image
«Rosalie» - Film - MGM - 1937

Etant maintenant sous contrtat avec la MGM, Cole Porter séjourna à Hollywood durant la majorité de la première moitié de 1937 pour y écrire la partition d'un film de la MGM, Rosalie (), tiré du musical Rosalie () de 1928 produit par Florenz Ziegfeld Jr. La production scénique originale avait ouvert le 1er octobre 1928 au New Amsterdam Theatre à Broadway et s'était jouée durant 335 représentations. Le musical aurait du être adapté en film en 1928, mais la production a été brusquement interrompue lorsque la MGM a converti son studio au son.

Le film de 1937 incorporera quelques images de la production inachevée de 1928, principalement des plans extérieurs.

Le livret de 1928 avait été écrit par William Anthony McGuire et Guy Bolton. Les compositeurs étaient renommés: George Gershwin et Sigmund Romberg. Il en était de même des paroliers: Ira Gershwin et P.G. Wodehouse. Mais la MGM a décidé de ne pas du tout utiliser la musique de la version scénique et a demandé à Cole Porter d'écrire une toute nouvelle partition pour le film. Max Steiner a également travaillé sur la production originale de Broadway en tant qu’orchestrateur, rôle fondamental, nous ne le dirons jamais assez. Le film sortira en décembre 1937.

La meilleure danseuse de claquettes de la MGM à l’époque, Eleanor Powell (qui avait joué dans le film prcédent de Porter, "Born to Dance), a été choisie pour le rôle de la princesse face à Nelson Eddy qui incarnait le cadet Dick Thorpe (le lieutenant Richard Fay dans le musical original à la scène). Frank Morgan a repris son rôle de Broadway en tant que King Fredrick (King Cyril dans la version scénique). Ray Bolger (Bill Delroy), Edna May Oliver (la Reine), Ilona Massey (Brenda), Tom Rutherford (Prince Paul) et Reginald Owen (Chancelier) ont également joué dans le film. William Anthony McGuire en était le producteur.

Bande-annonce du film
© MGM

Mais ce n’est pas tout… Pour tirer profit de la renommée de Eleanor Powell en tant que danseuse, le film a été retouché pour lui permettre de présenter plusieurs numéros musicaux, dont l’un est la chanson-titre où Powell dansait sur un tambour géant, l’une des plus grandes séquences musicales jamais filmées à l’époque: à la manière de Florenz Ziegfeld Jr., le numéro final occupa 250.000m2du terrain arrière de la MGM, plus 27 caméras et 2.000 chanteurs, danseurs et figurants. huit orgues à tuyaux étaient inclus dans un orchestre de 60 musiciens accompagnant 100 cadets chantants de West Point! Un extrait de cette scène est inclus dans le film «encyclopédique» That's Entertainment! () (1974). Mais signalons quand même qu'au milieu de tout ce Barnum, Marjorie Lane a doublé la voix de la vedette Eleanor Powell pour les chansons.

La célèbre scène des tambours
© MGM

Le chef du studio, Louis B. Mayer, voulait que Cole Porter, nouvellement embauché, écrive une chanson-titre Rosalie particulièrement attrayante pour Nelson Eddy. Lorsque Porter proposa la partition du musical à L. B. Mayer, il aimait tout dans la partition, sauf cette chanson-titre, Rosalie. Selon lui, elle était trop sophistiquée. Mayer ordonna à Cole: "Oubliez que vous écrivez pour Nelson Eddy et donnez-nous simplement une bonne chanson populaire." Comme Porter l’a écrit près d’une décennie plus tard, il avait composé six versions avant de jouer cette version n°6 devant L. B. Mayer qui l'a rejetée. Porter s'est confié: «J’ai ramené Rosalie n°6 chez moi et je me suis empressé d’écrire Rosalie n°7. Louis B. Mayer était ravi de cette nouvelle version, mais je n’étais pas content que ma version n°6 ait été jetée, car elle me semblait tellement mieux que la n°7.» Cole a maintenu toute sa vie que Rosalie était la chanson la plus débile qu’il ait jamais écrite, malgré les conseils d’Irving Berlin: «Ne jamais haïr une chanson qui s’est vendue à un demi-million d’exemplaires.»

Selon Porter, la plus belle chanson qu'il ait écrite pour Rosalie () est In the Still of the Night. Mais elle a failli être supprimée, car Nelson Eddy avait dit à Porter qu’elle était impossible à chanter. Du moins par lui. Porter s’est adressé à Mayer, qui aurait éclaté en larmes lorsqu’il a entendu la chanson. Il a rapidement ordonné à Eddy de chanter la chanson et Eddy a fini par trouver les notes. Quelques mois après l’écriture de la chanson, Cole a déclaré aux journalistes que c’était sa meilleure chanson jusque-là et qu’il la préférait à Night and Day. Les paroles sont éloquentes, exprimant les doutes d’une personne profondément amoureuse, mais incertaine d'être aimée en retour.

In the still of the night
As I gaze from my window
At the moon in its flight
My thoughts all stray to you
In the still of the night
All the world is in slumber
All the times without number
Darling when I say to you

«Do you love me, as I love you
Are you my life to be, my dream come true»
Or will this dream of mine
Fade out of sight
Like the moon
Growing dim,
On the rim
Of the hill
In the chill,
Still,
Of the night

Like the moon
Growing dim,
On the rim
Of the hill
In the chill,
Still,
Of the night
Dans le silence de la nuit
Quand je regarde par ma fenêtre
Vers la lune en plein vol
Mes pensées errent vers toi
Dans le silence de la nuit
Tout le monde est endormi
Un nombre incalculable de fois
Chéri quand je te dis

«Est-ce que tu m'aimes comme je t'aime?
Es-tu mon avenir, mon rêve réalisé?»
Ou bien est-ce que ce rêve
Va disparaître
Comme la lune
Disparaît
Derrière la cîme
De la colline,
Dans la fraîcheur
Du silence
De la nuit?

Comme la lune
Disparaît
Derrière la cîme
De la colline,
Dans la fraîcheur
Du silence
De la nuit?


«In the Still of the Night» - Film «Rosalie» - Cole Porter

 

L’évanescence de cette lune est magnifiquement suggérée par des rimes: "dim"/"rim" et "hill"/"chill"/"still. "In the Still of the Night" a été écrite par Cole Porter alors qu'il avait son amant, Ed Tauch, en tête.

Selon William et Nancy Young dans «Music of the Great Depression», le film «ressemble aux opérettes écumeuses si en vogue à l’époque, ce qui signifie que Rosalie () manque terriblement d’une intrigue... Il [Cole Porter] a réussi à composer le mémorable In the Still of the Night et Who Knows?»