Lieu et date |
Personnages |
café, Vienne 1856–1858 |
Lucheni, peuple |
Il s’agit un peu d’une scène fourre-tout qui a pour but de faire avancer l’action en signalant quelques faits importants.
A) Mère éploré
Acte I – Scène 10 |
Face à la tragédie qui l’accable, l’empereur tient en restant vissé aux obligations de sa fonction. Élisabeth est devenue une silhouette fuyante sous les arbres du parc de Laxenbourg, disparaissant dès qu’un membre de sa suite cherche à l’approcher. Elle redoute qu’on lui impute la mort de la petite Sophie, persuadée que l’enfant serait vivante si elle n’avait pas fait partie du voyage en Hongrie comme l’avait exigé sa belle-mère. L’impératrice se juge coupable.
Inquiets de la prostration de Élisabeth, François-Joseph et l’archiduchesse Sophie prient Ludovica de venir la voir. Élisabeth semble heureuse de retrouver sa mère et trois de ses sœurs, mais on s’inquiète que l’impératrice ne se soucie guère de son autre fille, Gisèle, redoutant, peut-être, une nouvelle malédiction qui s’abattrait sur la petite archiduchesse âgée d’environ un an.
Toutefois, en ne luttant plus contre sa belle-mère, Élisabeth s’est rapprochée de son époux. Cimenté par le drame, le couple paraît très uni, faisant preuve d’attentions l’un envers l’autre. Dès qu’ils le peuvent, ils sont ensemble François-Joseph est très amoureux.
Acte I – Scène 10 |
Officiellement pour essayer de tourner une page, le couple déménage au sein de la Hofburg. Mais la véritable raison du déménagement du couple est révélée en décembre: l’impératrice est de nouveau enceinte! Cette heureuse nouvelle soulage la Cour, mais elle permet à l’archiduchesse Sophie d’essayer, de nouveau, d’intervenir dans la vie de sa belle-fille en lui recommandant de cesser son régime draconien et de ne plus porter des tenues trop étroites en renonçant à des corsets comprimant le ventre. Élisabeth se montre raisonnable, ne monte plus à cheval, même s’il lui en coûte, et marche beaucoup, le plus souvent possible avec François-Joseph quand il peut aménager son emploi du temps.
B) Concordat
L’annonce du Concordat à ce stade par un professeur qui lit un journal est chronologiquement bizarre. En effet, nous sommes après le 29 mai 1857 (mort de Sophie) et très vraisemblablement fin 1857 ou début 1858 puisqu’il est dit qu’Élisabeth est probablement enceinte. Or le Concordat a été signé en 1855.
Ce concordat est très important car il permet d’obtenir le soutien officiel de la papauté au gouvernement autrichien. C’est la raison principale de la signature du concordat car François-Joseph est très jaloux de ses pouvoirs. Ici, il abandonne d’importantes prérogatives à la papauté, qui contrôlera désormais l’enseignement dispensé dans les écoles et l’organisation des mariages. Religion d’État, le catholicisme introduit une dépendance officielle de l’Empire à l’égard de Rome. Sans doute les dispenses papales pour les unions entre proches parents imposent-t-elles des concessions à la Maison d’Autriche.
C) Guerre de Crimée (4 octobre 1853 – 30 mars 1856) – Royaume de Piémont-Sardaigne
Rappelons que la guerre de Crimée est une guerre qui va opposer durant plus de deux ans l’Empire Russe (qui veut instaurer son protectorat sur les peuples slaves de l’Empire ottoman) et une coalition formée de la France, le Royaume-Uni, l’Empire Ottoman et le Royaume de Sardaigne. L’Autriche, malgré sa dette à la Russie qui l’a sauvée lors de la Révolution hongroise, est restée neutre.
La France du fragile Second-Empire naissant (2 décembre 1852) a participé pour «se faire des amis», dont la Sardaigne: Napoléon III signe un accord secret avec le Roi Victor-Emmanuel II de Piémont-Sardaigne (pendant le voyage italien des Empereurs dont nous venons de parler) par lequel la France s’engage à intervenir au côté du royaume de Sardaigne dans le cas d’une attaque autrichienne. Ce sont les accords de Plombières. Le royaume de Piémont-Sardaigne fait partie des pays qui se battent pour une réunification italienne. Napoléon III fait même le serment d’aider l’unité italienne.
Il s’en estime le protecteur. Une fois de plus, un Empire français défie l’Autriche.
Au début de l’année 1859, le gouvernement piémontais adopte un comportement provocateur envers l’Empire autrichien en confiant à Giuseppe Garibaldi l’organisation d’un corps de soldats volontaires. L'Autriche, informée des accords de Plombières déclare la guerre au royaume de Sardaigne le 26 avril 1859*; la France engagée liée par les accords de Plombières et sans opposition politique interne, décide de soutenir le royaume italien. François part le 29 avril pour le Piémont pour diriger les armées qui envahissent ce royaume italien.
Remarquons que l’Autriche ne bénéficie nullement de ne pas s’être alliée à la Russie pendant la guerre de Crimée, puisque la France et le Piémont-Sardaigne, opposés à la Russie durant cette guerre, se retourne maintenant contre l’Autriche. Nous sommes ici une fois de plus dans ce jeu de poker entre les latins (avec la France à leur tête) et les germaniques…
Après une première défaite le 4 juin 1859 à Magenta (10.000 morts chez les autrichiens), vient le 24 juin la boucherie de Solferino (17.000 morts chez les italo-français et 22.000 chez les Habsbourg). Au milieu des cadavres éventrés et des ruines fumantes, un jeune courtier de banque suisse, horrifié par le spectacle, se jure de créer des auxiliaires de secours. Il s’appelle Henry Dunant et sera le fondateur de la Croix-Rouge. À sa chère Élisabeth, il écrit: «Je dus ordonner la retraite… Je partis à cheval […] J’ai appris à connaître les sentiments d’un général battu.»
Bien que victorieux, Napoléon III demande la paix, car sur intervention de la Prusse, agacée par le désastre, la Confédération germanique mobilise trois cent cinquante mille hommes. Pour que sa chère victoire de Solferino ne soit pas effacée par une vengeance des États allemands, la France doit céder.
L’Autriche est sauvée par la Prusse. C’est la dernière fois. Mais… le bateau coule.
La Lombardie revient au Piémont mais la Vénétie est sauvée.
D) 21 août 1858: naissance de Rudolf
Acte I – Scène 10 |
Le 21 août 1858, à dix heures du soir, l’impératrice pousse des cris si aigus que l’archiduchesse Sophie et la comtesse Esterházy-Liechtenstein tombent à genoux, psalmodiant des prières, implorant la grâce divine. Un quart d’heure plus tard, c’est la délivrance! C’est un garçon! Un fils! Un héritier! L’empereur a enfin un successeur. L’empereur annonce que son héritier sera prénommé Rudolf en souvenir de son illustre ancêtre Rudolf qui, en 1278, avait conquis la Bohême, devenue un fief des Habsbourg.
Cent coups de canon réveillent une capitale endormie. N’oubliant jamais que l’armée est l’indispensable ciment de l’Empire, François-Joseph nomme immédiatement, selon la tradition, son fils colonel du 19e régiment d’infanterie. L’empereur ne saurait en douter: Rodolphe sera un militaire… Dès l’âge de trois ans, on lui apprendra à tirer et à passer des troupes en revue. A trois ans!!!
L’archiduchesse Sophie qui n’avait déjà pas été tendre quand il s’agit de s’accaparer l’éducation des deux filles du couple impérial, va revenir en force car cette fois elle a un petit-fils, l’héritier du trône, le future Empereur des Habsbourg. L’avenir est assuré.
Si elle savait! Mais nous y reviendrons.
Sophie, jugeant sa belle-fille beaucoup trop faible pour nourrir son fils, lui INTERDIT de l’allaiter. Élisabeth est fiévreuse et souffre de malaises provoqués par ses montées de lait inutiles. Et la conséquence est inévitable: la mère, qui n’a aucun appétit, est dans l’incapacité de s’occuper du nouveau-né. C’est donc, une fois encore, son impériale grand-mère qui maîtrise la situation et règne sur la nurserie! Un cercle infernal où François-Joseph n’a pas le droit de donner son avis. De toutes façons, selon Sophie, Élisabeth n’a aucune compétence maternelle. Et dans quelques semaines, François-Joseph va devoir partir en guerre en Italie, comme nous venons de le voir.
Nous allons suivre dans tout le musical la vie de l’héritier du trône, Rudolf, jusqu’au drame de Mayerling.
Mais revenons à la vision d’ Élisabeth, rapportée par Lucheni.
Rudolf a des idées politiques libérales opposées au conservatisme de son père et il est proche des milieux progressistes et libéraux.
François-Joseph essaiera de s’en sortir en nommant le prince-héritier Rudolf commandant de la 25ème division en garnison à Vienne. Il espère ainsi tempérer les idées libérales que son fils soutient de plus en plus fortement.
Un rapport remis à l’empereur fait état des relations de l’archiduc avec le journaliste progressiste Moriz Szeps, directeur du nouveau Wiener Tagblatt. La fille de Szeps épousera à Vienne le frère de Georges Clemenceau, cet homme politique majeur de la IIIème République française. Ce dernier, bien que farouchement ennemi des monarchies et du catholicisme, sera reçu secrètement par Rudolf, la nuit, à la Hofburg. Inimaginable, à de nombreux points de vue: français, de gauche, à la Hofburg en secret, …
D'un point de vue social, il combat ainsi le cléricalisme et les privilèges de l'aristocratie, dénonce la misère des travailleurs. Sur un plan diplomatique, Rudolf refuse le traité avec l'Allemagne au profit d'une alliance avec la Russie et la France.
Cette attitude politique est tout le sens de la réplique de Lucheni ci-contre.
Rudolf est difficile à saisir, paradoxal, inattendu comme sa mère, mais sa personnalité est aussi attachante que celle de l’impératrice. Il continue d’écrire des articles de moins en moins anonymes contre la politique du Premier ministre autrichien. Rudolf concentre ses critiques sur le domaine étranger.
Surnommé l’Insondable, même par ses amis, il déclare au cours d’une chasse au peintre Franz von Pausinger, en lui désignant l’archiduc François-Ferdinand son cousin : « L’homme que vous voyez sera empereur d’Autriche. Pas moi… »
Tout cela va finir à Mayerling… Et pas bien finir!