2.
1848-1898
Les années Elisabeth

 3.1.
1871-1914
La poudrière
des nationalismes

 3.2.2.
1914
Déclenchement
de la guerre

 3.2.4.
1918-1919
Les imbéciles
traités de paix

 4.
1918-1938
L'Autriche de
l'entre-deux guerres

Rappelons que le déclenchement de la Première Guerre Mondiale a été provoqué par l'assassinat de François-Ferdinand, le Prince-Héritier d'Autriche-Hongrie dans un territoire austro-hongrois (annexé cinq ans auparavant), la Bosnie-Herzégovine, par des nationalistes serbes. Cet attentat aurait dû au pire déboucher sur une «troisième guerre blakanique» mais comme nous l'avons vu au chapitre précédent la poudrière européenne nous amène à la Première Guerre Mondiale, où l'Allemagne - principalement - va affronter la France, la Belgique, la Russie et l'Angleterre. C'est logique pour ce pays qui a voulu durant tout le XIXème siècle être à la tête du monde germanique. Par contre, pour l'Autriche-Hongrie, la problématique est tout autre.

A) La poudrière austro-hongroise

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Les divers peuples de cet empire hétéroclite austro-hongrois en 1911
© http://www.encyclopedie.bseditions.fr/

Comme nous l'avions vu dans l'un de nos nos chapitres précédents comparant les deux «nations-étendard germaniques» du XIXème siècle (), l'Autriche-Hongrie est une poudrière de nationalités.

Lors du «compromis de 1867», après de nombreuses hésitations, l'Empire d'Autriche s'était scindé en deux pour devenir une double monarchie: l'Empire d' Autriche et le Royaume de Hongrie.

Mais il eut sans doute été plus judicieux de séparer un peu plus et de surtout donner une place aux Slaves.

Les Slaves et les Roumains de l'empire des Habsbourg tournent désormais leurs sympathies vers la Russie, la Roumanie ou la Serbie. La première est la plus puissante des trois, mais c'est la Serbie, État slave méridional des Balkans qui constitue, aux yeux des responsables austro-hongrois, le principal danger, à la fois pour la stabilité interne de l'Empire et comme obstacle à sa politique d'expansion balkanique.

Dès la création du royaume, certains hommes politiques serbes et roumains, appuyés par de larges parties de la population de leurs royaumes, se donnent pour objectif de réunifier respectivement chacun de ces deux peuples en un État-nation élargi aux territoires austro-hongrois également peuplés de serbes ou de roumain. Au sein des populations slaves du Sud et roumaines de la double monarchie, un fort courant de sympathie envers les royaumes de Belgrade et de Bucarest apparaît, puis connaît un développement important.

Au déclenchement de la Première Guerre Mondiale, l'Autriche-Hongrie est un peu le «fidèle second» du Reich allemand. Il est loin le temps de la grandeur de l'Autriche du début du XIXème siècle. Mais il s'agit aussi d'un double-État en sursis, car son unité - qui tient principalement autour de la dynasteir - s'effrite au fil du conflit.

Quoi qu'il en soit, l'«ultimatum du 23 juillet». remis aux autorités serbes permet de connaître les buts de guerre immédiats de la double monarchie durant les premières semaines du conflit: ils souhaitent placer le Royaume de Serbie sous tutelle austro-hongroise dans le but de supprimer le danger à l'intégrité territoriale de la Monarchie Austro-Hongroise, danger émanant des aspirations et des menées serbes.

B) 1914-1916: l'Autriche-Hongrie en guerre sous François-Joseph

B.1) Année 1914

Une des difficultés de l'Autriche-Hongrie est qu'elle va devoir se battre sur plusieurs fronts en même temps.

  Front des Balkans   Le premier front est évidemment le Front des Balkans. C'est le front le plus logique puisque l'Autriche-Hongrei a accusé la Serbie d'avoir soutenu ou encouragé l'attentat de Sarjevo. Dans les Balkans, l'armée austro-hongroise affronte les troupes serbes et monténégrines.

En août 1914, face aux 300.000 soldats aguerris de l'armée serbe, les responsables militaires austro-hongrois mettent en ligne trois puis deux armées, (240.000 puis 140 000 hommes). Après des succès initiaux et une entrée en Serbie, les unités austro-hongroises se font battre à deux reprises, le 17 août au Mont Cer et le 21 à Jadar. À la suite de ces victoires, des offensives serbo-monténégrine sont lancées en Syrmie à partir du 4 septembre et en Bosnie-Herzégovine, stoppée à proximité de Sarajevo au milieu du mois d'octobre.

Mais l'armée serbe manque de moyens pour exploiter ces victoires, et les troupes austro-hongroises parviennent à occuper temporairement la capitale serbe, Belgrade le 29 novembre 1914; elles sont cependant rapidement repoussées par les contre-offensives serbes et doivent abandonner la capitale serbe le 15 décembre 1914. Dans les mois qui suivent, le front serbe se fige.

  Front de l'Est  En même temps, les armées austro-hongroises doivent affronter un ennemi beaucoup plus puissant: la Russie. De la fin août à la mi-septembre 1914, les troupes austro-hongroises subissent l'assaut d'offensives russes. La Galicie et la Bukovine sont évacuées tandis que Lviv est prise le 3 septembre. Le tiers des effectifs de l'armée austro-hongroise est perdu alors que la Hongrie est menacée. Entre le 3 et le 14 décembre, Conrad von Hötzendorf remporte la bataille de Limanowa arrêtant les Russes et fixant le front dans les Carpates.

  Front italien  Rappelons que l'Italie fait partie d'une alliance militaire appelée Triple Alliance. (Allemagne & Autriche-Hongrie & Italie). Mais le 3 août 1914 avait déclaré qu'elle ne prendrait pas part au conflit puisque le caractère défensif de la Triple Alliance ne l'y oblige pas: en effet, aucun de ses deux alliés n'a été attaqué militairement.

Pour l'Autriche-Hongrie, il s'agit d'un vrai questionnement. Il faut dire que l'Empire d'Autriche a été très longtemps en conflit avec l'Italie, ou les différents États italiens d'avant l'unification italienne (Risorgimento) du pays en 1861. En effet, au congrès de Vienne de 1815, après les guerres napoléoniennes, de nombreuses villes italiennes sont cédées à l'Autriche. Un seul exemple: le Royaume de Lombardie-Vénétie, attribué à l'Autriche au Congrès de Vienne en 1815 et dont le dernier Vice-Roi de ce royaume sera Maximilien (le frère de François-Joseph) qui devra abandonner son titre en 1859. Il sera recasé ailleurs et deviendra Empereur du Mexique.

Très vite les Austro-Hongrois vont craindre que l'Italie ne se retourne contre eux. Mais ils bénéficient de solides positions défensives dans le cadre d'une éventuelle guerre dans les Alpes. L'état-major ne retire que deux divisions du front de l'Est pour ce protéger cet éventuel front italien. Rien ne va se passer en 1914.

B.2) Années 1915-1916

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Front d'Orient et Serbie en juillet 1916.
© Creative Common

  Front des Balkans  Dès la fin, de 1914 le Front des Balkans s'est figé mais en 1915 la Bulgarie risque de modifier la donne. Le Royaume de Bulgarie, plutôt proche de puissances centrales (suite à la «Deuxième Guerre Balkanique» ()), est courtisée par les deux alliances qui s'opposent dans le conflit. Faisant monter les enchères, la Bulgarie entre dans le conflit le 5 octobre 1915 aux côtés de l'Autriche-Hongrie, de l'Allemagne et de l'Empire ottoman.

Dès le 6 octobre 1915, une opération combinée des troupes austro-hongroises et bulgares, renforcées d'unités allemandes, repousse alors le front serbe au sud de la Macédoine serbe à la fin de l'année 1915, occupant ainsi presque toute la Serbie et entrant en Grèce. Les Alliés organisent alors un front autour de la ville grecque de Thessalonique, contenu par des unités allemandes, austro-hongroises, bulgares et turques. Une partie de l'armée serbe traverse l'Albanie et se réfugie à Corfou, en Grèce.

Une fois la conquête achevée en novembre 1915, le territoire serbe est partagé entre l'Autriche-Hongrie et la Bulgarie, chacun des deux alliés poursuivant ses objectifs propres en Serbie, tandis que le Reich, principal soutien de la Triple Alliance, espère contrôler les ressources naturelles du pays dans le cadre de ses projets de constitution d'un vaste espace économique centre-européen.

  Front de l'Est  Début 1915, l'offensive austro-allemande permet aux Empires centraux de s’avancer profondément en territoire russe et d’occuper la Pologne, alors que la Bulgarie se joint à leur effort militaire. Malgré une série de succès russes en 1916 et l’entrée en guerre de la Roumanie aux côtés de la Russie, une situation économique explosive et le désespoir populaire débouchent en février 1917 sur la chute de l’Empire russe.

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En été les italiens dans la neige
© Le Miroir (Paris) - 12/9/1915 - BnF Gallica

  Front italien  Depuis le 3 août 1914 l'Italie s'est déclarée neutre. Vu l’équilibre des forces sur le terrain européen, il devient clair que le pays peut jouer un rôle décisif sur l’issue du conflit et, par conséquent, le gouvernement italien engage une série de négociations avec ses partenaires de la Triple Alliance et en secret avec les membres de la Triple Entente, afin de déterminer ce que chacun des camps lui offre en compensation d’une intervention italienne dans la guerre.

Il est devenu rapidement évident que l'alliance entre le Royaume-Uni, la France et la Russie pouvait promettre bien plus que ce que peuvent offrir les Empires centraux, puisque les territoires qui intéressaient l’Italie se situent principalement en Autriche-Hongrie.

Le Traité de Londres est établi dans la capitale britannique, le 26 avril 1915. Le traité est signé dans le plus grand secret par le gouvernement sans que les représentants du peuple et ce, jusqu’à sa publication le 28 février 1917 dans journal Izvestia avec d’autres documents diplomatiques secrets, au lendemain de la Révolution Russe, d’exposer les intrigues de la politique étrangère tsariste.

Le pacte prévoit que l’Italie entrerait en guerre aux côtés de la Triple Entente dans un délai d’un mois, et en échange recevrait, en cas de victoire, le Trentin, le Tyrol du Sud, la Marche julienne, l’Istrie (à l’exception de Fiume), une partie de la Dalmatie, de nombreuses îles de l'Adriatique, ainsi que Vloraet Saseno en Albanie et le bassin houiller d'Antalya en Turquie. De plus, l'Italie voit sa souveraineté sur la Libye et le Dodécanèse se confirmer. Dans ce traité, on décide aussi de donner des territoires à la Serbie et au Monténégro.

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Le front italien, 1915-1918
© Le Blogue de Carl Pépin, Historien - carlpepin.com

Le 23 mai 1915, l'Italie déclare la guerre à l'Autriche-Hongrie.

Le nouveau front ouvert par l'Italie a pour théâtre d'opérations l'Arc alpin du Stelvio à la mer Adriatique et l'effort principal destiné à percer le front se déroule dans la région des vallées d'Isonzo en direction de Ljubljana.

Après une première avancée italienne, les Austro-Hongrois reçoivent l'ordre de se retrancher et de résister. La guerre devient une guerre de tranchées semblable à ce qui se passe sur le front occidental, la seule différence est que, alors que sur le front occidental des tranchées sont creusées dans la boue, sur le front italien, elles sont sculptées dans la roche et les glaciers des Alpes au-delà de 3.000 mètres d'altitude.

Le seul terrain plat se trouve dans la vallée de l’Isonzo, large d’à peine 20 kilomètres, et sépare le royaume d’Italie de l’empire austro-hongrois. C’est là que se déroulent, entre juin 1915 et novembre 1917, les Onze batailles de l'Isonzo, gigantesques batailles connues aussi comme les «spallate (coups d’épaule) de Cadorna», chef d’état-major de l’armée italienne. Souvent le gain se limite à quelques kilomètres, tandis que les pertes humaines se comptent par centaines de milliers.

B.3) Fin du règne de François-Joseph

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Mort de l'Empereur François-Joseph
© L'Excelsior 23 novembre 1916

En plus de la situation militaire difficille, des troubles intérieurs apparaissent en Autriche-Hongrie. Les agitations politiques, et notamment la question tchèque, réapparaissent.

Rapidement après la déclaration de guerre, les Alliés mettent en place un sévère blocus en mer Adriatique. Les effets du blocus se font rapidement sentir en ce qui concerne l'approvisionnement alimentaire de la double monarchie, et ses populations commencent à souffrir de la faim dans le courant de l'année 1916, rappelant aux populations les réalités du conflit. De plus, l'Autriche voit sa production agricole baisser de façon dramatique, chutant de 91 millions de quintaux de blé en 1913 à 28 millions de quintaux en 1917. Cette situation crée, plus que dans les autres pays engagés dans le conflit, un courant d'opinion favorable à une paix blanche.

Au début du mois de novembre 1916, l'Empereur François-Joseph est frappé par une congestion pulmonaire entraînant des poussées de fièvre et une grande fatigue, générée par le maintien du rythme de vie et des obligations officielles du monarque. La maladie évolue à partir du 15 novembre puis s'aggrave considérablement le 20 novembre. L'archiduc Charles, héritier du trône, alors sur le front, est appelé en urgence à Vienne

Le 21 novembre, à huit heures et demie du matin, François-Joseph reçoit l'extrême onction. Après plus de 67 ans de règne, l'un des plus longs de l'époque contemporaine, l'empereur François-Joseph s'éteint quelques minutes plus tard à l'âge de 86 ans, au Palais de Hofburg, à Vienne. Son petit-neveu, l'Archiduc Charles, lui succède sous le nom de Charles Ier à seulement vingt-neuf ans. C'est très jeune pour diriger un pays en pleine Guerre Mondiale.

C) 1916-1918: l'Autriche-Hongrie en guerre sous Charles Ier

C.1) Un jeune Empereur inexpérimenté et idéaliste

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Charle Ier, Empereur d'Autriche
Charles IV, Roi de Hongrie

© 1917 - Tableau de Theodor Mayerhofer (1855–1941)

Peu connu, âgé de 29 ans, marié et père de quatre enfants, Charles prend les rênes du gouvernement dans un contexte politique, économique et militaire inquiétant pour la monarchie danubienne.

Rappelons qu'il n'était pas prévu pour le poste et que ce n'est que suite à l'assassinat du Prince-Héritier François-Ferdinand à Sarajevo qu'il va devenir Empereur d'Autriche et Roi de Hongrie ... en pleine guerre mondiale.

Conscient de la sclérose de la double monarchie dans les dernières années du règne de François-Joseph, Charles, à peine intronisé, tente de rendre plus efficace le gouvernement de la double monarchie. Pour mener à bien son programme, il s'entoure de personnalités proches de son oncle, François-Ferdinand, partisans d'une réforme de la monarchie avec la création d'un pôle slave au sein de la monarchie danubienne.

Cependant, il se montre incapable de soutenir les promoteurs de la politique qu'il souhaite voir menée dans la double monarchie, dans le conflit ou dans la recherche d'une solution pacifique.

De plus, sous l'influence de l'impératrice Zita, il engage des réformes sociales, ce qui lui vaut la haine — et les calomnies — des nantis; en juin 1917, il crée un ministère des affaires sociales et fait adopter une législation limitant le temps de travail des femmes et des enfants.

Son principal objectif est de trouver les voies de la paix avec les Alliés, notamment la France et la Russie. Avant de s'engager plus avant, il tente de faire fléchir son allié allemand par l'envoi de missives pressantes à Guillaume II. Il entame en parallèle une négociation secrète avec le gouvernement français. Au cours de cette négociation, il tente d'obtenir, en échange de la sortie de la double monarchie de la Triple Alliance, des compensations politiques et territoriales, sous la forme de la restauration de la Serbie et du Monténégro, indépendants mais sous tutelle austro-hongroise, le Monténégro étant par ailleurs privé d'accès à la mer.

Dès les premiers jours de son règne, il marque ses distances à l'égard de la politique de son prédécesseur François-Joseph qui était totalement alignée sur son allié allemand. Il ne souhaite plus que la Pologne sois soumise à la double monarchie ou que soit recréé un royaume de Pologne au profit d'un prince de la maison de Habsbourg-Lorraine.

C.2) Dernière offensive

Caporetto (2017)

Pendant les deux années qui ont suivi l'entrée en guerre de l'Italie aux côtés des Alliés, le front des Alpes est resté relativement calme, Austro-Hongrois et Italiens se faisant face sans tenter d'offensive.

Tout change brutalement le 24 octobre 1917, général allemand Otto von Below - renforcé par son expérience sur le front de l'Est face aux Russes et maîtrisant maintenant les techniques d'attaque de tranchées - lance ses hommes contre les lignes italiennes adossées à l'Isonzo.

Accablés par un déluge d'obus et de gaz de combat, les Italiens reculent dès le premier jour de 25km puis refluent en désordre d'une centaine de kilomètres, jusqu'aux portes de Venise, abandonnant à l'ennemi la plus grande partie de la Vénétie.

Le front ne se stabilisera sur la Piave que grâce à l'intervention en urgence de six divisions britanniques aux côtés des Italiens. Au terme de la bataille, ceux-ci comptabiliseront 300.000 tués, blessés ou disparus contre 5.000 seulement pour leurs adversaires!!! Pour les Italiens, le terme de Caporetto est devenu synonyme de désastre.

Après le succès remporté par les troupes germano-austro-hongroises en novembre 1917 à Caporetto (voir ci-contre), le front italien s'est stabilisé sur le Piave, en partie en raison de l'épuisement de l'offensive des puissances centrales, en partie à cause des renforts britanniques.

La bataille de Caporetto coûta 3.100 canons et causa la mort de 40.000 soldats de l’armée italienne. Mais 300.000 autres soldats furent capturés ou désertèrent, en plus d’un autre contingent de 350.000 hommes qui perdirent temporairement contact avec leurs unités dans la confusion la plus totale.

Pour les contemporains, la défaite fut perçue comme une catastrophe où les Italiens durent assumer l’entière responsabilité, si bien que la recherche quasi paranoïaque d’un bouc émissaire imputa des fautes au Général Cadorna (qui a dirigé militairment Caporetto) mais aussi à la classe ouvrière, aux pacifistes, voire même au pape Benoît XV.

Malgré tout, en juin 1918, le général Diaz put assembler 50 divisions italiennes et quatre divisions alliées sur le Piave afin de dissuader les forces austro-allemandes d’une autre offensive.

L'armée austro-hongroise ne peut plus être ravitaillée et la terrible défaite entraîne une profonde crise de moral, mais aussi le discrédit des militaires vise également l'empereur Charles Ier, trop proche de son chef d'état-major responsable de l'échec.

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La Bataille de Vittorio Veneto (24 octobre - 3 novembre 1918)

À partir du mois d’août 1918, Charles Ier tente de sortir du conflit, alors que la double monarchie s'enfonce dans l'anarchie: le 15 août, l'empereur-roi fait connaître aux Allemands sa volonté de sortir du conflit le plus rapidement possible, puis le 6 septembre, il avertit Guillaume II de son souhait de demander un armistice. Le 5 octobre, l'empereur-roi mandate une délégation en vue de la conclusion rapide d'un armistice ; elle est constituée et positionnée à Trente.

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Couverture du juornal Le Matin du 4 novembre 1918

C'est alors que le général italien Diaz lança le 24 octobre 1918 (exactement un an après le désastre de Caporetto) une offensive connue sous le nom de la Bataille de Vittorio Veneto. Les 55 divisions austro-hongroises affaiblies et démoralisées furent mises en déroute, forçant ainsi Vienne à demander un armistice. Les conditions ont été fixées par les Alliés dès le 31 octobre 1918, soit deux jours après la demande d'armistice. La délégation austro-hongroise, informée des conditions de la suspension d'armes le 2 novembre 1918, signe le 3 novembre 1918 l'Armistice de la Villa Giusti.

Elle le fait en dépit des hésitations de Charles Ier qui est réservé sur certaines conditions de l'accord. Il a par exemple affirmé à Guillaume II son opposition à la traversée de l'Autriche par les armées alliées. Ces hésitations sont vite balayées par les responsables militaires.

À la demande expresse de l'Italie, la suspension d'armes ne prend effet que le 4 novembre à 18 h. En effet, dans la journée du 4 novembre, l'armée italienne continue de mener une guerre contre un ennemi qui a déjà déposé les armes, faisant prisonniers l'équivalent de douze divisions.

Dans le même temps, les unités austro-hongroises, engagées sur le front de l'Ouest sont toutes désengagées à l'initiative du commandement allemand, en accord avec le commandement austro-hongrois. Ainsi s’achevait la Première Guerre mondiale pour les autrichiens.

En ce qui concerne la Hongrie, dans ce contexcte de défaite militaire austro-hongroise les partisans d'une indépendance totale du Royaume de Hongrie - et donc un détachement des Habsbourg - sont de plus en plus nombreux. Le 1er novembre 1918, gouvernant un royaume indépendant de fait, les membres du gouvernement hongrois actent cette indépendance et la fin de fait des liens avec les Habsbourg-Lorraine: le gouvernement ne prête plus serment devant le roi ou ses représentants, mais devant le conseil national, faisant de celui-ci la source de la légitimité politique dans le royaume. Le 13 novembre Charles IV, Roi de Hongrie (c'est Charles Ier en Autriche), abdique officiellement. Le 16 novembre, la République est proclamée.

Notons que les opérations militaires sont pas stoppées par l'indépendance ces bouleversements politiques en Hongrie: en effet, les Alliés considèrent que les hongrois de par leur indépendance ne sont pas signataires de l'armistice signé le 3 novembre entre les commandants austro-hongrois et ceux des troupes alliées engagées sur le front italien. Ainsi, la Triple Entente poursuit ses offensives contre la Hongrie jusqu'au 13 novembre, date de la signature de la Convention de Belgrade, armistice signé au nom de cette future nouvelle République hongroise.

Une fois l'armistice autrichien du 3 novembre 1918 signé, les Tchèques, les Slovaques, les Polonais, les Ukrainiens, les Roumains bucoviniens et transylvains, les Serbes, Croates et Slovènes proclament leur émancipation, détachant de facto de vastes territoire de la double-monarchie.

D) Dislocation politique austro-hongroise

Nous avons analysé la dislocation de la double monarchie sous le regard des événements militaires. Prenons quelques moments pour regarder les mêmes événements d'un point de vue politique.

Depuis juillet 1918, les succès des Alliés et les échanges de notes diplomatiques avec l’Autriche-Hongrie qui s’ensuivent, accélèrent le processus de dislocation politique en faisant «sauter le cadre de la monarchie», selon Stephan Burián von Rajecz, alors ministre des affaires étrangères austro-hongrois.

Le président américain, Woodrow Wilson, reconnaît officiellement le 21 octobre 1918 le droit des peuples qui composent l’Autriche-Hongrie à organiser à leur guise leur cadre politique. Dans la foulée, le Parti social-démocrate autrichien annonce reconnaître le droit des peuples à l'indépendance. Cela incite les représentants des peuples de l’Empire, qui étaient regroupés depuis le 14 juillet 1918 en sept conseils nationaux, à radicaliser leurs revendications en passant d'une lutte pour l'autonomie à une lutte pour l’indépendance.

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Dislocation de l'Autriche-Hongrie fin 1918
© Creative Commons - Claude Zygiel

Au Nord, les trois premiers conseils nationaux à proclamer leur sécession sont ceux des sujets slaves de la partie autrichienne de la double monarchie:

  1. 28 octobre 1918: les Polonais de Galicie occidentale
  2. 28 octobre 1918: les Tchèques de Bohême-Moravie
  3. 29 octobre 1918: aux Tchèques de Bohême-Moravie se joignent les Slovaques, alors sujets de la partie hongroise de l’Empire; ainsi naît la première République tchécoslovaque
  4. 1er novembre 1918: les Ruthènes de Galicie orientale proclament une République Populaire d'Ukraine Occidentale
  5. 16 novembre 1918: comme nous l'avons abordé ci-dessus, le conseil national des Magyars constitue, par la révolution des Asters, la toute nouvelle République Démocratique hongroise désormais indépendante, qui s'oppose à la sécession des Slovaques et, à partir du 19 novembre, à celle des Ruthènes de Hongrie.

Les trois autres conseils nationaux en voie de sécession sont:

  1. 12 novembre 1918: celui des Autrichiens germanophones qui souhaitent rejoindre la structure politique qui a remplacé le II Reich allemand, la République de Weimar (à l’exception de ceux du Vorarlberg qui eux, souhaitent rejoindre la Suisse)
  2. 29 octobre 1918: celui des Slaves méridionaux ou «Yougo-Slaves» souhaitant s’unir à la Serbie
  3. 28 novembre 1918: celui des Roumains transylvains alors sujets de la partie hongroise de l’Empire et bucoviniens alors sujets de la partie autrichienne de l’Empire, qui proclament le 1er décembre 1918 leur union avec la Roumanie

Pour mettre un point final à cette aventure de près de 1.000 ans, et avant de passer à l'«Autriche moderne», il nous semblait important de signaler que le territoire austro-hongrois de François-Joseph a été réparti entre sept États:

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Carte de l'Autriche-Hongrie en 1914
Avec les zones linguistiques selon le recensement de 1890, les frontières de 1914 (rouge) et celles de 1919 (bleu)
© Carte originale: The Times Atlas - 1895 - Frontière comparatives rajoutées
  1. la Tchécoslovaquie (Bohême, Moravie, Silésie jusque-là autrichiennes, plus Slovaquie et Ruthénie subcarpathique jusque-là hongroises) proclame son indépendance le 28 octobre
  2. l’État des Slovènes, Croates et Serbes proclamé le 29 octobre 1918 (Carniole, Styrie méridionale, Prekmurie, Croatie-Slavonie, Dalmatie et Bosnie-Herzégovine), s’unit le 1er décembre au royaume de Serbie pour former le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes
  3. la Pologne ressuscitée, dont Józef Piłsudski proclame le 11 novembre l’indépendance incorpore la Galicie, déjà administrée par la «commission polonaise de liquidation»
  4. la République d'Autriche allemande est proclamée le 12 novembre
  5. la République démocratique hongroise est proclamée le 16 novembre
  6. les Roumains de Bucovine, de Transylvanie, du Körösvidék et du Banat oriental proclament leur sécession le 28 novembre 1918, et s’unissent le 1er décembre au Royaume de Roumanie
  7. le Royaume d’Italie annexe le Tyrol du Sud (en violant le principe de l’autodétermination dans la partie amont, germanophone, de ce territoire), et le littoral autrichien comprenant l’Istrie, Fiume, Zadar et certaines îles de la Dalmatie.


La caricature ci-dessous montre très clairement ce qui vient de se dérouler dans l'Empire des Habsbourg.

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Caricature autrichienne de 1919: «Les Habsbourg rentrent chez eux»
On y voit les plus grands des Habsbourg
(Rodolphe Ier de Habsbourg (1218 - 1273 - 1291), Maximilien 1er (1459 - 1493 - 1519),
Charles Quint
(1500 - 1519-1555 (abdication) - 1558), Léopold 1er (1640 - 1658 - 1705),
Marie-Thérèse
(1717 - 1740 - 1780), Joseph II (1741 - 1765 - 1790),
François-Joseph
(1830 - 1848 - 1916) et Charles Ier (1887 - 1916 - 1918))
rentrer chez eux alors que le soleil se lève sur la nouvelle République Autrichienne
© Théodore Zasche