Lieu et date |
Personnages |
Palais de la Hofburg, Vienne 24 août 1865 |
Élisabeth, François-Joseph |
Les trois dernières scènes du premier acte sont liée à un ultimatum qu’Élisabeth va faire à son mari.
A) De la scène 11 à la scène 12: août 1862 – août 1865
A.1) L’impératrice devient l’avocate de la Hongrie ! (Très important vu le début de l’acte II)
Acte I – Scène 12 |
Nous savons qu’Élisabeth a une tendresse particulière pour la Hongrie. Le professeur de hongrois choisi, Johann Mailath, lui avait donné cette passion, mais c’est surtout l’attitude du peuple hongrois au décès de sa fille Sophie qui a profondément marqué Élisabeth. Or Élisabeth est quelqu’un qui n’oublie pas.
Elle continue à perfectionner son apprentissage du hongrois, mais pas que… Durant l’été 1863, le couple impérial, en pleine harmonie, paraît au théâtre à Vienne dans sa loge devant la salle debout. Mais, les cheveux, légendaires, de l’impératrice d’Autriche sont recouverts d’une coiffe brodée d’or, comme en portent les épouses des dignitaires hongrois! Sophie, présente, est atterrée et fixe ouvertement sa belle-fille. Tout le monde voit la scène et un murmure désapprobateur s’élève du parterre et des balcons. Le couple souverain se lève et quitte la salle, ce qui donne lieu à une double interprétation: François-Joseph est-il furieux qu’on le critique? Ou s’est-il rendu compte que sa femme avait provoqué l’opinion viennoise peu favorable à la Hongrie?
Élisabeth progressait avec application dans la connaissance du hongrois. Mais, c’était vraiment difficile. Elle ressenti le besoin d’avoir une dame de compagnie hongroise. Elle chargea une de ses dames d’honneur de lui trouver une jeune femme qui serait aussi – et c’était essentiel – une confidente sûre. Une liste, impressionnante, fut dressée parmi les plus grands noms de l’aristocratie magyare.
En examinant les noms qu’on lui présentait, Sissi retint celui d’Ida Ferenczy, une jeune fille pas très jolie (! collection de photos de femmes !), mais douce et modeste. Ce qui comptait le plus pour Élisabeth était que la jeune fille aimât son pays, car c’était l’amour de la Hongrie qui devait les réunir, d’autant plus que François-Joseph avait dit à son épouse qu’elle devrait devenir, dès que possible, la reine de Hongrie (A2 Sc1). Dans cette perspective, l’élue ne serait évidemment pas soumise à l’archiduchesse Sophie.
Élisabeth eut l’élégance et l’audace de l’accueillir en hongrois: «Vous me plaisez, nous serons beaucoup ensemble.» Restait un obstacle: Ida Ferenczy, de rang social modeste (basse noblesse), ne pouvait donc être titrée dame d’honneur. Ce n’était pas une raison suffisante aux yeux d’Élisabeth. On trouva une fonction inédite: Ida devint lectrice de Sa Majesté. Une révolution! Une Hongroise lectrice de hongrois, quelle provocation pour l’archiduchesse Sophie! Une jeune fille qui a cinq ans de moins que l’impératrice: que peut-elle savoir des usages de la Cour?
Elisabeth testera avec succès Ida sur a confiance qu’elle peut lui accorder en lui confiant ses secrets. Il est certain que la jeune femme admire l’épouse de l’empereur dans ses efforts pour mieux connaître et comprendre les Hongrois. Leur proximité est telle qu’Ida lit des poèmes hongrois à Élisabeth tandis qu’une coiffeuse lisse les cheveux de l’impératrice. Peu à peu, la Hongrie s’infiltre à la Hofburg et à Schönbrunn, puisque l’épouse de l’empereur ose lire dans le texte les poètes Eötvös et Jókai, parfois à haute voix pour qu’Ida contrôle sa prononciation. Cette influence est telle que l’impératrice songe à accompagner l’Empereur à Budapest, mais elle y renonce, à la demande de François-Joseph. Nous reprendrons à ce stade l’analyse hongroise lorsque nous nous intéresserons à la première scène de l’Acte II.
A.2) Bismarck change en profondeur la Prusse
Le 29 septembre 1862, le roi de Prusse nomme Otto von Bismarck Premier Ministre de Prusse. François-Joseph sait très bien que la rivalité entre la Prusse et l’Autriche ne se réglera plus par des discours et des votes, mais, selon l’expression de Bismarck, « par le fer et par le sang ».
François-Joseph réunit en août 1863 le « Congrès des Princes » réunissant tous les dirigeants des 39 pays de la Confédération Germanique – que les Habsbourg dirige toujours. François-Joseph compte sur la présence du roi de Prusse Guillaume Ier, (ce sont les deux grands états). Mais Bismarck lui démontre que s’y rendre serait un aveu de faiblesse, voire une humiliation. Guillaume Ier renonce, préférant séjourner à Baden-Baden. Ce Congrès va déboucher sur un échec, ce qui renforce la Prusse qui a refusé d’y participer et affaiblit fortement l’Autriche.
A.3) Premier chef d’œuvre de Bismarck: la guerre des duchés
Les trois duchés de Schleswig, Holstein et Lauenburg sont en union personnelle avec la couronne danoise. La population du premier est majoritairement danoise tandis que les deux autres, sont peuplés presque exclusivement d’Allemands, et ont été inclus dans la Confédération germanique lors du Congrès de Vienne.
En 1863, le roi du Danemark promulgue une constitution commune au Danemark et au Schleswig. Le 3 janvier 1864 la Prusse et l’Autriche interviennent. François-Joseph pense qu’il est utile de s’allier à la Prusse après la déconvenue du «Congrès des Princes». Les autrichiens remportent les premiers succès, mettant du baume au cœur de l’empereur en compensant un peu ses désastres militaires et la perte de la Lombardie. Élisabeth devient infirmière en février 1864 alors que les blessés autrichiens affluent à la gare de Vienne. Elle stupéfie en s’exprimant en hongrois avec les blessés magyars.
Le 14 août, la guerre des duchés s’achève par la convention de Gastein; la Prusse reçoit le Schleswig et le Lauenburg et l’Autriche le Holstein. François-Joseph accepte cet accord parce qu’il symbolise pour lui l’entente austro-prussienne. Mais en réalité, cet arrangement met l’Autriche en position délicate, car le territoire dont elle a la responsabilité est éloigné de l’Autriche et très proche de la Prusse. Bismarck est maître de la situation. Il pourra provoquer des incidents susceptibles d’entraîner une guerre contre l’Autriche. Son but: éliminer les Habsbourg des affaires allemandes. Ce sera pour 1866.
A.4)Mexique et France
Nous avons vu que la France de Napoléon III avait proposé de soutenir la candidature du frère de François-Joseph, Maximilien, pour devenir Empereur du Mexique. En octobre 1863, c’est officiel. Mais au printemps 1864, il hésite, il prend peur… Cela énerve fortement Napoléon III pour qui cette nomination est stratégique. Décidément, les autrichiens sont faibles…
Le 10 avril 1864, Maximilien et son épouse Charlotte de Belgique, partent pour le Mexique. Maximilien avait été Vice-Roi de Lombardie-Vénétie pendant 1 an et 7 mois avant d’être « révoqué » (par son frère), il ne sera Empereur du Mexique que 3 ans et 2 mois…
Ils arrivent au Mexique le 28 mai, et immédiatement Maximilien ente d’installer sa légitimité en parcourant à cheval l’entièreté du pays. A la fin de l'année 1864, l'armée française a réussi à faire reconnaître l'autorité impériale sur la plus grande partie du territoire du Mexique. L'existence de l'empire demeure toutefois fragile. Les succès militaires français constituent les seules fondations sur lesquelles repose l'édifice impérial.
Comme il l’avait fait en Lombardie, à la consternation de ses alliés conservateurs qui l'ont porté au pouvoir (France), Maximilien défend plusieurs idées politiques libérales telles que les réformes agraires, la liberté de religion et l'extension du droit de vote au-delà des classes foncières. Cela provoquera que Napoléon III viole ses engagements et retire ses troupes à partir de 1866.
La rébellion mexicaine, soutenue par les États-Unis, progresse et Juárez s’est emparé de la ville de Chihuahua, au nord de Mexico. Pour l’empereur du Mexique, la situation militaire et financière est catastrophique. Charlotte décide de regagner l’Europe afin de demander du secours à Napoléon III, qui va refuser. Elle ne reverra jamais ni le Mexique, ni son mari.
Le 15 mai 1867, Maximilien est capturé. Il est jugé le 13 juin et condamné à mort. Il est fusillé le 19 juin.
Charlotte sera « rapatriée » en Belgique. Elle vivra pendant 50 ans recluse à Tervueren, puis Laeken puis Bouchout…
A.5)Rudolf inquiète…
Acte I – Scène 12 |
Le 31 juillet, en jouant, le petit Rudolf, bientôt 5 ans, est tombé d’un arbre et que sa tête a heurté une dalle. Hurlements, affolement, cris, imprécations: on a porté l’enfant jusqu’à son lit où on l’a déposé sans connaissance. Sur ordre de l’archiduchesse Sophie, on ne prévient pas l’impératrice, dont l’équilibre nerveux reste fragile. Rudolf en sera quitte pour un hématome. François-Joseph décide de ne rien dire à Élisabeth mais elle le saura, par inadvertance, plus tard. Le rempart dressé entre la mère et ses enfants reste solide. Même si ses relations avec sa belle-mère sont moins tendues, la quasi-impossibilité d’être seule avec Gisèle et Rudolf et de leur témoigner son amour fait de l’impératrice une mère frustrée, encore jugée capricieuse et originale: elle boit de la bière à table, se suspend à ses anneaux en récitant des poèmes en hongrois, elle permet à ses chiens d’envahir ses appartements,…
L’impératrice observe son fils avec inquiétude. Le petit Rudolf est très nerveux. Pourquoi? Pour quelles raisons a-t-il peur du moindre bruit et de l’obscurité? Pourquoi est-il si souvent malade?
Après une enquête difficile sur le domaine réservé de sa belle-mère Sophie, Élisabeth découvre que le précepteur de Rodolphe, le colonel Léopold de Gondrecourt, évidemment choisi par Sophie (avec l’approbation de l’empereur), est un militaire bigot qui vient de s’illustrer dans la guerre des duchés et assiste quotidiennement à la messe, d’une manière ostensible afin d’être bien vu par François-Joseph et sa mère. Selon eux, il réunit deux qualités : être un militaire et un bon chrétien.
Que veut l’empereur? Que son fils et futur successeur soit familier du métier des armes, donc du danger et du courage.
Élisabeth, effarée, découvre que Gondrecourt n’a pas eu de meilleure idée que d’enfermer le garçonnet dans une réserve de chasse du parc de Schönbrunn et, l’ayant laissé seul à l’intérieur, de crier : «Prince! Prenez garde! Un sanglier vous charge!» Belle manière pour faire un homme d’un enfant de 6 ans!!!!
Ainsi, François-Joseph craint toujours sa mère ! Il regrette les excès de l’officier, promet d’intervenir, mais, en fait, son épouse est sûre qu’il n’en fera rien. Au nom de la tradition, ce cauchemar ! Et de sa mère…
Mais trop, c’est trop! Le 24 août 1865…
Le 27 août 1865, à Bad Ischl, Élisabeth, méconnaissable, joue le tout pour le tout:
«Je ne puis tolérer cela! Ou Gondrecourt ou moi!». Mais elle va faire mieux que cela….
Acte I – Scène 12 |
C’est un véritable ultimatum conjugal et familial. L’impératrice, se sentant une mère coupable, trop longtemps absente, met toute sa vie en jeu. Jamais les vacances à la Kaiservilla, réputées paisibles autour de l’anniversaire du souverain, et qui représentent un entracte essentiel dans la vie officielle, n’ont été bouleversées par une telle crise! Un instant après cette mise en demeure, Élisabeth s’installe dans son bureau tendu de brocart beige, mais meublé simplement de bois clair. Elle s’enferme pour confirmer par écrit sa décision. Cet «ultimatum d’Ischl» est l’étincelle qui peut faire sauter la poudrière familiale; dépassant l’angoisse, légitime, à propos de Rodolphe, Élisabeth écrit :
Je désire avoir pleins pouvoirs pour tout ce qui concerne mes enfants, le choix de leur entourage, le lieu de leur résidence, la direction complète de leur éducation, en un mot c’est à moi de décider de tout jusqu’à leur majorité. Je désire, en outre, que, pour ce qui est de mes affaires personnelles, telles que le choix de mon entourage, mon lieu de résidence, tous les changements dans la maison, etc., je sois seule à décider.
Élisabeth
Une salve d’avertissements! Après douze années de quasi-soumission depuis son mariage au cours desquelles ses retours de voyages n’avaient fait qu’aggraver sa dépression, la rebelle Élisabeth menace de tout quitter. Ce n’est plus une colère, encore moins un caprice. Elle est passée de l’impatience à l’autorité. Claire et ferme et par écrit. C’est une injonction!
François-Joseph comprend qu’il ne s’agit plus de sautes d’humeur. Son épouse est sérieuse. Elle veut, enfin, diriger sa vie personnelle, familiale et même, dans une certaine mesure, son existence officielle, ce qui est encore plus grave. Ce n’est plus la fantasque Élisabeth qui s’exprime, c’est l’impératrice et la mère de famille. En quelques lignes, elle est devenue adulte et la désastreuse éducation de son fils est le détonateur d’une réaction profonde. Suite à la dernière scène de l’Acte I.
Il s’agit d’un tournant dans la vie d’Elisabeth.
Ou d’un espoir de changement en tous cas.
Son basculement face à la mort dans le musical semble en être un signe…
Acte I – Scène 12 |