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Personnages |
Chambre de travail de l’Empereur | Rudolf (30 ans) - François-Joseph |
A) Intro: conscience politique de Rudolf
Mais, dans sa vie déjà si pleine, Rudolf sent croître chaque jour un intérêt nouveau: la politique. Les années 1877-1881 sont d'ailleurs fertiles en événements graves, dont toute l'Europe s'émeut.
C'est la guerre des Balkans avec l’avance rapide des Russes vers Constantinople et l'«attitude menaçante» de l'Angleterre, la concentration des escadres britanniques devant les Dardanelles. Mais c’est aussi l’indépendance de la Bulgarie, de la Serbie et du Monténégro. Avant que ce Traité de San Stefano ne soit bafoué en quelques mois d’un revers de main par le Congrès de Berlin, dramatisé par le grand duel de Gortchakow (ministre des Affaires étrangères russe) et de Bismarck sous les yeux de Beaconsfield et d'Andrassy; c'est la brouille éclatante des Hohenzollern et des Romanov.
Mais cette époque est aussi le déchaînement épouvantable des fureurs nihilistes en Russie, et, pour dernier acte de la tragédie, l'assassinat du généreux «libérateur des serfs», Alexandre II.
Comment la vive intelligence de Rudolf ne se passionnerait-elle pas en voyant se transformer ainsi, quotidiennement, le scénario du spectacle européen?
Suite à ces troubles et cet attentat, une idée le poursuit, l'obsède: le rôle que lui assigne, dès sa majorité, son titre de Prince héritier.
Jusqu'alors, il n'y a pensé que très vaguement; il voit son père si robuste et qui semble assuré de vivre quelque trente ou quarante années encore. Maintenant, il ne cesse plus de réfléchir à ce qu'il ferait, si l'héritage des Habsbourg lui tombait inopinément sur les épaules.
Ses idées à cet égard, si complexes et brumeuses qu'elles fussent d'abord au point de vue pratique n'ont jamais varié quant à leur principe; elles se sont toujours inspirées du libéralisme nationaliste et elles lui sont toutes personnelles; car François-Joseph qui lui laisse une entière indépendance pour sa vie privée, l'a toujours sévèrement éloigné des affaires publiques, ne s'est jamais soucié de le préparer aux lourdes responsabilités de la fonction monarchique» Or, tous lès événements dé 1877-1881 l'ont affermi dans la conviction que les libertés politiques sont les garanties nécessaires de l'État moderne et que le pouvoir exécutif doit être subordonné à la volonté nationale.
Aussi, dorénavant, ne se gêne-t-il plus d'exprimer ses opinions à haute voix: il les affiche même. Il se crée, dans les parlements de Vienne et de Pesth, des amitiés compromettantes; il reçoit dans son intimité des journalistes, des financiers, des professeurs, des avocats, des Juifs: toute la Cour en est scandalisée. Maintes fois, l'Empereur, qui ne plaisante par sur ces graves questions, administre à son fils de vertes semonces. Rien n'y fait: le «coupable» se révèle incorrigible.
Face à ces doutes, Rudolf se tourne immanquablement vers sa mère. Il lui expose les grands desseins qu'il conçoit pour l'avenir et qui se ramènent tous à démocratiser la vieille Autriche, à la reconstituer sur le plan de l'Angleterre, de la France, de l'Amérique...
Élisabeth ne l'approuve pas; elle cherche même à lui démontrer que ces beaux projets sont trop vastes et que leur accomplissement n'exigerait pas moins qu'un travail d'Hercule. Souvent taciturne et concentrée, elle le fixe d’un regard étrange, comme si elle n'osait lui découvrir le fond de sa pensée. Car elle-même dans ses promenades solitaires et ses longues rêveries, elle a souvent médité sur le destin de l'Autriche. Et elle a souvent douté quant à ce destin.
Peu à peu, un présage terrible s'est incrusté dans l’esprit d’Élisabeth, où il rayonne par instants avec des lueurs sinistres. Cet hallucinant présage, elle le confesse un jour devant Rodolphe :
«L'Autriche est vouée aux catastrophes. Nul effort humain ne peut plus conjurer sa perte; il faut s’y résigner; la maison des Habsbourg est manifestement sous l'étreinte d'une implacable fatalité.»
Élisabeth
B) Rudolf écrit des articles politiques dans la presse d’opposition
Acte II – Scène 10a |
Le 8 décembre 1882, on jouait Les Contes d'Hoffmann d’Offenbach au Ringtheather quand, soudain, le feu prit sur la scène et se propagea aussi vite que la foudre: 500 morts. François-Joseph paya de sa cassette paya de sa cassette pour reconstruire sur le site du théâtre, une chapelle commémorative («Maison des Expiations») où serait entre autres tenu un service funéraire chaque année pour les victimes de la catastrophe dévastatrice et ce pour toujours. Il y aurait aussi une fondation aider les familles en deuil.
La presse profita de cet incendie pour attaquer la monarchie de François-Joseph. Le désaccord résolu de Rudolf avec les idées de son père se creusa d’avantage. Il rejetait l'église et la monarchie absolue (dont il est l’héritier). Il avait des amitiés dans tous les milieux libéraux, dont le journaliste Moritz Szeps, propriétaire du journal Neues Wiener Tagblatt, ennemi de l'Empereur. Rudolf et ses amis détestent les réactionnaires prussiens et russes, ce qui augmente le rejet de son père. Rudolf avait déjà écrit, en 1883, à Moritz Szeps (l'Empereur en aura une copie) ses doutes sur l'avenir de l'Autriche:
«Je suis curieux de savoir combien il faudra de temps à un édifice aussi antique et solide que l'Autriche pour craquer dans toutes ses jointures et s'effondrer.»
Rudolf
C’est le Prince-héritier qui écrit!!!
Dans un premier temps, l'empereur a décidé de se taire face aux idée de son fils, consterné. Il n'a que ce seul fils... Son fils lui semble parfois une sorte de sosie d'Élisabeth.
Mais qui régnera après lui?
Que deviendront les fruits de son honnête labeur acharné?
Il sait bien, qu'à la Cour, Rudolf pratique à la manière d'Élisabeth, le suprême dédain des «grands». Rudolf ne cache pas son ironie et son mépris à ses «cousins», ces archiducs arrogants, qu'il estime de vains insectes pourris de vices et d'orgueil. Ses ennemis croissent, colportent des rumeurs dégradantes sur le prince. Il a de moins en moins de rôle précis à la Cour.
Son père le relègue à un rôle de représentation, aux bals et aux dîners à la Schônbrunn, tout ce qu’il déteste.
Alors, il va s’en donner à cœur joie.
Acte II – Scène 10a |
Depuis l’incendie du Ringtheather, Rudolf tenait une correspondance secrète avec Moritz Szeps. Clémenceau a eu accès à la correspondance secrète entre Szeps et Rudolf. Le 22 décembre 1886, dans la nuit, Clémenceau, introduit par Szeps, rencontra secrètement Rudolf au Palais Impérial de la Hofburg. Selon Szeps, a retranscrit sa fille Berthe, les deux hommes étaient en désaccord sur la politique autrichienne expansionniste dans les Balkans. En 1878, l’Autriche avait imposé son protectorat sur la Bosnie-Herzégovine, ce qui faisait planer une menace sur la Serbie amie de la France. Rudolf y voyait une œuvre de civilisation; Clémenceau y discernait une stratégie belliciste commandée par l’Allemagne de Bismarck afin de détourner l’Autriche-Hongrie d’une concurrence dans l’espace germanique. Un petit sucre que l'Allemagne donnerait au chien-chien autrichien pour détourner son attention. L'histoire donnera raison à Clémenceau.
En revanche, l’un et l’autre tombèrent d’accord sur une politique de rapprochement franco-autrichien pour contrebalancer l’impérialisme bismarckien. Ce qui supposait une démocratisation de l’Autriche-Hongrie, qui restait à entamer, ainsi qu’une détente avec la Grande-Bretagne, voire avec la Russie.
Cette rencontre est vraiment loin d’être anecdotique. Elle DÉMONTRE qui est Rudolf. Il faut avoir des couilles pour introduire en douce à la Hofburg Clémenceau, un opposant absolu de l’Empereur François-Joseph.
A un tel point, qu’après Mayerling, certains (dont l’Impératrice Zita), la dernière Impératrice d’Autriche et Reine de Hongrie, affirmera qu’il s’agit d’un assassinat politique, conjuration à laquelle Clémenceau aurait participé. Ici encore cela démontre la place du Rudolf sur l'échiquier politique, fut-il secret.
Moritz Szeps est considéré comme un symbole des liens entre l’élite intellectuelle juive et la vie économique, tout comme Moritz Benedikt, patron de la Neue Freie Presse. Il fut la cible des attaques du politicien d'extrême-droite Georg Ritter von Schönerer, dont nous allons parler dans la scène 10b.
Acte II – Scène 10a |