1.
946-1848
Avant le règne
de François-Joseph Ier

 2.1.
Acte I
Musical
Elisabeth

 2.2.9.
Acte II Scène 8b
1869 1888
Années agitées

 2.2.11.
Acte II Scène 10a
1888
Je SUIS HORS DE MOI

 3.
1898-1918
Fin du règne
de François-Joseph Ier

Lieu

Personnages

«La calèche de la mort» Rudolf (30 ans) - La Mort


Nous avions quitté Rudolf enfant, à 9 ans, à la scène 3 de l'acte II, lors de la visite précédente de la Mort.

Qui est-il devenu?

 Acte II – Scène 3   Acte II – Scène 9 

LA MORT
JE SUIS UN AMI.
CHAQUE FOIS QUE TU AURAS BESOIN DE MOI,
JE VIENDRAI VERS TOI

 

LA MORT
TE RAPPELLES-TU? TU ÉTAIS ENCORE UN GARÇON
QUAND JE T‘AI PROMIS
QUE JE SERAIS TOUJOURS PRÈS DE TOI

RUDOLF
OH, JE NE T’AI PAS OUBLIÉ
MON AMI, VERS QUI JE CRIE
QUAND MES PEURS ME DÉVORENT
LA MORT
JE VIENS PARCE QUE TU AS BESOIN DE MOI

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L'archiduc Rodolphe en 1871
© Collection ÖNB

A) Un enfant brillant

Très tôt, Rudolf a témoigné une intelligence vive, alerte, déliée, curieuse de tout. Il s'exprime en termes justes, naturels et variés; il apprend les langues étrangères avec une étonnante facilité; il surprend, il embarrasse même, à chaque instant, son entourage par la promptitude et la finesse de ses observations. Moralement, il a le cœur tendre, l'âme sensitive, généreuse et fière; il aime l'indépendance; il se laisse conduire docilement par la douceur et l'affection; il se cabre impétueusement, si l'on prétend le maîtriser. Quand il s'emporte, ses colères sont terribles.

On peut dès lors prévoir que l'héritier des Habsbourg aura de la personnalité. De qui la tient-il, cette personnalité?... De son père? Non.

François-Joseph est le moins original des hommes; il a l'esprit judicieux et pondéré, mais lent, étroit, méthodique, formaliste et sans la moindre curiosité. Il vit sur un très petit nombre d'idées simples et traditionnelles, qu'il ne revise jamais. Il porte, dans l'exécution de sa tâche impériale, un sens très élevé, très scrupuleux, des grands devoirs que ses ancêtres lui ont légués. Il se compare volontiers à un factionnaire que Dieu lui-même a placé dans un poste éminent. Et, durant soixante-dix années de règne, il observera minutieusement sa consigne. Quelqu'un qui l'a bien connu disait un jour:

«Les deux traits caractéristiques de François-Joseph sont l'étroitesse d'esprit et la conscience professionnelle. Au fond, il a une âme de garde-chasse.»
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L'archiduc Rodolphe en 1879


Dès le sortir de l'enfance, Rudolf est mis entre les mains de précepteurs intelligents qui savent le comprendre, gagner son cœur et satisfaire à toutes les curiosités de son ardente nature. Il témoigne les goûts les plus variés. L'histoire, la géographie, la zoologie, la botanique, la physiologie, l'ethnographie, toutes les connaissances positives l'intéressent, le passionnent; il n'est pas moins ouvert aux idées générales et aux spéculations supérieures.

Ses études le rapprochent beaucoup de sa mère, qui, d'esprit très indépendant, s'est, depuis quelque temps, affranchie de toutes les contraintes officielles et s'isole chaque jour, durant des heures, avec ses livres. Comme elle a le don des langues, et qu'elle en parle aisément quatre ou cinq, elle peut s'offrir le luxe de prédilections variées. C'est ainsi qu'elle a pour auteurs favoris Dante, Shakespeare, Jean-Jacques Rousseau, Byron, Shelley, Keats, Schopenhauer, George Sand, Leopardi, Henri Heine, tous écrivains qui ont fortement exprimé l'incurable misère de la destinée humaine, l'attrait décevant du monde invisible, la tragique énigme de la souffrance et de la mort, le néant des grandeurs sociales, la beauté des libres énergies, les droits imprescriptibles et sacrés de la conscience individuelle, enfin l'obligation qui prime toutes les autres, celle de la sincérité vis-à-vis de soi-même.

Rudolf est donc tiraillé dès l’enfance entre deux figures parentales totalement opposées. Et il sait qu ’en temps que Prince héritier, la vie a choisi pour lui à qui il se devait de ressembler… Mais fait-on toujours ce que l’on doit?

B) Majorité, première « libération »

Durant l’été 1877, Rudolf, selon l’usage, est déclaré majeur à 18 ans. Il n’a plus de précepteur, mais une Maison dont l’intendant est le comte Charles de Bombelles, qui avait été au service de l’infortuné Empereur du Mexique Maximilien. Bombelles a une réputation exécrable, il est connu pour ses mœurs légères et Rudolf montre un grand appétit pour les joies de la vie. Un de ses éducateurs lui avait recommandé de jouir des plaisirs de l’existence avec mesure, mais François-Joseph avait rétorqué, en défendant Rudolf:

«Il ne faut pas que l’on vole sa jeunesse à mon fils comme on m’a volé la mienne.»

François-Joseph


Une chose inquiète Élisabeth: depuis deux ans, Rudolf joue le rôle d’intermédiaire entre sa mère et Louis II de Bavière. Rudolf entretient une correspondance privée avec «le pauvre roi» de Munich depuis qu’une entrevue avec lui l’a ému, tant ce souverain théâtral semblait ne vivre que pour construire des rêves de marbre, d’or... et de carton-pâte, à la gloire de monarchies idéales. Rudolf partageait donc avec sa mère une vraie passion pour Louis II, ce roi génial et blessé.

Mais Élisabeth craint que l’amitié entre son fils et le roi ne soit ambiguë. Rudolf est jeune, beau, à l’aube d’une vie d’homme, en un mot vulnérable. Elle en parle à François-Joseph et met son fils en garde contre les mœurs de Louis II, mais François-Joseph la rassure en lui certifiant que Rudolf n’a aucun penchant homosexuel, au contraire... Nul besoin, comme on l’avait fait pour son père, de lui choisir des «comtesses hygiéniques»: il les sélectionne lui-même. Les temps ont changé!

Il est vrai qu’Élisabeth connait assez mal son fils mais la réaction de la femme libre qu’elle est reste étonnante…

C) Coureur de jupons et … libéral

Rudolf enchaîne liaison sur liaison dans presque toutes les catégories sociales mais l’archiduc héritier assume PARFAITEMENT les tâches politiques que son père lui confie: il a été son messager lors de nombreux voyages, il a rempli d’importantes missions dans l’Empire et pris le pouls de toutes les aspirations, notamment nationalistes, des peuples de la Babel danubienne (très important après la crise de 1877 dans les Balkans). Certes, il se couche parfois à l’heure où son père se lève et ses fréquentations sont, selon François-Joseph, loin d’être irréprochables, mais son fils a 21 ans et à cet âge son père avait dit adieu à sa jeunesse depuis trois ans en acceptant le fardeau de la Couronne. Il n’a jamais connu la liberté de son fils, alors que Rudolf en profite...

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L'archiduc Rodolphe en tenue de chasse en 1880

Rudolf est le contraire de l’Empereur: comme sa mère Élisabeth, il est ouvert sur le monde et ne se contente pas de maintenir un ordre établi en se livrant à des activités répétitives; il est curieux, intelligent et cultivé. Il a du charme et plaît beaucoup aux femmes; la police le surveille, maladroitement, lors de ses sorties nocturnes dans les cabarets et les maisons closes.

François-Joseph ne s’en émeut pas trop; en revanche, le souverain est beaucoup plus inquiet que son fils écrive dans un journal d’opposition, sous un pseudonyme vite démasqué, des points de vue contre la politique impériale, qu’il se lie avec des libéraux, des francs-maçons, des intermédiaires et même des républicains français.

Rudolf veut connaître les réalités de son époque. Comme Élisabeth, il est beaucoup mieux informé que l’Empereur, notamment de l’agitation des minorités, dont certaines sont favorables à l’Empire allemand, et du ressentiment des Tchèques face à la trop forte influence hongroise. Comme nous le verrons dans la scène 10, Rudolf est devenu très libéral, presque un activiste politique. Pour cette raison, François-Joseph l’écarte des affaires importantes de l’Etat.

Il est minuit moins cinq, les «ombres s’allongent», le bateau coule. Et on ne laissera jamais Rudolf intervenir.

Il aurait sans doute pu sauver la dynastie et éviter … la première guerre mondiale et donc la seconde …

 Acte II – Scène 9  
LA MORT
IL EST MINUIT MOINS CINQ.
LE TEMPS EST PRESQUE ÉCOULÉ !
RUDOLF
LE TEMPS DE VOIR LE MONDE SE FISSURER.
SI SEULEMENT JE POUVAIS TOURNER CE VOLANT...
MAIS NON, JE DOIS RESTER À CÔTÉ, J’AI LES MAINS LIÉES
LA MORT
IL EST MINUIT MOINS CINQ.
POURQUOI SONT-ILS TOUS IMMOBILES?
L‘EMPEREUR RUDOLF VA RENCONTRER LE TEMPS!