3.
1898-1918
Fin du règne
de François-Joseph Ier

 

 4.1.1.
1918-1919
Naissance de la
1ère République

 4.1.3.
1927-1933
Démocratie parlementaire
attaquée

 4.2.
1934-1938
État corporatif
chrétien-allemand

 5.
1938-1945
La paranthèse
allemande et nazie

A) Une «République d'Autriche» démocratique

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Carte des Länder autrichiens
© Creative Commons

En octobre 1920, la Constitution fédérale autrichienne a été adoptée. Elle est toujours en vigueur aujourd'hui, même si elle a été largement amendée.

Cette constitution fait de la République d'Autriche un État fédéral. L'Autriche compte neuf États fédéraux depuis 1921, dont Vienne (État fédéral à part entière) et le Burgenland, que la Hongrie avait cédé à l'Autriche, fut ajouté comme nouvel État fédéral.

Cette constitution prévoit que le Président de la République n'est pas élu au suffrage universel, mais mais par l’Assemblée fédérale, la Bundesversammlung, qui réunit les deux chambres du Parlement. C'est le même principe qu'en France sous la IIIème République et c'est très différent de l'Allemagne où le président est élu par le peuple. En Autriche et en France, le président est constitutionnellement «faible», plutôt représentatif. La position des Bundesländer face à l’Assemblée nationale, le Nationalrat, était relativement faible, elle aussi. Concrètement, les assembles fédérales ne peuvent pas empêcher, mais seulement retarder, la mise en œuvre des lois votées par le Nationalrat.

B) 1920-1926: une situation économique chahutée

En 1920, l’Autriche n’est plus qu’une naine (avec seulement 6,5 millions d’habitants alors que Vienne à elle seule en comptait 2,1 millions en 1914). Elle a perdu le contrôle de l’immense espace austro-hongrois, des ressources minières et industrielles de la Tchécoslovaquie, des richesses agricoles hongroises, ... . Ce n’est plus qu’un modeste territoire rural, montagnard et artisanal, avec une industrie de petite taille.

Politiquement, on retrouve très vite une opposition entre des autrichiens «démocrates» (principalement des électeurs des partis ouvrier social-démocrate et social-chrétien) et des nationalistes pan-germanistes partisans de l'Anschluss avec l'Allemagne (même s'il a été déclaré illégal par le Traité de Paix de Saint Germain).

B.1) L'hyperinflation

N'oublions pas qu'avant la Première Guerre Mondiale, la double monarchie austro-hongroise était à bout de souffle vivant, plus sur ses souvenirs que sur ses réalités. Nous avons vu qu'elle avait totalement raté son idustrialisation au XIXème siècle à la différence de la Prusse puis de l'Allemagne. L’armée austro-hongroise vivait elle aussi sur sa réputation d'être l’une des plus importantes d’Europe. Mais en réalité, elle est sous-équipée, dispose d'un effectif réduit et mal entraîné. Et ici, comme dans d'autres domaines en Autriche-Hongrie, la motivation de l'armée est complexe à créer suite à la nature multi-nationale de la double monarchie.

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Artillerie austro-hongroise à l'entraînement
© «The Illustrated London News» du 1er août 1914 (Vol CXLV Page 17)

Le budget de l'armée est tout petit et en tous cas nettement moins important que celui des tous ses voisins. Par ailleurs les finances de la double monrachie sont aussi dans le rouge. Il est impossible d'y rajouter un «effort de guerre» digne de ce nom.

Cela rend encore plus incompréhensible la décision de François-Joseph de déclencher, suite à l'attentat de Sarajevo, une guerre non maîtrisable.

Pour financer son effort de guerre, l'Autriche n'a que peu de choix: demander de l'aide à son allié allemand ET recourir à l'emprunt massif d'argent. Les emprunts vont être massifs, plus encore du côté autrichien que du côté hongrois. L'après-guerre va être terrible.

En effet, comme bon nombre de pays européens, l’Autriche doit affronter de terribles difficultés économiques au sortir de la guerre. Mais l'Autriche doit en plus affronter des problématiques très spécifiques: un empire de 50 millions d’habitants s'est dégonflé en une minuscule République de 6 millions d'habitants, avec une capitale surdimensionnée de 2 milions d'habitants - Vienne compte donc un tiers de la population de la nouvelle Autriche. Les infrastructures du pays sont totalement désorganisées, quand elles ne sont pas détruites. Les entreprises autrichiennes produisaient des biens à destinations de tout l'Empire austo-hongrois mais maintenant la plupart de leurs clients se trouvent à l'étranger (Hongrie, Bohême, ...). Certains de ces peuples maintenant indépendants, n'ont plus du tout envie de commercer avec l'Autriche qui les a - pour certains - méprisé pendant tant d'années.

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Vienne - Enfant affamé
© No known restrictions on publication. For more information, see George Grantham Bain Collection - Rights and Restrictions - https://www.loc.gov/pictures/item/2014713460/ - Repository: Library of Congress Prints and Photographs Division Washington

Par ailleurs, l'Autriche était dépendante de la Hongrie pour toutes les fournitures alimentaires et par conséquent, après la séparation des deux états, de nombreux manques se déclarent. A Vienne, la consommation de lait est réduite au dixième de ce qu'elle était quelques années auparavant. Le pays est plongé dans la famine. En outre l'hiver 1919-20 est particulièrement rigoureux et le manque de bois de chauffage se fait cruellement ressentir.

Ces particularismes autrichiens augmentent les problèmes de reconversion d'une économie de guerre en économie de paix, problèmes que connaissent tous les belligérants. Les biens de consommations sont de moins en moins disponibles. Comme l'Autiche ne vend plus rien à l'étranger, les devises étrangères manquent dans le pays, ce qui aurait permis d'acheter à l'étranger tout ce qui manque dans le pays. L'activité du pays s'arrête virtuellement. Et à l'inflation va succéder l'hyperinflation.

Une crise d’hyperinflation frappe l’Autriche dès 1922. Le prix du pain a été multiplié par près de 15.000 entre avant et après la guerre. La cause principale en est une utilisation désordonnée de la planche à billets (l'État n'ayant plus d'argent décide d'en faire imprimer par sa banque centrale, ce qui fait plonger sa valeur). La Couronne autrichienne est totalement dépréciée. Toute activité économique semble compromise, et le chômage s’emballe, au point que la survie même de la République finit par être remise en question. Pour sortir de cette crise, il faut juguler l'inflation, ce qui revient à stabiliser la monnaie. Mais cela, de par elle-même, l'Autriche n'en est plus capable. Les jours de l'Autriche sont comptés et le gouvernement annonce qu'elle est incapable de résoudre la crise.

B.2) Intervention de la SDN

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Ignaz Seipel - chancelier autrichien (mai 22 - nov 24)
© Österreichische Nationalbibliothek, Bildarchiv Austria

A ce moment, le prélat Monseigneur Ignaz Seipel est chancelier fédéral depuis mai 1922, à la tête d'une coalition chrétiens-nationalistes. Prêtre catholique, il a enseigné la théologie morale à Salzbourg, puis à Vienne. Dès le séminaire, il avait subi l'influence du maire social-chrétien de Vienne Karl Lueger, pourfendeur acharné de la corruption dans l'administration impériale, mais aussi anti-libéral et antisémite. Nous reviendrons sur l'importance de ce maire au chapitre suivant ()

Une première solution aux problèmes financiers de la jeune République d'Autriche avait été évoquée dès 1921: pour soulager les finances autrichiennes, les États alliés avaient été invités à lever les hypothèques qu’ils possèdent sur l’Autriche (de par le traité de Saint-Germain-en-Laye) durant 20 ans. Mais les Alliés ne respecterons pas leur promesse et ne lèveront pas les hypothèques. Ils se borneront à accorder simplement de nouveaux prêts à l'Autriche.

Ignaz Seipel va être contraint d'appeler au secours et de déployer tous ses talents de diplomatie car les Alliés vont botter en touche. Le 15 août 1922, Lloyd Georges, premier ministre britannique, donne la réponse des Alliés à l’Autriche :

«Les représentants des Gouvernements alliés […] se sont mis d’accord sur une proposition tendant à renvoyer, pour examen et rapport, la question de l’Autriche à la Société des Nations. La Société sera avisée en même temps qu’en raison des fardeaux déjà très lourds supportés par les contribuables des Puissances alliées, celles-ci ne sont pas en mesure d’accorder à l’Autriche un nouveau secours financier, à moins que la Société ne puisse proposer un programme de reconstruction […]»

© Léon Bourgeois - «L’œuvre de la Société des Nations» - Payot (1923)

 

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Réunion du Conseil de la SDN
au Palais du Petit Luxembourg (Paris - France)

Première ligne (de g. à dr.):
Alfred Grünberger (Ministre des Affaires étrangères autrichien)
Ignaz Seipe (Chancelier autrichien)
© Agence Rol. Agence photographique
Bibliothèque nationale de France

Entre le 15 août et le 7 septembreIgnaz Seipel, prend son baton de pélerin car il n'a pas envie que le sort de son pays soit décidé à la SDN. Il se rend à Prague, Berlin et Vérone pour discuter de la situation de son pays et chercher des soutiens mais il se rend vite compte que ni la Tchécoslovaquie, ni l’Allemagne, ni l’Italie ne peuvent sauver d’elles-mêmes l’économie autrichienne. En désespoir de cause, le chancelier autrichien envisage alors de demander à la SDN le rattachement de son pays à l’Allemagne, l'Anschluss. Nous savons que c'est interdit par les Traités de Paix sauf que l’article 80 du Traité de Versailles spécifie que seul le Conseil de la SDN peut décider de la fusion des deux États.

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Protocole de Genève - 4 octobre 1922

Dès le 7 septembre un Comité du Conseil de la SDN est mis en place. Il est présidé par Lord Balfour, représentant britannique, avec la participation de la France, de l’Italie, de la Tchécoslovaquie et de l’Autriche. La volonté de préserver l’indépendance de l’Autriche était prégnante chez les membres du Conseil, pour que la SDN ne soit pas considérée comme la représentante d’intérêts particuliers. Ainsi, durant les négociations, Lord Balfour ne cessa de répéter: «C’est l’Autriche qui gouverne».

Le 4 octobre 1922 est signé le Protocole de Genève sur la reconstruction de l'Autriche:

  • Il faut rétablir la force et la stabilité de la Couronne autrichienne. Le protocole prévoit la création d'une banque d'émission à Vienne, mais indépendante du gouvernement autrichien. Ce dernier renonce donc à son droit d'émettre de la monnaie.
  • L'État autrichine s'engage à faire de lourdes économies, par exemple en licensiant de nombreux fonctionnaires ou en réorganisant son système ferrovière.
  • En contrepartie de ces deux points, la SDN fait un prêt de 650 millions de Couronnes à l'Autriche (dont 130 millions pour rembourser les emprunts précédents). La France, le Royaume-Uni, l'Italie et la Tchécoslovaquie fournissent chacun 20% de cette somme. La Belgique, l’Espagne, les Pays-Bas et la Suisse fournisse chacun 5% de la somme. L'article 5 des accords prévoit que le gouvernement autrichien affectera comme gages à l'emprunt garanti les recettes brutes des douanes et du monpole des tabacs qui doivent être versés au fur et à mesure de leur perception.
  • La SDN nomme un Commissaire Général, le hollandais Alfred Rudolf Zimmerman, auquel l'Autriche doit demander la permission d'utiliser les fonds du prêt en justifiant l'utilité des dépenses.
  • Les 8 pays prêteurs signent une déclaration de désinteressement, où ils s’engagent à respecter l’indépendance et la souveraineté de l’Autriche, sans chercher à retirer de l’affaire un quelconque avantage exclusif économique ou financier.
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Österreichische Nationalbank (Vienne - 1925)
© Oesterreichische Nationalbank

Le 14 novembre 1922, la Banque nationale autrichienne, l'Österreichische Nationalbank, est créée et supplante la vieille Banque austro-hongroise en liquidation. Le premier objectif de cette nouvelle banque est de créer une nouvelle monnaie provisoire, le schilling autrichien, qui devra être stable. Cette monnaie sera officialisée en décembre 1924. Il faut 10.000 couronnes pour obtenir un schilling. Rapidement, cette monnaie s’impose dans la région comme une monnaie sûre et les gouvernements successifs veilleront à la stabilité du schilling qui aura très vite la réputation d’être le «Alpendollar», le dollar alpin. En janvier 1923, l’État autrichien avait déjà licencié 25.000 fonctionnaires, notamment par la suppression de certains ministères, tandis que la situation économique s’améliore, avec la baisse du chômage et la stabilisation de la monnaie. Au total 80.000 postes de fonctionnaires seront supprimés.

Même si l'opération de la SDN s'avère être globalement un succès, évitant la disparition de l'Autriche, la situation économique reste difficille, et ce à long terme. Dans ce cadre, on comprend très facilement la nostalgie que ressentent beaucoup d'autrichiens pour l'Empire d'Autriche et la vie paisible d'avant-guerre.