8.
1943 - Oklahoma!

 9.2.
Le Golden Age
en un coup d'œil

 9.3.10.
Musicals
à la télévision

 9.3.12.
Flower Drum Song
(1958)

 9.4.
Quelques «followers»
directs

 10.
1964-1970
La crise

Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, dans les années ‘50, les adaptations télévisées de musicals étaient assez courantes. On peut dire que c’est surtout le musical Peter Pan (, mettant en vedette Mary Martin, diffusé en mars 1955 sur NBC qui a changé la donne.

Pour ceux qui ne connaissent pas l'œuvre, le synopsis et une description des personnages se trouve en bas de cette page ()

A) Genèse

A.1) Un projet de NBC

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«Peter Pan» - 7 mars 1955 - NBC TV

Après le triomphe de Peter Pan () qui a réuni 65 millions de téléspectateurs – l’audience la plus élevée jamais enregistrée jusqu'alors pour un seul programme de télévision – NBC a voulu continuer à exploiter le filon. Ils ont compris que ce genre de «spectacle musical familial» était idéal.

Comme nous l’avons vu (), Richard Rodgers avait travaillé pour NBC et sa série documentaire Victory at Sea qui fut primée aux Emmy Awards. NBC a contacté Rodgers et Hammerstein et leur a demandé d'écrire un musical original expressément pour la télévision (plutôt que de simplement adapter un de leurs musicals existants à la télévision).

Comment réagirent ces deux empereurs de la scène de Broadway, à un moment où ils venaient d’enchaîner une déception, Me and Juliet () (1953) et un échec, Pipe Dream () (1955)? On peut sans doute critiquer beaucoup de choses chez Rodgers et Hammerstein, mais ils ont toujours été des travailleurs acharnés et surtout, ils n’ont jamais considéré avec mépris la culture populaire. Et ils n’ont jamais méprisé la télévision. Et enfin, ils ont toujours été à l’affût de nouvelles idées, comme la télévision, le nouveau média de l’époque. Hammerstein a déclaré à un public réuni au Swarthmore College pour une conférence intitulée «Art and Mass Media», en février 1957:

«Je regarde beaucoup la télévision. Et je n’aime pas l’attitude snob des gens à son égard. Je participe à de nombreux dîners-débats avec des gens qui disent qu’ils n’auront pas de télévision chez eux! Car ils ont peur de l’impact que cela aura sur leurs enfants… Eh bien, je ne pense pas que cela nuise davantage aux enfants que des blagues ou des bandes dessinées.»

Oscar Hammerstein


De plus, Hammerstein soutient que, contrairement aux films qui, depuis l’aube du son, ont volé le talent de la scène de Broadway, la production de dramatiques télévisés en direct, alors centrée à New York, a «utilisé le talent théâtral et l’a développé davantage». Bien sûr, quand il fait cette conférence en février 1957, le sujet est loin d’être théorique pour Hammerstein, car lui et Rodgers étaient plongés dans la création de Cinderella (), leur musical original de 90 minutes pour la télévision. Mais il est important de souligner son affirmation qu’il ne considérait en aucune façon que le fait que l’œuvre soit créée pour la télévision en fasse une œuvre de deuxième niveau. Il a expliqué qu’il fallait habituellement environ un an à Rodgers et lui pour écrire un musical de deux heures et demie, et il a expliqué qu’ils consacreraient le temps équivalent à Cinderella () — environ sept mois pour un musical d’une heure trente. En fait, il a dit:

«S’il y a une différence, c’est que nous sommes plus prudents et appliqués, car nous abordons un nouveau média. Nous ne voulons pas nous casser la gueule, nous voulons faire de notre mieux; et nous sommes très conscients de ces 60 ou 70 millions de personnes qui vont regarder les téléviseurs ce soir-là.»

Oscar Hammerstein


À titre de comparaison, les derniers grands succès de Rodgers et HammersteinSouth Pacific () et The King and I () – qui se sont joués lors de leurs créations respectivement 1925 et 1246 représentations, ne dépassèrent jamais les 3 millions de spectateurs. Ici, en un soir, ils allaient en toucher 20 fois plus!

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«Cendrillon, ou la petite pantoufl de verre»
Charles Perrault (1697)

Suite à la proposition de NBC, Rodgers et Hammerstein ont décidé d'adapter le conte de fées Cendrillon. Ils se sont particulièrement appuyés sur l'une des versions les plus populaires de Cendrillon, la version française Cendrillon, ou la petite pantoufle de verre de Charles Perrault. L'histoire concerne une jeune femme contrainte à une vie de servitude par sa belle-mère cruelle et ses demi-sœurs égocentriques, qui rêvent d'une vie meilleure. Avec l'aide de sa Fée Marraine, Cendrillon se transforme en Princesse et retrouve son Prince.

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Richard Lewine

Étant des nouveaux venus dans le monde télévisuel, Rodgers et Hammerstein ont demandé l'avis d'un initié de l'industrie télévisuelle, Richard Lewine, cousin éloigné de Rodgers, mais surtout l’un de ses amis proches! À cette époque, il était vice-président de CBS, en charge du développement de la télévision couleur. Il confia à Rodgers et Hammerstein que CBS cherchait également un projet musical et avait déjà signé avec Julie Andrews, qui triomphait alors dans My Fair Lady () à Broadway (depuis le 15 mars 1956 au Mark Hellinger Theatre). Rodgers confie dans son autobiographie: «Ce qui nous a immédiatement convaincus, c'est la chance de travailler avec Julie AndrewsRodgers et Hammerstein ont signé avec CBS, tournant donc le dos à NBC.

A.2) Un projet de CBS

Comme ils le faisaient dans le monde des musicals sur scène, Rodgers et Hammerstein ont voulu rester maîtres à bord de leur création. Ils ont négocié de conserver la propriété du spectacle créé et de pouvoir contrôler le casting, la mise en scène, les décors et les costumes, tandis que CBS contrôlerait les aspects techniques de la diffusion et disposerait d'une option pour une deuxième diffusion. Ils étaient définitivement de fins négociateurs. Le 5 septembre 1956, CBS a officiellement annoncé la production.

En adaptant le célèbre conte de fées, Rodgers et Hammerstein sont restés fidèles à la version originale de Charles Perrault. Hammerstein a été interviewé par le Saturday Review à propos de l'adaptation:

«Nous voulons que les enfants qui voient l'histoire reconnaissent l'histoire qu'ils connaissent. Les enfants peuvent être très critiques à ce sujet. Mais, bien sûr, leurs parents regarderont aussi, donc nous avons essayé d'humaniser les personnages sans altérer la structure familière de l'intrigue.»

Oscar Hammerstein

 

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Richard Rodgers, Julie Andrews, Oscar Hammerstein
Répétitions de «Cinderella» - 1957
© Rodgers & Hammerstein Organisation - www.rodgersandhammerstein.com

Le musical devait s'intégrer dans un programme de 90 minutes avec six pauses publicitaires, elle était donc divisée en six actes courts. Dans une interview accordée au magazine Time, Hammerstein a déclaré: «Il m'a fallu sept mois pour écrire le livret et les paroles de Cinderella ()».

Le début de la création a été difficile, surtout la collaboration entre Rodgers et Hammerstein. En effet, Oscar et Dorothy Hammerstein étaient en Australie et ils devaient tout s’échanger par courrier!

Mais Rodgers et Hammerstein vont produire l’une de leurs plus brillantes partitions. Sa tourbillonnante Waltz for a Ball est aussi mémorable que n’importe quelle autre musique que Rodgers a pu composer. La ballade d’ouverture de Cinderella (), In My Own Little Corner, est une expression plaintive et poignante de l’accomplissement de rêves mélancoliques, alors que le personnage imagine ce que pourrait être sa vie.

Même si Rodgers et Hammerstein se sont fait un point d’honneur dans les interviews de dire qu’ils n’avaient pas envie de gâcher l’histoire classique avec des touches modernes anachroniques, le génie du livret d’Hammerstein est d’avoir rendu la belle-mère de Cendrillon et ses demi-sœurs plus comiques que maléfiques. Dans les paroles de The Prince Is Giving a Ball, une parodie d’apparat médiéval qui allait être la première chanson du spectacle, Hammerstein a donné à la famille royale un nom à rallonge :

Town crier
His Royal Highness
Christopher Rupert
Windermere Vladimir
Karl Alexander François
Reginald Launcelot Herman —
Small boy
Herman?
Town crier
Herman Gregory James
Is giving a ball!

Annonceur
Son Altesse Royale
Christopher Rupert
Windermere Vladimir
Karl Alexander François
Reginald Launcelot Herman —
Jeune garçon
Herman?
Annonceur
Herman Gregory James
Donne un bal!

«The Prince Is Giving a Ball» de «Cinderella»
de Rodgers et Hammerstein


La Fée Marraine d’Hammerstein n’était pas une grand-mère âgée, mais la jeune et sexy Edith Adams, qui triomphait alors à Broadway dans le rôle de Daisy Mae dans Li’l Abner (). L’avantage d’une production télévisée est que l’on peut engager des artistes qui jouent ailleurs. Au pire, ils sont remplacés par leur understudy quelques jours. C’est, de manière indirecte, grâce à Rodgers et Hammerstein qu’elle avait obtenu sa notoriété sur la scène musicale. Rodgers et Hammerstein avaient organisé des auditions ouvertes quelques années plus tôt. Ils avaient remarqué Edith Adams, mais n’avaient rien pour elle à l’époque, mais George Abbott l’a fait et elle a créé le rôle d’ dans Wonderful Town (). Pour Impossible, la chanson dans laquelle la Fée Marraine explique à Cendrillon que ses rêves peuvent vraiment se réaliser, Hammerstein a une construction parfaite pour détruire la notion d’«impossible»:

Impossible
For a plain yellow pumpkin
To become a golden carriage!
Impossible
For a plain country bumpkin
And a prince to join in marriage!
And four white mice
will never be four white horses—
Impossible!

Impossible
Pour une citrouille toute jaune
De devenir un carrosse en or!
Impossible
Pour une rustre paysanne de campagne
D’épouser un prince!
Et quatre souris blanches
ne seront jamais quatre chevaux blancs...
Impossible!


Mais la conclusion de la chanson résume bien la philosophie essentielle d'Hammerstein:

But the world is full of zanies and fools
Who don’t believe in sensible rules
And won't believe what sensible people say,
And because these daft and dewy-eyed dopes
Keep building up impossible hopes,
Impossible things are happ’ning every day.

Mais le monde est plein de fous
Qui ne croient pas aux règles raisonnables
Et ne croiront pas ce que les gens sensés disent,
Et parce que ces idiots aux yeux de rosée
Continuent à construire des espoirs impossibles,
Des choses impossibles se produisent chaque jour.

«Impossible» de «Cinderella»
de Rodgers et Hammerstein

 

«Impossible / Possible»
De «Cinderella» - Rodgers & Hammerstein
«When You’re Driving Through the Moonlight»
De «Cinderella» - Rodgers & Hammerstein
«A Lovely Night»
De «Cinderella» - Rodgers & Hammerstein

When You’re Driving Through the Moonlight est une longue scène musicale, se déroulant le lendemain du bal, dans laquelle la belle-mère et les demi-sœurs de Cendrillon se souviennent du bal et découvrent que Cendrillon est en fait très au courant de ce que cela représente d’avoir été à ce bal – rappelons que les demi-sœurs n’ont pas reconnu Cendrillon la veille.

Son dialogue chanté est un écho joyeux de la scène du banc dans Carousel (), et il laisse place à la chanson A Lovely Night, une joyeuse célébration de la soirée, accompagnée d’un tapageur piano obbligato.

Une seule chanson a été coupée en répétition, une chanson pour Howard Lindsay, intitulée If I Were Not King. Il est difficile de ne pas voir dans ses lignes mélancoliques un reflet du désir personnel croissant d’Hammerstein de faciliter les choses dans sa propre vie :

If I weren’t King,
What a drifter I would be!
Like a kite without a string,
Irresponsible and free.
While the King was busy opening some bazaar,
I'd be nonchalantly leaning on a bar.
When the monarch made a speech,
I'd be lying on a beach,
Holding seashells to my ear
to hear them sing.
If only I weren’t a King!

Si je n’étais pas roi,
Quel vagabond je serais!
Comme un cerf-volant sans ficelle,
Irresponsable et libre.
Quand le roi inaugurerait une vente de charité,
Je serais nonchalamment appuyé sur un bar.
Quand le monarque ferait un discours,
Je serais allongé sur une plage,
Portant des coquillages à mon oreille
pour les entendre chanter.
Si seulement je n’étais pas un roi!

«If I Were Not King» supprimée de «Cinderella»
de Rodgers et Hammerstein

B) Création du 31 mars 1957 sur CBS

Les répétitions ont commencé le 21 février 1957. Le réalisateur Ralph Nelson, lauréat d'un Emmy Award, et le chorégraphe Jonathan Lucas, qui avait chorégraphié pour The Milton Berle Show, étaient tous deux expérimentés avec le matériel musical spécifique à la télévision.

L'ami de Rodgers, Robert Russell Bennett, a assuré les orchestrations.

Alfredo Antonini, un vétéran de CBS, a dirigé.

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Julie Andrews, Oscar Hammerstein, Richard Rodgers
Répétitions de «Cinderella» - 1957
© Rodgers & Hammerstein Organisation - www.rodgersandhammerstein.com

Début mars, la troupe a investi le CBS Television Color Studio 72, le premier studio couleur de CBS installé à New York, mais malheureusement le plus petit studio couleur de l'empire CBS à l'époque. Les 56 artistes, 33 musiciens et 80 machinistes et membres de l'équipe ont travaillé entassés dans ce petit studio avec quatre RCA TK-40A géantes, des caméras de télévision couleur, une garde-robe pouvant contenir jusqu'à 100 costumes, plus d'une demi-douzaine d'énormes décors et de nombreux accessoires et équipements d'effets spéciaux! L'enfer comme se souviennt les artistes dans la video ci-dessous. L'orchestre a joué dans une petite salle attenante.

CBS a investi dans une campagne marketing massive, tout comme les sponsors. Ed Sullivan a également fait la promotion du spectacle, qui serait diffusé dans son propre créneau horaire habituel du dimanche soir, avec une apparition de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein le dimanche précédent.

Le 31 mars 1957, à 20h00, heure de l'Est, Cinderella () a été diffusé en direct dans les fuseaux horaires de l'Est, à la fois en noir et blanc et en couleurs; la côte Ouest a reçu une diffusion différée en noir et blanc uniquement à partir de 20h00, heure du Pacifique. En dehors des États-Unis, il a été diffusé par les filiales de CBS dans les territoires américains de l'Alaska, d'Hawaï et de Porto Rico et au Canada, il a été diffusé sur CBC. Une des quatre caméras de télévision couleur est tombée en panne pendant la retransmission en direct, ajoutant aux difficultés techniques de la production.

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«Cinderella» - 1957
© Rodgers & Hammerstein Organisation - www.rodgersandhammerstein.com

109.974.750 téléspectateurs ont vu l'émission et Julie Andrews a été nominée pour un Emmy Award pour son interprétation. 109.974.750 personnes aux États-Unis, c’est 60% de la population du pays à cette époque. Ou à titre de comparaison, on estime que 125 millions de spectateurs ont assisté à l’alunissage d’Apollo 11 le 20 juillet 1969, diffusé par tous les réseaux! Variety a estimé que 24,2 millions de foyers étaient à l'écoute de l'émission, avec une moyenne de 4,43 téléspectateurs chacun. Jon Cypher se souvient plus tard d'avoir quitté le studio quelques minutes après la fin de l'émission et d'avoir trouvé les rues de Manhattan désertes parce que tant de personnes étaient restées à l'intérieur pour regarder Cinderella (). Il conservera ce record de nombre de spectateurs devant un programme télévisé pendant 40 années.

«Cinderella»
Enregistrement kinéscope NOIR et BLANC de la répétition du 17 mars 1957
Avec Julie Andrews, Jon Cypher, Edie Adams, ...

Un kinescope noir et blanc de la répétition générale du 17 mars 1957 survit (on le pensait abandonné, mais a été redécouvert en 2002) et a été publié sur DVD. Un film similaire de l'émission originale de CBS survit également et a été publié sur DVD. Il n'y a aucune preuve que Cinderella () a été enregistré sur bande vidéo, que CBS utilisait à l'époque uniquement pour retarder les programmes d'information des stations de la côte ouest. L'équipement n'était pas encore capable d'enregistrer des vidéos couleur.

La réaction critique à l’émission a été extrêmement positive — «Elle a une beauté amère, une grâce tendre, plus l’éclat incomparable d’un monde de rêve d’enfant», a écrit Harriet Van Horne dans le World-Telegram & Sun — et les cotes d’écoute étaient spectaculaires.

Deux jours après la diffusion de l’émission le dimanche soir, CBS a pris une pleine page d’annonce dans le New York Times pour «se vanter».

«Sur le coup de huit heures, dimanche soir, presque tous les foyers du pays ont été témoins d’un acte de magie électronique que seule la télévision peut accomplir. En capturant et en captivant pratiquement toute une population au même instant, il a démontré une fois de plus le pouvoir unique du média de satisfaire l’intérêt croissant du public pour la télévision et le besoin d’un vaste public pour l’annonceur.»

Annonce dans le New York Times - avril 1957


Comme nous venons de le dire, malgré le succès, le spectacle ne pouvait pas être rediffusé, car la technique des bandes vidéo n’était pas encore suffisamment perfectionnée. Mais Hammerstein a clairement déclaré aux journalistes qu’il espérait voir ce spectacle un jour, pas trop lointain, joué dans un théâtre.

«Cinderella»
Témoignages sur la captation

Plus tard, Julie Andrews a avoué qu’elle avait à peine réalisé à l’époque de l’importance des légendes avec lesquelles elle travaillait ou l’occasion extraordinaire qui lui avait été offerte. En février et mars 1957, elle a vécu des répétitions en sandwich au beau milieu des 8 représentations par semaine de My Fair Lady () dans lequel elle jouait le rôle principal. Elle a simplement essayé de chanter et de danser sur un décor de studio de téléviseur si exigu que chaque mouvement était «un peu une bagarre». C’était tout ce qu’elle pouvait faire. Mais elle se souvenait de petits moments, comme regarder Howard Lindsay et Dorothy Stickney – des stars de la scène qui jouaient le Roi et la Reine dans Cinderella () – manger leur casse-croûte à la répétition, ou se tenir dans les coulisses un jour en sifflant nonchalamment The Last Time I Saw Paris – chanson composée par Jerome Kern, avec des paroles d'Hammerstein, publiée en 1940 et chantée dans le film Lady Be Good () (1941) – seulement pour entendre la voix douce d’Hammerstein dire: «Je pensais vraiment cela quand je l’ai écrit, vous savez». À l’époque, Julie Andrews avoue qu’elle n’avait aucune idée que c’était sa chanson.

C) Autres versions

C.1) 18 décembre 1958: London Coliseum

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«Cinderella»
Pantomime - London Coliseum 1958

Par rapport à la version télévisée de 90 minutes (dont 6 pauses publicitaires), cette version a été fortement élargie et modifiée. Elle a aussi été présentée sous la forme d’une pantomime! Le personnage de Buttons n’apparaît pas dans l’original, et a été écrit spécialement pour Tommy Steele. Yana (Pamella Guard) a joué Cendrillon, entourée de Jimmy Edwards, Kenneth Williams et Betty Marsden.

Plusieurs chansons supplémentaires ont été ajoutées — certaines de Me and Juliet () et d’autres, qui n’étaient pas de Rodgers et Hammerstein. Les sœurs ont été recréées sous la forme traditionnelle des «pantomimes Dames», joués par des hommes travestis en femmes avec des traits exagérés.

Inévitablement, les deux types de spectacles — le conte de fées original, élégant et délicat, et la British Pantomime, qui battait la chamade – n’allaient pas vraiment ensemble, et le spectacle final ressemblait à un grand fourre-tout sans cohérence.

Dans le cadre du contrat initial, la version pantomime sera relancée à Londres en 1960 malgré le fait que Rodgers et Hammerstein la détestent.

C.2) 22 février 1965: CBS - Nouvelle version TV

Nostalgique du triomphe de 1957, CBS a décidé de produire une autre version télévisée.

La version de 1957 avait été diffusée avant que la bande vidéo couleur ne soit disponible, de sorte qu'une seule représentation pouvait être projetée. CBS a monté une nouvelle production en 1965, avec Richard Rodgers comme producteur exécutif et écrite par Joseph Schrank. Le nouveau scénario se rapproche du conte traditionnel, même si presque toutes les chansons originales ont été conservées et chantées dans leur décor d'origine.

«Loneliness of Evening» de «Cinderella» (Version 1965)
Première diffusion sur CBS le 22 février 1965

Une nouvelle séquence ouvre l'histoire: le Prince s'arrête chez Cendrillon avec sa suite pour boire un verre d'eau au retour de son voyage. Cendrillon, seule à la maison, ne sachant pas qui est le beau voyageur jusqu'à ce qu'un page prononce les mots "Votre Altesse", sert gentiment au Prince l'eau du puits. Après son départ, le Prince chante Loneliness of Evening que Richard Rodgers et Oscar Hammerstein II avaient supprimé de leur version scénique de 1949 de South Pacific () (cependant, les paroles de la chanson sont apparues dans la version cinématographique de South Pacific () sous la forme d'un poème qu'Emile de Becque envoie à Nellie Forbush).

La version de 1965 a été réalisée par Charles S. Dubin avec une chorégraphie d'Eugene Loring et a été cette fois enregistrée sur bande vidéo (à CBS Television City à Hollywood) permettant des diffusions ultérieures. Le casting comprenait Ginger Rogers et Walter Pidgeon dans les rôles de la Reine et du Roi; Celeste Holm dans le rôle de la Fée Marraine; Jo Van Fleet dans le rôle de la belle-mère, avec Pat Carroll et Barbara Ruick dans les rôles de ses filles Prunella et Esmerelda.

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«Cinderella» - Téléfilm CBS 1965
Lesley Ann Warren (Cendrillon)
Stuart Damon (le Prince)

Le Prince a été interprété par Stuart Damon. Jack Jones avait à l'origine été choisi pour incarner ce rôle. Stuart Damon a été un remplaçant de dernière minute. C'était un acteur basé à New York qui allait apparaître dans Do I hear a Waltz? () la dernière création de Richard Rodgers à Broadway (première le 18 mars 1965). Son agent a dû lui prêter le billet d'avion pour Los Angeles afin de pouvoir jouer le Prince. Il s'agissait du premier téléfilm de Stuart Damon, qui deviendra une star de la télévision jouant pendant plus de 30 ans (1977-2013) dans la série TV General Hospital.

Lesley Ann Warren, à 18 ans, a joué le rôle-titre. Elle avait fait une mauvaise audition et a été initialement rejetée pour le rôle par Richard Rodgers. Mais le réalisateur l'avait vue à Broadway dans 110 in the Shade () et a insisté pour que Rodgers la revoie. Elle a fait une deuxième audition privée avec Rodgers à son piano où il lui a appris à chanter My Funny Valentine (un succès majeur de Rodgers) exactement comme il voulait qu'il soit chanté, et il a été tellement impressionné qu'il a accepté de lui donner le rôle.

Le téléfilm présente également de rares apparitions devant la caméra des doubleurs Betty Noyes et Bill Lee, qui jouent un couple qui chante brièvement à propos de leur fille (jouée par Ames).

La première diffusion de Cinderella () (1965) a eu lieu le 22 février 1965 et elle a été rediffusée huit fois jusqu'en février 1974.



A) Synopsis (version de 1957)

A.1) Acte I

Sur la place du village, en plein après-midi animé, une fanfare de trompettes retentit. Le crieur public proclame que pour célébrer le 21ème anniversaire du Prince Christopher, les dames du Royaume seront invitées à un bal dans l'espoir que le Prince rencontrera une fille extraordinaire avec qui se marier (The Prince is Giving A Ball).

En rentrant du shopping, la belle-mère et ses deux filles, Joy et Portia, sont suivies par Cendrillon (Where Is Cinderella?). Cendrillon transporte tous leurs sacs, boîtes à chapeaux, volants et frou-frou et une fois à la maison, toutes les trois donnent des ordres à Cendrillon.

La belle-mère veut parler avec ses filles, mais quand Cendrillon s'assoit avec elles, elle précise ses «propres filles». Elle dit que Joy et Portia, qui portent toutes deux le nom de vertus (qu'elles ne possèdent pas sans le savoir), doivent se mettre en valeur au bal du Prince, car, même si ce n'est pas avec le Prince, elles doivent toutes les deux se marier dans l’année. Cendrillon aura la formidable mission de rendre resplendissantes sa belle-mère et ses demi-sœurs pour le bal, en plus de son travail régulier, qui comprend la cuisine, la couture, le ménage, la lessive et tout le reste…

Lorsqu'ils montent se reposer, Cendrillon, restée seule dans son coin près du feu, rêve de vivre une vie passionnante de princesse, ou en tout cas autre chose que celle de servante (In My Own Little Corner).

Pendant ce temps, au Palais Royal, le Roi et la Reine ne sont pas tout à fait d'accord sur le bal à venir. La Reine a hâte d'organiser une fête. Après tout, ils n'ont offert aucun divertissement à leurs sujets depuis cinq ans – ni festival, ni foire, ni concours – rien pour que le peuple les aime. Pour le Roi, c'est juste une affaire coûteuse et très pénible. Néanmoins, ils discutent du dîner du bal avec leur chef et leur intendant (Your Majesties).

Le Prince et le Roi discutent de la soirée de festivités à venir. Comme son père, le Prince n’est pas très enthousiaste à l’idée de passer une fastueuse soirée à saluer des «candidates» avides et maniérées. Son père compatit, mais souhaite que le Prince cache cela à sa mère. Lorsqu'elle surprend leur considération affectueuse à son égard, elle est ravie et dit au Roi qu'elle les aime tous les deux. Lorsque le Prince sort, le Roi et la Reine chantent une chanson d'amour simple et éternel (Boys and Girls Like You and Me).

Tout le monde dans le royaume se prépare pour le Bal Royal, et les demi-sœurs ne sont pas en reste. Alors que Cendrillon les aide à s'habiller, ils hurlent leurs exigences et se moquent d'elle. Cendrillon reste gracieuse et patiente. Après les avoir saluées et leur avoir souhaité une bonne nuit, Cendrillon souhaite pouvoir les rejoindre et imagine ce que ce serait d'assister à un tel bal (In My Own Little Corner - Reprise).

Soudain, sortie de nulle part, apparaît la Fée Marraine de Cendrillon. Cendrillon souhaite que quelque chose de «merveilleux et magique» puisse se produire. Elle imagine la citrouille sur le porche se transformant en une calèche qui pourrait l'emmener au bal, avec ses amies souris devenant des chevaux et des valets de pied. Pour sa Fée Marraine, elle espère une sorte d’ange gardien qui puisse lui accorder un souhait aussi inconcevable (Impossible).

La Fée Marraine de Cendrillon lui dit de regarder par la fenêtre: la citrouille s'est transformée en une belle calèche conduite par des chevaux avec des valets de pied. Lorsque Cendrillon se demande quoi porter, ses vêtements de travail se transforment comme par magie en une magnifique robe. En calèche, ils se dirigent vers le Bal Royal (It's Possible). La Fée Marraine précise que la magie disparaîtra à minuit.

A.2) Acte II

Au palais, le Prince danse avec chaque dame du royaume pendant que la Reine étourdie et le Roi content l'observent de loin. Joy et Portia dansent toutes les deux à tour de rôle avec lui. Cendrillon arrive au palais à 23h30. En désignant la tour de l'horloge, la Fée Marraine rappelle à Cendrillon que tout se termine à minuit. Lorsque la Fée Marraine disparaît soudainement, Cendrillon entre dans le palais.

À l'intérieur, Joy expose au Prince ses volontés juridiques, tandis que les invités dansent sur une majestueuse gavotte (Gavotte). Le Prince s'ennuie de l'attention qu’il doit porter à toutes les demoiselles avec lesquelles il a dû danser, y compris les demi-sœurs.

Soudain, tout le monde se tait et la musique s'arrête – Cendrillon est entrée. Elle attire immédiatement l'attention de tous et intrigue le Prince. Christopher se dirige vers elle en bas des escaliers. En silence, il s'incline et elle fait la révérence. Il lui tend le bras et elle le prend. La musique reprend et ils commencent à danser ensemble. Le Roi et la Reine remarquent un changement dans la démarche de leur fils et se posent la même question que tout le monde au bal: qui est la femme qui a ainsi enchanté le Prince? Il est maintenant 23h40.

Le Prince la prend à part et se présente en lui demandant de l'appeler Christopher. Incertains de ce qui vient de leur arriver à tous les deux, ils se souviennent de l'étonnante expérience de leur rencontre (Ten Minutes Ago). De l'autre côté de la pièce, les demi-sœurs regardent le Prince avec une belle jeune femme qu'elles ne reconnaissent pas et commencent à se plaindre de ne pas être remarquées de la même manière (Stepsisters’ Lament).

Pendant que Cendrillon et le Prince dansent joyeusement dans la salle de bal parmi d'autres couples heureux, le Roi et la Reine descendent et se joignent aux festivités (Waltz for A Ball). Le Prince Christopher et Cendrillon sortent sur le patio et elle remarque la tour de l'horloge. Il est maintenant 23h50 et Cendrillon doit partir immédiatement. Avant de partir, le Prince demande à Cendrillon son nom, mais elle hésite à le lui donner, craignant qu'il trouve cela idiot. Lorsqu'elle pense qu'elle est en plein rêve, le Prince lui déclare son amour (Do I Love You Because You’re Beautiful?). Au moment où il lui demande à nouveau son nom, l'horloge sonne minuit et Cendrillon se précipite vers sa calèche. Le Prince la poursuit, mais ne trouve rien d'autre qu'une pantoufle de verre tombée de son pied.

A.3) Acte III

Le matin après le bal, Cendrillon sert un petit-déjeuner tardif à sa belle-mère, Joy et Portia tout en les écoutant se remémorer et se vanter de leur nuit au palais. Cendrillon commence à imaginer à quoi a dû ressembler leur soirée (When You’re Driving Through the Moonlight). Ses suppositions imaginaires – qui sont en fait les souvenirs réels de Cendrillon puisqu’elle était secrètement présente – deviennent si saisissantes que les demi-sœurs et leur mère sont enchantées – et peut-être méfiantes – par sa description de la soirée et de la danse avec le Prince (A Lovely Night). Après être revenues à la réalité, elles grondent Cendrillon – elle ne connaîtra jamais le genre de nuit qu’elles et elles seules ont eu – et lui crient des ordres pour qu’elle fasse le ménage et qu’elle retourne à ses corvées.

Pendant ce temps, dans sa chambre, le Prince tient la pantoufle de verre de Cendrillon tout en parlant à son père. Il demande au Roi de faire appel à ses gardes royaux pour rechercher dans tout le royaume la propriétaire de la pantoufle dont il ignore le nom. Lorsque le Roi accepte, le Prince ordonne à un messager de veiller à ce que la pantoufle soit essayée par toutes les jeunes femmes du royaume, aussi improbables soient-elles. La Reine se demande ce qui pourrait arriver si elle n'est pas retrouvée. Et si la fille de ses rêves n'était qu'un rêve? La détermination du Prince à la retrouver ne fait que grandir (Do I Love You - Reprise) et la recherche commence.

Le messager essaie d'adapter la pantoufle de verre à chaque jeune fille du royaume – jusqu’à 93 ans. La recherche se termine par la maison de Cendrillon (The Search). Les demi-sœurs et leur mère tentent désespérément d'ajuster la pantoufle à leur pied, mais n'y parviennent pas. Soudain, la Fée Marraine de Cendrillon apparaît comme par magie et suggère au messager de laisser Cendrillon essayer aussi la pantoufle de verre. La belle-mère le repousse, traitant Cendrillon de bonne à tout faire dans la maison. Mais – comme l'a ordonné le Prince – le messager doit essayer la pantoufle de verre à toutes les femmes du Royaume, sans exception. Cendrillon n’est pas présente et la Fée Marraine indique au messager de monter à l'étage pour la trouver Cendrillon.

Le messager retourne au Palais et apprend au Prince que les recherches ont été infructueuses. Alors que le messager part, le Prince jette la pantoufle de verre dans le jardin, abandonnant ainsi la fille de ses rêves. À son insu, la Fée Marraine attrape la pantoufle. Cendrillon, croyant que tout le monde est parti, erre dans le parc du Palais jusqu'à ce qu'elle tombe sur le Prince, assis sur un banc. Tandis qu'ils se saluent, elle lui semble familière. Ce n'est que lorsqu'il trouve la pantoufle, remise comme par magie sur son coussin par la Fée Marraine de Cendrillon, qu'il se souvient exactement de qui elle est. Aussitôt, il essaie la pantoufle sur elle, et elle lui va parfaitement. Elle, Cendrillon, est la fille de ses rêves. (Do I Love You Because You’re Beautiful? – Reprise).

Après que sa belle-mère et ses demi-sœurs l’aient aidée à se préparer, Cendrillon et le Prince se marient au Palais, où ils vivent tous heureux pour toujours (Finale: The Wedding).