
Les Années folles sont marquées par une intense circulation internationale des modes artistiques, et Paris, capitale culturelle, absorbe avec enthousiasme les influences venues d’ailleurs.
1.E.1) Influence de Broadway
Broadway et plus généralement les États-Unis jouent un rôle majeur dans l’évolution du théâtre musical parisien durant les années 1920. L’entrée en scène des Américains pendant la Grande Guerre a introduit la musique noire (ragtime, jazz) en France, initiant ce que certains appellent la « ragtimitis » à Paris. Dans les années 20, cette influence s’amplifie : « la France importa le jazz, le Charleston et le shimmy » et les « spectacles et vedettes de Broadway » deviennent à la mode dans la haute société parisienne, avant d’être imités plus largement. L’exemple le plus frappant est celui de la Revue Nègre de 1925, véritable innovation américaine sur une scène française, qui a fasciné le public et les artistes locaux (les couturiers de Paris se battaient pour habiller Joséphine Baker tant elle incarnait la modernité exotique).
Face au succès de ces nouveautés, les artistes français intègrent rapidement les apports américains: les orchestres de music-hall passent au jazz, les danseurs se forment aux claquettes et aux danses syncopées, les scénographies empruntent à l’esthétique des Ziegfeld Follies (revues spectaculaires de New York). Comme le note un chroniqueur de l’époque, « Revues et artistes de Broadway sont achetés à prix fort puis imités par des vedettes du music-hall français comme Maurice Chevalier, Arletty, Yvonne Printemps… »
Cependant, loin de simplement copier, Paris sait aussi adapter et créer ses propres spectacles en assimilant ces influences étrangères. La rencontre du jazz américain et de la tradition française donne naissance à un style original de comédie musicale (par exemple Dédé ou L’Œuf dur incorporent des fox-trots dans un contexte très parisien).
De plus, plusieurs artistes français partent à l’étranger s’inspirer: Chevalier se rend à Londres et Hollywood, Mistinguett fait des tournées aux États-Unis, tandis que des Américains s’installent à Paris (Baker bien sûr, mais aussi des musiciens comme Sidney Bechet ou des chorégraphes).
Cette synergie transatlantique contribue à faire de Paris un creuset cosmopolite du spectacle vivant dans les années 20.
1.E.2) Influence anglaise
L’influence anglaise est également présente, quoique plus discrète que l’américaine.
Rappelons une fois encore que la notion même de musical est née à Londres à la fin du XIXème et au début du XXème siècle et que Paris avait déjà accueilli avant-guerre des troupes britanniques (par exemple les Tiller Girls, célèbres danseuses de ligne).
Dans les années 1920, plusieurs spectacles londoniens sont connus des Français, tels que les revues d’André Charlot ou les opérettes d’Ivor Novello, et certains artistes britanniques se produisent à Paris.
La chanteuse anglaise Mélanie “Miss” Gray triomphe par exemple dans la revue Paris sans voiles en 1923, apportant le style british du cabaret.
Inversement, le comédien français Sacha Guitry collabore avec des musiciens anglais (comme Sandy Wilson) pour adapter des œuvres.
Cependant, c’est surtout dans le domaine du music-hall que l’Angleterre influence Paris : le goût pour l’humour nonsense et le music-hall victorien se retrouve dans certaines revues parisiennes qui parodient l’aristocratie britannique ou intègrent des chansons anglaises à leur répertoire. Globalement, l’impact anglais reste secondaire face à la vague américaine, mais il contribue malgré tout à l’ambiance cosmopolite du spectacle parisien.
1.E.3) Conclusion
En conclusion, le Paris des Années folles voit converger un ensemble d’influences étrangères qui enrichissent et transforment ses arts du spectacle. Broadway apporte son sens du show grandiose et du jazz endiablé, Londres son esprit music-hall et son expertise de la comédie musicale, sans oublier les inspirations plus lointaines (danseurs russes des Ballets Russes, folklore hispano-argentins dans certaines opérettes, etc.).
L’impact sur la scène parisienne est profond: ces apports stimulent la créativité des créateurs français et élargissent les horizons du public. Le théâtre musical parisien des années '20, en pleine ébullition, réussit la synthèse entre tradition française et modernité internationale, donnant naissance à des spectacles d’une richesse et d’une vitalité inégalées. Ce bouillonnement retentira durablement sur les décennies suivantes, faisant des Années folles un âge d’or nostalgique souvent évoqué comme un symbole de fête, de liberté et de créativité sans limites dans l’imaginaire parisien.