Tous ceux qui pensent que Show Boat () ou Oklahoma! () ont été la première œuvre théâtrale à intégrer la musique et le dialogue se trompent de près de …. deux mille ans. En fait, au tout début du théâtre dans la Grèce Antique, les premiers pièces jouées étaient des « comédies musicales » qui utilisaient le dialogue, le chant et la danse comme outils de narration intégrés.
Vous ignoriez que les tragédies classiques et les comédies de la Grèce Antique étaient en quelque sorte des «comédies musicales»? Pas étonnant! Beaucoup d'histoires savantes du théâtre ne mentionnent même pas l'existence des musicals, de sorte que la dernière chose qu'ils admettraient, c'est que le théâtre a commencé en tant que théâtre musical. Certains historiens tentent de contourner ce problème en classant les premiers drames grecs comme du « théâtre lyrique ». C'est juste une autre façon de dire « théâtre musical ».
Eschyle, Sophocle et Aristophane n'étaient pas seulement des dramaturges; ils étaient aussi compositeurs et paroliers. Lorsque vous envisagez la naissance du théâtre musical, n'imaginez pas les lumières vives de Broadway ou de Londres, pensez à une colline ensoleillée à Athènes, cinq siècles avant notre ère.
À cette époque, Athènes était une ville-État prospère avec une population d'environ cent mille habitants, avec des liens commerciaux qui s’étendaient de la Méditerranée à l'Asie intérieure. Elle a été l'un des centres d'affaires et culturels du monde antique.
Au Vème siècle av. J.-C., l'Acropole, la roche massive à sommet plat qui domine la ville, était ornée d'une collection de temples et d'autres bâtiments publics, dont le premier théâtre en pierre au monde, une structure semi-circulaire en plein air taillée dans la base sud de l'Acropole. Ce théâtre était un lieu dédié au dieu Dionysos.
Les Grecs avaient une tradition, remontant à l'époque préhistorique, d'honorer Dionysos avec des performances chorales. Ces récits musicaux de contes mythologiques étaient connus sous le nom de «dithyrambe»: hymne religieux chanté par un chœur d’hommes accompagné d'un aulos (instrument à vent) et d'une danse représentant à l'origine l'emprise de Dionysos sur les hommes. Selon Aristote, Thespis était un écrivain-compositeur ainsi qu'un interprète. Dans un moment perdu quelque part entre la légende et l'histoire, Thespis est devenu le premier soliste à sortir d'un chœur de dithyrambe pour chanter et jouer des tirades parlées à lui tout seul. Il est donc considéré comme le premier acteur et comme l’inventeur d'une nouvelle forme de dithyrambe appelée la tragédie.
Le premier concours de tragédie qui s’est tenu à Athènes en 534 av. J.-C. a été gagné par Thespis. Ce concours faisait partie de la célébration annuelle de cinq jours au printemps connue sous le nom de Dionysia, où Athènes honorait Dionysos avec des événements sportifs et artistiques. Imaginez le Super Bowl, les Jeux olympiques, la Coupe du monde et les Tony Awards qui auraient tous lieu dans la même semaine, et vous aurez une idée de l'excitation générée suscitée par ce festival.
Au fil du temps, trois types distincts de formes dramatiques ont existé, chacune d'elles incorporant la musique et la danse :
La tragédie : elle a utilisé des histoires tirées de la mythologie grecque. Ces pièces se sont penchées sur les sujets les plus sombres, dont le meurtre (Electra), la vengeance (Médée) et l'inceste (Oedipe). Les personnages ne se référaient jamais à l'actualité. La violence n'a jamais été mise en scène sur scène, mais elle pouvait être décrite après s'être produite hors scène.
La comédie : elle était plus légère et se terminait habituellement bien. Les personnages s’adressaient au public, mentionnant des événements récents ou les célébrités de l’époque, même si l'intrigue se déroulait dans le passé. Un concours distinct de comédie a été ajouté à partir de 487 av. J.-C.
La satyre : elle impliquait une race mythologique mi-hommes/mi-animaux. Exclusivement masculines, ces créatures vivaient dans un état d'excitation sexuelle perpétuelle (et visible), ce qui était un miroir parfait d'un certain comportement masculin impétueux. Bien que ces pièces allaient donner leur nom à la «satire», leur contenu n'était pas nécessairement ce que nous appellerions satirique.
Les pièces de théâtre ont atteint d'autres villes, mais les concours Dionysia ont fait d'Athènes le centre de l'activité théâtrale en Grèce. Les Athéniens voyaient ces concours à la fois comme une forme de culte religieux et une expression de fierté civique. Ils ont permis d'agir sur les débats moraux et intellectuels et ont été un élément déterminant de la démocratie athénienne.
Le gouvernement démocratique de la ville supervisait les compétitions. Avant chaque festival, un magistrat sélectionnait une liste de dramaturges concurrents. Au départ, chaque dramaturge étati aussi son propre metteur en scène et l’acteur principal, mais au fil du temps ces tâches sont devenues des emplois séparés. Dans une société où les seules femmes ayant une vie publique étaient soit des prêtresses soit des prostituées, les hommes jouaient tous les rôles à la scène. Les premières distributions se composaient intégralement de bénévoles. À la fin du Vème siècle av J.C., tous les acteurs étaient des professionnels payés par la ville.
Selon l’état des finances de la ville, l'entrée au Théâtre de Dionysos était payante ou gratuite. Toutes les représentations avaient lieu en plein jour; au début du printemps, il pouvait même faire un peu froid : 16 °C.
La première rangée de sièges en pierre était réservée aux prêtres, magistrats et autres dignitaires. Derrière eux, 15.000 spectateurs remplissaient des bancs de marbre. Les ruines des théâtres grecs nous montrent qu’ils furent des merveilles acoustiques; les mots prononcés à partir de l'espace de jeu étaient audibles jusqu’à la dernière rangée. L’orchestra est un cercle de terre battue où se placent le chœur, les danseurs, chanteurs et musiciens. Derrière l'orchestra se trouvait le skene, un édifice qui sert de coulisses aux acteurs; il était en bois, puis en pierre à partir du IVème siècle av. J.-C... Il pouvait également être utilisé pour représenter un bâtiment dans la pièce, et a fourni un soutien pour les panneaux scéniques peints appelés skenographia.
Pendant les représentations, les acteurs portaient des masques pour que le public comprenne aisément quel personnage ils jouaient. Ces masques permettaient également aux acteurs de jouer plusieurs rôles sans semer la confusion. Aucun de ces masques n'est parvenu jusqu’à nous, mais on croit qu'ils incluaient de petits cônes – ressemblant à des mégaphones – pour aider à amplifier la voix. Comme les masques rendaient les visages invisibles, les acteurs se servaient uniquement de leurs voix et de leurs gestes pour exprimer l'émotion. Les acteurs masculins utilisaient des combinaisons capitonnées pour simuler les caractéristiques physiques féminines, ainsi que celles des animaux et des créatures mythiques.
Pendant les compétitions, plusieurs pièces de théâtre étaient jouées chaque jour. Le public du théâtre était souvent enthousiaste. Pour les pièces réussies, il répondait avec des rires, des acclamations et des larmes. Mais quand il n’appréciait pas, il n’hésitait pas à exprimer sa désapprobation avec tant de véhémence que certaines représentations étaient écourtées.
Après le déclin d’Athènes, la plupart des pièces ont été perdues. Sur les plus de 70 pièces d’Eschyle, seules 7 nous sont parvenues complètes. En fait, il reste moins d’une cinquantaine de pièces de théâtre grecques antiques. Bien que nous disposions de certaines preuves de notations musicales anciennes, les mélodies utilisées ont toutes disparu, et nous ne savons donc pas à quoi elles pouvaient ressembler. Les paroles devant être audibles pour un public de plusieurs milliers de spectateurs, les airs devaient se prêter naturellement à la projection vocale et les musiques ont dû être relativement simple.