Lieu |
Personnages |
Les salons de l’Archiduchesse Sophie au Palais de la Hofburg à Vienne | Lucheni, Archiduchesse Sophie, Comte Grünne, Cardinal-Archevêque Rauscher, Prince Schwarzenberg, Baron Kempen, Baron Hübner |
A) Rappel… Des personnages issus du passé
Voici les personnages qui vont se retrouver dans cette scène, même si pour certains, c'est historiquement peu probable, voire impossible.
Comte |
Baron |
Cardinal-Archevêque |
Prince |
Baron |
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Il s’agit d’un général très conservateur entré dans les grâces du pouvoir impérial lors des Révolutions de 1848. Il est militairement incompétent mais est le conseiller militaire personnel de l’Empereur. La suppression du ministère de la Guerre en 1853 le laisse sans rival. Cela explique peut-être la brochette de défaites militaires autrichiennes des années à venir… |
Depuis 1849, il est chef de la police et de la gendarmerie. Il disposait de pouvoirs très étendus. Il avait un service d’indicateurs et d’espions. Pour lui, les présomptions suffisaient et les preuves étaient superflues. |
Le 26 mars 1853, il est nommé archevêque de Vienne jusqu’au 17 décembre 1855 où le pape le l’ordonnera Cardinal. Il est le principal artisan du Concordat autrichien de 1855 (nous y reviendrons dans la scène 10). |
Il est général de l’armée autrichienne. A la différence du Comte von Grünne, il est compétent et a participé à de nombreuses batailles dont certaines des révolutions de 1848. Dans la scène, il apparait quand il faut parler de stratégies militaires et pas de théories politiques. |
Il est diplomate autrichien. Depuis mars 1849 il est ambassadeur en France. Son influence fut due, dans une large mesure, à l'attitude amicale de l'Autriche envers les Alliés pendant la guerre de Crimée. (Nous en parlerons plus loin dans cette scène). |
En disgrâce depuis la guerre contre le Piémont |
Mort en 1893 |
Toujours en place, mais contesté |
A démissionné pour raisons de santé en 1860 |
A quitté toute fonction officielle en 1865 |
B) Un plan machiavélique...
B.1) D'abord quelque jérémiades
Cette scène est «bizarre» parce que la présence de certains personnage est improbable voire impossible. Il s’agit dans un remier temps dun Élisabeth-bashing un peu primaire…. C'est aussi le baroud d'honneur de Sophie.
Acte II – Scène 5 |
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Acte II – Scène 5 |
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Acte II – Scène 5 |
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Dans les années 1860, une fièvre urbanistique s'était emparée des principales grosses villes occidentales, dont Vienne. L’Empire austro-hongrois et la Prusse ont créé de nouvelles institutions para-bancaires distribuant des prêts pour des constructions privées ou municipales.
Le krach a commencé le vendredi 9 mai 1873, huit jours après l'ouverture de l'exposition universelle de 1873, le 1er mai 1873 au Prater de Vienne.
Il s'agit de prouver que l’Empire austro-hongrois fait partie des grands, tant du point de vue architectural qu’en matière d’urbanisme, comme en témoigne la reconstruction de Vienne. La folie spéculative a provoqué le triplement des prix immobiliers en quelques mois.
Plusieurs centaines de banques autrichiennes font faillite en mai car elles ne récupèrent pas les emprunts hypothécaires qu’elles avaient accordés. Cette crise se poursuit par le krach de la bourse de Vienne, qui affecte ensuite l’Europe centrale, puis les États-Unis. Cela marque le début d’une crise économique, la Grande Dépression, qui se poursuivra jusqu’en 1896.
Mais ce ne sont là encore que quelques jérémiades.
Le plan du sextet est ailleurs.
B.2) Et puis une idée machiavélique
Tout est très clair...
Acte II – Scène 5 |
B.3) François-Joseph et les femmes…
Jeunesse: les «comtesses hygiéniques»
Sans génie ni intuition, François-Joseph ne connaît rien à l'art de la guerre. Il a du courage, mais pendant les guerres, il restera toujours bureaucrate et perdra des guerres. Amoureux, il est aussi bureaucrate. Beau, vif, sensuel, il excelle dans les plaisirs faciles, auprès de femmes faciles, destinées à assouvir ses pulsions. Dans sa jeunesse, il consomme des «comtesses hygiéniques», comme les appelait Sophie. Le Comte de Bombelles était chargé de lui trouver ces jeunes filles bien nées, en bonne santé et habiles. L'amour physique est pour lui d'une simplicité militaire. Une bureaucratie de l’amour.
Le temps d’aimer est limité, le plaisir est un élan sans conséquence. La prestation dure une demi-heure maximum, en ce compris le temps consacré aux habillages et déshabillages des costumes compliqués de l’époque – mais du personnel est prévu pour aider. En fait, le jeune homme n'est pas un libertin et déteste perdre son précieux temps. La sexualité est assimilée au besoin de boire, de se nourrir, sans jamais empiéter sur les exigences du travail et de son rang. François-Joseph, non dépourvu de sensibilité et de sentiments profonds, est incapable d'imagination.
Une jeune fille de 16 ans, Élisabeth, ignorante, ne pouvait qu'encourir un grave effroi, une frigidité sans remède, face à ce jeune homme vigoureux fait d’un seul bloc, sincère, passionné mais d’une parfaite ignorance des besoins ou des craintes de sa partenaire. Les «comtesses hygiéniques» ont satisfait la jouissance primale mais elles n'ont pas inculqué au jeune homme que l'amour est aussi un jeu ou un art. La maladresse toute militaire de François-Joseph sera responsable, en partie, de cette distanciation corporelle dans laquelle s'enfermera rapidement Élisabeth, sa jeune épouse adorée.
Car le problème est là. François-Joseph est follement amoureux d’Élisabeth. Il se serait marié avec Hélène, sa fiancée originale, son cœur serait resté froid et il aurait sans doute continué à fréquenter des «comtesses hygiéniques». Avec Élisabeth, c’est tout le contraire… Rappelons que ce n’est que la troisième nuit, qu’Élisabeth perdra sa virginité (avec le refus d’assister le lendemain au petit déjeuner). Elle n’oubliera jamais cette nuit où elle s’est sentie violée et donc salie. Pour tout empirer, n’oublions pas que pour son abandon, elle reçoit une «récompense» financière (le Morgengabe) et que la presse à annoncé avec joie qu’elle était devenue une femme! Autre époque… Mais il va toujours rester prisonnier de l’attirance pour ce corps se refusant à lui. Et refusera de recourir aux «comtesses hygiéniques».
Une liaison secrète de 1875 à 1889: Anna Nahowski
François-Joseph a rencontré une très jeune femme, Anna Nahowski, durant l’été 1875, dans le jardin tyrolien du parc de Schönbrunn. Elle a 16 ans, il en a 45. Elle est brune, jolie et mariée.
Que s’est-il passé? François-Joseph est physiquement frustré par les trop longues et trop fréquentes absences de son épouse, et par son peu d’intérêt pour les relations charnelles, ce dont il souffre. Il a décidé de franchir le pas et entretiendra avec cette jeune personne une liaison qui va durer quatorze ans. La condition première de cette aventure est qu’Élisabeth n’en sache jamais rien. L’empereur met en place des mesures de sécurité extrêmement strictes pour éviter tout incident fâcheux. Afin que personne ne soupçonne cette relation extraconjugale, le souverain ne «rencontre» Anna que très tôt le matin (avant 5h30 du matin!)
À partir de 1878, Anna, maintenant divorcée, loue une maison d’été dans la banlieue viennoise de Hetzendorf, proche de Laxenburg, où l’Empereur peut aller la voir. Il se montre très généreux avec elle et son second mari («coureur de jupons et couvert de dettes»), parfaitement au courant de la liaison de sa femme, ce qui ne le dérange pas, au contraire...
En 1884, les Nahowski achèteront une villa à Maxing, près de Schönbrunn. À partir de cette date, François-Joseph pouvait arriver rapidement, s’exécuter aussi rapidement et repartir aussi discrètement. Une «visite hygiénique...»
Il ne s’agit évidemment pas d’une histoire d’amour, mais de la satisfaction de besoins physiques. Malgré leurs relations sexuelles, François-Joseph a toujours maintenu une certaine distance avec Anna. Il l’a traitée avec respect et lui a donné d’énormes sommes d’argent pour «services rendus».
D’après le journal d’Anna, les «visites» de François-Joseph se firent de plus en plus rares à partir de 1886, période où il entama une relation fort différente avec la célèbre comédienne Katharina Schratt. Il mit fin à sa liaison avec Anna en 1889, après la mort de son fils Rudolf à Mayerling. Anna reçut comme cadeau d’adieu une somme de 200.000 guldens, sans avoir le droit de revoir l’empereur. Élisabeth n’a jamais rien su à propos d’Anna, les Viennois de cette époque non plus et Anna a tenu parole en se taisant.
La relation qu’il a entretenu avec Anna est une sorte de renaissance des «comtesses hygiéniques», sans plus.
Un « couple à trois » : Katharina Schratt
En 1883, la très belle comédienn de 30 ans, Katharina Schratt, intègre la troupe du Burgtheater dont elle sera plus tard une sociétaire à vie. Une dizaine d’année auparavant, l’Empereur avait remarqué la toute jeune comédienne dans La Mégère apprivoisée.
Mais dès 1883, François-Joseph va beaucoup fréquenter le Burgtheater, et bien entendu, surtout quand Katharina est à l’affiche. Élisabeth en conclut facilement que son mari s’intéresse réellement à Katharina Schratt et cela ne la gêne pas le moins du monde.
Mieux: elle s’en réjouit. A cette époque, l’impératrice va repartir pour la Grèce, la comédienne pourra tenir compagnie à l’empereur. Ne serait-elle pas la remplaçante idéale?
Avec un modernisme conjugal très remarqué, Katharina est pratiquement choisie par l’Impératrice, enfin consciente que la solitude qu’elle impose à son époux de 55 ans, n’est plus supportable... Élisabeth déplore ses propres limites affectives et physiques, mais ne veut plus passer pour une égoïste.
Elle sait que quand elle est avec son mari, elle le lasse vite avec ses angoisses, ses caprices, ses prémonitions et sa tristesse. Lorsqu’elle est absente, l’Empereur ne peut plus être seul; il a besoin d’une compagne discrète, digne, pas extravagante sans être familière. Une aristocrate étant exclue, qui peut mieux jouer le rôle, ingrat, d’une sorte de doublure qu’une actrice? Sûre de son choix et indifférente aux ragots, Élisabeth, complice, commande elle-même un portrait de la comédienne au peintre von Angeli et annonce à François-Joseph qu’elle va le lui offrir. Dire qu’il en est heureux est faible!
Le 20 mai 1885, l’empereur fait porter ce billet au peintre: «Avec la permission de l’impératrice, j’aimerais venir demain à une heure dans votre atelier pour voir le tableau de Katharina Schratt dont vous avez reçu commande pour moi.» Avec la permission de l’impératrice! L’épouse met efficacement en scène cette relation que personne n’aurait osé imaginer. Le lendemain, l’impératrice accompagne l’empereur à l’atelier de l’artiste. Elle sait que Katharina Schratt y pose pour le peintre. En revanche, la comédienne ne s’attendait pas à la visite de la souveraine et tente de s’enfuir. Trop tard! C’est ainsi, en somme, que se déroule la «présentation officielle» de la comédienne à l’Empereur comme future «amie».
Ils vont rester amis jusqu’à la mort de l’Empereur en 1916, c’est-à-dire durant 33 ans… Le Comte de Montenuovo, chef du protocole, interdit à l'amie de l'Empereur l'accès à la chambre mortuaire. L'Empereur Charles Ier, jeune homme de 29 ans, mènera lui-même l'ancienne actrice sexagénaire au pied du lit mortuaire.
Et c'est tout!
Voilà ce que fut la vie affective et sexuelle de François-Joseph.
A aucun endroit, dans toutes les bio d’Élisabeth, de François-Joseph ou même de Sophie, nous n’avons trouvé aucune trace du piège repris dans le musical pour écarter Élisabeth de François-Joseph.
Donc….