7.
1927 1943 - Difficultés

 8.15.
Création
Chorégraphies

 8.16.2.
Try-Out 1
Shubert Theatre
New Haven


 8.17.
Ceéation
St. James Theatre
31 mars 1943

 9.
1943 1964 - Golden Age

A) Ressentis divers...

Away We Go! () a ouvert ses portes au Colonial Theatre, à Boston, le lundi 15 mars – nous ne sommes que 4 jours après la première de New Haven, le 11 mars. Hammerstein était légèrement optimiste, envoyant les coupures de presse de New Haven dans une lettre à son fils Bill:

«Je pense avoir fait quelque chose cette fois. Ce sont tous les avis. Le travail consiste maintenant à mettre en place l’Acte II.»

Lettre d'Oscar Hammerstein II à son fils Bill - 11 mars 1943


Agnes de Mille affirmera plus tard que le deuxième acte a été entièrement retravaillé dans le train de New Haven à Boston, y compris l’ajout d’une petite danse de trois minutes. Elle a également dit qu’à la fin de la série de deux semaines à Boston, le 27 mars, tout le spectacle avait été réorganisé! Cela semble être exagéré, mais Langner, qui avait été forcé de venir à Boston pour superviser les choses car Helburn avait attrapé la grippe, fait référence à des réunions nocturnes après chaque représentation à Boston entre lui, Helburn (depuis son lit de convalescence), Rodgers, Hammerstein, et Mamoulian:

«Par un réarrangement des éléments du deuxième acte, et avec très peu de réécriture, dans les dix jours suivant l’ouverture de la pièce à Boston, nous avions la forme que nous voulions, pratiquement celle de l’ouverture à Broadway.»

Lawrence Langner


Langner note également les changements d’éclairage:

«Au début, le décor était éclairé conformément à ce qu’on appelle actuellement l’«éclairage de comédie musicale», mais au fur et à mesure que la pièce évoluait à Boston, elle a été complétée par le type d’éclairage utilisé dans le théâtre dramatique.»

Lawrence Langner


Mamoulian, d’autre part, a affirmé dans une interview ultérieure que:

«Pendant les deux dernières semaines avant l’ouverture d’Oklahoma! à Broadway, personne ne m’a adressé la parole. Rodgers pensait que je détruisais sa musique. Il ne pouvait pas accepter que les chanteurs soient dos au public. Tout le monde voulait que je remette le spectacle en scène comme un musical ordinaire. J’ai refusé, et ils ne m’ont même pas invité à la fête de la soirée d’ouverture.»

Rouben Mamoulian

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Affiche de Boston


Mais s’installer dans un théâtre pendant deux semaines a clairement eu des avantages pour l’accouchement final du spectacle et le travail précis sur ses points faibles. En guise de clin d’œil, on peut se demander aussi si Rodgers et Hammerstein ont pris le temps d’aller écouter les chanteurs de la famille Von Trapp, qui se sont produits à Boston le 21 mars, famille dont ils s’inspireront pour leur The Sound of Music ().

Une des principales difficultés de la série de représentations à Boston fut de faire face à une épidémie de rougeole allemande qui avait couvé dans la distribution depuis les répétitions: Agnes de Mille raconte comment elle a remplacé successivement différents des danseurs successifs qui étaient incapables de se produire. Difficile à un moment où il y a tant de travail en dehors des représentations du soir.

B) Lonely Room et l'Acte II

Un des changement importants de Boston avait déjà été décidé à New Haven: la chanson Lonely Room de Jud qui avait été supprimée juste avant le premier Try-Out à New Haven allait réintégrer le spectacle. Alfred Drake (Curly) est intervenu et a donné, en urgence, quelques leçons de chant à Howard da Silva (Jud) dans son hôtel de New Haven:

«À l’ouverture de New Haven, pour une raison ou une autre, les producteurs avaient décidé de couper le solo de Jud Fry du deuxième acte, «Lonely Room». Peut-être était-ce parce que Howard Da Silva ne chantait pas très bien; après tout, il était d’abord un acteur, pas un chanteur, mais ils sentaient que ça ne marchait pas.
Le lendemain, je suis allé voir Dick Rodgers et je lui ai dit: «C’est faux, cette chanson est très importante; elle éclaire tout le caractère de Jud. Si vous me laissiez travailler avec Howard, je pourrais peut-être l’aider.»
Il a accepté, et Howard et moi sommes allés dans une de ces petites salles de réunion du hall de l’hôtel Taft et nous avons travaillé ensemble sur cette chanson... . J’ai fait de mon mieux pour l’encadrer afin que ce soit un solo dramatique. Qu’il pouvait faire. Quand ils l’ont entendu le refaire, ils ont décidé de le remettre dans le spectacle. Et à Boston, ça a marché!»

Max Wilk - «Ok! the Story of Oklahoma!» - © Nick Hern Books

 

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Programme d'«Away We Go!» du 15 mars 1943
au Colonial Theatre à Boston

© Billy Rose Theatre Division, The New York Public Library
https://digitalcollections.nypl.org/items/7db3c377-df7e-031a-e040-e00a18062885

L’ajout à Boston de la chanson de da Silva est mentionné dans le New York Times du 29 mars 1943 comme la chanson qui «clarifie le caractère du méchant qu’il incarne». Cependant, ce n’est pas da Silva qui l’a chantée sur l’Original Broadway Cast Recording mais Alfred Drake (Curly)…

Une autre décision a été prise avant l’impression du programme de Boston, soit la réorganisation de l’acte II, scène 2 pour placer All Er Nuthin de Will et Ado Annie avant la séquence Jud/Laurey/Curly.

Restait encore à finaliser le duo de Laurey et Curly. A un certain moment (Projet 2), Hammerstein a prévu qu’ils auraient «la meilleure chanson du spectacle … quand elle sera écrite». Dans le Projet 3A, il fut décidé de se contenter d’une reprise de People Will Say We’re in Love. Mais dans le Projet 3B, Hammerstein est revenu à l’idée de «nouvelle chanson … lorsqu’elle sera écrite». Hammerstein avait des ambitions plutôt fantaisistes pour cette chanson Boys and Girls Like You and Me: «La musique enfle, et il y a un moment de sérénité idyllique comme celui qui précède le duo de Tristan et d’Isolde, mais en mieux... Puis Laurey commence à chanter doucement.» Cependant, le fait que Laurey et Curly chantent une ballade sentimentale sur des «garçons et les filles» qui marchent «sous le ciel», «dans toutes les rues de la ville» ou «dans les ruelles où les branches se rencontrent» ne correspondait ni vraiment à leur personnage ou à leur emplacement. La chorégraphie de couples déambulant était également trop limitée. Boys and Girls Like You and Me a été utilisé à New Haven et au moins dans une partie de la série de Boston, mais il a été décidé à Boston de revenir à la reprise de People Will Say We are in Love pour New York.

C) La chanson Oklahoma

Une autre modification importante concerne la chanson Oklahoma. Comme nous l’avons vu, au cours des répétitions, Oklahoma servait pour un numéro de claquettes de George Church. Mais cette danse ayant été supprimée, quand le spectacle est arrivé à Boston, il a fallu imaginer par quoi la remplacer. Celeste Holm attribue à un membre du chœur, Faye Smith, l’idée de chanter un choeur, idée que Langner a soutenu:

«L’une des choristes a dit à Rodgers: «Pourquoi n’avons-nous pas plus d’occasions, nous les chanteurs, d’utiliser nos voix chantées? Nous sommes un chœur merveilleux, et n’avons pas grand-chose à faire.» À l’époque, la chanson Oklahoma! était chanté principalement par Curly et Laurey et nous avions tous besoin de plus d’émotion à ce moment du spectacle. Dick a immédiatement eu l’idée d’utiliser tout le chœur pour le numéro, avec un effet explosif.»

Lawrence Langner

 

Eleven-o’clock number

C’est un terme théâtral désignant une grande chanson qui se chante à la fin du deuxième acte d’un musical à deux actes, soit vers 11h du soir (pour un musical débutant à 8h30), et qui constitue habituellement une révélation importante pour un personnage principal, et est aussi souvent un show-stopper. Autres exemples : So Long Dearie de Hello, Dolly!, If He Walked Into My Life de Mame , Rose's Turn de Gypsy, Work the Wound de Passing Strange, Cabaret de Cabaret, Sit Down, You're Rockin' the Boat de Guys and Dolls, Memory de Cats , Brotherhood of Man de How to Succeed in Business Without Really Trying, No Good Deed de Wicked, Gimme Gimme de Thoroughly Modern Millie, Another National Anthem de Assassins, American Dream de Miss Saigon, Goodbye de Catch me if you can, Revolting Children de Matilda The Musical, I'm Here de The Color Purple et Always Begin Over de If / Then.

L’orchestrateur Robert Russell Bennett fut appelé de New York, et il retravailla ce chœur dans une harmonisation spectaculaire, apparemment dans le train qui le menait à Boston. La nouvelle version a été testée le dimanche de congé (le dimanche 21 mars – le Try-Out de Boston se jouant du lundi 15 au samedi 27 mars 1943, relâche dimanche 21). Ils commencèrent d’abord autour d’un piano dans le foyer du théâtre. Agnes de Mille a imaginé un déplacement baptisé The Flying Wedge (inspiré par la formation en V des avions de chasse), où les acteurs initialement en V se déplaçaient ensemble de l’arrière de la scène vers le bord du plateau, chantant en chœur Oklahoma. Un moment puissant et ampli d’émotion. Ce dispositif imaginé par Agnes de Mille est depuis lors irrémédiablement associé à cette chanson. Cette modification a été introduite lors de la deuxième semaine du spectacle à Boston et a été un show-stopper. Rodgers et Hammerstein avaient trouvé leur eleven-o’clock number (voir ci-contre).

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Emerson Colonial Theatre aujourd'hui
© www.emersoncolonialtheatre.com

D) L'ouverture du musical

L’ouverture du musical a également été profondément modifiée.

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Robert Russel Bennett (≈ 1945)
© Photo courtesy of Photofest

Robert Russell Bennett n’était pas du genre à jeter des brouillons, et des traces de la version originale de l’ouverture ont été conservées. Selon Jay Blackton, l’ouverture utilisée à New Haven était «une petite improvisation» que Robert Russell Bennett a concoctée en catastrophe pour la première représentation. L’ouverture définitive a ensuite été écrite quand le spectacle est arrivé à Boston, ce qui signifie qu’elle a été introduite un des soirs de la série de Boston. Dans cette «petite improvisation» que fut l’ouverture «temporaire», on retrouvent des phrases de Boys and Girls Like You and Me, puis de People Will Say We’re in Love avec des cordes tourbillonnantes qui la relient à des passages complets de Many a New Day, Out of My Dreams et People Will Say We’re in Love. Cependant, la suppression de Boys and Girls Like You and Me du spectacle a forcé l’écriture d’une nouvelle ouverture, ou du moins de parties importantes de celle-ci. La version définitive de l’ouverture est beaucoup plus exubérante, commençant par «The Farmer and the Cowman» et se terminant par «Oklahoma»; au milieu on retrouve «Pore Jud Is Daid» et ensuite les trois chansons (dans le même ordre) de l’ouverture initiale. La version d’«Oklahoma» dans l’ouverture, cependant, n’est pas tout à fait la même que la chanson du spectacle car Robert Russell Bennett a collé dans la nouvelle ouverture les morceaux utilisés à New Haven.

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Emerson Colonial Theatre aujourd'hui
© www.emersoncolonialtheatre.com

E) Verdict des Try-Out à Boston

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Façade du Colonial Theatre à Boston (1966)
© Photo courtesy of the Dirty Old Boston Facebook page

E.1) La presse

Si la presse de New Haven avait été très bonne (), les critiques de la première de Boston étaient majoritairement favorables.

Helen Eager, dans le Boston Traveler, fait le lien avec la pièce de Riggs: «Quand Green Grow the Lilacs avait eu sa première représentation au Tremont Theatre [de Boston lors de la tournée] en 1930, Philip Hale avait fait remarquer dans sa critique dans le Boston Herald que la pièce pourrait être utilisée comme livret pour un opéra. Son jugement s’est avéré solide hier soir.»

Selon Elinor Hughes, du Boston Herald, le spectacle a ouvert «devant un public emballé et enthousiaste»: «Même si quelques sourcils se sont levés — la Guild faisant la promotion de chansons et de danses boufonnes (tsk, tsk!) — les résultats étaient si satisfaisants que je ne vois aucune raison pour laquelle ils ne devraient pas continuer. Grand, beau, pittoresque et généralement divertissant, le spectacle n’est pas encore tout à fait prêt pour Broadway, ayant encore quelques longueurs dans le premier acte mais les vertus sont nombreuses et les défaillances peuvent être corrigées. (…) Les danses sont un élément remarquable du spectacle et qui, à un moment donné, sont sur le point de transformer Away We Go! () en théâtre dansé plutôt qu’en théâtre chanté. (…) La Theatre Guild n’a fait aucune erreur de production, et Broadway a une expérience très agréable qui l’attend.»

Peggy Doyle, du Boston American, a noté que: «Le spectacle a de la fraîcheur, de la vitalité, de l’esprit, de la grâce, de l’élégance, de belles couleurs, des filles très jolies, le numéro de claquettes le plus distrayant de l’année et une musique totalement irrésistible».

L.A. Stoper, dans le Christian Science Monitor du 16 mars, a formulé d’autres critiques: le spectacle était trop long et avait «trop d’humour rural et de sentiments familiers»; les chansons étaient trop simples; la première scène traînait en longueur; la scène de la mort était problématique; et toute la production doit être coupée et resserrée (comme cela s’est effectivement produit à Boston). Cependant, il aimait Pore Jud is Daid, I Cain not Say No, Oklahoma (qu’il qualifie de «choeur») et le Dream Ballet.

La rumeur circulait que le titre du spectacle risquait de changer: Hughes a fait remarquer que cela pourrait être une amélioration et L.A. Stoper a déclaré: «On rapporte que lorsque la production arrivera à New York, elle sera appelée Oklahoma (». Cela aidera aussi.»

Leo Gaffney, du Boston Record, estime que la Guild doit décider si elle présente un musical ou une pièce avec de la musique.

Elliot Norton, du Boston Post, est d’avis que «comme il s’agit de quelque chose de totalement neuf, il n’est pas encore parfait. Il fait presque une demi-heure de trop et certains de ses acteurs ne sont pas encore habiles dans leurs rôles. (…) Malgré cela, a-t-il écrit, c’est l’un des meilleurs spectacles du genre que certains d’entre nous aient jamais vu.»

E.2) Le public

Les membres du public ont également fait part de leurs réactions.

Le 16 mars, un certain Edward W. Curtin, du Massachusetts, a envoyé ses commentaires au bureau de la Guild à New York: il aimait People Will Say We are in Love, en particulier la phrase Don’t you sigh, you sigh too much like me, mais il avait l’impression qu’il y avait trop de dialogue dans l’acte I-scène 1. Il voulait plus de punch comique pour Will Parker et Ali Hakim; il pensait que Joan Roberts et Celeste Holm étaient bien; et il a suggéré de couper l’acte I, scène 3 (y compris le Dream Ballet). En général, il trouvait que la danse était trop dominante («J’admets que c’est très bien mais il y en a trop... »). Enfin, «George Abbott a suivi mon conseil et a ajouté un décolleté à Kiss and Tell. Vous pourriez en ajouter une douzaine à Away We Go (). À l’heure actuelle, c’est le hit de la saison, et lorsque je le verrai plus tard dans la semaine, j’espère que ce sera le hit de nombreuses saisons. »

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Emerson Colonial Theatre aujourd'hui
© www.emersoncolonialtheatre.com

E.3) L'équipe

Le récit de Dorothy Hammerstein, la seconde femme d’Oscar, à Bill Hammerstein, son beau-fils, était peut-être plus réaliste. Samedi (probablement le 20 mars), elle a commencé sa lettre: «Je vais voir le spectacle ce soir, alors je terminerai demain pour pouvoir te donner mes réactions personnelles aux compressions et aux changements — La drée est maintenant normale. Ne serait-il pas merveilleux que le spectacle soit un succès retentissant?» Elle a ajouté le lendemain :

«Le spectacle était complet hier soir. Dick [Rodgers] dit que c’est le premier musical à faire un profit la première semaine: il a remboursé les frais de déplacement, les répétitions et tout le reste, de sorte que s’ils subissent des revers inattendus sous forme de mauvaises critiques, ils ont un excédent à conserver pendant que s’amorce le bouche-à-oreille des abonnés de la Guild, etc. Hier soir, le spectacle s’est bien passé, mais je n’ai pas aimé la représentation. Celeste Holm avait la voix fatiguée mais a quand même fait un succès et les acteurs sont si occupés à apprendre de nouvelles lignes qu’ils n’ont pu encore assimiler totalement que c’était souvent trop saccadé pour moi. La partition et les paroles sont magnifiques et le ballet est inégalé.»

Dorothy Hammerstein, la seconde femme d’Oscar, à Bill Hammerstein, son beau-fils


Elle n’a pas aimé Betty Garde en Tante Eller («Elle me fait mal au cou»); «Joan Roberts est bien, mais je dirais qu’Alfred Drake et Celeste Holm et le service de danse d’Agnes De Mille se démarquent. Une fille du ballet appelée McCracken est merveilleuse. Elle se démarque et on se retrouve à la regarder tout le temps sur scène.»

Les recettes au box-office de Boston étaient en effet très bonnes: le 16 mars, le New York Times annonçait des ventes anticipées de 25.000$, et le 29 mars, des recettes brutes de plus de 50.000$. Le 20 mars, Sara (Sadie) Greenspan, directrice adjointe des affaires au bureau de la Guild à New York, a écrit à Helburn et Langner à Boston: «Les affaires vont très bien à Boston. Nous serons en mesure de réaliser un profit sur l’engagement de Boston si la semaine prochaine est aussi bonne que celle-ci.» Le 26 mars, Joseph Heidt, attaché de presse de la Guild, a câblé Lynn Riggs pour demander des détails biographiques pour un communiqué de presse: «Le projet évolue bien. Les affaires vont bien.» Alors que le spectacle se démontait à Boston le dimanche 28 mars, après ses deux dernières représentations du 27, les personnes impliquées ont dû sentir que les perspectives étaient bonnes.

Hammerstein écrit à son fils Bill, le 25 mars:

«J’ai dit que je t’écrirais après l’ouverture à N.Y. et je le ferai. Mais le spectacle est si avancé que je me retrouve avec suffisamment de loisir et de repos pour t’écrire d’ici. Nous sommes jeudi. Lundi dernier, nous avons fait une rechute. Le spectacle était lent et trop discret car les artistes, se concentrant sur les changements, avaient perdu le rythme des scènes inchangées. Nous leur avons donc parlé et le résultat a été si réussi qu’en une nuit nous avons soudainement pris l’aura d’un succès. Les gens sont venus de New York. Je crois maintenant que c’est l’approche la plus proche de celle de Show Boat () que le théâtre a atteint. Je ne crois pas qu’il ait une histoire aussi solide ou qu’il sera un aussi grand succès, mais il est comparable en qualité, et peut avoir une très longue vie. Tout cela est dit dans l’espoir qu’une poignée de critiques imbibés de bière ne puissent décider que nous avons essayé d’écrire un musical et avons échoué. S’ils constatent que l’intention est différente et supérieure, ils devraient se réjouir. Je sais que c’est un bon spectacle. Je n’arrive pas à croire qu’il ne trouvera pas un public important. Voilà! Je me suis mouillé…»

Oscar Hammerstein à son fils Bill Hammerstein


Il a aussi dit à Bill: «Le nom du spectacle est maintenant Oklahoma! ()» — ce qu’il a trouvé «un bon titre honnête». Mais Hammerstein était plus réservé avec sa femme, lui disant: «Je ne sais pas quoi faire s’ils n’aiment pas. Je ne sais pas quoi faire parce que c’est le seul genre de spectacle que je peux écrire.»

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Flop: «Dancing in the Streets» avce Mary Martin
«CUE» (The weekly Magazine of NY Life) (27/3/1943)

Ce numéro met en vedette l’actrice Mary Martin (photo de couverture)
et son retour attendu à Broadway dans le musical de Vernon Duke et Howard Dietz Dancing in the Streets qui devait ouvrir le 7 avril 1943 àl'Imperial Theatre de Boradway. La production a ouvert pour des Try-Out le 19 mars 1943 au Shubert Theatre de Boston et y a fermé le 10 avril 1943, n’arrivant pas à Boradway. «Closed on the road»
. Ironie: deux spectacles différents étaient en préparation à l’hiver 1943, et Mary Martin avait été approchée pour les deux. L’un était l’œuvre de la nouvelle équipeRichard Rodgers et Oscar Hammerstein II, une adaptation de la pièce Green Grow the Lilacs, le futur Oklahoma!. L’autre était Dancing in the Streets, avec des chansons de Vernon Duke et Howard Dietz. Incapable de choisir entre eux, Martin a tiré à pile ou face et est allé dans Dancing in the Streets.

Le 29 mars, Helburn a écrit à Warren Munsell, business manager de la Guild, maintenant dans l’armée et basé à Londres: «Green Grow, maintenant intitulé Oklahoma! (), ouvre mercredi soir et je vais ajouter un p.s. à cela ou vous envoyer une autre note après qu’il ait ouvert. Il a très bien fonctionné à New Haven et Boston, avec une presse ravie et c’est vraiment un beau spectacle, mais je n’ose pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Tous ceux qui sont venus de New York ont été très impressionnés. Si nous pouvions sauter la Première, je pourrais me la couler douce.»

Helburn a également dit à Munsell que les résultats de Boston signifiaient que le spectacle était financièrement sûr, et qu’elle avait même refusé de nouveaux investisseurs. Langner a transmis un message général similaire à S.N. Behrman le 30 mars: «Tout le monde semble penser que le spectacle est réussi et j’espère que, pour notre bien à tous, les critiques sauront reconnaître sa différence, son charme et sa beauté. Mais j’ai surmonté tellement de souffrances des soirs de Première que je n’ose pas regarder devant moi.» Helburn et de Mille ont également affirmé (après coup) avoir été sur des charbons ardents, et Joseph Buloff a dit à sa femme qu’il était moins qu’optimiste de voir le spectacle avoir une longue durée de vie. Seul Rodgers a soutenu (encore une fois rétrospectivement) qu’il avait toute confiance depuis les répétitions, au des Try-Out, et même à Boston, il a prédit à Jay Blackton que le spectacle pourrait durer six mois sur Broadway.

Langner, cependant, était préoccupé :

«Quand nous étions à Boston, une pièce musicale appelée Dancing in the Streets (), produite par Vinton Freedley avec l’adorable Mary Martin en tête d’affiche, et avec des décors et des costumes de Robert Edmond Jones, jouait en même temps que nous, et il la question s’est posée de savoir si nous ne devions pas essayer de jouer à New York avant cette pièce. Rudolf Krommer, l’ombre de Max Reinhart [...] est venu à Boston et a vu les deux, Oklahoma! () et Dancing in the Streets (), et il était aussi emporté par ses louanges de ce dernier qu’il était pessimiste sur l’avenir d’Oklahoma! (). J’étais moi-même très inquiet de ce qui se passerait à Broadway, parce qu’Oklahoma! () était si différent de tous les musicals qui se jouaient à l’époque. Beaucoup de producteurs de musicals à Broadway provenait du Burlesque et produisaient des spectacles de musique élégante, fait avec un grand professionnalisme, qui à ce moment-là étaient devenus une vraie «formule». À l’exception de Show Boat (, ils étaient dénués de poésie ou de cette âme américaine qui caractérisait tant Oklahoma! ().»

Lawrence Langner


Petit clin d’œil: Dancing in the Streets () avec Mary Martin s’arrêtera après son Try-Out à Boston et n’atteindra jamais Broadway… Closed on the road! Il en sera évidemment tout autre pour Oklahoma! ().

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Emerson Colonial Theatre aujourd'hui
© www.emersoncolonialtheatre.com