Après l’année 1830 et l’échec de nombreuses rébellions, un mouvement libéral naît auprès de la bourgeoisie éduquée de la Confédération germanique. Au même moment, la révolution industrielle en Allemagne provoque un appauvrissement des artisans et une aggravation des problèmes sociaux. Après les échecs de la période précédente, l’aspiration des peuples d’Europe à plus de liberté politique et à la reconnaissance du principe des nationalités reste vivace.
La contestation renaît au début de l’année 1848; portée par le mouvement romantique (très présent dans le musical Elisabeth), la vague du «Printemps des peuples» se répand en Europe et semble devoir balayer l’ordre du Congrès de Vienne. Et c’est à nouveau, comme en 1789 et 1830, une Révolution en France qui va mettre le feu à l’Europe.
F) Le «Printemps des Peuples» en 1848
F.1) Février 1848 - Révolution en France
Cette révolution est TRÈS importante car le renversement définitif de la Royauté Française (en place depuis 839 ans) est un exemple pour toute l’Europe de ce qui menace les rois et les empereurs, et leurs « vieux » régimes politiques…
En tête desquels, bien sûr, les Habsbourg autrichiens. Rappelons qu’en 1848, en Autriche, Metternich règne depuis de longues années à côté de l’Empereur pantin Ferdinand Ier. Dans l’ombre, la femme d’influence est l’Archiduchesse Sophie, qui attend son heure. Son intelligence lui permet d’être à la fois l’alliée et l’ennemie de Metternich. Nous sommes aussi à deux ans du début du musical Elisabeth. Mais revenons d'abord à la révolutions en France en février 1848.
Louis-Philippe Ier (institué par la Révolution précédente) apparaît comme ce que l’on a appelé le «roi-bourgeois» par excellence. Son règne est une longue période de paix et de relative prospérité durant laquelle, fait exceptionnel, n'apparaît aucun impôt nouveau.
Les bourgeois libéraux rêvent d'épopées et vivent dans le souvenir de la Grande Révolution et de Napoléon Ier. Leur nostalgie est alimentée par le «Retour des cendres» (de Napoléon).
Interdits de réunion, les républicains contournent la loi en organisant à partir du 9 juillet 1847 des banquets qui réunissent des centaines de participants autour de quelques éminents orateurs. On en compte pas moins de 70 à Paris et dans les grandes villes du royaume au cours des sept mois suivants.
L'un de ces banquets ayant été interdit, les étudiants et les ouvriers manifestent le 22 février 1848 à Paris. Ils sont rejoints le lendemain par la garde nationale composée de modestes bourgeois.
Le 24 février 1848, au terme de trois jours d'émeutes, l'opposition, composée de monarchistes libéraux et de républicains modérés, obtient le départ du Roi Louis-Philippe Ier. En fait à midi, le Roi abdique en faveur de son petit-fils de neuf ans et confie la régence à la Duchesse d'Orléans.
La situation est sauve: on change de roi mais la Royauté est sauvée. MAIS…
Au début de l'après-midi, la Duchesse d'Orléans se rend au Palais Bourbon pour y faire investir son fils et y faire proclamer officiellement la régence. Les députés, dans leur majorité, semblent favorables à une régence. Mais les républicains ont appris de leur échec de 1830, et ils forcent la main: le Palais-Bourbon est envahi par la foule révolutionnaire qui, d'accord avec les élus de l'extrême gauche, repousse toute solution monarchique et fait proclamer un gouvernement provisoire.
C'est la naissance de la IIème République, incapable de concilier les aspirations de la bourgeoisie à l'ordre et la montée des revendications sociales, elle aura une existence très brève, d'à peine trois ans.
Il n’aura fallu que trois jours pour mettre à bas la Royauté française.
Remarquons aussi que
plusieurs contestations sont en présence:
Monarchistes libéraux
Républicains modérés
Extrême gauche
F.2) Mars 1848 - Révolution autrichienne (Partie I)
Les événements français de la révolution de février 1848 servent de déclencheur à un mouvement révolutionnaire viennois. Les premiers troubles révolutionnaires éclatent à Vienne le 13 mars 1848.
L'agitation commence de manière assez bon enfant par une manifestation d'étudiants et de bourgeois libéraux. Les troubles s'étendent rapidement. La troupe se montre incapable de ramener le calme et fait feu sur les manifestants: on compte une cinquantaine de morts. Vienne connaît alors la première insurrection armée de son histoire.
L'agitation prend un tour plus social: destruction d'usines et d'entreprises accusées de favoriser le chômage. Le pouvoir est obligé de lâcher du lest. Metternich doit abandonner la direction des affaires sans délai qu’il occupait depuis 27 ans. Il est forcé de s'enfuir dans une voiture de blanchisseuse!!!
Le faible Empereur Ferdinand Ier reste en place sans son mentor. Sophie est à ses côtés. L'Empire va être obligé de concéder des réformes libérales.
- Le 15 mars 1848, l’Empereur promet qu’il va autoriser une Constitution
- Le 15 avril 1848, le gouvernement proclame une « constitution provisoire » (un peu sur le modèle de la Constitution accordée aux Belges en 1831), qui établit le bicaméralisme et le suffrage censitaire. MAIS…
- Les émeutes du 15 mai amènent la cour impériale à fuir Vienne et s'installer provisoirement à Innsbruck.
- D’autres émeutes ont lieu le 26 mai.
- Au mois de juillet, un nouveau parlement est élu. Durant l'été, l'autorité du gouvernement continue de faiblir.
L’Autriche a un énorme point faible: elle est constituée de nombreuses nationalités qui n’ont jamais été « reconnues ». Les aspirations nationales seront une cause centrale des troubles dans l’Empire.
L’Autriche avait toujours voulu régner au-delà de son territoire
(«Saint Empire Romain Germanique» puis «Confédération germanique»).
Elle va maintenant devoir cette fois essayer de maintenir uni
cet artificiel État multinational assemblé par Joseph II au XVIIIème.
Comme nous allons le voir, l'Autriche ne va pas tarder à se fissurer de toutes parts.
F.3) Mars 1848 – Révolution tchèque (Prague)
Le 11 mars 1848, un grand meeting populaire à Prague adopte une pétition adressée au gouvernement de Vienne.
Cette pétition formule le premier programme politique des Tchèques:
- la revendication d’une autonomie ( indépendance) des Pays tchèques dans le cadre de la monarchie habsbourgeoise
- l’extension des libertés
- Civiles
- de parole
- de la presse
- de la conviction religieuse
- de réunion.
Tout un programme! Mais il ne s’agit pas d’une sortie de l’empire, une indépendance, mais plutôt une demande d’autonomie.
L’empereur Ferdinand Ier – qui affronte au même moment un soulèvement à Vienne, nous venons d’en parler – promet aux peuples une Constitution fédéraliste.
F.4) Mars 1848 – Révolution hongroise (Budapest)
Le 3 mars 1848, peu de temps après l'annonce de la révolution française de 1848, le nationaliste hongrois Kossuth, dans un discours enflammé, exige un gouvernement parlementaire pour la Hongrie. Il en appelle non pas à l’Empereur autrichien Ferdinand Ier mais à l'espoir des Habsbourg, «notre bien-aimé Archiduc François-Joseph», alors âgé de 17 ans – et héritier du trône – pour répondre à l'aspiration d'un peuple libre.
Lajos Batthyány forme le premier gouvernement responsable et nomme Kossuth ministre des Finances. Il commence par développer les ressources internes du pays: le rétablissement d'une monnaie hongroise séparée et l'utilisation de tous les moyens pour élever la conscience nationale. Les nouveaux billets de banques sont appelés «billets Kossuth». Ici encore, l’attitude d’Elisabeth lors des événements hongrois de 1867 (nous y reviendrons) est très claire dans la première scène de l’Acte II. Et en rupture avec la version «officielle».
F.5) Mars 1848 – Révolutions en Allemagne
Après la révolution en France qui a renversé la Royauté, les États allemands rejoignent le soulèvement européen. Les révolutionnaires des États allemands aspirent à l'établissement des libertés politiques ainsi qu'à l'unité nationale.
On est donc ici dans le mouvement INVERSE à celui qui se déroule en Autriche, même si
LA MOTIVATION PHILOSOPHIQUE EST IDENTIQUE: LA NATION.
Les allemands veulent s’unifier pour qu’il existe une nation allemande
alors que les tchèques ou les hongrois veulent s’éloigner de l’Autriche
pour qu’il existe une nation tchèque ou hongroise.
Un bateau se construit et l’autre coule…
Des révoltes apparaissent dans de nombreux états allemands dont les plus impressionnantes se déroulent dans
- Grand-duché de Bade
- Royaume de Prusse
- Royaume de Bavière (chez Elisabeth)
- Royaume de Saxe
En fait, ça «pète» de partout. Traitons deux exemples en particulier:
- Berlin, capitale de la Prusse
- La Bavière (chez Elisabeth)
Mars 1848 - Insurrection polonaise Le 8 mars 1848, à la lecture d'une loi édictée par le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume IV, un rassemblement devant le Château de Berlin (palais royal) dégénéra en un combat entre citoyens et militaires. Pendant la lecture, la paisible ambiance initiale céda la place à des propos révolutionnaires jusqu'à ce que deux coups de feu fussent tirés, sans qu'on en connaisse l'origine ou la cause.
Cela provoqua le revirement de l'humeur des manifestants et l'intervention de l'armée: les violents combats dans les rues où se dressèrent des barricades causèrent la mort de 303 personnes selon les autorités.
Le lendemain, le 9 mars, le roi Frédéric-Guillaume IV de Prusse fut contraint de paraître devant les corps des «victimes de mars» exposés dans la cour du château et de retirer son chapeau.
Le 21 mars, il parcourut Berlin à cheval avec une écharpe noire, rouge et or et déclara vouloir la liberté et l'unité de l'Allemagne. Ce n'est pas rien, car il s'agit tout de même du Roi de Prusse.
Mars 1848 - Émeutes bavaroise En 1848, la Bavière est dirigée par l’autoritaire roi Louis Ier qui est très impopulaire. En plus, il est un époux volage avec de nombreuses maîtresse dont la danseuse Lola Montez qu’il anoblira en lui conférant le titre de «Comtesse de Landsfeld».
En 1848, ce genre de démarche n’est plus possible et suite à de très violentes émeutes, il est contraint d’abdiquer en faveur de de son fils ainé, Maximilien. (A ne pas confondre avec Maximilien, le père d’Elisabeth.)
Il mena dans son royaume une politique libérale et chercha à unir autour de la Bavière les petits États allemands face à la Prusse et à l'Empire d'Autriche. Il mourra en trois jours d'un érysipèle, à l'âge de 52 ans en mars 1864, avant les guerres d'unification allemandes. C’est son fils, Louis II, qui apparait dans les morts au début du musical Elisabeth suite à son suicide-noyade au lac de Starnberg.
G) Mai 1848 - Création du «Parlement de Francfort»
La Confédération germanique (toujours dirigée par les Habsbourg) disposait d'assemblées mais elles représentaient plus les aspirations des dirigeants que celles du peuple.
Le 5 mars 1848, les hommes politiques et députés formant l'opposition (issus de toute la Confédération germanique) se rassemblèrent à Heidelberg afin de se coordonner. Ils décidèrent de la création d'un Vorparlament («pré-parlement») qui devait décider du mode d'élection d'une assemblée devant donner une constitution à l'Allemagne, ce qui implique de facto une unification réelle des peuples allemands. Le Vorparlament siégea du 31 mars au 3 avril et décida d’élections qui eurent lieu en avril et début mai suivant les pays.
Finalement, le parlement élu était constitué de 585 députés à son ouverture le 18 mai 1848. Le Parlement de Francfort est la première assemblée élue en Allemagne!
Il y a évidemment un doubble problème: il s’agit d’une assemblée supranationale et couvrant des pays dont nombreux sont «non démocratiques»: Empire, Royauté pseudo-absolues ou non constitutionnelles, …
Lors son discours inaugural du 19 mai 1848 au Parlement de Francfort, Heinrich von Gagern définit les deux principales tâches du parlement:
- la rédaction d'une « constitution pour l'Allemagne »
- l'unité allemande
IL S'AGIT D'UNE VÉRITABLE « BOMBE À RETARDEMENT »
dans une Europe secouée de toutes parts …
En se concentrant sur l’Autriche uniquement, rappelons que
- Le « cerveau » Metternich a du fuir le 13 mars 1848
- L’incapable Ferdinand Ier est seul pour affronter cette terrible succession de crises
- Le 15 mai 1848 de nouvelles émeutes éclatent à Vienne
- Le 17 mai 1848 la famille impériale s’enfuit à Innsbruck
- Le 19 mai 1848 un parlement élu veut
- la rédaction d'une « constitution pour l'Allemagne »
- l'unité allemande
Le terme «BOMBE À RETARDEMENT» est une faible expression, non?
Alors, qui œuvre dans l’ombre pour éviter le naufrage général - du moins si l'on se place du côtés des dirigeants et pas des forces révolutionnaires - à exactement 2 ans du début du musical Elisabeth?
Une des réponses est assurément l'Archiduchesse Sophie. Quelques arguments?
- Son mariage négocié au Congrès de Vienne était une stratégie politique. Toute sa vie elle sera écrasée par cette mission.
- Metternich, son rival MAIS AUSSI son modèle - qui gère l’Autriche depuis près de 30 ans - a du démissionner et fuir!!! Ici encore elle se sent obligée de prendre son relais.
- Si l’Empereur Ferdinand Ier est renversé, elle sait que son mari (l’héritier) n’est pas capable - ni intellectuellement ni moralement - d’assumer ses fonctions d’Empereur. Elle va faire un choix crucial. Nous savons qu'après l'abdication forcée de Ferdinand Ier, elle «conseillera» à son mari de refuser le pouvoir et de le céder à son fils.
- La cour a du fuir Vienne ce qui est une preuve de faiblesse évidente. Elle en est consternée et veut paer tous les moyens rétabir la «puissance des Habsbourg».
- Elle ne peut voir qu'avec horreur ce parlement supranational élu qui vient de décider d’écrire une CONSTITUTION. pour une future Allemagne. Elle doit réagir sous peine de disparition de l'Autriche.
Acte I – Scène 3 |
Revenons au Parlement de Francfort. Rapidement, l'assemblée s'organise en groupes parlementaires. Ils sont plus ou moins conservateurs, libéraux ou démocrates. Ces deux dernières familles politiques s'opposaient aussi à propos de l'importance de la nation, de la question sociale, de l'ouverture économique, des droits civiques, mais aussi de la révolution même. Ils votent en décembre 1848 un catalogue de droits fondamentaux et en mars 1849 la Constitution.
Celle-ci, dite Paulskirchenverfassung («Constitution de Francfort» ou «Constitution de l’Eglise Saint-Paul»), prévoyait entre autres la garantie des droits fondamentaux et une monarchie constitutionnelle avec un empereur à sa tête, le titre devant être héréditaire. Il faut donc trouver qui va assumer ce poste. L'Empereur autrichien? Le Roi de Prusse? Ou quelqu'un sorti du chapeau? Un peu de suspense, nous allons y revenir plus tard...
H) Juin 1848 - Début du «Risorgimento», l'unification italienne
En Italie, les difficultés de Vienne laissent penser aux patriotes que le temps est venu de chasser les Autrichiens de la péninsule:
- A Venise, la « République de Saint-Marc » est proclamée.
- Milan se soulève et chasse la garnison autrichienne.
- Sous la pression populaire, les souverains italiens promulguent des constitutions, et des contingents gagnent la Lombardie, pour rejoindre les troupes du Roi de Piémont-Sardaigne qui prend la tête du mouvement de libération nationale.
Une fois encore, la situation autrichienne se complique.
I) Juin 1848 - L'autriche respire ... momentanément
En Autriche, l’empire semble sauvé de l’éclatement par la décision ultime de faire intervenir l’armée autrichienne contre sa population. Celle-ci reprend Prague, en juin juin 1848.
Grâce à cette intervention énergique de l'armée, en août 1848 l’empereur Ferdinand Ier et la cour peuvent rentrer à Vienne – ils avaient fui à Innsbruck. MAIS…
Le 6 octobre 1848, alors que les troupes impériales s'apprêtent à partir réprimer la Révolution hongroise, une foule de sympathisants de la cause hongroise composée d'ouvriers, d'étudiants et de soldats mutinés tente d'empêcher le départ des troupes de Vienne.
Alors que les émeutes viennoises de mars avaient été le fait de bourgeois libéraux, les événements d'octobre sont plutôt le fait d'ouvriers. Cet incident dégénère en combats de rue d'une grande violence:
- l'Arsenal est pillé
- le sang est versé jusque dans la cathédrale Saint-Étienne
- le ministre de la Guerre, le comte Theodor Baillet von Latour, est lynché par la foule; son cadavre mutilé reste plusieurs heures pendu à un réverbère.
Le lendemain, le 7 octobre 1848, l'empereur Ferdinand Ier et sa cour, à peine rentrés de leur exil d'Innsbruck au mois d'août, se replient à Olmütz sous la protection d'une troupe de 7 000 soldats. Deuxième exil en moins de trois mois!!! C'est terrible pour l’Empereur de l’un des plus grands pays d’Europe, celui qui dirige la Confédération germanique, … Si ça, ça n’est pas un bateau qui coule!
La Cour s'installe à Olmütz le 14 octobre 1848. Deux semaines plus tard, le Parlement est déplacé à Kremsier en Moravie. La ville de Kremsier — et non Olmütz — a été choisie par sécurité et afin de mieux pouvoir surveiller les parlementaires. Une partie de la bourgeoise viennoise déserte la ville et se met en sécurité dans les environs de Vienne ou suit l'empereur à Olmütz, qui devient le centre de l'empire pour plusieurs mois!!!
C'est alors que le général Windisch-Graetz, auréolé par la reprise de Prague, propose aux Habsbourg de mettre un terme à la révolution en marchant sur Vienne. Les troupes autrichiennes et croates contre-attaquent en encerclant Vienne le 20 octobre, bombardent la ville à partir du 26 octobre, et prennent le centre-ville d'assaut le 31 octobre. Près de deux mille personnes sont tuées lors des combats.
À l'exception du général polonais Józef Bem, qui réussit à prendre la fuite, les hommes qui ont organisé la résistance sont jugés puis exécutés au mois de novembre. La défaite de l'insurrection viennoise marque la fin de la Révolution de 1848 en Autriche, mais la révolution hongroise n'est finalement battue qu'en été 1849, et encore avec l’aide de la Russie… Cette «aide» russe rendra l’Autriche redevable. Nous y reviendrons lors de la Guerre de Crimée dont on parle dans Elisabeth.
Une chose est certaine, l’Empereur Ferdinand Ier n’est plus l’homme de la situation:
- Il n’en a jamais été mentalement capable (rappelons que son père ne voulait pas faire de lui comme héritier mais que Metternich avait insisté)
- Metternich – qui gérait tout depuis 27 ans – a du fuir en exil au mois de mars, lors de la première insurrection de Vienne, laissant l’Empereur seul en plein chaos.
- Ferdinand Ier – par faiblesse ou conviction (?) – a cédé très souvent et facilement aux émeutiers (constitution, …). Après la reprise du pouvoir par l’armée, fin octobre, Ferdinand Ier est vu par les bourgeois comme un lâche ou pire, comme compromis avec les révolutionnaires.
Sa femme, l’impératrice-consort, Marie-Anne de Sardaigne l’encourage à abdiquer ce qu’il accepte… N’ayant pas d’enfant, le successeur sur le trône est son frère, François-Charles.
Trois femmes vont entrer dans la danse:
- L’impératrice-douairière, Caroline-Auguste de Bavière
- L’impératrice-consort, Marie-Anne de Sardaigne
- L’Archiduchesse Sophie
L’Empereur Ferdinand Ier abdique. Son frère doit lui succéder.
Les trois femmes sont d’accord: c’est impossible. François-Charles est un doux, un faible. Il ne peut diriger le bateau Autriche en plein ouragan. Rappelons que la famille impériale est dans son deuxième exil de l'année à Olmütz.
La seule solution est François-Joseph, le fils de François-Charles et de Sophie. Sophie se charge de persuader son mari de ne pas devenir Empereur. Ce qu’il accepte, sans trop de difficultés.
François-Joseph a trois avantages:
- Il est jeune: 18 ans
- Il a été formé par Metternich: il est donc réactionnaire dans l’âme et admire – par éducation – l’ordre
- Il obéit à sa mère Sophie qui l’a toujours protégé
Par contre pour ce jeune homme, endosser ce poste écrasant dans cette période où l’Empire autrichien traverse sa plus grave crise n’est pas un cadeau. Il n’est pas prêt.
Il lui manque de l’expérience.
Il lui manque un Metternich.
Il lui manque une épouse.
Il lui manque un héritier.
Son oncle lui transmet le pouvoir…
Il est sacré Empereur le 2 décembre 1848 … à Olmütz et donc pas à Vienne. Il restera Empereur près de 68 ans (jusqu’en novembre 1916).
Il sera responsable du déclenchement de la 1ère Guerre Mondiale.
En obligeant l'archiduc François-Charles à se désister de ses droits successoraux, l'archiduchesse Sophie s'est enlevée à elle-même le titre glorieux d'impératrice. Elle tournera dorénavant toutes ses ambitions, toutes ses ardeurs, toute son opiniâtreté à faire de son fils un souverain exemplaire.
Nous en avons presque fini avec la période qui précède le début du musical Elisabeth… Nous avions vu que deux points avaient fait progresser le choix entre la grande et la petite Allemagne vers la seconde option:
- Le Zollverein dont l’Autriche était exclue
- La Révolution industrielle où l’Autriche accuse un fort retard.
Mais un des derniers actes politiques de Ferdinand Ier avant son abdication va être lourd de sens…
Nous avons vu que, depuis le 18 mai 1848, le Parlement de Francfort se réunissait pour voir comment unifier la «Nation allemande». La problématique principale est: «Que faire des territoires non-germaniques de l’Empire d’Autriche et du Royaume de Prusse?» Mais, très honnêtement, au-delà du problème idéologique de la formation d'un État-nation germanique, c'était le rapport de force entre la Prusse et l'Autriche au sein du nouvel ensemble qui créait le plus de remous.
Alors, à Francfort, certains sont pour la Petite-Allemagne et d’autres pour la Grande-Allemagne. La première prévoyait une Allemagne sans l'Autriche dominée par la Prusse, la seconde prévoyait l'intégration de l'ensemble de l'empire autrichien dans le nouvel État.
Cette dernière solution posant le problème des peuples non-germanique et du trop grand pouvoir de l'Autriche, une solution intermédiaire où ses territoires germaniques auraient été incorporés au nouvel État et où sa domination sur ses autres territoires serait limitée à avoir des souverains identique (l’Empereur de la futur Allemagne pourrait âtre Roi de Hongrie). L’examen de la carte ci-contre montre la perte territoriale envisagée. Rappelons encore que tout ceci se discute quand toute l’Europe est en pleine révolte et que rien n’est certain…
A Francfort, les députés pro-autrichiens sont pour cette option intermédiaire. Les représentants de gauche sont pour la Grande-Allemagne car ils ne veulent abandonner certains peuples de l’Est. Le centre libéral est plus pragmatique et estime économiquement la Petite-Allemagne plus raisonnable.
Le 27 octobre 1848, le parlement vote à une large majorité pour la solution Grande-Allemagne à condition qu'elle ne concerne que les parties germaniques de l'Empire. C’est en quelque sorte la solution intermédiaire. MAIS…
… un mois plus tard, le 27 novembre 1848, Ferdinand Ier – seulement quelques jours avant son abdication et la passation de pouvoir à François-Joseph – décide d’affirmer que l’Autriche n’était pas divisible. Cela rendit clair aux yeux du parlement que la seule solution réaliste était la solution de la Petite-Allemagne. En décembre 1848, la décision est entérinée.
Le Parlement de Francfort continue son travail d’élaboration d’une Constitution. Elle sera votée le 27 mars 1849, prévoyant pour ce nouvel État-Nation, l’Empire Allemand, un système parlementaire bicaméral (une chambre du peuple élue par scrutin direct mais pas universel et une chambre des États). C’était la première Constitution démocratique adoptée en Allemagne.
PLUS ETONNANT ENCORE…
Le lendemain, le 28 mars 1849, le Parlement de Francfort élit le roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV Empereur de ce futur nouvel État, par 290 voix contre 248, l'opposition étant constituée de la gauche, des députés autrichiens et du sud de l'Allemagne.
L'assemblée est au courant que le souverain prussien jugeait de manière critique le travail fait à Francfort, toutefois le gouvernement prussien avait communiqué le 23 janvier 1849 que la Prusse acceptait l'idée d'un empire héréditaire.
C'est dans ce contexte que la délégation partie de Francfort arrive le 3 avril 1849 à Berlin pour proposer la couronne impériale au Roi de Prusse.
Mais le Roi de Prusse refuse la couronne impériale, argumentant qu'il ne peut l'accepter qu'avec l'accord de tous les autres souverains allemands. Dans les faits la vraie raison de ce refus est que Frédéric-Guillaume IV ne veut pas d'une couronne qui a l'«odeur nauséabonde de la révolution».
Ce refus marque l'échec définitif de la révolution de mars 1848 et du travail du Parlement de Francfort. Il est également un signal pour les autres souverains allemands que LE RAPPORT DE FORCE AVEC LES LIBÉRAUX S'EST INVERSÉ.
Tout cel ne fut pas totalement vain car le travail du Parlement de Francfort servit de modèle pour la constitution de la République de Weimar en 1919 et pour celle de la RFA en 1949.
Nous en sommes maintenant au début d'Elisabeth.
A ce stade deux options s'offrent à vous pour continuer votre découverte:
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