C) 11 mars '29: «Spring is here» - 104 représentations...
Au début de 1929, Rodgers a reçu un appel du producteur Alex Aarons. Aarons avait, une décennie auparavant, donné leurs premières chances à George Gershwin et Vincent Youmans à Broadway. Avec son partenaire, Vinton Freedley, il avait présenté une série de succès Gershwin depuis 1924: Lady, Be Good! (), Oh, Kay! () et Funny Face (). Rodgers et Hart connaissaient et appréciaient Aarons et Finley et s’étaient toujours dit qu’un jour ils pourraient travailler avec eux. Cela tombait bien car après Chee-Chee (), il y avait peu de chances que Lew Fields produise rapidement un nouveau spectacle de Rodgers et Hart.
Aarons voulait adapter en musical une pièce de Owen Davis appelée Shotgun Wedding, avec Davis lui-même faisant l’adaptation. Owen Davis était un homme humoristique et gentil qui avait remporté un prix Pulitzer pour son drame Icebound. Récemment, sa comédie, The Nervous Wreck, avait été adaptée en un musical extrêmement réussi pour Eddie Cantor, appelé Whoopee! ().
Shotgun Wedding, rebaptisée pour sa version musicale Spring Is Here (), n’était pas particulièrement forte, mais après Chee-Chee (), elle semblait être la quintessence de l’esprit, du charme et de l’habileté dramatique. Terry aime Betty, Betty est attirée par Stacy, Terry flirte avec d’autres filles pour rendre Betty jalouse, et finalement Betty réalise que son cœur appartient à Terry. Parmi les autres personnages, on compte la sœur de Betty, Mary Jane et leur père, Peter Braley.
No comment!!! On est très loin des considérations créatrices ambitieuses développées à l’époque de Chee-Chee ()…
En outre, Spring Is Here () de Richard Rodgers et Lorenz Hart va être le premier musical à ouvrir à Broadway après Fioretta (), une superproduction ayant coûté 300.000$. En comparaison, Spring Is Here () ressemblait à un musical du Princess Theatre. Toute l’action du livret d’Owen Davis se déroulait dans une maison de Long Island: toutes les scènes du premier acte se déroulaient dans un jardin. Economie de moyens…
Rodgers et Hart commencent déjà à regretter le travail commun avec Herb Fields et qui avait débouché sur des œuvres comme Dearest Enemy () ou Peggy-Ann () ou A Connecticut Yankee (). En fait, en 1929, le seul musical vraiment novateur — et qui va dominer tout la décennie suivante – était Show Boat () d’Oscar Hammerstein et Jerome Kern. Aucun autre librettiste que Fields et Hammerstein ne semblait s’intéresser à quelque chose de vraiment frais et imaginatif. Depuis Chee-Chee (), Fields était parti pour voler seul et Hammerstein étant lui-même parolier (en plus de librettiste) n’allait certainement pas faire appel au duo Rodgers et Hart. L’avenir nous apprendra que Rodgers et Hammerstein travailleront ensemble quand Hart s’écartera pour «raisons de santé».
Rodgers et Hart ne pouvaient attendre éternellement qu’un livret novateur leur soit proposé et ils ont donc accepté les meilleures offres possibles, dont Spring Is Here ().
La partition de Rodgers et Hart comprenait l’un de leurs classiques, le mélancolique With a Song in My Heart, et deux autres belles ballades: Yours Sincerely et Why Can’t I?. Attention, la chanson-titre de cette partition Spring Is Here (in Person) n’a rien à voir avec la chanson beaucoup plus célèbre Spring Is Here que Rodgers et Hart ont écrite pour I Married an Angel () (1938).
Malgré des critiques plutôt favorables, une chanson à succès, un casting de qualité et un livret amusant, le spectacle n’a tenu que trois mois à Broadway. Il n’y a pas eu d’US-Tour post-Broadway, mais deux versions de film ont suivi: Spring Is Here () (1930) et Yours Sincerily (1933). Dans le premier, seule la moitié des chansons de la version de Broadway sont utilisées car le film ne dure que 70 minutes.
Il faut dire que ce fut une époque difficile pour toute pièce de théâtre ou tout musical qui n’était pas exceptionnel. Être simplement «réussi» ne suffisait plus. Les cinémas étaient envahis par les films parlants et le public préférait acheter des billets moins chers et des horaires plus pratiques. Même la célèbre Theatre Guild avec ses 25.000 abonnés, n’a pas été en mesure de prolonger bon nombre de ses pièces au-delà de la période habituelle de six semaines.