B.3.1) La création à Broadway

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«Sing, Sing for Sing Sing» - «The New Yorkers» - Broadway Theatre - 1930

Le Gay Divorce () de Cole Porter a été présenté comme une «comédie musicale intime», mais c’était essentiellement une farce se déroulant dans un hôtel du bord de mer en Angleterre. Il n’y avait pas de grands numéros spectaculaires, la distribution ne comptait que 25 artistes (ce qui est peu à l’époque), la «courte» partition de Porter se limitait à dix chansons… Le spectacle mettait en vedette Fred Astaire dans son premier musical sans sa sœur Adele Astaire, qui s’était retirée de la scène après son mariage avec le fortuné Lord Charles Cavendish. En outre, Gay Divorce () sera le dernier musical de Broadway de Fred Astaire, parce qu’une fois que sa carrière hollywoodienne aura pris son envol, il ne reviendra jamais sur la scène de New York. Il faut aussi mentionner la présence de Luella Gear, Eric Blore et Erik Rhodes. La partition de Porter offrait l’un de ses standards les plus durables, la ballade éthérée Night and Day et d’autres chansons, dont celle d’Astaire et de Claire Luce, I’ve Got You on My Mind.


Gay Divorce () a ouvert en try-out au Wilbur Theatre de Boston à partir du 7 novembre 1932, puis s’est déplacé au Shubert Theatre de New Haven à partir du 21 novembre 1932. Il a ouvert à Broadway au Ethel Barrymore Theatre le 29 novembre 1932 et a été transféré au Shubert Theatre le 16 janvier 1933 où il a fermé le 1er juillet 1933 après un total de 248 représentations. Mis en scène par Howard Lindsay avec des chorégraphies de Barbara Newberry et Carl Randall, une scénographie de Jo Mielziner.

Avec 248 représentations, le spectacle est devenu le deuxième musical de la saison, avant d’être adapté au cinéma en un film à succès qui a mis en vedette Fred Astaire et Ginger Rogers dans leur deuxième film, avec Eric Blore et Erik Rhodes re-créant les rôles qu’ils avaient joués à Broadway.

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Fred Astaire et Claire Luce - «Gay Divorce»

Guy Holden (Fred Astaire), un écrivain américain en voyage en Angleterre, tombe follement amoureux d’une femme nommée Mimi (Claire Luce), qui disparaît après leur première rencontre. Pour lui permettre d’oublier cet amour manqué, son ami Teddy Egbert, un avocat britannique, l’emmène à Brighton, où Egbert s’est arrangé pour aider une de ses clientes à obtenir le divorce de son ennuyeux et vieillissant mari, le géologue Robert. Comment? En faisant qu’il la surprenne avec un amant…

Egbert a donc payé un homme, Rudolfo Tonetti (Erik Rhodes), pour qu’il se fasse passer pour son amant. On va assister à un énorme quiproquo: le soir où tout doit se passer Mimi croit que Holden, qui accompagne son avocat Egbert, est la personne qui doit jouer le rôle de son amant. Holden n’ose la démentir car il a honte de sa propre activité, auteur de romans d’amour à bas prix… Lorsque le mari apparaît, il n’est pas convaincu par ce faux adultère mais le serveur (Eric Blore), involontairement, révèle que le mari n’est pas fidèle à sa femme, un vrai adultère cette fois... Mimi peut donc épouser Guy Holden!

B.3.2) La création à Londres

Vu le succès à Broadway qui s’est prolongé jusqu’au 1er juillet 1933, le spectacle a ouvert dans le West End londonien au Palace Theatre le 2 novembre 1933 et a été présenté pour 180 représentations. Il a été mis en scène par Felix Edwardes mais toujours avec Fred Astaire, Claire Luce, Erik Rhodes et Eric Blore reprenant leurs rôles. Ils ont été rejoints par Olive Blakeney (Gertrude Howard), Claud Allister (Teddy Egbert), Joan Gardner (Barbara Wray) et Fred Hearne (Octavius Mann).

Notons que, de façon assez compréhensible, What Will Become of Our Engalnd? (qui spéculait sur le Prince de Galles et sa vie amoureuse) a été retirée de la partition; et Porter a écrit trois nouvelles chansons pour la production, Never Say No, Waiters vs. Waitresses et I Love Only You.

B.3.3) L'adaptation cinématographique

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En 1934, le musical a bénéficié d'une adaptation cinématographique. A l'affiche, on allait retrouver Fred Astaire (Guy Holden), Ginger Rogers (Mimi Glossop), Eric Blore (serveur) et Erik Rhodes (Rodolfo Tonetti). Mais aussi Alice Brady (Tante Hortense), Edward Everett Horton (Egbert 'Pinky' Fitzgerald) et Betty Grable (une cliente de l'hôtel).

Les règles de censure du cinéma de l’époque ne permettaient pas de traiter le sujet du divorce à la légère, ce qui a entraîné une légère modification du titre du film. La logique était qu’un divorce lui-même ne pouvait pas être «gai», mais qu’une personne divorçant pouvait l’être, et ainsi la «morale des cinéphiles du monde entier a pu être sauvée» lorsque le titre a été changé de Gay Divorce à The Gay Divorcee.

Bien sûr, à l’époque le mot «gay» avait pour le grand public un sens très clair: «plein de joie». Dans les années 1890, le terme «gey cat» (une variante écossaise de gay) était utilisé pour décrire un vagabond qui offrait des services sexuels à des femmes ou un jeune voyageur qui venait de prendre la route et en compagnie d’un homme plus agé. Cette derniére utilisation suggére que le jeune homme était dans un réle sexuellement soumis et pourrait étre l’une des premieres fois où l’expression «gay» a été utilisée impliquant une relation homosexuelle. Ce n'est qu'en 1951, que le mot «gay» est apparu pour la premiére fois dans l’Oxford English Dictionary en tant qu’argot pour homosexuel, mais a probablement été utilisé de cette maniére «underground» au moins 30 ans plus tôt. Et ce n'est pas éonnant que Cole Porter, l'homosexuel «camouflé par un mariage», utilise cette terminologie encore «camouflée» à l'époque.

Le film ne reprend qu’une seule chanson de la partition originale du musical signée par Cole Porter: Night and Day. Les chansons The Continental - qui est devenue la première chanson à remporter l’Oscar de la meilleure chanson - et A Needle in a Haystack ont été écrites par le parolier Herb Magidson et le compositeur Con Conrad, et Let’s K-nock K-nees et Don 't Let It Bother You avaient des paroles de Mack Gordon et la musique de Harry Revel.

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Ginger Rogers et Fred Astaire dans «The Gay Divorcee»

Après le film Flying Down to Rio, Fred Astaire était réticent à faire un deuxième film avec Ginger Rogers. Il avait commencé sa carrièrer en duo de danse avec sa sœur, Adèle Astaire, mais voulait s’établir en tant que danseur solo. Astaire envoya une note à son agent au sujet de Rogers: «Ça ne me dérange pas de faire une autre photo avec elle, mais en ce qui concerne cette idée d’équipe, c’est non! Je viens de réussir à quitter un partenariat et je ne veux plus être enfermé dans un autre.» Mais lorsque les critiques ont fait l’éloge du couple Astaire-Rogers dans Flying Down to Rio, Astaire a été convaincu, et lui et Rogers ont réalisé The Gay Divorcee, le deuxième film de leur partenariat sur dix au total. L’énorme succès du film a contribué à ce qu’Astaire & Rogers se classe #4 parmi les plus grandes stars du box-office de 1935 (il est sorti à la fin de 1934). Ils atteindront leur apogée en 1936 au #3, et à la fin de la décennie, ils se sépareront.