4.
1866 - «The Black Crook», première création américaine

 5.10.
La première guerre mondiale


 5.11.B.
Les musicals du Winter Garden Theatre

 5.12.
Irving Berlin (II)

 6.
1927 - «Show Boat»

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Al Jolson
(1886-1950)

Le talent d'Al Jolson n'a été surpassé que par son ego. Il a été l'une des rares stars du Vaudeville qui n'a jamais joué au Palace Theatre de New York (théâtre ouvert en 1913 et qui a permis de lancer énormément de stars du Vaudeville), il était déjà célèbre avant son ouverture et ne jouait plus de Vaudeville. Un soir, quand ses collègues l'ont moqué à ce sujet, Jolson a répondu: «Je peux vous dire la date exacte à laquelle j’irai au Palace, le jour où Eddie Cantor, Groucho Marx et Jack Benny seront tous trois à l’affiche. Je rachèterai le théâtre, je m’assoirai dans la salle pour crier: "Allez, les esclaves, divertissez le Roi."» S'il était prêt à appeler des amis de longue date ses «esclaves», imaginez ce qu'il pouvait dire de ses ennemis?

Comment savons-nous qu'Al Jolson (1886-1950) était «le plus grand artiste du monde»?

  • Les frères Shubert, qui n'ont jamais fait l'éloge de personne à la légère, ont été les premiers à le dire.
  • Les critiques et les autres artistes sont d'accord, tout comme des millions de fans.
  • Mais personne n'y a cru autant que Jolson lui-même.

Et avec raison. La carrière de Jolson a fait un long trajet: Minstrels Shows, Vaudeville, Broadway, Hollywood, les disques et la radio. Une carrière aussi vaste exige de la considération dans une approche de l'histoire du théâtre musical.

A) Une jeunesse musicale

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Zydu gatve (la rue des Juifs) à Vilnius

Par un oukase du 23 décembre 1791, l’Impératrice Catherine II et le gouvernement tsariste russe ont forcé presque tous ses citoyens juifs à s'installer dans la «Zone de Résidence» (en russe : Черта оседлости — tcherta osedlosti), une région qui s'étendait de la Lituanie à l'Ukraine. En plus, dans ces régions, les Juifs devaient résider dans des communautés séparées des autres habitants. Dans les villes, les colonies juives étaient appelées «ghettos»; dans les petites villes, ils étaient connus sous le nom de "shtetls". Quelle que soit leur taille, ces communautés étaient autonomes, avec leurs propres installations éducatives et médicales.

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'RMS Umbria' - le bateau de la Cunard
qui a transporté la famille Yoelson en Amérique.

Pendant les émeutes connues sous le nom de «pogroms», les biens et les vies des juifs ont été détruits avec l'approbation et la participation occasionnelle des autorités tsaristes. Selon Nicolas Werth, on estime à 150.000 le nombre de victimes juives de pogroms entre 1918 et 1922. Pour les fuir, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, des millions de Juifs russes émigrèrent aux États-Unis, dont beaucoup joueront des rôles importants dans le show-business américain.

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Le jeune Asa Yoelson

Asa Yoelson est né dans le shtetl lituanien de Seredzius. Il était le plus jeune des quatre enfants du rabbin Moishe Yoelson et de sa femme Naomi. Quand Asa avait quatre ans, son père a émigré seul aux États-Unis pour fonder un nouveau foyer pour sa famille. Quatre ans plus tard, après avoir été embauché comme rabbin par la Talmud Torah Congrégation à Washington, il a fait aussi émigrer sa femme Naomi et ses enfants. Mais quelques mois après leur arrivée, Naomi mourut d'une maladie non identifiée. Moishe dut élever seul une famille qu'il connaissait à peine. Ses filles étaient «sages», mais par contre, les garçons, Asa et son frère aîné, sont entrés en rébellion totale avec leur père. En fait, ils sont tombés amoureux de la culture populaire américaine, se faufilant dans le Vaudeville et les théâtres burlesques. Les tentatives de former ses garçons pour lui succéder dans l’exercice de la foi se sont avérées futiles.

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Le trio «Jolson, Palmer and Jolson»

Déterminés à entrer dans le show-business, ils ont changé leurs prénoms en Al et Harry, et américanisé leur nom de famille en «Jolson». Les garçons ont enchaîné les fugues, mais leur père les a toujours accueillis de retour. En 1903, les frères ont formé un numéro de Vaudeville, «The Hebrew and the Cadet», puis, en 1904, se sont associé avec le comédien Joe Palmer pour créer un numéro de Burlesque, «A Little Bit of Everything». Leur trio se présentait sous le nom de «Jolson, Palmer and Jolson». Al était presque paralysé d'effroi en scène - cela l'accablera toute sa vie. En plus, leur producteur a fait faillite.

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Jolson en Blackface (env 1909)

Il a alors suivi un conseil, celui de jouer en Blackface (forme théâtrale américaine ou un comédien blanc se grime le visage avec du liège brûlé pour incarner une caricature stéréotypée d’une personne noire; principalement dans les Vaudevilles et les Minstrels Shows).

Se camouflant derrière ce «masque noir», Al est venu à bout de ses angoisses et a pris possession de la scène. Très vite, Al a commencé à jouer seul. Toute leur vie durant, Al et son frère auront une relation amour-haine. Une ressemblance vocale et physique claire rendait les comparaisons inévitables, et Harry n'a jamais pu échapper à n’être que «le frère d'Al Jolson».

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Séisme de 1906 à San Francisco

Al Jolson a été l'un des premiers artistes à jouer à San Francisco après le tremblement de terre dévastateur et l'incendie de 1906. Le théâtre dans lequel il devait jouer avait été détruit, de sorte que la direction avait mis en place une tente dans un terrain voisin. Avec le bruit d’une ville en reconstruction, aucun des interprètes ne pouvait être entendu correctement dans cette tente improvisée, sauf Jolson, vu sa voix puissante. On l’a vu courir au milieu du public, sauter sur une chaise, et s'écrier: «Et vous n'avez encore rien entendu!» Son énergie et son panache ont électrisé le public. Jolson est devenu le favori de la ville et a été promu au statut de tête d'affiche. Bientôt, en toute confiance en lui, il fait publier dans Variety une publicité peu équivoque: «Al Jolson... Vous ne le connaissez pas? ... Vous allez le connaître!»

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Al Jolson est devenu une tête d'affiche chez les Dockstader's Minstrels

Après deux ans de célébrité dans le Vaudeville, une page va se tourner. Lew Dockstader, imprésario et star de son propre Minstrel Show, le dernier et le plus célèbre de son genre, a vu Jolson en action et l'a engagé dans sa célèbre troupe. Mais Dockstader était la star de la troupe. Il a cependant dû céder à Al le numéro de clôture parce que ce dernier avait pris aux yeux des spectateurs la place de vedette du show. Il était temps pour lui de devenir une tête d'affiche à part entière de Vaudeville à New York, et comme parfois les choses sont bien faites, l’agent Art Klein a contacté Jolson. La stratégie de Klein a emmené Al directement dans le Fifth Avenue Theatre, où, après une seule représentation, il avait remplacé Louise Dresser en tête d'affiche.

Il a joué une série de numéros solos de Vaudeville dans l’«Orpheum Circuit» (chaîne de théâtre de Vaudeville: 45 théâtres dans 36 villes) puis est retourné chez Dockstader pour une tournée en 1909. C'est à cette époque que Jolson a commencé à siffler sur scène, pour ponctuer des chansons et des gags. Cela restera une constance tout au long de sa carrière. Il a également travaillé en étroite collaboration avec le musicien Harry Akst, qui est devenu l'accompagnateur personnel de Jolson, sélecteur de chansons et un compagnon personnel. Les critiques s'extasiaient sur l'interaction de Jolson avec le public et son interprétation du Alexander's Ragtime Band () d'Irving Berlin a époustouflé tout le monde.

Mais Al montrait déjà des signes de l'ego colossal qui le marquerait pour le reste de sa vie. Lorsque Florenz Ziegfeld a demandé à l’auditionner pour les Follies, Jolson a refusé. La plupart des interprètes auraient sauté sur une telle occasion, mais Jolson a insisté sur le fait qu'il n'avait jamais auditionné pour personne. Jolson repart en tournée avec l’«Orpheum Circuit» en 1910 puis joue un engagement de vaudeville au Victoria Theatre d’Oscar Hammerstein I à New York en février 1911. Les frères Shubert ont vu une opportunité, et ils ont signé avec Jolson un contrat d’exclusivité… Jolson est l'une des rares stars à pouvoir se montrer plus rusée que les Shubert.