D) Début de colonisation française: nombreux échecs
Le XVIIème siècle va constituer la période la plus décisive de l'implantation française en Amérique du Nord: la « Nouvelle-France». En effet, contrairement à la pêche, le commerce des fourrures nécessite un établissement permanent et un bon réseau d'alliances avec les fournisseurs si cette activité se veut régulière et rentable. Il n'est alors plus possible de se contenter de présences saisonnières et irrégulières c’est pourquoi, des compagnies de marchands se forment et tentent d'intéresser le pouvoir royal à imaginer une colonisation digne de ce nom en Amérique française. Les marchands proposent au roi d’établir et de peupler une colonie en Amérique en échange de quoi le souverain leur accorderait le monopole du commerce des fourrures. Cependant, cela ne fait pas l'unanimité auprès des marchands et certains préfèrent que ce commerce demeure libre. Pour autant, on assiste, dès la fin du XVIème siècle, aux premières tentatives d'établissements permanents en Acadie et dans la vallée du Saint-Laurent, découvertes par Jacques Cartier.
D.1) Troilus de La Roche de Mesgouez – L’île de Sable (1598)
Avec le retour de la paix civile et religieuse en France, les voyages d'exploration, assortis cette fois de réels objectifs coloniaux, reprennent sous le règne du Roi Henri IV.
Ainsi, le 15 janvier 1598, le roi nomme Troilus de La Roche de Mesgouez lieutenant général de la «Nouvelle-France» - territoire conquis par Jacques Cartier autour de l’embouchure du Saint-Laurent – et, alors qu’il lui accorde le monopole de la traite des fourrures, il le charge d’entreprendre la colonisation du Nouveau Continent.
En mars, Mesgouez débarque sur l'Île de Sable avec 60 colons, mais l'endroit est mal choisi, car l'île est située loin au large de la Nouvelle-Écosse actuelle et renferme peu de ressources pour assurer la subsistance des colons par conséquent, il faut les ravitailler pour leur permettre de survivre. Le premier ravitaillement se passe bien, mais le deuxième n'a pas lieu pour des raisons que l'on ne connaît pas. Quand finalement un navire se présente, il ne reste que quelques survivants qui sont dans un bien piteux état. On n’a alors d'autre choix que de rapatrier ces malheureux en France.
D.2) Pierre de Chauvin – Tadoussac (1600)
En 1600, Pierre de Chauvin fonde un poste de traite [lieu où l'on échange des biens, et spécifiquement où l'on troque des fourrures] à Tadoussac, au confluent du fleuve Saint-Laurent et de la rivière Saguenay. L'endroit est particulièrement bien choisi, car c'est le pays de chasseurs nomades qui peuvent fournir d'énormes quantités de fourrures. De plus, on s'éloigne géographiquement de la concurrence des marchands et pêcheurs qui viennent pendant l'été faire le commerce des fourrures dans le golfe du Saint-Laurent. Enfin, ce comptoir n'appartient pour le moment à aucun empire colonial, car les Anglais comme les Français et même les Portugais y ont des affaires avec les Amérindiens qui n'ont pas encore conclu d'entente particulière avec aucune nation européenne.
Le point faible de ce poste est que les communications avec la France sont complètement rompues pendant l'hiver à cause des glaces. Et … le premier hiver est fatal pour les colons puisque la presque totalité de la petite population est décimée par le scorbut, ne laissant que 5 survivants sur les 16 hommes laissés sur place. Pour autant, Tadoussac survit et demeure pendant 30 ans le seul port maritime du Saint-Laurent.
D.3) Pierre Dugua de Mons – L’île Sainte-Croix (1604) & Port-Royal (1605)
En 1603, Henri IV accorde à Pierre Dugua de Mons le monopole de la traite des fourrures, pour compenser les frais d’établissement d’une colonie à cet endroit.
En 1604, Dugua organise une expédition qu’il conduit en personne au sud-est du Canada. Il est accompagné de Jean de Poutrincourt et de Samuel de Champlain. Aucune femme ni enfant ne fera partie de cette expédition, devant durer plusieurs années, car il faut choisir l’endroit puis en éprouver les conditions d’accueil avant de faire venir des familles. Les explorateurs choisissent de s’installer sur l'Île Sainte-Croix, située dans une rivière du même nom.
La colonie de Sainte-Croix ne survit pas, en raison de la rudesse de l'hiver et du manque d'eau douce. La moitié des colons meurt durant l'hiver de 1604, c’est pourquoi, au mois d’août 1605, la colonie est transférée sur un site plus approprié: Port-Royal, un lieu protégé des vents.
On construit à Port-Royal une « habitation » (ensemble de bâtiments interreliés qui servent à la fois de fort, de poste de traite et de logis pour la colonie) spacieuse et confortable et, pendant le premier hiver, on ne déplore aucun décès. Il n'y a pas de hasard à cette situation: les nouveaux arrivants ont appris à mieux se nourrir et à faire échec aux rigueurs de l’hiver canadien. Ils réussissent à nouer des relations amicales et durables avec les Mi’kmaqs qui sont eux aussi des chasseurs nomades.
Cependant, en 1607, les plaintes continuelles des autres marchands, privés du commerce des fourrures, amènent Henri IV à suspendre le monopole commercial accordé à Pierre Dugua. Faute de finance, les colons quittent les lieux et retournent en France.