A) 8 février 1943 - Les répétitions commencent
Le lundi 8 février, un peu plus d’une semaine après la fermeture de The Russian People au Guild Theatre, les répétitions pour Oklahoma! () ont débuté dans ce même théâtre. Après les discours habituels de bienvenue (de Lawrence Langner, au nom de la production, et du metteur en scène Rouben Mamoulian), la première après-midi a été consacrée à Rodgers et Hammerstein parcourant la musique. Dans un délai d’environ un jour, la liste des participants a été réduite — les ‘Equity rules’ (règles d’équité édictées par les syndicats) laissaient 5 jours aux producteurs pour confirmer les contrats une fois les répétitions commencées — et un certain nombre d’artistes ont été officiellement licenciés le 10 février. Vraisemblablement certains ne sont pas venu le 8 ou d’autres n’ont pas satisfait aux premières répétitions. Le 8 février également (par coïncidence, semble-t-il), Lynn Riggs a demandé un rapport:
«Green Grow semble être en création et je suis heureux… Je me demande si votre responsable de la publicité pourrait m’envoyer un relevé de presse sur Green Grow de temps à autre au fur et à mesure que les articles sortent — naturellement, j’aimerais savoir qui fait partie du spectacle, et ainsi de suite. Des amis m’en parlent à l’occasion, mais personne ne pense à m’envoyer des coupures de presse!»
Lynn Riggs à la Theatre Guild - 8 février 1943
Rappelons que Riggs était à ce moment-là dans l’armée et se sentait donc un peu hors du coup. Cela a suscité une réponse le 13 février, probablement de :
«Nous sommes entrés en répétition lundi et la vie a été chaotique depuis, mais la pièce se présente bien. Dick a fait de la belle musique et je pense que le livret d’Oscar a bien pris forme. Nous avons essayé de garder autant que possible l’esprit original, mais bien sûr un musical implique énormément de changements. Malheureusement, nous ne pouvons pas garder le titre, à cause des droits de la MGM, et après beaucoup de travail et de souffrances nous avons finalement obtenu l’accord de tous sur
“Away We Go!”
que, j’en suis sûr, vous n’aimerez pas du tout puisque Green Grow est dans votre sang, mais il a de l’action et de la gaieté et il est le seul qui a jusqu’à présent obtenu un vote majoritaire des six des sept juges impliqués.
Alfred Drake, qui joue Curly, va être excellent et a une belle voix. La jeune fille, Joan Roberts, a une belle voix mais elle n’est pas aussi bonne actrice que nous le voudrions. Betty Garde est une forteresse en Tante Ella. Howard da Silva va être bien comme Jud (votre Jeeter). Buloff sera, je pense, excellent en colporteur et Celeste Holm est un enchantement comme Ado Annie. Il y a un nouveau danseur comique ajouté au livret — il est amoureux d’Ado Annie — et est joué par Lee Dixon.
Agnes de Mille travaille les danses et je pense que cela produira des résultats qui seront à la fois plein d’humour et de beauté. Nous venons de recevoir une nouvelle chanson pour le dernier acte appelée Oklahoma, ce qui, je le sais, vous ravirait. Il demande à Joe Heidt de vous envoyer les extraits de peresse de temps à autre.
J’espère que vous aurez une permission pour voir le spectacle.»
Theresa Helburn à Lynn Riggs - 13 février 1943
Lawrence Langner a également daté la création de la chanson-titre au cours de la période de répétition (elle est présente dans le Projet 3B mais pas dans le Projet 3A):
«Pendant qu’Oklahoma! () était en répétition au Guild Theatre, Oscar et Dick écrivaient de nouvelles chansons sans aucun effort apparent pendant les répétitions, chaque fois que cela semblait nécessaire. Théresa et John Gassner, notre lecteur, ont suggéré qu’une chanson vibrante sur la terre serait utile dans le deuxième acte. Et un jour, Dick et Oscar se sont assis au piano où nous les avons entourés sur des bancs et des chaises: ils nous ont joué l’exaltante mélodie de la chanson Oklahoma!»
Lawrence Langner
Cependant, une info contradictoire raconte qu’Helburn est venue avec l’idée de la chanson dans un taxi partagé avec Hammerstein sur le chemin d’une audition pour les investisseurs (28 janvier). Il n’est pas toujours de savoir la vérité quant à la création de ce chef-d’œuvre.
Le rapport très serein qu’Helburn a envoyé à Riggs repris ci-dessus, cache évidemment beaucoup de choses. Mais, étant donné que tout le monde était maintenant sur place au Guild Theatre pour les répétitions, nous disposons de peu de documents écrits sur les événements au jour-le-jour, bien que des souvenirs écrits plus tard ou des interviews avec Agnes de Mille, George Irving, Celeste Holm, Alfred Drake, Bambi Linn et d’autres peuvent combler certaines de ces manques, même si (comme d’habitude) les témoignages à posteriori se contredisent parfois les uns les autres. Par exemple, il n’y aucun document qui confirme ou infirme la manière dont Hammerstein a forcé Jay Blackton à accepter d’être le chef d’orchestre d’Oklahoma! (), assez tard au cours des répétitions. Cependant, certaines histoires racontées par les participants qui pourraient être considérées comme incroyables (ou du moins exagérées) peuvent en fait être fondées sur des faits réels. George Church (qui jouait le rôle de Jud dans le Dream Ballet) a relaté l’histoire hilarante de la façon dont Mamoulian voulait du «grand spectacle» pour la dernière scène du show, en faisant venir un «honnête cowboy de l’Oklahoma» qui ferait un numéro de lasso. L’idée était que ce cowboy fasse tourner son lasso autour de Joan Roberts (Laurey) et d’Alfred Drake (Curly) pendant qu’ils chantaient Oklahoma, mais la corde a ligoté les chanteurs, puis, dans une autre tentative, Mamoulian lui-même, et le numéro a été oublié sans cérémonie.
B) La danse
Le comportement mesquin de Robert Mamoulian vis-à-vis d’Agnès de Mille et de ses danseurs figure en bonne place dans plusieurs récits des répétitions. Mamoulian avait tenté d’interférer lors de la sélection de certains danseurs, s’opposant par exemple à l’engagement de Bambi Linn, Joan McCracken et Diana Adams. Selon de nombreux témoignages, il a monopolisé la scène du Guild Theatre pour les répétitions des scènes de théâtre et des chansons, reléguant de Mille et son équipe dans le hall du théâtre, dans un grenier poussiéreux, ou au sous-sol, et probablement les trois pour des répétitions simultanées. Juste avant le début de la période de répétition, Helburn avait encore une vision ‘folk’ (au sens musique populaire traditionnelle américain) du spectacle. Le 6 février, Helburn a spontanément contacté Jack Hickisch, spécialiste de ce type de danses et venant de participer au National Folk Festival au Madison Square Garden en mai 1942. Helburn souhaitait intégrer au spectacle «une impressionnante danse country» et a signalé à Hickisch que tout ce qu’il pouvait conseiller «serait très utile à notre directrice de danse, Mlle de Mille». Helburn a également fait remarquer que «Les répétitions commençant la semaine prochaine, le temps presse». L’idée première de de Mille était peut-être de reprendre l’une des scènes de son dernier ballet, Rodeo, par exemple un numéro de «square dance» rythmé par des claquements de mains et de pieds. Hickisch a répondu en envoyant une liste manuscrite de différentes routines et un enregistrement. Le 9 mars, Helburn a adressé des excuses à Hickisch:
«Je suis terriblement désolée d’avoir tardé à vous écrire, mais j’ai été prise par la production de Green Grow the Lilacs, et comme le musical a pris forme, nous avons constaté que nous ne pouvions utiliser aucune de vos routines et que le numéro entier devrait être chorégraphié et chanté.»
Theresa Helburn à Jack Hickisch
Helburn lui a proposé d’envoyer un chèque pour couvrir les coûts, et l’a invité au spectacle quand il aurait ouvert. Hickisch a demandé qu’elle fasse un don à la Croix-Rouge, nous sommes en pleine IIème guerre mondiale. La Guild a envoyé 25$. Toute cette discussion concerne certainement The Farmer and the Cowman, pour lequel de Mille avait préféré demander l’aide de May Gadd de l’American Country Dance Society (lui aussi impliqué dans le National Folk Festival de 1942) pour la conseiller dans des pas appropriés. Pas évident tous ces «conflits d’intérêts».
Malgré la ferme volonté d’Agnes de Mille de chorégraphier toutes les danses et le Dream Ballet à la fin novembre-début décembre 1942, une grande partie de la chorégraphie semble avoir été mis au point pendant les répétitions. Plusieurs des danseurs (dont Bambi Linn et Marc Platt) se souviennent de sa méthode leur demandant d’explorer le mouvement, d’essayer des gestes, et de construire progressivement une séquence: ils se souviennent aussi, avec une certaine affection, de la physicalité du processus, et ont partagé une dévotion absolue à l’encontre d’Agnes de Mille pour son approche innovante et libératrice de la danse. Kate Friedlich a également raconté comment elle a perdu le rôle de la «fille qui tombe» dans le ballet Many a New Day, rôle qui a été confié à Joan McCracken. Quelle en est la raison? Elle a simplement manqué deux jours de répétition pour cause de maladie - maladie qui semble avoir affecté bon nombre des acteurs en raison du froid de février. L’agent de McCracken, Audrey Wood, a demandé que l’on mentionne dans le programme ce rôle joué par sa comédienne, ce qui fut fait pour les Try-Out de Boston.
Mais c’est le Dream Ballet qui semble avoir subi le plus de modifications durant les répétitions. Une liste des costumes datant de début février comprend par exemple un costume pour le dans le Dream Ballet (il n’apparaît plus dans la version finale). Les costumes des cinq «filles de cartes postales» (matérialisation des cartes-postales érotico-pornographiques de Jud) étaient inclus dans les dessins originaux, semble-t-il (ce qui contredit le récit ultérieur de de Mille selon lequel elles ont été ajoutées pendant les répétitions), mais d’autres ajustements ont été apportés aux costumes au moment où le ballet avait déjà atteint sa forme définitive: des capes et des chapeaux pour cinq filles ont été ajoutés, le 24 février.
Mais quand a été créé-répété ce Dream Ballet? Selon Elaine Anderson (l’assistante du metteur en scène), le Dream Ballet et quelques autres numéros de danse ont été présentés sur scène au reste de l’équipe un dimanche, probablement le 21 février. Selon de Mille, le Dream Ballet a pour la première fois été montré lors d’un filage (enchaînement en répétitions des scènes les unes aux autres) le 22 février, ce qui aurait mené à la demande de ces capes additionnelles.
L’introduction du Dream Ballet a également été retravaillé. On passe par différentes phases:
- dans le Projet 2 (novembre 1942), on y trouve encore le colporteur (dont une chanson When I Go Out Walkin’ with My Baby), Ado Annie, Tante Eller (qui propose d’aller au gala de charité avec Jud) et Laurey
- dans le Projet 3A, on retrouve toujours When I Go Out Walkin’ with My Baby mais la chanson d’introduction au ballet est passée de How Would It Be à You are a girl who knows what she wants à finalement quelque chose qui ressemble au Out of My Dreams définitif, mais avec les filles en coulisse.
- dans le Projet 3B (dès les premières répétitions), Ado Annie et le colporteur (et sa chanson When I Go Out Walkin’ with My Baby qui finira quelques années plus tard dans State Fair ()) sont retirés de la scène mais on y retrouve toujours l’échange entre Tante Eller et Laurey. Laurey lui dit alors de partir: «Les lumières changent. La musique s’installe. Quelques figures sombres apparaissent et bientôt un groupe de filles entoure Laurey. Doucement, ils commencent à chanter» menant à la version de l’époque de Out of My Dreams.»
- le Projet 3B-script E de Mamoulian (une version du Projet 3B auquel le metteur en scène a apporté de nombreuses modifications) se dirige vers quelque chose qui se rapproche de la version finale, sans Tante Eller et, au lieu de cela, les filles sur scène depuis le début de la scène, racontant l’avenir de Laura. Ce Script E comporte également une annotation au crayon, «Drop», ce qui signifie probablement que Mamoulian prévoyait de jouer cette partie de la scène à l’avant de la scène ce qui permet un vrai contraste avec le Dream Ballet qui va suivre, et prendre possession totale de la scène. Très pratique, même si cela signifiait une autre révision de la liste des costumes (les voiles pour les huit filles étaient un autre ajout tardif et coûtaient 35$ chacun).
Nous savons que nous en étions à ce stade-là le 24 février car, dans ses notes sur la répétition de cette journée, Helburn à marqué avoir assisté à la mise en scène du groupe de femmes entourant Laurey dans la scène Out of My Dreams.
Cet ensemble d’événements autour 21-24 février suggère que de Mille était proche de son objectif de créer toutes les danses durant les deux premières semaines de répétition. Ses exigences semblent avoir exaspéré Mamoulien et même, semble-t-il, Helburn elle-même. Agnes de Mille, à son tour, a affirmé que Rodgers était une source importante de résistance. Selon son autobiographie, de Mille a également écrit à son fiancé, le 23 février, que «la désorganisation, la démoralisation et la confusion» s’étaient installées, même si elle était de meilleure humeur le lendemain (après une autre répétition, semble-t-il):
«Presque toutes les danses importantes sont créées, il ne reste quelques morceaux à finaliser. Je n’ai jamais travaillé aussi vite de ma vie. J’ai créé 40 minutes de ballets en moins de trois semaines. La troupe est ravie. Rodgers m’a mis la tête sur l’épaule cet après-midi et m’a dit: «Oh, Aggie, tu me réconfortes tellement à mon âge avancé.» Et Marc Platt, mon danseur vedette, a dit ce soir: «En toute simplicité, je n’ai jamais travaillé avec quelqu’un que je respectais plus que vous.» Katya a fait un succès. J’ai découvert deux filles qui vont être des sensations, mes deux danseurs principaux sont des hommes et aussi le régisseur, donc les répétitions sont animées et gaies. Nous vivons dans le sous-sol. Je vois la lumière du soleil seulement vingt minutes chaque jour. La poussière des tapis non aspirés du Guild Theatre nous a tous rendus malades, et j’ai vidé trois Thermos de café cet après-midi. J’ai l’air horrible. Mince, vieille et rigide. Une rumeur est descendue de l’étage, où les adultes travaillent, que Mamoulian (Mamoo, on l’appelle) avait fait quelque chose de bon à onze heure trente.!»
Agnes Helburn
Le travail va être colossal. Un autre point majeur de difficulté est la problématique, dont nous avons déjà parlé, de savoir comment gérer l’attaque de Jud sur Curly, que ce soit en mettant le feu à une botte de foin ou à la maison de Laurey, ou juste dans un combat au couteau. Les notes de répétition de Helburn concernant la répétition du 24 février semblent faire référence au «feu» dans le deuxième acte, laissant entendre que la question était encore en évolution. Nous ne pouvons ici reprendre tous les questionnements et leurs résolutions.
C) 8 février - 11 mars 1943: 4,5 semaines de répétitions ... et de création!
Pendant les deux premières semaines de répétition, les répétitions se sont organisées scène par scène, séparément. Certains artistes se sont plaints de devoir rester en stand-by alors qu’on ne répétait pas leurs scènes.
La tendance semble avoir changé dès la troisième semaine de répétitions. Des filages ont eu lieu les lundi 22, mercredi 24 et vendredi 26 février, le reste du temps permettant de repenser, réviser et retravailler les points faibles qui sont apparus. Il y a eu un autre filage le mardi 2 mars, que Langner a qualifiée de «répétition générale», bien que ni les costumes ni les décors n’aient encore été mis à la disposition des acteurs; c’était probablement cette répétition que Rodgers a décrite dans son autobiographie («une répétition au début de mars sans costumes et décors») à la fin de laquelle sa femme Dorothy a déclaré: «C’est le meilleur spectacle musical que j’ai jamais vu».
Il y a eu un «essayage-costumes» à la Brooks Costume Co. le 4 mars pour essayer les costumes et permettre des ajustements: Langner a souhaité abaisser le décolleté des robes, tandis que certaines des couleurs devaient être adoucies. «Vous ne pouvez pas supprimer ces chemises rose-salope?», a demandé Lem Ayers. «Ils détruisent mon décor».
La troupe n’a pas pu répéter dans les décors avant le début des répétitions au Shubert Theatre de New Haven. Le décor devait cependant être finalisé le 6 mars pour pouvoir être déménagé à New Haven dans le Connecticut le 7, la première étant fixée au 11 mars! Et il restait encore beaucoup à faire.
D) Choisir un titre
La question du titre n’était pas la moins importante des questions à résoudre. Green Grow the Lilacs était impossible en raison des droits cinématographiques détenus par la MGM, bien qu’il ait été régulièrement utilisé comme titre de travail dans la correspondance de la Guild jusqu’au début de février 1943. Le titre original de Hammerstein, Oklahoma! (dans le Projet 2), n’a pas été très apprécié, et les brainstormings organisés au sein de la Theatre Guild n’ont porté que peu de fruits, notamment In Jig Time, Dancin’ Party, Singin’ Pretty, Jump for Joy, Laurey and Me et Swing Your Honey.
Le 13 février 1943, un titre est sorti du lot, inspiré par une routine de square-dance: Away We Go!. Dès le 15 février, le spectacle a été annoncé sous ce titre. Enfin, dans certain documents le point d’exclamation a disparu et sur certaines affiches provisoires, on a retrouvé And Away We Go!. Mais même après avoir décidé que ce titre servirait au moins pour les Try-Out de New Haven et Boston, Helburn a continué à chercher des alternatives, comme elle l’a écrit à Lynn Riggs le 2 mars 1943:
«Avez-vous des idées de titres qui auraient plus de qualités que Away We Go! et pourtant une gaieté et une légèreté qui conviendraient à une version musicale? Nous ne pouvons pas utiliser Green Grow the Lilacs à cause des droits cinématographiques comme vous le savez, et nous n’utilisons pas la chanson Green Grow dans le musical. Nous avons imaginé de nombreux titres dont Oklahoma et Sing Oklahoma, etc., mais les gens ont l’impression que «Oklahoma» est trop lourd. Nous aimerions quelque chose qui aurait la qualité de la terre ou du soleil et en même temps quelque chose d’heureux. Il me semble que vous étiez très doué pour les titres, et peut-être que vous aurez une idée brillante.»
Helburn ajoute un post-scriptum:
«Nous pourrons changer le titre pour New York mais les infos sont déjà diffusées pour New Haven où nous ouvrons le 11 mars et Boston où nous ouvrons le 15 mars. Le spectacle s’améliore chaque jour. On en reparlera plus tard.»
Agnes Helburn
Certains critiques de presse, lors des représentations de Boston, ont signalé les intentions de changement de titre vers Oklahoma. La Guild l’a annoncé par communiqué de presse juste avant le 16 mars; ce titre a continué d’être utilisé dans les communiqués de presse de la Guild jusqu’au 22 mars. Le point d’exclamation est apparu dans la première publicité pour le spectacle dans le New York Times du 24 mars. Selon Helene Hanff, son ajout a été communiqué par téléphone par Helburn à Boston à Joseph Heidt, l’attaché de presse de la Guild, à New York, forçant le bureau à faire des modifications manuelles à dix mille communiqués de presse et autres documents publicitaires.
E) La publicité du spectacle
Il y avait des incohérences semblables dans le slogan appliqué au spectacle :
- «A musical comedy» dans les Try-out de New Haven et de Boston
- «A musical play» à Broadway
Le bureau de presse de la Guild avait envoyé à la presse un flot constant d’informations sur Green Grow the Lilacs depuis sa première annonce officielle publiée le 23 juillet 1942, et le rythme s’est accéléré à partir de la mi-janvier 1943, quand le spectacle est devenue concret et qu’il fallait susciter l’intérêt.
Des photographies ont commencé à paraître dans la presse :
- des danseurs dans le PM (quotidien de New York) le 27 janvier
- Celeste Holm dans le New York Herald Tribune le 10 février 1943
On retrouve aussi des informations factuelles sur le ‘work in progress’, sur le casting, … Puis petit ces informations ont cédé la place à des déclaration d’intentions concernant ce qui était étiqueté dans les publicités comme le «plus grand spectacle musical depuis Show Boat ()».
Des articles sont parus dans la presse de Boston vers la fin de février 1943 décrivant le choix de Sherry Britton pour jouer le rôle de Lotta étaient un peu malvenus puisque le rôle a été supprimé durant les répétitions. L’article soulignait que cette actrice charmante, habituée de l’Old Howard et du Globe Theatre ici à Boston, était une star burlesque bien connue. En fait du burlesque, elle dira: «Je méprisais le Burlesque». Elle était une de ces nombreuses actrices cherchant à intégrer le «théâtre légitime» (l’exemple le plus connu est de ces actrices est Gypsy Rose Lee dont les mémoires furent adaptées en musical: Gypsy ()). Rappelons que Lotta était une séductrice mexicaine qui poursuivait Will Parker pendant une partie du spectacle avant d’épouser le colporteur. Les échos de l’expérience de Will dans la «burlesque» à Kansas City étaient irrésistibles… mais tout cela – y compris le rôle de Lotta – disparut en répétitions. Mais, plus important, ce genre d’articles gênaient la Guild car ils ne donnaient pas du tout une image réelle de ce qu’était en train de devenir Oklahoma! ().
Helburn a elle-même fourni des notes pour le service de presse d’Oklahoma! (), voulant attirer l’attention sur d’autres faits, beaucoup plus importants que la présence ou non d’une «actrice locale de Burlesque»:
- le spectacle était attrayant en raison de ses caractéristiques américaines
- le spectacle proposait une musique nouvelle et différente du genre de musique et de la période de l’histoire américaine à laquelle Green Grow the Lilacs est associé
- la fierté ressentie pour «cette production révolutionnaire de la Guild», d’avoir retravaillé avec Richard Rodgers, rappelant que la Guild avait découvert cet artiste majeur en produisant Garrick Gaieties ()
- Hammerstein était un collaborateur idéal parce qu’il se souciait de la musique
- la Guild avait casté une distribution d’artistes frais et neufs, dont la qualité première était le jeu théâtral, bien avant la performance dans des musicals
- l’orchestre de 28 pièces était inhabituel pour les spectacles de Broadway
Tous ces éléments vont commencer à paraître dans les journaux (Il semble que le New York Morning Telegraph du 19 février ait été le premier à mentionner «l’un des plus grands orchestres des saisons récentes – 28 pièces »), et a été repris globalement le 31 mars:
«On s’attend à voir ici ce soir quelque chose s’écartant un peu de ce qui se fait habituellement dans le monde des musicals, avec l’ouverture au St. James Theatre d’Oklahoma! (), la version musicale de la pièce de Lynn Riggs, Green Grow the Lilacs. Le spectacle a été créé directement pour Broadway et la plupart des personnes liées à cette créations sont des vieux briscards dans le monde du spectacle, la production a des caractéristiques si inhabituelles comme un orchestre de 28 pièces (très grand pour un musical), un généreux saupoudrage de jeunes diplômés de la Juilliard School of Music et diverses écoles de ballet, et des gens comme Agnes de Mille, à la chorégraphie et le réalisateur Rouben Mamoulian à la mise en scène.
Ce que Richard Rodgers, qui a écrit les musiques, Oscar Hammerstein II, qui a écrit le livret et les paroles, et Mamoulian essaient de faire c’est bien de créer une œuvre s’approchant d’une opérette folk. Le livret comprend un méchant, «Sois maudis, Jack Dalton», sorte d’intrigue qui laisse beaucoup de place pour les Square Dances du Wild West, de la guitare, et des combats à mort. Il permet également les décors colorés de Lemuel Ayers et les costumes par Miles White qui jouent de jupons et de chapeaux de cow-boys.
Oklahoma! () a ouvert ses portes out-of-town [en Try-Out hors de Broadway] le 11 mars et arrive à New York après un «Trt-Out» de seulement 20 jours — une sorte de record pour un si grand spectacle musical. Et cela, comme vous le diront les sages oiseaux de Shubert Alley, est un bon signe.»
«‘Oklahoma!’ New Musical, Plays Up Homespun U.S.A.» PM, 31 Mars 1943
Joseph Heidt, l’attaché de presse de la Guild, a également organisé des entretiens avec des personnages clés du spectacle: Rodgers et (surtout) Hammerstein ont été largement cités dans les journaux lors des Try-Out puis à Broadway: Christian Science Monitor le 3 mars, le Boston Herald le 13, le Boston Morning Globe et le Boston Post le 14, et le New York Post le 29.
En privé, cependant, Oscar Hammerstein semble s’être inquiété de la manière dont le spectacle allait être reçu, comme le montre une lettre du 27 février de son fils, Bill Hammerstein (dans la marine), à qui il parlait régulièrement de l’avancement de la création:
«Tes propos sur les répétitions me donnent le mal du pays. À propos de Jake [Schwartzdorf]—je croyais que vous étiez insatisfait de son travail sur Sunny River (). Tu l’as dit à l’époque. Je pense que ton analyse de son état d’esprit est tout à fait exacte et s’il pouvait s’habituer à penser en grand, il serait un meilleur chef d’orchestre — parce que je crois qu’il est capable et un bon musicien —, il ne faut pas se fier à son goût et à son jugement.
Ta diatribe contre les auditoires actuelles est tout à fait justifiée — mais je crois que c’est en partie la faute des producteurs, des auteurs, des compositeurs et des éditeurs, qui ont délibérément baissé la norme. Et ton collaborateur actuel a été l’un des pires délinquants — cette série de Minstrels vides et désœuvrés qui lui ont valu tant de succès au cours des dernières années a donné le ton pour le reste d’entre eux. Ce sera peut-être son jugement qui servira d’équilibre et qui vous assurera un succès financier avec le spectacle — non pas que je ne voudrais pas que tu aies ta propre façon de voir les choses. Mais quoi qu’il arrive, je te souhaite de tout cœur un grand succès et j’espère que tu aimeras en être fier.»
Bill Hammerstein à son père, Oscar Hammerstein II
Malgré cela, et Hammerstein étaient assez confiants pour que la Marlo Music Corporation imprime les partitions des chansons du spectacle qu’ils croyaient susceptibles de connaître le plus de succès sur le marché. Les droits suivants ont été enregistrés
- le 12 mars 1943
- Boys and Girls Like You and Me (EP 112380)
- The Surrey with the Fringe on Top (EP 112381)
- Oh, What a Beautiful Mornin’ (EP 112382)
- People Will Say We’re in Love (EP 112383)
- Many a New Day (EP 112384)
- le 29 mars 1943
- Oklahoma (EP 112749)
- le 27 avril 1943
- Out of My Dreams (EP 113472)
- le 19 juillet 1943
- I Cain’t Say No (EP 115168)
La Guild reçoit une redevance de deux cents par exemplaire, conformément à l’accord signé avec Chappell and Co. le 4 février 1943.
Nous verrons que c'est la dernière fois que Rodgers et Hammerstein céderons leurs droits à des ayants-droits extérieurs...()