Le Mayflower à son arrivée à Plymouth Harbor
B) Colonisation anglaise de l'Amérique du Nord: pourquoi et comment?
B.1) Les MOTEURS: commerce, persécution religieuse et droit à la terre
La colonisation anglaise a plusieurs moteurs:
- le soutien que la Couronne fournit à ses courtiers
- la persécution religieuse en métropole
- le système de succession en Angleterre
Raisons commerciales La colonisation de l'Amérique du Nord a principalement été une entreprise commerciale privée jusqu'à la Restauration (1660). Le commerce de la fourrure, du tabac et du sucre est essentiel pour les marchands anglais en Amérique du Nord et aux Antilles. Cette cause est sans aucun doute la plus évidente.
Pourtant, l'Angleterre fait face à deux problèmes dans sa quête de colonisation de l'Amérique. Avant tout: l'état d'esprit des colons anglais. Ils ne sont pas des agriculteurs et refusent de travailler la terre. Ils se réfèrent au modèle espagnol: les autochtones travaillent. Les Anglais surveillent, organisent et obtiennent des bénéfices. Cependant, cela n'est pas réalisable: les Indiens d'Amérique du Nord ne sont pas très dociles, et le maïs cultivé en grande quantité en Amérique ne rapporte pas beaucoup. Les colons anglais devront faire face à des soulèvements d'Indiens: les guerres indiennes. Nous y reviendrons.
Le peuplement des colonies est un autre problème qui préoccupe les Anglais. En d'autres termes, il est impératif d'envoyer des femmes en Amérique. On met en place une propagande pour convaincre les jeunes filles qu'elles pourront trouver un mari et du bonheur. Il est intéressant de noter que ce problème est similaire à celui des Français. Cependant, les Anglais vont réussir à le résoudre, contrairement aux Français. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles le continent nord-américain est aujourd'hui anglophone.
L’Anglicanisme
Le roi d'Angleterre, Henri VIII, jusque-là soutien sans faille de la papauté, avait épousé en 1509 Catherine d'Aragon. Sans héritier mâle, et par ailleurs épris de sa maîtresse Anne Boleyn, il fait parvenir au pape en 1527 une demande d'annulation de son mariage. Ayant essuyé en 1530 un refus définitif de Clément VII, il se proclame l'année suivante alors «Chef Suprême de l'Église et du Clergé d'Angleterre» et rompt toute relation diplomatique avec Rome. Concrètement, cela lui permet d’imposer ses règles sur le mariage et le divorce.
Le puritanisme
Les puritains étaient des protestants anglais des XVIème et XVIIème siècles qui cherchaient à purifier l'Église d'Angleterre des pratiques catholiques, soutenant que l'Église d'Angleterre n'avait pas été entièrement réformée et devait devenir plus protestante.
Raisons religieuses Depuis 1534, l'Église anglaise a renoncé à reconnaître l'autorité du pape, préférant désormais celle de leur roi. Les anglicans deviennent de plus en plus protestants sous l'impulsion des idées calvinistes. En outre, on observe la naissance de certains autres courants : le presbytérianisme, le congrégationalisme et le puritanisme. Afin de rompre tout lien avec les anglicans, les Pèlerins, qui sont puritains, choisissent de fuir l'Angleterre et se dirigent vers la Nouvelle-Angleterre. Leur installation est très compliquée: la population augmente lentement, il y a des difficultés pour se nourrir et pour lutter contre les populations natives.
Malgré tout, les puritains continuent de venir en Nouvelle-Angleterre. Pour les puritains, c'est le moment de s'enfuir, de 'l'hégire' vers l'Amérique, afin de fonder une Nouvelle-Angleterre libérée de ses péchés. Finalement, cette colonisation s'est avérée être un succès. Comment? En réalité, les puritains d'Angleterre partent du pays sans avoir l'intention de revenir. Ils mettent en vente tous leurs biens et partent en famille. Rien ne les retient dans la métropole. Des courriers très positifs et encourageants sont envoyés en Angleterre. Ces lettres étaient considérées comme 'de saintes Écritures, comme les écrits d'un 'prophète'.
Raisons successorales Enfin, les lois qui gèrent le processus de succession en Angleterre et le système du «headright» pratiqué dans les colonies finissent d’expliquer le succès de l'immigration anglaise vers l'Amérique.
En raison du système de primogéniture, les enfants de familles nombreuses sont souvent riches, mais sans héritage, le fils aîné étant le seul héritier d'une famille. En même temps, le système du headright encourage la migration vers l'Amérique en accordant vingt hectares de terres à toute personne prête à traverser l'Atlantique pour contribuer à la colonisation des colonies. Ce droit à la terre est cumulatif. Un colon se voyait accorder 20 hectares supplémentaires – d’une terre qui n’appartenait pas aux anglais!!!! – pour chaque nouvelle personne qui arrivait dans les colonies (par "tête", d'où le nom de "headright"). Des héritiers anglais sans terres et cherchant la fortune ont tenté l'aventure, emmenant avec eux de nombreux travailleurs sous contrat (recevant donc 20 ha par travailleur). Ces derniers étaient chargés de cultiver la terre sans salaire pendant une durée moyenne de sept ans, à l'issue de laquelle ils pouvaient devenir libres et obtenir des terres de leur ancien maître.
Ces trois raisons très différentes de la colonisation anglaise de l'Amérique du Nord expliquent la diversité des personnes ayant construit l'espace colonial.
L'existence de trois statuts coloniaux renforce encore cette diversité.
B.2) Trois statuts coloniaux
On distingue trois statuts coloniaux – c’est-à-dire trois types de rapports différents avec la métropole anglaise – allant du contrôle le plus souple au contrôle le plus étroit par la royauté anglaise: les colonies à charte, les colonies de propriétaires et enfin les colonies de la couronne.
Alors qu'en Nouvelle-France la colonie a été mise sur pied par le Roi de France, dans les Treize colonies, c'est un peu différent. Les colonies à charte ont été créées par un groupe de gens ou une compagnie commerciale.
D'autres colonies sont créées par une seule personne, un lord propriétaire, un individu auquel le roi permet de créer puis de gouverner une colonie. Enfin, quelques colonies – appelées colonies de la couronne – ont été créées directement par le roi. Avec le temps, le roi d'Angleterre tente de prendre plus de contrôle sur ses colonies.
On peut dire à ce stade que les habitants des colonies françaises et anglaises vivent des expériences politiques très différentes.
En Nouvelle-France, la population n'a pas le droit de discuter des décisions du gouvernement parce que la France est une monarchie absolue, c'est-à-dire que tout le pouvoir vient du roi. Par contre, l'Angleterre a un système parlementaire, c'est-à-dire que la population élit des députés qui peuvent prendre des décisions. Les Treize colonies ont donc un système plus démocratique – à des degrés divers suivant leur statut – dans lequel les gens peuvent s'exprimer et participer à la politique.
L'administration anglaise n'est pas aussi centralisée que celle de la France et la supervision des colonies n'est pas aussi serrée chez les Anglais. Les colonies anglaises ont donc beaucoup d'autonomie. Elles peuvent passer leurs propres lois tant qu'elles ne sont pas en conflit avec les lois anglaises.
Charte du Connecticut (1850)
Les colonies à charte Comment naît une «colonie à charte»? Un groupe d’individus – ou une compagnie commerciale dénommée dès lors « compagnie à charte » - veut s’établir dans une zone géographiquement bien déterminée pour y vivre ou développer ses activités. Au travers d’une charte , l'État anglais a accordé à ces compagnies un privilège: le monopole du commerce dans cette zone géographiquement déterminée, avec des préférences douanières particulières. Ces compagnies ont le droit de souveraineté sur les territoires qui leur sont accordés, ce qui leur donne le pouvoir d'entretenir des armées, de rendre des justices et de frapper des monnaies. En contrepartie, ces compagnies sont tenues de mettre en place les connexions entre la métropole et les terres qui leur sont confiées, de garantir leur peuplement et, si besoin est, de promouvoir l'évangélisation. L'exemple le plus connu – même s’il ne concerne pas l’Amérique – est la Compagnie anglaise des Indes orientales qui obtient, en 1600 et pour quinze ans, le monopole du commerce aux Indes orientales et la pleine propriété des territoires qu'elle pourrait acquérir.
La charte signée met ces compagnies à l’abri d’une intervention royale. Les colonies à charte de la Nouvelle-Angleterre sont donc pratiquement indépendantes de la couronne. Tout un système se met en place: élections de gouverneur, d’adjoint, d’assistance, formation d’une assemblée nationale (la General Court), et mise en place d’un système représentatif. Les élus sont des congrégationnistes, ce qui permet aux puritains de conserver le pouvoir: l’homogénéité culturelle est assurée. Au centre du village est construite l’église (la meeting house) entourée d’une pelouse pour les réunions (le green).
Les colonies à charte (Rhode Island, Massachusetts et Connecticut) sont les colonies les plus démocratiques et les plus autonomes sur le plan politique.
Notons que cette «indépendance du pouvoir central» se retrouve encore aujourd’hui dans l’organisation des États-Unis où chaque État est très indépendant du pouvoir fédéral de Washington.
Les colonies de propriétaire Les colonies de propriétaires s'organisent autour du fondateur de la colonie, son «propriétaire», comme la Pennsylvanie, fondée par le quaker William Penn et le Maryland, fondé par le catholique George Calvert.
Le lord propriétaire qui, détenant l’autorité en vertu d’une charte royale, exerçait généralement cette autorité presque comme un souverain indépendant. Ces colonies se distinguaient des colonies de la Couronne en ce qu’elles étaient des entreprises commerciales établies sous l’autorité de la Couronne. Les gouverneurs propriétaires avaient des responsabilités légales sur la colonie ainsi que des responsabilités envers les actionnaires pour assurer la sécurité de leurs investissements.
Le système propriétaire était un système pour la plupart inefficace, en ce sens que les propriétaires ne vivaient pas, pour la plupart, dans leurs colonies, mais en Angleterre. Beaucoup d’entre eux n’ont même jamais visité les colonies qu’ils possédaient. Comme nous allons le voir, au début du XVIIIème siècle, presque toutes les colonies propriétaires avaient soit cédé leurs chartes à la couronne pour devenir des colonies royales, soit avaient été soumises à des restrictions importantes par la couronne.
Les colonies de la couronne Enfin, les colonies de la couronne sont régies par une constitution coloniale, rédigée par la métropole. Le contrôle de Londres est donc plus fort dans ces colonies: le gouverneur nomme les administrateurs coloniaux et bénéficie en outre d'un droit de veto sur les délibérations des assemblées législatives locales, qu'il peut également dissoudre.
Suppression des chartes Les trois raisons très différentes de la colonisation anglaise de l'Amérique du Nord cumulées à ces trois types d’organisation politique permettent une fois encore de souligner la diversité qui caractérise les différentes colonies qui vont se fonder en Amérique.
À partir de 1686, l’Angleterre change de politique coloniale et supprime les chartes octroyées aux colons d’Amérique. La Nouvelle-Angleterre devient dominion de la couronne, sous le nom de dominion de Nouvelle-Angleterre en Amérique, administrée par un gouverneur nommé et révocable par le roi. La glorieuse révolution en Angleterre provoque des soulèvements parmi les colons américains qui ne reconnaissent pas la nouvelle dynastie en Angleterre.
B.3) Les colonies de l’Amérique britannique avant la Révolution américaine
Les colonies de l’Amérique britannique avant la Révolution américaine se composaient de 20 colonies sur le continent.
Dans les années 1740, plusieurs prêcheurs puritains encouragent, par leurs sermons, le retour à plus de rigueur. Ces années d’ébullition religieuse mènent à l’essor de l’Église méthodiste américaine qui encourage la colonisation vers l’intérieur du continent (Ohio…). Elle réclame également plus de libertés en matière religieuse et fiscale, préparant la révolution américaine.
Ainsi la colonisation anglaise s’est portée essentiellement sur les côtes (de la Virginie au Nouveau-Brunswick). Il s’agit d’une colonisation importante par le nombre des colons impliqués, et qui répond à une logique commerciale et religieuse: nombreux sont ceux qui partent de l’Angleterre pour établir en Nouvelle-Angleterre, un régime politique plus conforme à leurs vues religieuses (ainsi, la colonie de la baie du Massachusetts est une colonie puritaine, le Maryland est catholique…). Les colons repoussent les Indiens vers l’intérieur des terres et deviennent plus nombreux qu’eux.
Vers 1740 les territoires britanniques d’Amérique du Nord comptent un million d’habitants. Le premier recensement fédéral de 1790 fait état d’une population de quatre millions d’habitants. Outre l'immigration, le taux d'accroissement naturel y est particulièrement élevé. Le taux de natalité varie de 40% à 50% (dans l'Europe de la même époque, le taux se situait plus bas, entre 30% et 40%). Car l'âge des hommes au mariage ne cesse pas de s'abaisser: 27 ans au début XVIIème à 24,6 ans à la fin du XVIIIème. Pour les femmes, il se situe, pour le dernier sondage, à 22,3 ans. L'interprétation est relativement simple. L'âge au mariage varie suivant les ressources disponibles. Or, la terre ne manque pas dans les colonies. II n'est pas nécessaire d'attendre avant de se marier. Ainsi, on a constaté que 15% seulement des familles de la Nouvelle-Angleterre ont moins de trois enfants.
L'Amérique du Nord a un taux de mortalité plus bas que l'Europe: la barre des 25% (en Europe, il monte jusqu'à 35% ou 40%), la Nouvelle-Angleterre faisant mieux que la Virginie. Les historiens, cette fois-ci, éprouvent des difficultés à expliquer cette différence entre les deux rives de l'Atlantique. Une meilleure alimentation en Amérique? Un chauffage plus régulier, grâce à l'abondance du bois? L'absence ou la relative innocuité des épidémies, à cause de la dissémination géographique des établissements ?
Ce qui fait vivre les premiers colons c’est le commerce triangulaire et le travail des esclaves dans les plantations du sud ; néanmoins les colonies du nord se tournent de plus en plus vers la manufacture et l’agriculture sans esclaves tandis que le sud maintient fermement l’esclavage. La société du sud est aussi fortement métissée, car les blancs n’hésitaient pas à avoir des maîtresses noires ou indiennes. Néanmoins elle reste fortement affectée par des idées racistes. Les esclaves sont convertis au christianisme et, rebaptisés, prennent le nom de leur maîtres. Afin de déculturer les noirs, les esclaves de la même ethnie étaient séparés.
Échangés en Afrique contre fusil, poudre à canon, habits, alcool… et diminués au terme de «bois d'ébène», les esclaves seront déportés par des négriers britanniques, mais aussi français, espagnol, danois ou hollandais.