Lieu |
Personnages |
Europe | Elisabeth: 31 à 50 ans – Rudolf: 11 à 30 ans |
Cette scène est une passerelle entre deux époques. On fait un bond de 18 ans. On n’apprend pas grand-chose, si ce n’est qu’Élisabeth a beaucoup beaucoup voyagé. Elle est faite de pleins de petits flash…
A) Flash 1: Madère
On parle ici de Madère. Or, Élisabeth n’ira que deus fois à Madère. La première, nous en avons longuement parlé s’est déroulé au début du règne (17 nov. '60 - 18 mai ‘61), alors qu’Élisabeth était malade. Elle y retournera une seule fois, à l’hôtel Reid, à la fin de sa vie, après la mort de Rudolf. L’époque n’est pas la bonne. Elle n’est cependant plus dans cette distanciation forcée. Elle est beaucoup plus libre qu’auparavant. Elle n’a plus besoin de mettre une distance «artificielle» entre elle ou la cour de Vienne pour se rendre « injoignable», les kilomètres font leurs effets.
Acte II – Scène 8b |
B) Flash 2: une sportive
Élisabeth a très peu résidé en Autriche (elle fuit Vienne dès que possible) et beaucoup en Hongrie, surtout au château de Gödöllő (30 km au nord-est de Budapest). Depuis 1867 et l’achat du château, la famille «royale» y séjourne plusieurs mois par an, principalement à l’automne et au printemps. Le château accueillait tous les animaux de compagnie de la reine. Si Élisabeth voulait être seule, personne ne la dérangeait: elle lisait, apprenait des langues, écrivait et se promenait. Si la reine souhaitait de la compagnie, on organisait des courses hippiques à grande échelle, des chasses, des courses de lévriers ou même du tir aux pigeons. L’élite des sports hippiques visitait souvent le château, y compris le premier ministre hongrois, le compte Gyula Andrássy, l’un de ses rares vrais amis.
Le rôle joué par Andrássy commence à être très critiqué. C’est à cause de lui, estiment les Viennois, que l’impératrice est sans cesse détournée de leur ville. Et Ida Ferenczy est sa complice. Face à ces critiques – justifiées, il faut le dire – Élisabeth réagit par une provocation supplémentaire : elle augmente le traitement de sa lectrice d’une manière substantielle. Les Viennois ne jugent que l’absence de leur souveraine. Ils ont raison. Mais cette stabilité dans la fuite est révélatrice d’un climat de détente et d’harmonie dont François-Joseph a le plus grand besoin. Elle et lui se comprennent mais avec un décalage tenace. Et ils ne parviennent pas à vivre constamment ensemble ni l’un sans l’autre, comme en témoignent leurs lettres expédiées chaque jour et qui suffiraient au fonctionnement d’un service postal. A tous points de vue, ils se manquent.
En septembre 1875, elle est victime d’une grave accident de cheval en Normandie où elle s’entraine au saut d’obstacle. Elle termine avec sa tête dans un chêne. Elle fera entre 1876 et 1882 de nombreux séjours en Angleterre pour faire de la chasse à courre. Peu de temps après elle abandonne complètement ce sport et se consacre à de longues promenades, à des randonnées et à l'escrime.
Acte II – Scène 8b |
C) Flash 3: une voyageuse intarissable
Parmi toutes les destinations fréquentées par Élisabeth, hors de l’Empire d’Autriche et du Royaume de Hongrie, l’une des plus importante sera la Grèce. Un long voyage en Orient conduit l'impératrice en Grèce. Elle se met alors à étudier intensivement la culture grecque. En novembre 1888, impératrice décide de se faire construire une villa à Corfou – l’Achilléon – et commence à apprendre le Grec ancien et moderne.
Cette passion pour les voyages s’intensifiera encore après la mort de son fils Rudolf à Mayerling. Il s’agit alors d’une vraie errance. Elle ne fuit plus qu’elle-même.
D) Flash 4: elle se construit sa propre prison
Elle est toujours emprisonnée dans la camisole de son apparence. Elle continuera à faire usage de doublure, mais plus que pour des raisons de sécurité, aussi pour des raisons d’apparence, d’image.
Acte II – Scène 8b |
Élisabeth avait pour coiffeuse personnelle une jeune fille du nom de Fanny Angerer (plus tard Feifalik) qu’elle avait trouvée au Burgtheater de Vienne et dont elle s’était entichée.
Il y avait une certaine ressemblance physique entre elle est Fanny, à tel point que celle-ci prenait sa place dans des réceptions officielles (lorsque que l’on ne devait le voir que de loin, bien sûr, pour éviter d’éveiller les soupçons), tandis qu’Élisabeth, elle, faisait du « tourisme » et s’amusait du tour joué au personnes présentes et qui n’y voyaient que du feu....
E) Flash 5: Rudolf
Une petite parenthèse car nous allons bientôt aborder la «problématique Rudolf». Il n’a fait qu’un seul grand voyage avec sa mère, c’est en Angleterre en 1877. Il est juste majeur.
Il est hors de question de blesser la reine Victoria. Rudolf de Habsbourg, est l'héritier de cette immense dynastie que péniblement, travaillant de l'aube à la nuit, son père tente d’empêcher de disparaître. Le voyage a lieu en partie dans le train de l'impératrice Locomotive. Rudolf en profite pour exposer à sa mère ses CONCEPTS LIBÉRAUX, qu’elle apprécie fortement. Il compte sur ce voyage en Angleterre pour appréhender le fonctionnement d'une monarchie plus ouverte. Il entrevoit ainsi son rôle de futur souverain. Dès qu’il exercera le pouvoir, il dépoussiérera la monarchie si raide d'Autriche, chère à son père. Mais Élisabeth n'a qu'une seule inquiétude: qu'il renonce à la suivre à cheval. Il risquerait de se tuer. Il n'est pas assez bon cavalier pour la suivre et il est l'unique héritier.
Rudolf est meurtri de cette «rencontre ratée». Et dès son arrivée à Londres, Élisabeth va de son côté, le laissant à son entourage. Rudolf se passionne pour la politique anglaise, curieux d’apprendre. Il se rend à la Chambre des communes, apprécie leur sens de la démocratie. C'est une monarchie, certes, gouvernée par une grande reine, mais quel précieux respect de l'individu, et de sa liberté! Il rend de nombreuses visites aux entreprises économiques dont les ateliers de filatures (révolution industrielle anglaise). Il étudie tout, considère la misère ouvrière mais aussi les progrès techniques supérieurs à ceux de l'Autriche.
La prospérité du royaume est impressionnante. Londres, qui vient d’atteindre les cinq millions d’habitants, est une fascinante métropole où se forge l’éclat d’une nation. Sa visite à la reine Victoria prend un relief particulier. La souveraine, qui règne depuis quarante ans et qui est, depuis deux ans, impératrice des Indes, est charmée par Rudolf. Elle est même séduite et, fait rarissime, l’invite à passer quelques jours à Osborne House pour se reposer de joies londoniennes organisées par le prince de Galles, très expert. Après ce séjour de Rodolphe dans l’île de Wight auprès de Victoria, pourtant jalouse de sa tranquillité, la comtesse de Teck dit au comte de Beust, ambassadeur d’Autriche-Hongrie :
«La reine est amoureuse du prince héritier mais vous ne devez avoir aucune inquiétude : elle n’a pas l’intention de l’épouser !»
Victoria est donc totalement séduite par ce beau jeune homme, ce prince cultivé, intelligent, au regard d’ardoise... Il lui fait oublier le refroidissement causé par la désinvolture de sa mère. L'impératrice est sans doute un peu folle; Rudolf mérite toutes les attentions. Il faudra un jour, elle ou son fils, composer avec ce futur empereur. Il lui plaît. Elle eût bien aimé lui donner en mariage une de ses filles. Malheureusement, il va en être tout autrement.
A suivre…
F) Les grands événements de ces années-là en Europe
F.1) La guerre frano-allemande de 1870
Guerre DÉBILE, car elle est déclenchée par dépêche que l’histoire a retenue sous le nom de «Dépêche d’EMS». Faisons une petite disgression car elle permet de comprendre l’ampleur du pouvoir de ces géants qui sont sur les scènes de Élisabeth.
L'affaire a commencé en septembre 1868, quand la Reine d'Espagne Isabelle II (38 ans) a renoncé au trône d'Espagne pour demeurer auprès de son dernier amant! Le chancelier prussien Otto von Bismarck, comme à son habitude, songe à avancer une de ses pièces: il envisage de mettre à sa place le prince Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen. Émotion à Paris. Le ministre français de la Guerre, le maréchal Leboeuf, rassure Napoléon III que l'armée française est «admirable, disciplinée, exercée, vaillante», et qu'elle est prête à toutes les éventualités.
Le roi de Prusse Guillaume Ier, à ce moment-là, fait une cure à Ems, une ville d'eau proche de Coblence et du Rhin. Il est moins téméraire et ambitieux que son Ministre-Président Bismarck Et il tente discrètement de faire renoncer Léopold à sa candidature. Heureuse surprise, le 12 juillet 1870, le père de Léopold télégraphie à l'ambassadeur espagnol que son fils retire sa candidature.
La modération de Guillaume Ier et de Napoléon III semblent l'avoir emporté. Mais c’est mal connaître le roublard Bismarck qui va sauter sur la première bêtise française.
Les français doutent des allemands. Le Ministre des Affaires étrangères français demande à son ambassadeur d'exiger du roi Guillaume Ier l'assurance en bonne et due forme qu'il s'associe à la renonciation du prince de Hohenzollern. Le 13 juillet 1870, l'ambassadeur français Benedetti rencontre le roi Guillaume Ier sur sa promenade des sources à Ems. Un peu plus tard dans la journée, Guillaume reçoit une lettre du prince de Hohenzollern confirmant le retrait de sa candidature. Il envoie aussitôt son aide de camp de service en informer l'ambassadeur. Et l'aide de camp de préciser à l'ambassadeur : «Par là, Sa Majesté considère l'affaire comme liquidée»... Tout est bien qui finit bien?
Non car Bismarck rôde.
À Berlin, Bismarck dîne ce soir-là avec son chef d'état-major von Moltke et son ministre de la Guerre von Roon. Arrive un télégramme d'Ems qui raconte en termes neutres l'entrevue du matin entre le roi et l'ambassadeur, la lettre du prince de Hohenzollern et la visite de l'aide de camp à Benedetti.
Le chancelier, d'abord déçu, se ressaisit et rédige un résumé à sa manière du télégramme sans rien retrancher ni ajouter:
Tout y est mais en des termes proprement humiliants pour la France comme pour l'opinion publique allemande. Le soir même, la dépêche est distribuée abondamment dans les rues de Berlin. Le tollé est immédiat et général. «Comment ose-t-on traiter notre roi !»
À Paris, le Conseil des ministres se réunit d'urgence. Le soir même, le ministre de la Guerre rappelle les réservistes. Le lendemain, Guillaume Ier signe un décret de mobilisation.
Le 19 juillet 1870 enfin, la France déclare officiellement la guerre à la Prusse...
Conséquences:
- Chute du Second Empire français: c'est la fin du Second Empire français de Napoléon III et la naissance de la IIIème République (après, entre autres, la Commune de Paris)
- Création du Second Empire Allemand (IIème Reich): il s'agit de l'unification de l’Allemagne (la Confédération de l'Allemagne du Nord absorbe la Bavière, le Bade, le Wurtemberg et annexe l'Alsace-Lorraine) et donc sans l'Autriche-Hongrie.L’Autriche est donc isolée.Le Second Empire Allemand sera proclamé à Versailles.
Tout cela pour une broutille. Ou une ambition démesurée!
L'image ci-dessous est marquante et ce n'est pas pour rien que la défaite de ce même IIème Reich lors de la Première Guerre mondiale sera signée à Versailles.
Et enfin, dans cette caricature de 1870, la représentation de l'Autriche nous dit tout de la situation de l'Empire austro-hongrois. Il est loin le temps de Metternich! La légende de cette caricature est très claire: «L'Angleterre enragée oublie l'Irlande mais la garde en son pouvoir. L'Espagne et le Portugal fument paresseusement. La France tente de renverser la Prusse qui avance une main sur la Hollande et un genou sur l'Autriche. L'Italie conseille à Bismark de se tenir à l'écart. La Corse et la Sardaigne rient du tout. Le Danemark espère récupérer le Holstein. La Turquie somnole dans la fumée. La Suède est accroupie comme une panthère. La Russie, comme un mendiant, essaie par n'importe quoi de remplir son panier.»
Et enfin, dans cette caricature de 1870, la représentation de l'Autriche nous dit tout de la situation de l'Empire austro-hongrois. Il est loin le temps de Metternich! La légende de cette caricature est très claire: «L'Angleterre enragée oublie l'Irlande mais la garde en son pouvoir. L'Espagne et le Portugal fument paresseusement. La France tente de renverser la Prusse qui avance une main sur la Hollande et un genou sur l'Autriche. L'Italie conseille à Bismark de se tenir à l'écart. La Corse et la Sardaigne rient du tout. Le Danemark espère récupérer le Holstein. La Turquie somnole dans la fumée. La Suède est accroupie comme une panthère. La Russie, comme un mendiant, essaie par n'importe quoi de remplir son panier.»
F.2) La guerre russo-turque de 1877-1878
En 1875, le sultan de l'Empire Ottoman contrôle presque tous la zone des Balkans.
La Serbie et la Roumanie bénéficient d’une forte autonomie. De nombreuses révoltes éclatent dans les Balkans contre l’impôt ottoman. L’Empire Ottoman mate ses révoltes avec violences. L’Europe est choquée mais ne réagit pas.
La Russie va en profiter pour attaquer et va vaincre l’Empire Ottoman, arrivant aux portes de Constantinople. Un premier traité de paix va être signé en mars 1878...
Le Traité de San Stefano: le Tsar impose la création d’une Grande Bulgarie (sous influence russe…) et l’indépendance de la Roumanie, de la Serbie et du Monténégro. Mais…
Les Austro-Hongrois et les Anglais s’opposent à cette prise de pouvoir russe craignant qu’ils ne rêvent un jour de la Grèce. Pour Londres, il y aussi une menace sur les détroits.
Pour tout compliquer, le 15 janvier 1877, une convention secrète austro-russe avait été signée définissant que si la Russie entrait en guerre contre l’Empire Ottoman, l’Autriche-Hongrie restera neutre et recevrait, en échange, la Bosnie-Herzégovine. Ce qui ne fut pas fait.
La tension en Europe est énorme. Et là, qui va intervenir?
Bismarck. Qui va, pour une fois jouer le grand pacificateur européen. Et comme toujours défendra les intérêts de l’Allemagne. Il propose de réunir un Congrès de Paix à Berlin en juin 1878.
Le Traité de Berlin: le Congrès de Berlin confirme plusieurs dispositions du traité de San Stefano:
- les indépendances de la Serbie, de la Roumanie, du Monténégro
- La Bosnie-Herzégovine passe sous administration austro-hongroise
- En revanche, la grande Bulgarie est réduite, elle est éclatée en deux entités: la Bulgarie autonome et la principauté de Roumélie dépendant de l’Empire ottoman
- Et pour faire plaisir à tout le monde, le Royaume-Uni reçoit Chypre et la Grèce reçoit la Thessalie