1.
Le 11 septembre

 

 2.1.1.
Jour 1: 11/9
Organiser
l'inorganisable

 2.1.3.
Jour 1: 11/9
Sortie des avions
au compte-gouttes

 2.2.
Jour 2
le 12 septembre

 3.
Une aventure
humaine


 

À ce stade, il n’était pas du tout prévu de laisser les passagers débarquer de leurs avions comme lors de vols normaux. Le risque terroriste était trop important. Les avions qui avaient atterri étaient parqués à un endroit bien défini sur le tarmac. Les pilotes reçurent pour consigne de ne pas laisser descendre leurs passagers. Comme nous l’avons signalé, avant d’atterrir, il semble que beaucoup, sinon la plupart des pilotes, n’avaient pas informé leurs passagers de la raison réelle pour laquelle ils étaient déroutés. Lorsque les premiers passagers débarqueront de leur avion quelques heures plus tard et qu’ils verront les images de CNN dans l’aérogare, certains demanderont de quel film il s’agissait.

Une passagère à bord du 38ème et dernier avion à atterrir, le vol d’US Airways de Rome à Philadelphie, se souvient:

« On nous a dit que l’aéroport de Philadelphie avait été fermé et que nous serions redirigés vers Terre-Neuve, au Canada. Certains d’entre nous croyaient que c’était dû au mauvais temps. Mais le capitaine n’a jamais vraiment expliqué la raison. J’avais un siège au hublot et alors que nous nous approchions du sol, je me suis alarmée parce que je ne pouvais voir aucune piste, seulement de l’eau et des arbres. J’ai dit à mon mari: «Où allons-nous atterrir? Il n’y a pas de piste!» La descente a été rapide et le freinage intense. Évidemment, c’était parce que la piste était remplie de 37 autres avions! Une fois que nous avons atterri, le capitaine est intervenu via le haut-parleur et nous a dit que les États-Unis avaient été frappés par des terroristes et que les Twins Towers à New York avaient été totalement détruites et qu’il y avait eu deux autres accidents d’avions, un au Pentagone et un en Pennsylvanie. (Notre avion se dirigeait initialement vers la Pennsylvanie.) »

Passagère du vol US Airways de Rome à Philadelphie


Autre témoignage, où le pilote a clairement annoncé la problématique:

« Notre commandant de bord a été aussi franc que possible avec nous depuis le début. Après avoir changé de cap, descendu l’altitude et abaissé le train d’atterrissage, il a dit sur l’interphone: «J’ai deux choses à vous dire, avant de reprendre mon travail. Tout d’abord, nous avons un avion totalement sain. (C’était un soulagement.) Deuxièmement, il y a eu un incident aux États-Unis et tout l’espace aérien américain est fermé. J’ai reçu l’ordre d’atterrir à Gander, à Terre-Neuve. Une fois que nous serons aurons atterri, je vous en dirai plus.» Une fois que nous avons atterri et roulé jusqu’à notre position, il est revenu sur l’événement et nous a parlé du crash de quatre avions. Environ 30 minutes après notre atterrissage, je crois, il a réussi à capter le Canadian Broadcasting Network, et nous l’avons écouté toute la nuit. »

 

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Au sol, la plupart des passagers se sont installés dans leur siège et ont essayé de se mettre aussi à l’aise que possible, mais il y avait de nombreuses préoccupations: des problèmes de diabète et des problèmes avec d’autres médicaments, des problèmes d’eau, des problèmes de stress, … .

Les pilotes ont été autorisés à ouvrir les portes des avions – toujours sans descendre au sol – juste pour laisser entrer un peu d’air frais dans les avions.

Les passagers et membres d’équipage qui avaient désespérément besoin d’une pause cigarette ont été autorisés à fumer au bord de ces portes ouvertes.

Et la collaboration avec les habitants de Gander a commencé, comme se souvient un employé de l’aéroport: «Nous avons acheté toutes les gommes Nicorette disponibles en ville et les avons distribuées.» Les passagers pouvaient faire signe aux nombreux et curieux habitants de Gander qui s’étaient rassemblés derrière les clôtures de barbelés de l’aéroport.

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Environ 24 heures après l’embarquement en Irlande,
Marilyn et Geoffrey Posner et leurs compagnons de voyage
sont toujours à bord de l’avion et se nourrissent de cacahuètes.
(Vol 129 de Delta Airlines)

Les services au sol de l’aéroport ont fourni aux équipages des avions des produits essentiels tels que de la nourriture et des boissons. Ils ont aussi commencé à vider les toilettes qui dans beaucoup d’avions étaient pleines.

Wilson Hoffe, un des membres du CA de l’aéroport se souvient: «Bien que les passagers étaient confinés dans leurs avions, nous avons tout fait pour que tout se passe bien et ils ont été bien soignés. Ce n’était peut-être pas la meilleure des situations, mais l’attente de chacun des passagers a été rendue aussi confortable que possible».

Les agents de bord du Vol A5 de Continental ont eu pitié de leurs passagers et ont ouvert leurs réserves: jamais les chariots de boissons et leurs petites bouteilles de gin Gordon et de whisky Jack Daniel’s n’ont été autant appréciés par des passagers reconnaissants. Il y a même eu des problèmes d’alcool à bord d’un avion: deux passagers ont été emmenés à la police pour se dessoûler!!!

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L’avion Delta des Posner, comme une trentaine d’autres,
est cloué au sol à Gander, à Terre-Neuve,
en attendant la réouverture de l’espace aérien américain
après le 11 septembre.

Dans un premier temps, une ambulance a répondu à chaque appel médical, mais finalement le directeur de l’hôpital James Paton a décidé d’envoyer une équipe fixe à l’aéroport. Dans la plupart des cas, il s’agissait seulement de fournir des médicaments. Souvent, il fallait trouver une équivalence canadienne aux médicaments européens. Mais certains passagers ne pouvaient fournir de mémoire la description de leur traitement. Le personnel de l’aéroport ouvrait alors la soute de l’avion pour localiser les bagages du passager. Une fois l’ordonnance trouvée, le médicament pouvait être fourni. Tous les médicaments ont été approuvés par un médecin et remis personnellement au passager.

Ces petits exemples montrent la complexité de ces premières heures sur le tarmac de Gander. Rappelons que quatre heures auparavant, tout ceci était inimaginable! Pendant que les passagers attendaient, confinés dans les avions, la ville se préparait. Les services de la ville de Gander ont identifié des endroits d’hébergement pour jusqu’à 1.500 personnes, y compris dans les villes voisines. Mais il leur fallait trouver des endroits pour loger quatre fois ce nombre. Ils ont donc dû commencer à trouver des solutions de secours. Ils ont commencé à contacter les églises, les écoles, les centres sportifs … Non seulement à Gander, mais aussi dans les villes voisines. Mais le plus magnifique a été que la mairie de Gander a été inondée d’appels téléphoniques d’habitants de Gander qui proposaient d’accueillir chez eux des passagers des avions.

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Toujours bloqués dans des avions
dont ils sortirons au compte-gouttes.

Mais comme rien n’est jamais simple, il y avait un autre problème majeur. Les membres de la Newfoundland Association of Public Employees (NAPE - Association des fonctionnaires de Terre-Neuve) étaient en grève. Non seulement les écoles n’étaient pas totalement entretenues, mais il y avait aussi des piquets de grève devant de nombreuses écoles. En outre, le seul moyen de transport local – les autobus scolaires – n’était pas disponible. Les chauffeurs étaient membres du NAPE. Après quelques contacts informels – certains conducteurs ont dit qu’ils voulaient aider – et le syndicat a décidé que la situation était urgente. Il a annoncé que la grève se poursuivrait, mais que les grévistes lèveraient leurs piquets de grève. Plus importants encore, les conducteurs en grève aideraient. Ils ne mettraient pas fin à leur grève, mais travailleraient sans salaire.

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Ce sont les bus scolaires qui prendront en charge les passagers
pour les emmener à l'aérogare puis à leur lieu de logement.

© Shirley Brooks-Jones
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Emmanuel United Church à Gambo, Terre-Neuve.
L’église a accueilli plus de 100 « gens de l’avion ».

Mais identifier les hébergements possibles n’est qu’une première étape. Il fallait encore organiser la répartition dans ces différents lieux de ces 6.595 inconnus, parqués dans 38 avions! Il a été décidé de commencer par des endroits à Gander, puis, au besoin, d’utiliser de plus petites collectivités. Il a également été décidé d’essayer de garder les passagers de chaque vol ensemble. Cela faciliterait l’organisation de leur futur départ.

La ville a demandé à la Croix-Rouge locale de prendre en charge le classique Registration and Inquiry (R&I - procédure d'inscription et de demandes de renseignements) pour les passagers et équipages. Tout cela ne pouvait être bâclé, surtout à un moment où l’on craignait un nouvel attentat. À 17h, à l’aéroport de Gander même, la Croix-Rouge, habituellement habituée aux opérations de sauvetage lors de catastrophes météorologiques, installait un centre de traitement de fortune dans la zone d’accueil, donnant sur les pistes.

À ce moment-là, quelques journalistes de la presse locale et de la station de TV locale, Rogers TV, ont été autorisés à entrer dans l’aéroport, mais ils ont été gardés sous surveillance dans une petite pièce de la mezzanine; ils n’ont pas encore été autorisés à interviewer les passagers, en raison de problèmes de sécurité. Lorsque la Croix-Rouge a eu besoin de bénévoles pour aider au R&I, elle a fait appel au quartier général régional de l’Armée. Bientôt, il y eut des dizaines de volontaires de l’armée. La Croix-Rouge a fait photocopier les formulaires d’inscription – il n’y en avait bien sûr pas 6.000 à l’aéroport - et a organisé un court cours de formation pour montrer aux bénévoles comment les remplir. Avec l’aide du personnel de l’aéroport, des tables ont été installées dans le «Salon International», où patientent habituellement les passagers en transit. Mais aucun passager ne pourrait quitter la zone sécurisée avant d’avoir été enregistré et contrôlé au moyen d’un passeport. L’Armée du Salut a contacté les fournisseurs locaux et les traiteurs de l’aéroport pour que des aliments chauds soient servis lorsque les passagers passeraient par ce salon.

La ville a fait deux autres pas. Il a demandé au chef des pompiers de déplacer la fourgonnette de commandement mobile de son ministère à l’aéroport pour gérer le transport. (Le chef est devenu avec humour le « ministre des Transports ».) Il a demandé à l’inspecteur des incendies – le planificateur des mesures d’urgence de la ville – d’assurer la liaison entre la ville et la CCE de l’aéroport. La ville a estimé qu’il était essentiel d’avoir des renseignements exacts et à jour sur les vols qui étaient déchargés et le nombre de passagers à bord de ces vols. À ce moment-là, l’hôpital avait également établi un centre de commandement à l’aéroport pour répondre aux demandes fréquentes de médicaments ou d’assistance médicale. Les passagers, sur ordre de Transports Canada, étaient encore assis dans leur avion et, inquiet de la possibilité que certains vols transportaient des terroristes, le gouvernement fédéral a retardé les débarquements pendant qu’il examinait la façon dont les vols devraient être traités.

Ce n’est qu’à 18h40 que le premier vol a été autorisé à débarquer. On a dit aux passagers du Vol 75 de Virgin Atlantic de prendre seulement leurs effets personnels et tout oreiller ou couverture qu’ils avaient sous la main et de se préparer à partir : leurs bagages rangés dans la cargaison seraient interdits.