Lieu et date |
Personnages |
Château de Possenhofen Eté 1853 |
Elisabeth (15 ans), sa soeur hélène, ses parents, Lucheni, la Mort, ... |
Comme nous l’avons vu, le jeune Empereur François-Joseph parachuté à 18 ans sur l’un des principaux trônes d’Europe a permis de sauver l’Empire d’Autriche. Mais c’est un sauvetage en catastrophe. Il lui faut un descendant, un héritier. Et donc une femme. C’est très clair pour Sophie, le « pantalon » des Habsbourg. Et une femme qui renforce politiquement l’Autriche, la sort de son isolement (Zollverein, parlement de Francfort, …). Sophie va faire jouer ses relations familiales: ses sœurs.
A) Option 1: la nièce du Roi de Prusse, la Princesse Anne
Sophie avait d’abord envisagé une alliance avec la Prusse via la Maison de Hohenzollern et, durant l’hiver 1852, François-Joseph s’était rendu à Berlin où il était tombé amoureux d’une ravissante nièce du roi de Prusse, la princesse Anna.
Il y avait cependant un léger problème car celle-ci était déjà ... promise. Mais rien ne fait peur à Sophie que rien n'arrête. Surtout qu'elle pensait avoir un atout primordial puisqu’elle était la sœur de la reine de Prusse: en effet, comme nous l'avons vu (), Sophie de Habsbourg et Élisabeth-Louise étaient deux filles (parmi 13 enfants) du premier roi de Bavière Maximilien Ier qui, duc de Bavière, avait accédé à la dignité royale par la volonté de Napoléon en 1805.
Malgré la sincère complicité des deux sœurs, le roi de Prusse et son gouvernement ne voulaient pas d’une alliance matrimoniale entre la Prusse et l’Autriche. En effet, deux ans auparavant, en 1852, après avoir maté les mouvements révolutionnaires libéraux, la Prusse avait tenté de regrouper les États allemands sous son autorité dans le cadre d'une Petite Allemagne, excluant de fait l'Empire d'Autriche. Un différend entre la Prusse et l'électeur Frédéric-Guillaume Ier de Hesse-Cassel, qui menaça de dégénérer en guerre entre états allemands, permit à l'Autriche de convoquer une conférence inter-allemande à Olmütz en territoire autrichien.
Présidée par le Ministre-président autrichien Felix zu Schwarzenberg, la Conférence d'Olmütz fut une humiliation pour la Prusse qui dut renoncer à ses ambitions hégémoniques. Mais cela renforça grandement encore la rivalité Prusse-Autriche.
Peu avant la visite du jeune empereur François-Joseph à Berlin dont nous parlons, pour sceller la réconciliation entre la Prusse et la Hesse-Cassel, la princesse Anna avait été promise au fils aîné du landgrave de Hesse-Rumpenheim, héritier de l'électeur de Hesse-Cassel. et il était difficile d'indisposer encore une fois l'électeur. Il était politiquement impossible de répondre favorablement au désir des deux soeurs et de faire de la Princesse Anna une impératrice d'Autriche. Le roi Frédéric-Guillaume IV de Prusse, tout en y mettant les formes, opposa une fin de non-recevoir officielle aux propositions impériales. Ce refus n'en fut pas moins un camouflet pour la Maison de Habsbourg-Lorraine et peut être perçu comme le premier acte de la revanche prussienne. Mais ce fut aussi un camouflet pour François-Joseph car il était tombé amoureux d'Anna.
B) Option 2: une princesse de Saxe, Sidonie
Sophie envisagea alors de marier son fils, l'Empereur d'Autriche, avec une princesse de Saxe, Sidonie. Là encore, tout semblait facile puisque l’épouse de Frédéric II de Saxe, Marie Léopoldine, était, elle aussi, une sœur de Sophie ()!
Les journaux du royaume de Saxe publièrent qu'un contrat de mariage avait été conclu entre Sidonie et son cousin germain François-Joseph. Cette union aurait eu une importance politique de premier ordre: la Saxe y aurait trouvé un appui contre la Prusse et l'Autriche se serait en plus assuré les sympathies de ce royaume, le plus considérable de l'Allemagne après la Bavière. C'eut donc été un très bon coup géopolitique comme on le dirait aujourd'hui.
Mais le tempérament lymphatique et peu avenant de Sidonie ne séduisit aucunement l’empereur François-Joseph. C’est un NON catégorique. Il ne veut pas l’épouser. C’est suffisamment rare de souligner ce fait car François-Joseph dit rarement NON à sa mère.
Malgré de nombreuses autres annonces officielles et tentatives de fiançailles avec différents partis, la Princesse Sidonie ne se mariera jamais et elle mourra à 27 ans de la fièvre typhoïde.
Une fois encore, Sophie allait devoir se mettre en chasse d'une épouse politiquement avantageuse pour son fils.
C) Option 3: une princesse de Bavière, Hélène
Il restait encore à l’obstinée Sophie une «dernière option allemande». Elle fit appel à une troisième de ses sœurs Ludovica (), qui avait fait un mariage moins glorieux que ceux de ses trois sœurs aînées: Maximilien, duc en Bavière, chef de la branche non régnante de la dynastie bavaroise. Ils avaient eu dix enfants () et l’aînée de leurs filles, Hélène, semblait posséder toutes les qualités nécessaires pour devenir impératrice d’Autriche.
Ludovica avait une admiration éperdue (une frustration ?) pour sa grande sœur Sophie - nettement mieux mariée qu'elle - et subissait, elle aussi, son ascendant. Évidemment, la perspective d’un mariage aussi prestigieux pour sa fille aînée comblait tous les ressentiments et frustrations qu’elle éprouvait de n’être qu’une modeste duchesse en Bavière…
Sophie et Ludovica ne le savent pas encore, mais rien ne va se passer comme elle l'avaient imaginé. Mais n'allons pas trop vite.
La scène 2 de l’acte I est le moment où Ludovica annonce la grande nouvelle à sa famille: Hélène va devenir Impératrice d’Autriche. Bien sûr, Hélène doit encore réussir l’examen qu’est la rencontre avec l’Empereur François-Joseph. On «présente une épouse» à l’Empereur mais il peut refuser. Quoi qu’il en soit, Ludovica est plus qu’enthousiaste:
Acte I – Scène 2 |
Dans le texte, on rappelle immédiatement que cette famille a deux visages… Il y a le côté chic symbolisé par Ludovica et Hélène. Et puis, l’autre, celui de Maximilien et d'Élisabeth.
Acte I – Scène 2 |
Hélène est le deuxième enfant de Max et Ludovica. Elle a 18 ans, elle est belle, intelligente, raisonnable et bien élevée. Ludovica lui fait confectionner une garde-robe digne de la fiancée d’un empereur pour ce séjour à Bad Ischl. Le duc Max ne les accompagnera pas. En revanche, au dernier moment, sort de l'histoire, il est décidé que leur deuxième fille, Élisabeth, sera aussi du voyage. Elle a fêté ses 15 ans au Noël précédent (née la nuit du 25 décembre 1837, elle avait été surnommée « la rose de Noël »), est un peu mélancolique. Un de ses amis, un certain Richard dont avons parlé à la scène précédente, vient de mourir. La perte de cet «amoureux» l’a beaucoup affectée. Élisabeth, au caractère exalté et romantique, écrit de nombreux poèmes; elle en a consacré un au disparu ().
Si Ludovica l’emmène dans ce voyage, c’est pour lui changer les idées et, peut-être aussi, avec l’idée de faire un doublé à Bad Ischl: fiancer Élisabeth au frère cadet de l’empereur, l’archiduc Charles-Louis, qui a 20 ans. Mais Élisabeth ne veut pas faire ce voyage. Dans la deuxième partie de la scène, on montre qu’Élisabeth n’en a rien à faire de tout ces simagrées stratégiques. Pendant qu’on annonce que sa sœur va vraisemblablement devenir Impératrice d’Autriche, Élisabeth préfère grimper aux arbres. Et en tomber. Toute l’attention revient sur elle…
Prémonitoire?
Elle déclare aussi son attrait-amour pour la mort.
Elle ne veut pas ne pas vivre en s’empêchant en permanence de risquer de mourir.
Acte I – Scène 2 |
Nous pouvons aussi déjà souligner à ce stade que
Hélène n’est que le troisième choix stratégique de Sophie,
l’«employée du Congrès de Vienne».
Et quand on basculera à Élisabeth, ce ne sera plus du tout son choix
mais celui de son fils François-Joseph.
L’amour prendra la place de la stratégie.