown. Les critiques ont aussi souligné la touche somptueuse et de bon goût du producteur Dillingham.
L’une des chansons notables du show est In Love with Love, qui a survécu au-delà du musical et a été interprétée par divers artistes. Contrairement à d’autres œuvres de Kern, Stepping Stones () reste une production de divertissement typique des Années Folles, avec des éléments de vaudeville.
Signalons que le spectacle a fermé à la suite d'une grève des acteurs. Avant de partir en US Tour...

Page centrale du programme du musical
«stepping stones» (1922)
1.D.9) «Sitting Pretty» (avril 1924)
Le musical suivant de Jerome Kern, Sitting Pretty (), a des paroles et un livret de P.G. Wodehouse et Guy Bolton. Et oui, le trio des musicals du Princess Theatre. Ce sera l'unique retrouvailles... Créé à Broadway le 8 avril 1924 pour 95 représentations seulements, il s’inscrit dans la tradition des comédies musicales légères et sophistiquées de l’époque.
L’intrigue suivait le riche M. Pennington (George E. Mack), qui voit l’adoption comme le moyen de poursuivre la dynastie familiale. À cette fin, il adopte Horace (Frye) et May (Gertrude Bryan) dans l’espoir qu’ils se marient et donnent naissance à des enfants dans la dynastie. Il ne sait pas que Horace est à la fois le neveu et complice de son oncle rusé Joe (Frank McIntyre) et que les deux ont l’intention de le plumer. Pendant ce temps, Horace tombe amoureux de la sœur de May, Dixie (Queenie Smith), et May est elle-même attirée par Bill (Rudolf Cameron), qui, à son insu, est le neveu rejeté de M. Pennington.
La musique de Kern brille par son élégance et sa subtilité mélodique. L'une des chansons les plus notables du spectacle est Bongo on the Congo, qui a fait sensation à l’époque.
1.D.10) «Dear Sir» (septembre 1924)
Avec quinze représentations, Dear Sir () de Jerome Kern est la plus courte série pour une œuvre musicale de la saison 1924-1925 et demeure l’une des partitions les plus obscures du compositeur. L’histoire semble assez amusante, et si elle n’incluait pas un personnage de Cendrillon ou un joueur de golf, au moins elle suivait quelques-unes des règles des musicals de l’époque en adhérant à la situation financière préférée du héros (riche: c'est le cas d’un millionnaire) et à l’emplacement de sa maison (exclusif: Long Island). Oui, Laddie Munn (Oscar Shaw) est un célibataire riche et bon vivant qui vit sur son domaine de Long Island, et il est moqué par la mondaine new-yorkaise Dorothy Fair (Genevieve Tobin), qui désapprouve son mode de vie démoniaque. Lors d’une vente aux enchères caritative, Dorothy accepte d’être le prix: pendant sept jours, elle travaillera comme femme de chambre pour le gagnant du concours. Bien sûr, Laddie est le gagnant, et bien qu’elle soit sa femme de chambre temporaire, nous savons qu’elle deviendra bientôt son épouse permanente.
Le New York Times a loué la "belle" partition "de première classe" de Kern et a noté qu’une grande partie était "presque certainement" destinée à devenir populaire. Et alors que P. G. Wodehouse n’était plus le parolier de Kern, le critique a loué le nouveau venu, Howard Dietz, pour ses paroles "exceptionnellement intelligentes". Le "divertissement agréable" a été présenté de façon "grandiose" avec un décor "magnifique" et des costumes "beaux", et le chorégraphe David Bennett a réussi à "obtenir plusieurs effets spectaculaires dans le travail en chœur".
Quoi qu'il en soit, 15 représentations (2 semaines), c'est un terrible flop...