Durant la dernière glaciation, la majeure partie de Terre-Neuve et du Labrador était couverte de glaces. Celles-ci ont commencé à reculer environ il y a 10 500 ans et les premiers humains à s'installer dans la Province sont arrivés dans le sud du Labrador il y a quelque 9 000 ans, attirés, sans aucun doute, par l’abondance de nourriture.
A) Les Autochtones de l’«Archaïque Maritime»
De 7.000 à 3.000 av. J.-C., les premiers habitants de Terre-Neuve-et-Labrador, les Amérindiens de l’Archaïque Maritime, étaient des chasseurs de mammifères marins dans la région subarctique qui utilisaient des bateaux en bois. Le mot «archaïque» fait référence à un peuple de chasseurs-cueilleurs sans connaissance de l'agriculture et le mot «maritime» souligne l'importance accordée aux ressources maritimes dans la vie de ces anciennes peuplades. Des sites de l’Archaïque Maritime ont été découverts au sud jusque dans le Maine et au nord dans le Labrador. Longtemps, ces peuples furent nomades. Ensuite, dans certaines zones, ils ont construit des maisons. D'abord individuelles, elles deviennent collectives et composées d'un certain nombre de pièces disposées en rangée le long de la plage. Ce type d'habitation atteint son apogée à Nulliak, dans la Baie Saglek. Il y avait là des maisons unifamiliales, mais aussi des «maisons longues», habitations communautaires, composées d’un certain nombre de «pièces» disposées de manière linéaire le long des plages et pouvant atteindre 100m.
Ces Amérindiens ont laissé derrière eux le plus ancien tumulus funéraire connu en Amérique du Nord, dans le sud du Labrador, dans ce qui est aujourd’hui un lieu historique majeur au Canada: L’Anse Amour. On y a découvert une défense de morse, des arêtes de poisson, un véritable harpon à tête détachable, un manche en bois de cervidés et d'autres objets signalant déjà les liens étroits qu'ils entretiennent avec la mer. Ce tertre funéraire et le harpon sont parmi les plus vieux vestiges de la planète.
Pour des raisons obscures, peut-être climatiques, l’île de Terre-Neuve s’est dépeuplée pendant quelques siècles, entre 3.400 et 1.800 ans av. J.-C., environ. Par après, sur cette île, deux peuples ont succédé aux «archaïques maritimes»: les Paléo-Esquimaux et les Béothuks.
B) Les Paléo-Esquimaux
La désignation «Paléo-Esquimau» (paléo signifiant ancien) s'applique aux peuples de l'Arctique qui sont sans doute de lointains parents des Inuit qui vivent actuellement dans le Grand Nord canadien, mais ils n'en sont pas les ancêtres directs.
Des archéologues ont constaté que les Paléo-Esquimaux chassaient le phoque dans les régions côtières au printemps et s'aventuraient dans les baies l'été pour pêcher et chasser le caribou et les oiseaux. À l'automne, en route vers le sud, ils chassaient à l'évidence le phoque du Groenland. L'hiver, ils choisissaient des endroits abrités du vent qui leur permettaient de chasser le caribou égaré et de vivre des stocks de nourritures accumulés.
C) Les Béothuks (200 apr. J.-C. - 1829)
Les Béothuks ont été les habitants originaux de l'île de Terre-Neuve. Ces chasseurs-cueilleurs ne furent probablement jamais plus d’un millier sur l’île avant l'arrivée des Européens à la fin du XVème siècle. Ils tiraient parti des ressources marines et terrestres de l'île de Terre-Neuve et de ses alentours pour se nourrir, se vêtir et se loger. Les Béothuks vivaient dans plusieurs régions de l'île, où ils observaient un cycle régulier d'activités saisonnières pour satisfaire à leurs besoins. Ils passaient l'été en petits groupes sur la côte, d'où ils récoltaient les poissons, les mammifères marins, les oiseaux de mer et diverses autres ressources; en automne et en hiver, ils s'enfonçaient dans les terres pour chasser le caribou et les autres bêtes à fourrure. Les Béothuks recueillaient aussi des racines comestibles, des baies et des fruits au gré des saisons.
Nous reviendrons plus loin sur l’histoire des Béothuks après le contact avec les Européens et leur extinction en 1829.
D) Les Mi'kmaq
L'origine du nom Mi'kmaq, qui désigne à la fois un peuple et sa langue, demeure incertaine. On sait très peu de choses d’eux avant l’arrivée des Européens à la fin du XVème siècle. À cette époque, les peuples de langue micmaque occupent les côtes proches de l’embouchure du Fleuve Saint Laurent. Ils vivent encore aujourd'hui dans cette région, de même que dans des communautés à Terre-Neuve et en Nouvelle-Angleterre, particulièrement à Boston.
En raison de leur proximité à la côte Atlantique, les Mi’kmaq font partie des premiers peuples nord-américains à interagir avec les explorateurs, les pêcheurs et les marchands européens. Par conséquent, ils subissent rapidement un dépeuplement et des perturbations socioculturelles. Certains historiens estiment que les maladies européennes entraînent une perte de près de la moitié de la population micmaque entre les années 1500 et 1600.
Les Mi’kmaq dépendent de ce qu’ils trouvent sur leur territoire. Les mammifères marins et terrestres leur servent à se nourrir, à se vêtir et à fabriquer des outils. Ils utilisent aussi le bois abondant pour construire des habitations. Les Mi’kmaq comptent uniquement sur leur environnement pour survivre, ce qui explique leur puissante vénération de la Terre qui les nourrit.
Comme nous le verrons, ils vont jouer le rôle d'intermédiaires dans l'échange des fourrures contre des produits avec les Européens. Et durant la période coloniale, les Mi'kmaq auront toujours été alliés aux Français.