Le Vormärz (la «Restauration») est, dans les États allemands, la période allant du Congrès de Vienne en 1815 au Printemps des peuples avorté en 1848-49. On qualifie parfois cette période de Junges Deutschland (Jeune-Allemagne), nom repris par un groupe d'écrivains allemands de la même période. S'ensuit la révolution de Mars de 1848 dans les trente-huit États germaniques formant la Confédération germanique, avec la demande du peuple d'accéder à la liberté de la presse et une monarchie parlementaire où il serait représenté par une assemblée élue. Durant cette période, les monarchies allemandes commencent à être contestées, et l'Empire des Habsbourg en Autriche commence lui aussi à décliner. L'unification allemande qui s'achève ensuite sous l'impulsion de Bismarck fut elle aussi conditionnée par le Vormärz.
A cette charnière de l'histoire, reprécisons les choses en une petite synthèse
A) Point de départ: morcellement du ou des peuples allemands
La Confédération Germanique est une «Confédération Européenne» qui est née en 1815 lors du Congrès de Vienne. Elle naît sur les cendres de la Confédération du Rhin, invention de Napoléon Ier dans sa volonté de contrôle de l'Europe.
Comme nous l'avons vu, la situation des «Etats allemands» à cette époque-là est particulière. Comme nous l'avons vu, le territoire est divisé en plusieurs terres dirigées par des princes ecclésiastiques ou laïcs qui sont assemblées pour former le Saint-Empire romain germanique. Rien ne les unifie. De plus en plus, les Allemands aspirent à l'unité et à plus de libertés. Des mouvements libéralistes se forment avec notamment les Wartburgfeste. Les révolutions françaises influencent les Allemands qui aspirent aux mêmes changements.
Napoléon vient d'être vaincu. Le Congrès de Vienne (1814-1815) devait instaurer un nouvel ordre qui garantirait la paix et les Allemands attendaient de ce congrès la création d'un État unitaire mais aussi la participation de la bourgeoisie aux décisions politiques. Les Allemands aspiraient à un État unique et uni et à plus de liberté («Einheit und Freiheit»).
Les princes présents au Congrès de Vienne n'ont pas répondu pas à cette demande. Ils voulaient revenir à l'ancien régime, à une forme de pouvoir dynastique et à l'absolutisme. Au chapitre précédent, nous avons vu que pendant ce congrès fut créée la Confédération germanique (1815-1866). Elle comptait 41 États indépendants mais n'avait pas de chef d'État. Les Allemands étaient donc très déçus de ce Congrès qui ne répondait pas du tout à leurs attentes. Les échanges diplomatiques entre les mêmes États, dans les années qui ont suivi, tels le recès de Francfort en 1819, confirment la même situation, et évitent d'envisager une évolution vers une unification politique de l'Allemagne.
B) Les décrets de Karlsbad (1819) – Première alerte
B.1) Les décrets de Karlsbad
Metternich a une obsession: lutter contre le libéralisme dont les associations étudiantes, les Burschenschaften.
En 1815, le Grand-Duché de Saxe dont le souverain, ami de Goethe, est un îlot de libéralisme. En juin, dans la ville d’Iena, les étudiants décident de dissoudre les cinq associations régionales existantes pour fonder une seule Burschenschaft. Le mouvement se répand rapidement dans les universités du centre et du Sud de l'Allemagne. Certaines universités refusent par exemple les étudiants juifs. La Burschenschaft d'Heidelberg choisit quant à elle de les admettre.
En 1817, les Burschenschaften se réunissent à Wartburg où 500 étudiants célèbrent les 300 ans de la publication des thèses de Luther – la Réforme avait été au début du XVIème siècle une distanciation de l’Allemagne de Rome et du reste de l’Europe – et le 4ème anniversaire de la Bataille de Leipzig (suite à quoi Napoléon avait du évacuer l’Allemagne). Il est très important de noter que l'occupation française avait coïncidé avec une extraordinaire effervescence intellectuelle et artistique et réveillé le patriotisme allemand. Quelques noms en portent témoignage: Goethe, Novalis, Fichte, Hegel, Beethoven...
L'époque est au romantisme (nous y reviendrons). On rêve d'épopée et l'on cultive la nostalgie du passé. C'est ainsi que se développe dans la jeunesse éduquée le rêve d'une Allemagne réunifiée. Or si la jeunesse rêve au passé, elle ne rêve pas à l’organisation politique du passé avec une nation allemande éclatée. Rappelons que la Confération germanique est constituée d’une trentaine de membres dont chacun des dirigeants protège son petit pouvoir!!!
À la fin de la rencontre à Wartburg, certains étudiants passablement excités, brûlent certains écrits considérés comme «réactionnaires» comme ceux l'écrivain August von Kotzebue ou le code de la gendarmerie prussienne. Au sein de la Burschenschaft, il existe un groupuscule de fanatiques prêt à tout pour assurer «la régénération morale du pays». L'un d’eux décide d'assassiner August von Kotzebue considéré comme un traitre et de se suicider ensuite. Il poignarde l'écrivain le 23 mars 1819, mais rate son suicide. En juillet, un autre étudiant commet un attentat contre un ministre du duché de Nassau.
Dans la foulée, l’autrichien Metternich rencontre le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III et son Ministre des Affaires étrangères et y discute de ce qui deviendront les Décrets de Karlsbad. Du 6 au 31 août 1819 une conférence secrète se tient à Karlsbad entre les ministres des 10 plus grands États de la Confédération germanique. (Très vite on va voir apparaitre une problématique entre les grands et les petits pays de la Confédération.) Après de longs débats, ils se mettent d'accord sur le vote d'un paquet de lois fédérales de natures répressives contre l'opposition, pour l’encadrement des universités et des écoles. Par ailleurs les Burschenschaften sont interdites, la liberté de la presse fortement réduite.
Toutefois, Metternich ne parvient pas à lever les résistances de la Bavière (patrie d’Elisabeth) et du Wurtemberg au sujet d'un retour à un modèle de constitution de type ancien régime dans l'ensemble des États membres.
B.2) La Confédération germanique devient «réactionnaire»
Les Décrets de Karlsbad ne sont qu’un exemple de tas de «manigances» des grands états de ce monde germanique pour s'éloigner de tout modernisme politico-sociétal. Aux yeux des peuples, la Confédération germanique devient la «main active de la restauration» où les polices garantissent «calme et l'ordre». La loi sur les universités permet de licencier un professeur aux opinions politiques suspectes, les Burschenschaften sont interdites, la presse censurée, le tout en profond désaccord avec l'article 18 du Bundesakte. Pour mettre en application ses mesures, une commission d'enquête de 7 membres est mise en place à Mayence. Elle a la possibilité de donner des ordres aux polices des États membres.
Un vrai pouvoir supranational est donc imaginé – et rappelons encore que la Confédération germanique est présidée constitutionnellement par les autrichiens, lui donnant de facto une position «à part»:
Article 5. L'Autriche présidera à la diète fédérative.
Deutsche Bundesakte
Mais pour que la Confédération puisse donner des ordres en direct aux polices des États membres, Il faut donc que ces derniers incorporent cette possibilité dans leurs législations respectives. En Bavière, au Wurtemberg et en Saxe-Weimar, la résistance est particulièrement vive. Dès la mise en place des Décrets de Karlsbad commence une véritable «chasse aux sorcières».
ATTENTION
nous ne sommes pas dans un État totalitaire au sens du XXème siècle (Allemagne nazie ou URSS)
mais plutôt dans ce qui peut ressembler au Maccarthysme aux USA.
Ainsi une vague de protestation peut s'organiser contre les décrets.
En voici un peit exemple dans le musical Elisabeth, lors d'une audience à la cour d'Autriche:
Acte I – Scène 3 |