6.
1927 - Show Boat



 7.1.C.
Le cinéma musical envahit les États-Unis

 7.2.
Les revues de
l'après Ziegfeld

 8.
1943 Oklahoma!

A) «La prospérité est au coin de la rue»

La Révolution industrielle a créé d’innombrables fortunes, mais a aussi apporté à une grande partie de la population une indépendance financière. Bien sûr, comme souvent en économie, il y a eu des cycles où les périodes fastes succédaient aux récessions et réciproquement. Mais il n’y avait jamais eu une descente aux enfers planétaire comme celle qui a suivi le krach de Wall Street de 1929. Des milliards de dollars ont tout simplement disparu de l’économie mondiale, ainsi que des millions d’emplois.

En 1932, plus de douze millions d’adultes aux États-Unis n’avaient pas de travail. Le taux de chômage dépassait les 30% et ceux qui travaillaient encore avaient des salaires très réduits. Le revenu moyen annuel était tombé à 1.600$. Parmi les plus de 500 millionnaires de 1929, seuls une vingtaine pouvaient encore être qualifiés de tels en 1932.

Dans les années ‘20, Ziegfeld et d’autres ont pu mettre sur scène des centaines de magnifiques femmes portant des costumes spectaculaires faits de la plus belle soie et de dentelles importées, les parant de coiffures et de bijoux coûteux au milieu de décors opulents et spectaculaires. Les orchestres étaient constitués de très nombreux musiciens et les stars étaient coûteuses. Dans un marché qui permettait des prix de billets élevés et des séries plus longues, les producteurs étaient raisonnablement en mesure de recouvrer leurs investissements et leurs coûts. Mais le krach de ’29 a provoqué une baisse drastique du nombre de spectateurs et a donc entrainé une baisse des prix de billets. Les grands spectacles typiques des années ’20 allaient devenir des souvenirs..

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Hooverville à Seattle (Seattle Times archive)

Herbert Hoover (président des ETats-Unis de mars 1929 à mars 1933) a pourtant assuré à plusieurs reprises que : «Prosperity is just around the corner.» Mais la prospérité n’est pas revenue. Là où les crises économiques précédentes duraient au plus un an ou deux avant le retour de la prospérité, la Grande Dépression s’est étirée pendant plus d’une décennie. Certains ont construit des cabanes de fortune dans des terrains vagues ou des parcs publics, baptisés «Hoovervilles». C’était une période désespérée.

Comment les comédies musicales de Broadway ont-elles pu survivre à ce carnage?

B) Les Shubert en faillite pour mieux rebondir.

A la fin des années ’20, comme nous l’avons vu (), au regard du nombre de théâtres possédés, les frères Lee et Jacob Shubert étaient les «rois de Broadway» et ils possédaient ou géraient plus de 1.000 théâtres aux États-Unis. Au début des années ’30, ils ont été contraints d’organiser une réunion conjointe avec leurs avocats et leurs comptables. Ces spécialistes leur ont unanimement conseillé de vendre au plus vite leurs salles de spectacle. Les Shubert ont refusé de laisser disparaître l’œuvre de leur vie. Au lieu de cela, ils ont déversé des centaines de milliers de dollars personnels pour renflouer leur entreprise espérant la maintenir à flot. Malgré cet optimisme, la Dépression s’est poursuivie et s’est aggravée jusqu’à ce qu’un tribunal déclare les Shubert en faillite et leur ordonne de vendre leurs théâtres

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Lee Shubert

Mais contrairement à la plupart des hommes d’affaires ruinés, Lee Shubert avait un plan … secret, et pas totalement avouable. Lorsque la vente aux enchères a eu lieu suite à la faillite de l’empire Shubert, sur les marches du tribunal du comté de Manhattan, il n’y avait qu’un seul soumissionnaire. Un empire théâtral évalué à 25 millions de dollars a été acheté pour seulement 400.000$ par «Select Theatre Incorporated», une nouvelle société appartenant exclusivement à Lee Shubert. C’est ainsi qu’il prit seul le contrôle de l’empire familial, faisant de son frère Jacob un employé frustré à vie, seule la mort mettra une fin à leur querelle. Quoi qu’il en soit, un Shubert restait propriétaire de la plupart des théâtres du pays.

Pendant une brève période, Lee Shubert a été vu par l’entièreté de la profession comme un héros: le parc théâtral était sauvé. Mais très vite, il s’est montré plus impitoyable en affaire que jamais, et son image s’est évanouie, et il a été plus méprisé que jamais. Mais tant qu’il restait l’homme le plus puissant du théâtre américain, Lee Shubert ne se souciait pas d’être aimé ou détesté.

 


Le long cauchemar de la Grande Dépression n’a pas empêché les années '30 d’être une décennie très intéressante pour le théâtre musical. Même si le nombre de nouvelles œuvres produites est beaucoup plus faible que lors de la décennie précédente, les meilleures étaient de vrais grands divertissements. Les revues n’ont pas disparu, mais ont dû s’adapter: elles sont devenues plus petites, mais plus drôles. Les musicals ont été mieux construits, en développant de vraies cohérences artistiques. Et les opérettes ont été plus spectaculaires que jamais. Les séries sont devenues plus courtes, mais il y avait suffisamment de spectateurs payants pour maintenir le théâtre musical en vie, mais à peine.

Broadway était «sous perfusion» mais pas mort.