The King and I () est le cinquième musical pour la scène du duo Rodgers et Hammerstein, et le sixième si on compte le film State Fair (). Il est basé sur le roman Anna and the King of Siam (1944) de Margaret Landon, s’inspirant lui-même dérivé des mémoires d'Anna Leonowens, gouvernante des enfants de Mongkut, Roi du Siam au début des années 1860. Le musical raconte les expériences d'Anna, une institutrice britannique embauchée dans le cadre des efforts du Roi pour moderniser son pays. La relation entre le Roi et Anna est marquée par des conflits dans une grande partie de la pièce, mais aussi par un amour naissant qu'aucun des deux ne peut admettre.
Pour ceux qui ne connaissent pas l'œuvre, le synopsis et une description des personnages se trouve en bas de cette page ()
A) Contexte créatif: Mongkut, Roi du Siam
Le Siam, c’est le nom que portait la Thaïlande avant 1939. Le Siam n'a jamais été colonisé par les puissances occidentales qui aux XIXèmeème et XXèmeème siècles étaient installées dans tous les pays alentour, même s'il a souvent été contraint de faire des concessions commerciales et juridiques dans le cadre de traités inégaux.
Né en 1804 Mongkut, Roi du Siam, avait environ 57 ans en 1861, au moment où se déroule The King and I (). Il avait vécu la moitié de sa vie comme moine bouddhiste, était un érudit et avait fondé un nouvel ordre bouddhique et un temple à Bangkok (payé par son demi-frère, le Roi Nangklao). Au cours de ses décennies de dévotion, Mongkut a acquis un style de vie austère et une solide maîtrise des langues occidentales. À la mort de Nangklao en 1850, Mongkut devint Roi. À cette époque, divers pays européens luttaient pour la domination et les commerçants américains cherchaient à accroître leur influence en Asie du Sud-Est. Il a finalement réussi à conserver pour le Siam le statut de nation indépendante, en partie en familiarisant ses héritiers et son harem avec les mœurs occidentales.
En 1861, le Roi Mongkut écrivit à son consul à Singapour (alors colonie britannique), Tan Kim Ching, lui demandant de trouver une dame britannique qui puisse être la gouvernante des enfants royaux.
À l’époque, la communauté britannique de Singapour était petite et le choix s’est porté sur une femme arrivée récemment arrivée là-bas, Anna Leonowens (1831-1915), qui dirigeait une petite école maternelle dans la colonie. Anna Leonowens avait une situation familiale compliquée: elle était la fille anglo-indienne d'un soldat de l'armée indienne et de la veuve de Thomas Owens, commis et hôtelier. Elle était arrivée à Singapour deux ans auparavant, prétendant être la veuve distinguée d'un officier et expliquant son teint foncé par le fait qu'elle était galloise de naissance! Sa tromperie n'a été détectée que longtemps après sa mort, et n'avait toujours pas été révélée lorsque le musical The King and I () a été écrit.
Après avoir reçu l'invitation du roi, Anna Leonowens a renvoyé sa fille Avis à l'école en Angleterre - pour garantir à Avis l'avantage social d'une prestigieuse éducation britannique - et s'est rendue à Bangkok avec son fils de cinq ans, Louis. Le Roi Mongkut avait cherché une Britannique pour instruire ses enfants et ses épouses après avoir essayé des missionnaires locaux, qui en avaient profité pour faire du prosélytisme. Anna Leonowens avait initialement demandé 150$ par mois en monnaie de Singapour. Elle fit une demande supplémentaire: vivre dans ou à proximité de la communauté missionnaire pour s'assurer qu'elle ne soit pas privée de la compagnie occidentale. Cela a éveillé les soupçons du Roi Mongkut, qui l’a averti dans une lettre: «Nous n'avons pas besoin d'enseignants de christianisme, car ils sont abondants ici». Le Roi Mongkut et Anna Leonowens sont parvenus à un accord: 100$ par mois et une résidence près du palais royal. À une époque où la plupart des transports à Bangkok se faisaient par bateau, le Roi Mongkut ne souhaitait pas avoir à faire en sorte qu’Anna se rende au travail tous les jours. Anna Leonowens et Louis ont été hébergés temporairement par le Premier ministre du Roi Mongkut, et après que la première maison proposée se soit avérée inadaptée, la famille a emménagé dans une résidence en brique (les structures en bois se dégradaient rapidement sous le climat de Bangkok) à quelques pas du palais.
En 1867, Anna Leonowens prit un congé de six mois pour rendre visite à sa fille Avis en Angleterre, avec l'intention de laisser Louis dans une école en Irlande et de revenir au Siam avec Avis. Cependant, en raison de retards inattendus, Anna Leonowens était toujours à l'étranger à la fin de 1868, lorsque le Roi Mongkut tomba malade et mourut. Anna Leonowens n'est jamais retournée au Siam, même si elle a continué à correspondre avec son ancien élève, le nouveau Roi Chulalongkorn.
B) Génèse
B.1) Gertrude Lawrence, une star en fin de carrière
Alors que les années ‘40 touchent à leur fin, Gertrude Lawrence règne comme l’une des stars les plus incandescentes de la scène Broadway. L'artiste, née à Londres, était devenue une star de Broadway au milieu des années ‘20, jouant dans Oh, Kay! () des frères Gershwin où elle créa le tube Someone to Watch Over Me: Lawrence paraissait seule sur scène, serrant une poupée de chiffons et chantant pour elle. C’était la chanson à succès du spectacle qui est devenue un standard de Gershwin et a fait de Gertrude Lawrence une star. Elle a enchainé avec une série de triomphes dans diverses pièces de théâtre et revues écrites pour elle par un vieux copain de ses années où elle était encore actrice-enfant en Grande-Bretagne: Nöel Coward. Lawrence était l'avatar de la sophistication glamour - une rousse sensuelle décalée, versatile et légère avec la capacité de vous faire rire et de vous briser le cœur - souvent simultanément.
Elle a commencé les années ‘40 en jouant le rôle principal glamour de Lady in the Dark () (musique de Kurt Weill, paroles d'Ira Gershwin et livret de Moss Hart). Le spectacle était très ambitieux et mettait à profit les talents de la star en matière de chant, de danse et d'actrice. Sa performance a incité Richard Watts du New York Herald Tribune à la qualifier de «la plus grande interprète féminine du théâtre américain», et Brooks Atkinson l'a décrite comme «une déesse» dans sa critique du New York Times. Elle a joué le spectacle tout au long de sa série à Broadway (23 janvier 1941 au 30 mai 1942 – 467 représentations) et l’US Tour qui s’en est suivi au cours des trois années suivantes.
En 1945, elle a triomphé dans le rôle d'Eliza Doolittle dans une reprise de la pièce de théâtre Pygmalion de George Bernard Shaw, qui avait initialement résisté au fait qu’elle joue le rôle, car «elle avait près 30 ans de plus que le personnage». En fait elle avait 47 ans! Après la série à Broadway (26 décembre 1945 au 1 juin 1946 – 179 représentations), elle fit une tournée aux États-Unis et au Canada jusqu'en mai 1947.
En 1948, Lawrence retourne au Royaume-Uni pour jouer dans September Tide, une pièce écrite spécialement pour elle par Daphné du Maurier. Son rôle était celui d'une habitante des Cornouailles d'âge moyen dont le gendre, un artiste bohème, tombe amoureux. Le dramaturge avait prévu de créer la pièce à Broadway, mais le mari de Lawrence pensait que c'était trop britannique pour le marché américain. Les journaux et magazines londoniens accordèrent peu d'attention à son retour sur scène et elle fut bouleversée de découvrir que le public n'était plus aussi intéressé par les carrières ou la vie privée des stars de la scène, comme autrefois. Avant son ouverture dans le West End, la pièce a fait une tournée à Blackpool, Leeds, Liverpool et Manchester, où le public souvent clairsemé était principalement composé de personnes âgées qui se souvenaient de Lawrence à son apogée. Durant cette tournée, elle a eu des sautes d'humeur régulières et s'est fréquemment heurtée à ses collègues. La pièce a ouvert à Londres à l’Aldwych Theatre à la mi-décembre 1948 pour 267 représentations.
Sa carrière était en panne!
B.2) «Anna and the King of Siam»: roman (1944) puis film (1946)
En 1944 parait Anna and the King of Siam, un roman biographique mais semi-fictionnalisé de Margaret Landon. Ce roman s’inspirait des mémoires d’Anna Leonowens publiées en deux volumes: The English Governess at the Siamese Court (1870) et Romance of the Harem (1872).
Margaret Landon utilise dans son roman le récit à la première personne du singulier utilisé par Anna Leonowens. Elle améliore le récit en incorporant des détails sur les habitants de Siam et leurs cultures, détails pris dans d'autres sources. Le roman est un grand succès de librairie et est traduit dans de nombreuses langues, dont le français.
Les prétendus «comptes rendus factuels« d'Anna Leonowens destinés à flatter la morale puritaine de l'Angleterre victorienne ont, depuis leur popularisation via le roman de Margaret Landon, été dénoncés par de nombreux historiens. Ainsi, dans les années 1970, l'entomologiste britannique W. S. Bristowe rectifie dans son ouvrage Louis and the King of Siam de nombreuses inexactitudes concernant le parcours d'Anna Leonowens ainsi que sa véritable fonction de professeur d'anglais à la Cour du Siam (et non de gouvernante des enfants royaux).
Mais c'est surtout le portrait du Roi tracé par Margaret Landon — et sa supposée romance avec Anna — qui suscita le plus de critiques. Dès 1948, les intellectuels thaïlandais Seni et Kukrit Pramoj donnèrent une version plus rigoureuse d’un point de vue historique du souverain dans The King of Siam Speaks. C’est une des raisons pour lesquelles la version filmée du musical de Rodhgers et Hammerstein, The King and I (), originellement prévue pour être tournée sur place, a dû se délocaliser en Malaisie et a été interdite de projection durant de nombreuses années en Thaïlande.
En 1946, le roman a été adapté au cinéma dans un film réalisé par John Cromwell: Anna and the King of Siam. Le film se concentre principalement sur le choc culturel des valeurs impérialistes victoriennes de l'Empire britannique avec le régime autocratique du Roi Mongkut de Siam. Le film mettait en vedette Rex Harrison dans le rôle du Roi et Irene Dunne dans le rôle d'Anna Leonowens. Lors de la 19ème cérémonie des Oscars, le film a reçu deux Oscars: pour la meilleure photographie et la meilleure direction artistique. Bernard Herrmann était également nominé pour la musique, les scénaristes et l'actrice dans un second rôle Gale Sondergaard.
Comme nous allons le voir, la représentation de la femme du Roi du Siam, Tuptim, dans le film Anna and the King of Siam est considérablement moins sympathique que dans la version du musical The King and I (), car le film de 1946 montre l'animosité entre Tuptim et Anna, tandis que le musical en fait un personnage romantique. De plus, dans le film, Tuptim est finalement exécutée cruellement par le Roi tandis que dans le musical, son sort est rendu ambigu.
B.3) Une formidable amie avocate nommée Fanny Holtzmann
Revenons à Gertrude Lawrence dont la carrière s’endort en cette fin des années ’40 et début des années ’50. Gertrude Lawrence avait une formidable amie avocate, Fanny Holtzmann, qui représentait des clients aussi variés et puissants que Noël Coward, Fred Astaire, la famille royale russe déchue et Tchang Kaï-chek.
En 1950, Fanny Holtzmann fut approchée par l'Agence William Morris pour voir si elle serait intéressée par les droits scéniques du roman de Margaret Landon, Anna and the King of Siam. Après le roman et son adaptation cinématographique, pourquoi pas une adaptation scénique, après tout? Fanny Holtzmann a immédiatement pensé à son amie, et cliente, Gertrude Lawrence pour le rôle principal. Elle savait que ce projet pourrait relancer sa carrière.
Elles ont lu toutes deux le roman et ont immédiatement réalisé le potentiel musical de cette histoire.
Holtzmann voulait initialement que Cole Porter écrive la partition, mais il a refusé. Elle voulait ensuite contacter Noël Coward, mais elle rencontra par hasard Dorothy Hammerstein (l'épouse d'Oscar Hammerstein) à Manhattan. Holtzmann a dit à Dorothy Hammerstein qu'elle voulait que Rodgers et Hammerstein créent un spectacle pour Gertrude Lawrence et lui a demandé que son mari lise un livre que Holtzmann lui enverrait, Anna and the King of Siam.
Petite disgression car l’histoire est ironique. En fait, Rodgers et Hammerstein avaient tous deux des femmes s’appelant Dorothy: Dorothy Rodgers et Dorothy Hammerstein. Très différentes dans la vie, les deux Dorothy avaient au moins une chose en commun qui aurait des conséquences importantes pour la carrière de leurs maris: en 1944, toutes deux avaient admiré un roman historique à succès, original et captivant, de Margaret Landon, Anna and the King of Siam. Les deux femmes pensaient que cela ferait un bon sujet de musical pour Richard et Oscar, leurs maris. Il fallait trouver un successeur au triomphe d’Oklahoma! (). Mais Rodgers et Hammerstein ont tous les deux rejeté l’idée. Cette histoire n’était pas du tout leur tasse de thé! Le roman se composait de tranches de vie à la cour du Siam, entrecoupées de descriptions d'événements historiques sans rapport les uns avec les autres, si ce n’est que c’était toujours le Roi qui créait la plupart des difficultés et qu'Anna tentait de les résoudre. Rodgers et Hammerstein ne voyaient aucune histoire cohérente à partir de laquelle un musical pouvait être écrit. Quelle ironie que Fanny Holtzmann, six ans plus tard, revienne avec une proposition similaire...
Dorothy Hammerstein connaissait Gertrude Lawrence depuis 1925, date à laquelle elles étaient toutes deux apparues dans la Andre Charlot's Revue of 1924 () à Broadway (9 janvier au 20 septembre 1924) au Times Square Theater puis en tournée en Amérique du Nord. Aimant toujours le roman et voulant soutenir Gertrude Lawrence, Dorothy a conseillé à Holtzmann de contacter son mari Oscar Hammerstein. Ce qu’elle fit…
En fait, Rodgers et Hammersteinavaient évolué dans leur rejet total de l'œuvre en voyant le film de 1946. Le lieu exotique, le conflit dramatique potentiel entre les deux protagonistes, la possibilité de transmettre un message sérieux sur les valeurs culturelles, tout cela a séduit Hammerstein mais pas encore Richard Rodgers.
Cinq ans aprsè le film, les choses avaient encore changé. Rodgers et Hammerstein avaient de nombreux succès à leur actif et étaient les Rois de Broadway. Par rapport à la proposition de Fanny Holtzmann, Rodgers et Hammerstein étaient également gênés de devoir écrire pour une star du monde des musicals, ce qu’ils n’avaient jamais fait. Ils avaient toujours préféré «faire des stars» plutôt que de les embaucher. Engager la légendaire Gertrude Lawrence coûterait cher. Mais ce n’est pas tout. La voix de Lawrence préoccupait fortement Rodgers: sa tessiture vocale limitée diminuait avec les années, tandis que sa tendance à chanter faux augmentait. Le tempérament de Lawrence était une autre préoccupation: même si elle ne pouvait plus chanter comme une diva, la star était connue pour se comporter comme une diva. Malgré cela, ils admiraient son jeu – ce qu’Hammerstein appelait sa «lumière magique», une présence éclatante sur scène – et ils ont finalement accepté d'écrire un musical pour Gertrude Lawrence, tiré de Anna and the King of Siam.
Des contrats ont été signés avec Lawrence à l'été 1950, ce qui a donné à l'équipe suffisamment de temps pour écrire le scénario. Pour sa part, Lawrence s'est engagée à rester dans la série jusqu'au 1er juin 1953 et a renoncé aux droits de veto habituels - qu'elle exigeait habituellement - sur les acteurs et le metteur en scène, laissant le contrôle entre les mains des deux auteurs, qui étaient aussi les seuls producteurs.
B.4) Trouver un Roi
Rodgers & Hammerstein ont dû trouver un acteur pour le rôle du Roi qui soit à la hauteur de la majesté scénique de Gertrude Lawrence. Rodgers & Hammerstein ont contacté le Roi du film, Rex Harrison, qui a refusé le projet! Ils ont brièvement envisagé Noël Coward, le partenaire de scène le plus fréquent et légendaire de Lawrence, mais ont estimé que leurs associations passées dans des comédies de salon pleines d'esprit et des revues légères allaient dérouter le public. Alfred Drake, qui en 1943 avait créé le rôle de Curly dans leur Oklahoma! () et le rôle principal de Kiss Me, Kate () - ces deux rôles faisant de lui une véritable star – a semblé intéressé, mais a finalement refusé… Rodgers a essayé de le relancer, lui proposant de mieux le payer, mais Drake lui a clairement dit, en privé, qu’il était trop préoccupé par le manque de fiabilité musicale de Gertrude Lawrence. Cela a le mérite d'être clair...
Plutôt coincés, Rodgers et Hammerstein sont revenus à leurs anciennes méthodes: choisir un acteur qui n’était peut-être pas une star, mais qui pouvait quand même porter un premier rôle sur ses épaules. Mary Martin, qui jouait alors dans leur South Pacific () à Broadway, les a exhortés d’auditionner un acteur qui avait joué à ses côtés dans un drame chinois intitulé Lute Song au Plymouth Theatre en 1946: Yul Brynner. Né à Vladivostock, d'origine variée - russe, mongole et suisse -, il fuit la Russie lors de la Révolution de 1917 et se réfugie en France où il devient guitariste de musique tzigane puis trapéziste au Cirque d’hiver de Paris. Une grave chute de trapèze lui cause une quarantaine de fractures, et il doit abandonner le cirque. Georges et Ludmilla Pitoëff l'engagent au Théâtre des Mathurins en tant que machiniste. En 1941, il part aux États-Unis où il devient speaker auprès de l'Office de l'information de guerre qui diffuse des programmes à destination de la France occupée! Il joue aussi au théâtre comme dans Lute Song avec Mary Martin. Il est clair qu’il s’agissait d’un candidat «improbable». Pourtant, Mary Martin a continué à insister. Rodgers et Hammerstein ont cédé et accepté de l’auditionner. Voici le souvenir que Rodgers en a:
«Il a grimacé dans notre direction, s’est assis sur la scène, les jambes croisées. Il a frappé un accord grinçant sur sa guitare et a commencé à hurler dans une langue étrange que personne ne pouvait comprendre. Il avait l’air sauvage, il sonnait sauvage, et on ne pouvait nier qu’il projetait un sentiment de férocité contrôlée. Quand il a lu des extraits de texte devant nous, nous avons de nouveau été impressionnés par son autorité et sa conviction. Oscar et moi nous sommes regardés et avons hoché la tête. Ce n’était pas plus d’une demi-heure après avoir quitté Drake sur un refus, et maintenant, sorti de nulle part, nous avions notre Roi.»
Richard Rodgers
Brynner a qualifié le récit de Rodgers de «très pittoresque, mais totalement inexact».
Quoi qu’il en soit, Rodgers et Hammerstein ont signé avec Yul Brynner pour environ 300$ par semaine, une fraction de ce que Lawrence gagnait et à peine plus que ce que ses concerts à la télévision lui rapportaient. Et son nom figurerait contractuellement bien en dessous de celui de Gertrude Lawrence sur l'affiche et son nom aura environ ⅓ de la taille de celui de Lawrence.
B.5) Ecriture
Hammerstein avait voulu que Logan mette en scène et co-écrive le livret, comme il l'avait fait pour South Pacific (), mais Logan a refusé car il sentait toujours humilié sur la manière dont il avait été écarté de la perception des droits d'auteur de South Pacific (). Ce refus est une décision qu’il regrettera pour le reste de sa vie.
Hammerstein décida d'écrire le livret entier lui-même. Ils ont choisi John Van Druten comme metteur en scène. Rodgers et Hammerstein le connaissaient de l’époque de I Remember Mama, une pièce qu’ils avaient produite en 1944. Lawrence le connaissait et avait déjà travaillé avec lui. Une grande partie du reste de l’équipe créative était constituée d'habitués: Jo Mielziner pour concevoir les décors; Robert Russell Bennett pour faire les orchestrations; et la toujours fiable Trude Rittmann pour arranger (et, comme il s’est avéré, composer) la musique de danse. Il y avait aussi deux nouveaux venus importants: Irene Sharaff, l’une des meilleures créatrices d’Hollywood, pour créer les costumes en utilisant de véritables soies thaïlandaises; et Jerome Robbins, un jeune chorégraphe qui s’était fait un nom à la fois à Broadway et dans le ballet. Le défi était de concevoir un ballet au deuxième acte dans lequel l’un des esclaves du Roi raconterait l’histoire de La Case de l’oncle Tom en danse stylisée!
Oscar Hammerstein a avancé relativement rapidement dans l’écriture du livret, comme le montre clairement un brouillon survivant de juillet 1950. Il a été fortement influencé par le film de la Fox de 1946, qui comprenait un rôle beaucoup plus étendu pour le Roi et une présentation de ses femmes et de ses enfants à la nouvelle maîtresse d’école lors d'une impressionante cérémonie... Hammerstein a affiné l’intrigue. Il a éliminé la mort du fils d’Anna, Louis, dans un accident d’équitation. Il a profondément changé le personnage de Tuptim, ne voulant pas conserver l'option du film où elle est une concubine hautaine du Roi pour en faire une esclave sympathique fascinée par les théories d'Anna sur la liberté et la dignité féminine. Il a étoffé le rôle de l’homme qui aide Tuptim à s’échapper, le faisant passer de prêtre à amant. Cela a créé une dynamique qui faisait écho à South Pacific (), dans laquelle les personnages secondaires ne seraient pas joués pas des personnages de comédie mais de tragédie. Et tout comme la romance malheureuse de Cable et Liat est l’intrigue secondaire de South Pacific (), la quête de liberté de Tuptim est au cœur de The King and I ().
Au cours de l'automne, Oscar échangera des lettres détaillées avec le décorateur Jo Mielziner et le metteur en scène John Van Druten sur les aspects techniques du livret. Il avait sondé Mielziner sur la possibilité d’utiliser un éléphant vivant sur la scène, mais le rapport de Fairfield Osborn, le chef de la New York Zoological Society, n’était pas encourageant: même les éléphants les mieux entraînés préfèrent travailler en groupes; ils ont tendance à déplacer leur poids d’une jambe sur l’autre de manière imprévisible (avec des conséquences potentiellement dangereuses si la scène n’est pas en tous point renforcée) et sont extrêmement sensibles aux basses températures. Mielziner a écrit quelques jours plus tard à Hammerstein: «J’espère que mon mémo sur les particularités émotionnelles de l’éléphant ne vous est pas parvenu au moment où vous aviez déjà décidé d’utiliser un animal vivant dans le spectacle.»
Pendant ce temps, Rodgers avait ses propres problèmes. Dans une lettre du 28 novembre au metteur en scène John Van Druten, il a avoué: «Le travail sur la partition avance très, très lentement. J’ai passé une bonne partie de la journée à essayer de créer de la musique de scène et je me suis retrouvé à produire des choses qui semblaient avoir été composées pour un spectacle au Music Hall. Cela ne me satisfait pas vraiment, et je prie pour avoir plus de chance dans l’avenir.» Le défi initial que Rodgers devait relever était de savoir comment produire une partition à consonance orientale qui ne serait pas rebutante pour les oreilles américaines. Il a abordé le problème à sa manière:
«Écrire la meilleure musique possible pour les personnages et les situations, sans essayer servilement d’imiter la musique du lieu où se déroule l’histoire.»
Richard Rodgers
Comme les cloches tintantes, les cordes nasales et les gongs percussifs ne pouvaient pas créer l’effet désiré, Rodgers a décidé de gérer le problème «de la même façon qu’un peintre américain comme Grant Wood pouvait coucher ses impressions de Bangkok sur une toile. Cela ressemblerait au Siam, mais le Siam serait vu à travers les yeux d’un artiste américain.
Le spectacle était budgétisé à 360.000$ (soit 4.060.000$ de 2022), ce qui en faisait la production de Rodgers et Hammerstein la plus chère à ce stade, et suscitait certaines moqueries selon lesquelles les coûts dépassaient même leur coûteux flop Allegro (). Les investisseurs – à ne pas confondre avec les producteurs – comprenaient à différents degrés Oscar Hammerstein, Richard Rodgers, Josh Logan, Mary Martin, Billy Rose et Leland Hayward.
Les enfants choisis pour incarner les jeunes princes et princesses venaient d'un large éventail d'origines ethniques, notamment portoricaines ou italiennes, même si aucun n'était thaïlandais. Johnny Stewart était le prince Chulalongkorn original mais a quitté le casting après seulement trois mois, remplacé par Ronnie Lee. Sandy Kennedy était Louis et le vétéran de Broadway Larry Douglas jouait Lun Tha.
C) Création
C.1) Répétitions
Une œuvre à part Malgré la grande attente à l’égard de ce nouveau spectacle — ou peut-être à cause de celle-ci —, ses créateurs insistaient pour que le public comprenne ce que la pièce allait être et ce qu’elle ne serait pas. Le 11 janvier 1951, Helen Strauss transmet à Oscar Hammerstein une lettre de Margaret Landon, l’auteur de Anna and the King of Siam dont il s’était inspiré. Elle lui déclarait qu’elle n’avait pas aimé le livret que Hammerstein lui avait envoyé. Elle a déclaré principalement que The King and I () n’avait pas le charme de South Pacific (). Ce type de remarque a fortement irrité Hammerstein, qui a rejeté la comparaison du revers de la main. Sa réponse est claire:
«Je suis désolé que Mlle Landon n’ait pas aimé ma pièce mais je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a beaucoup plus dans mon scénario qu’il n’y paraît. J’espère que quand elle viendra voir le spectacle à New York, elle sera agréablement surprise.» En fait, Hammerstein a insisté auprès de tous ceux qui l’écoutaient: «De par sa nature même, l’histoire ne permettra pas le rythme d’une pièce comme South Pacific, et j’aiguise dès maintenant un très long couteau pour le premier qui me dira qu’il n’a pas les qualités du South Pacific. C’est une pièce très étrange qui doit être acceptée selon ses propres spécificités.»
Oscar Hammerstein
Gertrude Lawrence: inquiétudes Peu de temps avant le début des répétitions en janvier 1951, Rodgers demanda à Doretta Morrow, qui allait créer le rôle de Tuptim, de chanter la partition entière à Gertrude Lawrence, y compris les propres chansons de Lawrence. C’est une démarche pour le moins bizarre... Cela peut surtout être considéré comme une terrible épreuve imposée à Gertrude Lawrence. Elle est une star - même si pour beaucoup elle est en perte de vitesse - et Doretta Morrow est loin d'avoir ce statut... En fait, cela a du être très gênant pour les deux actices...
Lawrence a écouté calmement, mais lorsqu'elle a croisé Rodgers et Hammerstein le lendemain, elle a traité Rodgers froidement, considérant que le compositeur avait voulu mettre en avant ses déficiences vocales. Mais les doutes de Rodgers et d'Hammerstein quant à la capacité de Lawrence à assumer vocalement le rôle ont été apaisés par la force de son jeu.
James Poling, un journaliste du magazine Collier's, a été autorisé à assister aux répétitions de la scène de Lawrence Shall I Tell You What I Think of You?:
«Elle a pris le centre de la grande scène vide portant, pour la répétition, un cerceau en mousseline sale sur son pantalon et une vieille veste jetée sur ses épaules pour la chaleur. Elle a commencé tranquillement sur la note «Your servant! Your servant! Indeed I’m not your servant» (Votre servante! Votre servante! En effet, je ne suis pas votre servante!) Puis elle construisit progressivement la scène, lentement mais puissamment, jusqu’à ce que, dans un grand crescendo, elle finisse couchée sur le sol, battant de fureur et criant: «Toads! Toads! All of your people are toads!» (Crapauds! Crapauds! Crapauds! Tous vos gens sont des crapauds.) Quand elle a eu fini, la poignée de professionnels présent dans le théâtre ont applaudi admiratifs.»
Oscar Hammerstein
C.2) Try-Out : New Haven et Boston, comme d’habitude…
Des débuts difficiles Une des joies de cette production était la grande distribution d’enfants, beaucoup d’entre eux portoricains, faits pour paraître asiatiques. Mais en hiver, ils étaient un terrain fertile pour les rhumes, et en février, alors que la troupe se préparait à partir pour New Haven pour le premier Try-Out, une grande partie de la troupe, y compris Lawrence, était malade. Dans la seule semaine du 14 février 1951, l’ami et médecin d’Oscar, Harold Hyman, et ses collègues ont effectué quatorze visites à domicile à la star, plus deux visites à New Haven – c’est-à dire pour eux des aller-retour de New York – New Haven!
L’understudy de Gertrude Lawrence, Constance Carpenter, a joué la répétition générale (dernière répétition sans public), et à l’ouverture de New Haven le 26 février 1951, Lawrence avait une fièvre de 39,4° degrés mais a décidé de jouer quand-même. Cette première représentation a duré quatre heures! Trop long pour n’importe quel public mais aussi un problème financier puisque le spectacle devait être terminé à 23h30 ou il entraînerait le paiement d’heures supplémentaires paralysants aux musiciens et machinistes.
La réaction des critiques de New Haven a été pour le moins mitigée: «Ce n’est pas du South Pacific ().» «Ce n’est pas un spectacle pour l’homme d’affaires fatigué.» «Cela dure 45 minutes de trop.» «La partition n’a pas été écrite en pensant au Hit Parade.»
Le critique de Variety a noté que malgré sa récente maladie, Gertrude Lawrence «se faufile, joue, fait des gambades et, en général, montre extrêmement bien ses différentes facettes pour nous divertir», mais le Philadelphia Bulletin a déclaré que sa «voix déjà mince commence maintenant à s'user beaucoup plus finement».
Mais le pire va venir de Leland Hayward, important agent et producteur de Hollywood et Broadway, qui était producteur sur South Pacific () et n’était qu’investisseur pour The King and I (). Il est venu voir le spectacle à New Haven et a choqué Rodgers en lui conseillant de tout arrêter et de ne pas aller à Broadway. Il aurait alors été un spectacle «closed on the road. Mais Rodgers et Hammerstein ne sont pas de ce bois-là! Le spectacle va continuer…
- une des premières chansons du spectacle, Waiting, chantée par Anna, le Roi, et le premier ministre du Roi, le Kralahome, à propos de sa longue attente pour une audience avec le Roi après son arrivée à Bangkok. Elle a été supprimée et remplacée par quelques lignes de dialogue. Mervyn Vye (jouant Karlahome) dont c’était la seule chanson a quitté le spectacle
- Now You Leave, une chanson de Lady Thiang a également été coupée
- Après les coupures, Rodgers et Hammerstein ont estimé qu'il manquait quelque chose au premier acte. Gertrude Lawrence leur a suggéré d'écrire une chanson pour Anna et les enfants. Mary Martin leur a rappelé une chanson coupée de South Pacific (), Suddenly Lucky. Hammerstein a écrit de nouvelles paroles pour la mélodie, et la chanson résultante est devenue Getting to Know You
- Une autre chanson, Why, Why, Why, une attaque cinglante formulée par le Roi, cataloguait avec dédain l’absurdité — selon une vision orientale — des coutumes victoriennes dominantes. Elle a été supprimée au profit d’un nouveau numéro d’ouverture en deuxième acte, Western People Funny, dans lequel Lady Thiang et le harem, vêtues de leurs nouvelles robes de style européen – grandes robes victoriennes à cerceaux – pour divertir les dignitaires britanniques en visite, déplorent le même phénomène d’absurdité
To prove we’re not barbarians
They dress us up like savages!
To prove we’re not barbarians
We wear a funny skirt!…
Western people funny,
f that there is no doubt.
They feel so sentimental
About the Oriental,
They always try to turn us
Inside down and upside out!
Pour prouver que nous ne sommes pas des barbares
Ils nous habillent comme des sauvages!
Pour prouver que nous ne sommes pas des barbares
Nous portons une jupe amusante!…
Les occidentaux sont drôles,
Cela ne fait aucun doute.
Ils se sentent si sentimentaux
À propos des orientaux,
Qu’ils essaient toujours de
Nous mettre à l’envers !
«Western People» de «The King and I»
de Rodgers et Hammerstein
Gertrude Lawrence troublée… Les doutes des critiques, les changements dans le spectacle, sa laryngite et l’insatisfaction apparente de Rodgers à l’égard de son chant avaient maintenant vraiment ébranlé Gertrude Lawrence. Elle a exprimé ses sentiments à Rodgers dans une longue note manuscrite sur du papier du Ritz-Carlton:
«J’ai une idiote impression qu’il y a une «querelle» entre nous, toi et moi, et cela me semble une situation extrêmement fâcheuse et très malheureuse. Pour ma part, l’explication réside dans le sentiment profondément enraciné en moi, qui s’est installé dans mon cœur lors de nos premières répétitions, que tu n’étais pas satisfait de ma représentation d’Anna ou même de ma présence dans toute la pièce. Comme tu le sais, je n’ai jamais eu une «grande» voix, mais depuis Lady in the Dark (), j’étudie pour corriger mes fautes de placement et pour au moins améliorer ma respiration et donc chanter sur le ton.»
Elle a reconnu qu’il y avait eu des lacunes dans ses leçons, mais a ajouté:
«À mon grand désarroi, tu semblais te mordre les ongles à chaque fois que je chantais devant toi, de sorte que ma gorge se referme et que mon cœur est irrité par la déception.»
En conclusion, Lawrence a insisté:
«Mon seul désir est de te faire plaisir, mais je suis une personne très timide et préfère ramper dans un trou quelque part plutôt que faire face à la désapprobation. Je n’ai pas changé du tout — mais tu as changé d’une certaine façon — dans la mesure où tu ne sembles plus l’ami chaleureux que tu étais, mais plutôt un grand homme d’affaires avec beaucoup d’enjeux — qui semblent être de ma faute! Je n’ai pas envie de «vocaliser», mais j’ai essayé de m’améliorer et de corriger mes erreurs simplement parce que je voulais être digne de ta musique et il a été triste de te voir partir pendant les répétitions, pas plus tard que mardi après-midi lorsque le nouvel arrangement de Hello, Young Lovers est arrivé. Tu ne semblais même pas intéressé. Je vais travailler jusqu’à ce que je retombe sur mes pieds, mais un mot gentil vaut plus que tous les éclats et glapissements des autres. Je t’en prie, sois à nouveau mon ami et dissimulons cette idée de querelle entre nous.»
Lettre de Gertrude Lawrence à Richard Rodgers
C.3) Création à Broadway : 29 mars 1951
Soirée d’ouverture L’ouverture à Broadway eut lieu le jeudi 29 mars 1951 au St James Theatre, où ils avaient créé Oklahoma! (). Rodgers se plaignait que la plupart des gens ne se préoccuperaient pas de savoir si le spectacle était bon ou pas, mais qu'il se borneraient à juger s’il était meilleur que South Pacific (. Malgré toutes les tensions et les doutes lors des Try-Out, l’attente de la presse et du public était très importante. Et même la météo a été coopérante: les fortes pluies à New York se sont arrêtées à temps pour permettre au public de la soirée d'ouverture, pour la plupart assez riche et chic, d'arriver sec au St. James Theatre. Margaret Landon, auteure du livre sur lequel est basée le musical, n'a pas été invitée à la soirée d'ouverture….
Comme le montre la photo ci-contre, seul le nom de Gertrude Lawrence est mis en vedette. Yul Brynner est cité en beaucoup plus petit. Et pourtant, Yul Brynner a réalisé une prestation exceptionnelle ce soir-là, volant presque la vedette à Gertrude Lawrence. Cette dernière savait que la troupe était nerveuse à cause de ses maladies répétées en répétitions et Try-Out. Mais c’est précisément dans des situations à ce point tendues que Gertrude Lawrence savait exactement de quoi elle était capable, une fois le rideau levé. Le metteur en scène, John van Druten, a décrit comment sa prestation lors de la soirée d'ouverture avait apaisé tous les soucis: «Elle est entrée sur scène avec une qualité nouvelle et éblouissante, comme si une puissance supplémentaire avait été accordée à l'éclat de sa lumière scénique. Elle était rayonnante et merveilleuse.»
Howard Dietz, le parolier et publiciste de la MGM, était tellement excité qu’il s’est glissé dans un bar après le spectacle et a griffonné une note à Oscar Hammerstein sur un bout de papier, qualifiant The King and I () de «spectacle le plus savoureux que j’ai vu et je pense que ce sera un grand succès et fera en sorte que d’autres écrivains prennent le soin de ne pas être trop vulgaires.» L’ancien partenaire d’Oscar Hammerstein, Sigmund Romberg, l’a qualifiée d’«œuvre monumentale», et Dorothy Fields l’a qualifiée de «belle, touchante, charmante et drôle».
Mais comme Hammerstein l’avait craint, les critiques étaient plus mitigées.
«Aucune comparaison avec South Pacific ()», a déclaré Brooks Atkinson dans le Times, mais il a admis que «si on exclut toute comparaison, c’est une excursion belle et originale dans les riches splendeurs de l’Extrême-Orient, réalisée avec un goût impeccable par deux artistes et soutenue par une partition chaleureuse et romantique, des paroles naturelles et des danses exquises.»
Rodgers faible! Dans le New Republic, Harold Clurman était particulièrement dédaigneux, parlant de «probablement la plus faible des partitions de Rodgers».
Ces critiques n’ont pas atteint Gertrude Lawrence car les commentaires la concernant étaient majoritairement élogieux. La presse lui a même plutôt remonté le moral et elle s'attendait à jouer pour très longtemps le rôle d’Anna: d'abord à Broadway, puis dans le West End de Londres, et enfin au cinéma. Le spectacle remportera cinq Tony — Best Musical, Best Actress (Gertrude Lawrence), Best featured actor (Yul Brynner – qui n’est pas Best Actor mais bien Best Featured Actor), Best Costume Designer (Irene Sharaff), et Best Scenic Designer (Jo Mielziner) — et connaîtra un succès commercial et populaire incontesté, avec 1.246 représentations à Broadway et 926 à Londres.
Frustrations et frictions entre Rodgers et Hammerstein Mais maintenant, suite aux commentaires sur son travail, c’était au tour de Richard Rodgers de se sentir blessé. Un froid s’est d’ailleurs installé sur le partenariat Rodgers et Hammerstein. Bien sûr, aucune rupture n’a été annoncée publiquement, ni même reconnue par l’un des deux. Mais pour le reste de l’année 1951, Rodgers et Hammerstein ont vécu leurs propres trajets, à distance. Ils ne voulaient plus créer ensemble. Leur ingénieux duo artistique semblait mis, au moins temporairement, au frigo. Ils la reprendront prudemment, et avec des cicatrices, près d’un an plus tard…
Dans un premier temps ils ont produit des spectacles dont ils n’étaient pas les auteurs et qui furent deux terribles flops: The Heart of the Matter, fermé durant les Try-Out («closed on the road») et Burning Bright de John Steinbeck qui n’a tenu que 13 représentations à Broadway! Ils ont donc arrêté.
Et donc, suite à ce refroidissement lié à The King and I (), Rodgers et Hammerstein ont pris des chemins différents, chacun pour poursuivre ses propres projets, comme ils l’avaient déjà fait après Oklahoma! (), mais ils n’étaient pas encore un vrai duo à l’époque de cette première collaboration.
Le nouveau projet d’Hammerstein fut une reprise de Music in the Air (), son succès de 1932 avec Jerome Kern à la composition. Son frère, Reginald Hammerstein, produisait et son fils, James Hammerstein, était assistant stage manager. Étant encore proche de la fin de la Seconde Guerre mondiale, Hammerstein a transféré le cadre de l’histoire de la Bavière à la Suisse et a coupé une partie du livret. Pour James Hammerstein, l’expérience a été une révélation, car il a enfin compris où son père était heureux: au théâtre. Il se souvient d’avoir assisté à un Try-Out désastreux dans le Maryland, et a été impressionné de voir son père, qui mettait en scène, rester calme et stoïque pendant quatre heures. Le spectacle a ouvert à Broadway au Ziegfeld Theatre le 5 octobre 1951, et a connu un succès plus que mitigé: 56 représentations.
Richard Rodgers a fait lui deux projets en solo, qui furent plutôt des succès:
- Le premier était une reprise de Pal Joey () – de Rodgers et Hart – qui ouvrit le 3 janvier 1952 au Broadhurst Theatre avec Vivienne Segal reprenant son rôle original de Vera et Harold Lang, un brillant danseur et un excellent chanteur qui avait fait un grand succès dans Kiss Me, Kate (, dans le rôle de Joey. Le temps était passé, confirmant la qualité du travail de Rodgers et Hart, sans oublier le livret de John O’Hara. Brooks Atkinson a rejeté sa critique originale assez dure de la création en 1940. Il dit même que ce spectacle, en 1940, était une sorte de pionnier. Oklahoma! () est passé par là, sans doute. Le spectacle fut un énorme succès avec 540 représentations – la plus longue série à Broadway de tous les spectacles de Rodgers et Hart.
- Le second projet solo de Rodgers a été plus long à naître. À l’automne 1951, Sylvester Weaver, le chef de la division du divertissement de NBC, a proposé à Rodgers d’écrire une partition pour une série de documentaires en 26 parties sur la campagne navale alliée pendant la Seconde Guerre mondiale: Victory at Sea. Au début, Rodgers fut méfiant. Le projet nécessiterait près de treize heures de musique! Bien sûr, Rodgers n’a rien composé de tel: il se limitera au final à environ une heure de musique. «Je n’avais ni le temps, ni la patience, ni la capacité de m’asseoir dans une salle de montage, heure après heure, parcourant des milliers de mètres de pellicule avec un chronomètre à la main, afin de composer des thèmes qui correspondent à une limite de temps inflexible», se souvient-il. Rodgers a plutôt composé des «thèmes musicaux» appropriés à la situation, un atterrissage sur un porte-avions, une flotte de navires en cours. Ces airs ont reçu des noms évocateurs comme Song of the High Seas, Guadalcanal March, Theme of the Fast Carriers et Under the Southern Cross, un tango séduisant qui fera bientôt une apparition à Broadway. «Pour la difficile tâche de chronométrage, de découpage et d’orchestration», a reconnu Rodgers, «je me suis tourné vers mon vieil ami Russell Bennett, qui n’a pas d’égal dans ce genre de travail. Il mérite pleinement le mérite, que je lui accorde sans modestie indue, d’avoir rendu ma musique meilleure qu’elle ne l’était.» L’autodérision de Rodgers est charmante.
Victory at Sea a été diffusé sur NBC, le dimanche après-midi de l’automne 1952 au printemps 1953. Rodgers a remporté de nombreux prix et la loyauté éternelle d’un fan très en vue: Richard Nixon, qui deux décennies plus tard se retirerait dans le salon Lincoln de la Maison-Blanche pendant certains des moments les plus sombres de sa présidence, poussant la climatisation à fond et allumant une cigarette, et écoutait la musique de Victory at Sea jusqu’aux petites heures du matin.
Mais Rodgers et Hammerstein assument leurs responsabilités Même s’ils poursuivant leurs propres projets chacun de leurs côtés, Rodgers et Hammerstein ne pouvaient ignorer leurs obligations envers les projets en cours du partenariat.
La version londonienne de South Pacific (), mettant en vedette Mary Martin, a ouvert ses portes à l’automne 1951.
Bien sûr, Rodgers et Hammerstein ont aussi dû devaient aussi dû gérer les réalités quotidiennes de The King and I () et de sa série à guichets fermés à Broadway. Soirs après soirs, ils ont dû accompagner un défilé nocturne de célébrités en coulisses — le général Douglas MacArthur, Farley Granger, Joan Crawford — et de nombreuses demandes d’invitations émanant de célébrités diverses comme Ogden Nash ou Gloria Swanson.
Mais suite au succès, dès la soirée d’ouverture, de nouvelles demandes sont venues de Yul Brynner, qui en mai 1951 demanda une augmentation de 500$ par semaine, doublant son salaire. Et bientôt il y eut d’autres demandes: porter son salaire à 2000$ par semaine à la fin de 1952 et deux congés séparés de dix semaines pour faire des films. Cette dernière demande n’était pas une idée vaine: Cecil B. DeMille est apparu en coulisses à l’entracte un soir pour offrir à Brynner le rôle de Ramsès dans son prochain film, The Ten Commandments («Les Dix Commandements»), et il était prêt à attendre que la star soit libre. En fin de compte, Brynner a obtenu les augmentations, mais seulement onze semaines de vacances au printemps 1952.
Le drame Gertude Lawrence Quelques jours après l’ouverture d’avril 1951, Hammerstein a écrit à Gertrude Lawrence pour la remercier pour le cadeau d’une pièce d’or porte-bonheur. Quelques jours plus tard, Lawrence lui a écrit pour le remercier de «tout» et ajoutant: «Apprendre à vous connaître a été une étape des plus chaleureuses et remarquables de ma carrière, et votre grande patience et votre compréhension m’ont apporté un réconfort constant.»
L’été 1951 a été extrêmement chaud à New York, ce qui a été un terrible fardeau pour Gertrude Lawrence qui portait d’énormes jupes et robes très lourdes en scène, alors que la température dans sa loge atteignait souvent les 35°C.
«Messieurs Shubert (les propriétaires du théâtre, ndlr) n’ont mis de la glace devant le théâtre qu’une fois par jour vers 11 heures», écrit-elle. «Il n’y a plus rien les jours de la matinée à 15 heures, donc à partir de là, l’odeur du jambon frit est énorme, mais fort peu succulente.»
À l'âge de 52 ans, elle devait porter des robes pesant 35kg tout en marchant ou en dansant sur un total de 6,4 km au cours d'un spectacle de 3 heures et demi huit fois par semaine. Lawrence avait du mal à supporter la chaleur du théâtre pendant les mois d'été. Mais elle a tenu bon, empruntant une maison climatisée à un ami mondain. Son understudy, Constance Carpenter, a commencé à la remplacer lors des matinées.
Cet automne-là, elle a accepté un travail à l’extérieur pour enseigner le théâtre à l’Université Columbia, qui semblait la rétablir. Ce n’est qu’à Noël qu’une pleurésie l’a forcée à manquer des représentations. Souffrant d'épuisement, elle est entrée à l'hôpital pour une semaine complète de tests. Après la mort du Roi George VI en février 1952, elle s’accroche encore plus, déterminée à participer à la création de The King and I () à Londres pour la saison du couronnement de la reine Elizabeth II l’année suivante.
Mais ça ne va jamais arriver…
En février 1952, une crise de bronchite a suivi la pleurésie de la Noël. Son mari, Richard Aldrich, demanda à Rodgers et Hammerstein s'ils envisageraient de fermer le spectacle pour la semaine de Pâques afin de lui donner une chance de se rétablir complètement. Ils ont rejeté sa demande, mais ont accepté de la remplacer par l'Ado Annie originale d'Oklahoma! (), Celeste Holm, pendant six semaines durant l'été.
Au printemps 1952, le chant de Gertrude Lawrence s’était détérioré à un point tel que les spectateurs commençaient à murmurer pendant les représentations. Des spectateurs écrivaient à Rodgers et Hammerstein pour exprimer leur mécontentement et leur inquiétude. En avril, Rodgers et Hammerstein ont demandé à Noël Coward de parler à son amie de longue date. «Déjeuner avec Gertie», a-t-il écrit dans son journal le 29 avril 1952. «Je lui ai conseillé d’arrêter The King and I () pour de bon. Je ne lui ai pas dit qu’ils étaient impatients de se débarrasser d’elle à cause de son chant, mais je pense que je l’ai convaincue qu’elle devrait jouer une pièce de théâtre.» Son amie Daphne du Maurier écrira plus tard à Coward à propos «des effroyables tensions de Gertrude après les notes élevées, si bien que son ventre la faisait souffrir à l’agonie».
Le 20 mai 1952, Rodgers et Hammerstein avaient l’impression d’avoir tout essayé. Ils n’avaient obtenu aucun soutien des agents de Lawrence, Fanny et David Holtzmann, et avaient essayé en vain d’organiser une rencontre avec la star elle-même. Rodgers et Hammerstein – d’un commun accord – en vinrent à se résoudre à lui écrire une lettre.
«Nous sommes désolés que tu n’aies pas pu nous voir lundi ou mardi, car nous tenions à te faire part de notre profonde préoccupation à l’égard de ce qui nous semble être une crise dans ta carrière théâtrale.»
Ils ont dit que même si sa performance dramatique en tant qu’Anna était meilleure que jamais, son chant ne l’était pas. Et puis ils ont une bombe:
«Huit fois par semaine, tu perds le respect de 1.500 personnes. C’est une chose sérieuse qui arrive à l’une des grandes femmes de notre théâtre, et ce serait malhonnête et inamical de notre part de rester là sans te faire prendre conscience que tu ternis tes triomphes passés et tes perspectives d’avenir. Que tu veuilles affronter ce problème, ou laisser la situation dériver comme tu le fais est une décision que tu dois prendre. Il se peut que tu n’apprécies pas qu’on t’ait dit cela. Si tu le fais, ce sera une réaction enfantine de ta part. Nous n’avons ni motif ni désir de t’inquiéter. Nous essayons de te protéger d’un danger auquel tu fais face, et en ce moment, comme nous le faisons, nous sommes les meilleurs amis que tu aies. Notre amour, toujours.»
Lettre de Rodgers et Hammerstein à destination de Gertrude Lawrence
Cette lettre déchirante a été conservée. Elle est estampillée d’un message très clair: «Non envoyée».
Lawrence s’est accrochée jusqu’à ses vacances d’été, quand Celeste Holm l’a remplacée. Lawrence a écrit à Dorothy Hammerstein qu’elle avait eu beaucoup de mal à tenir jusque-là, mais qu’elle se sentait assez bien pour reprendre son rôle dès le 11 août. Trois jours après son retour sur scène, cependant, elle a redoublé de douleur en arrangeant des fleurs à la maison, et deux jours après cela, après la matinée du samedi 16 août, elle s'évanouit après la représentation. Elle avoua à son habilleuse qu’elle serait incapable d’y retourner pour la représentation du soir. Elle fut admise à l'hôpital presbytérien de New York. Après quelques jours à l’hôpital de New York, les médecins ont diagnostiqué une hépatite, une maladie du foie invalidante, mais rarement grave.
Mais Lawrence a eu une prémonition. Elle a confié à son amie avocate Fanny Holtzmann:
«Je ne pense pas que je vais quitter cet endroit, Fanny».
Elle a ajouté:
«À propos du spectacle, vois que Connie Carpenter me remplace. Elle a attendu si longtemps pour avoir sa chance. Assure-toi qu’elle obtienne le rôle. Et assure-toi que Yul soit récompensé. Il l’a mérité.»
Auteur
Le vendredi 5 septembre, l’avocat Howard Reinheimer a écrit à Holtzmann une lettre très dure, constatant que Lawrence était de toute évidence beaucoup plus malade qu’on ne le disait et qu’elle devait retourner à la pièce dans les trois semaines ou se retirer définitivement. Si elle se retirait, a écrivait Reinheimer, Rodgers et Hammerstein étaient prêts à continuer à payer ses 5% du box-office net pour le solde de son contrat, «comme un geste de bonne volonté». Sinon, a-t-il averti, ils n’auraient d’autre choix que de demander à l’Actors’ Equity de rompre son contrat et de les renvoyer à d’autres obligations.
Lawrence est morte le lendemain, le 6 septembre 1952.
Ce n’est qu’après une autopsie que ses médecins se sont rendu compte qu’un cancer virulent d’origine inconnue avait envahi son foie. Elle avait 54 ans. Elle serait enterrée dans la robe de bal mauve et ondulante qu’Irene Sharaff lui avait créée pour la chanson finale de The King and I () Shall We Dance.
Selon le New York Times, 5.000 personnes se sont rassemblées à l'intersection de la 55ème rue Est et de la 5ème Avenue à Manhattan, tandis que 1.800 autres, dont Yul Brynner, le gouverneur du Connecticut John Davis Lodge, Marlene Dietrich, Phil Silvers, Luise Rainer, Moss Hart et son épouse Kitty Carlisle ont rempli l'église presbytérienne de la 5ème Avenue pour les funérailles de Lawrence.
Dans son éloge funèbre, Oscar Hammerstein II a cité un essai sur la mort écrit par le poète et romancier Rabindranath Tagore.
Elle a été la première personne pour laquelle les lumières des façades des théâtres de Broadway ont été tamisées après la mort d'un artiste reconnu, admiré et bien-aimé.
Sans que cela ait sans doute le moindre lien, à l’été 1952, Rodgers et Hammerstein avaient rafistolé leur relation professionnello-amicale, ou du moins décidé de camoufler ce qui les avait séparés et ils étaient à nouveau prêts à travailler ensemble.
L’après Gertude Lawrence Comme le souhaitait Gertrude Lawrence, Connie Carpenter a repris le rôle d'Anna et l'a joué pendant 620 représentations. Parmi les autres Anna pendant la série figuraient Celeste Holm, Annamary Dickey et Patricia Morison.
Bien que Yul Brynner se soit vanté plus tard de ne jamais manquer un spectacle, il en a raté plusieurs, une fois lorsque les machinistes du St. James Theatre l'ont accidentellement frappé au nez avec un morceau de décor, une autre fois à cause d'une appendicite. Aussi, pendant trois mois en 1952 (et occasionnellement en 1953), Alfred Drake a remplacé Brynner.
La dernière des 1.246 représentations de la production eut lieu le 20 mars 1954. La série était, à l'époque, la quatrième plus longue pour un musical de Broadway.
D) Autres versions
D.1) Création à Londres: octobre 1953
La production originale londonienne a ouvert le 8 octobre 1953 au Theatre Royal de Drury Lane. Ce théâtre est devenu la maison londonienne des musicals de Rodgers et Hammerstein:
- Oklahoma! () du 29 avril 1947 au 27 mai 1950 (le spectacle étant alors transféré au Stoll Theatre jusqu’au 21 octobre 1950)
- Carousel () du 7 juin 1950 au 13 octobre 1951 (566 représentations)
- South Pacific () du 1er novembre 1951 au 26 septembre 1953 (802 représentations)
Le spectacle a été chaleureusement accueilli par le public et la critique. Il a tenu l’affiche 946 représentations, jusqu’au 14 janvier 1956. Le cast de la création comprenait Valérie Hobson (Anna), Herbert Lom (Roi), Muriel Smith (Lady Thiang), Doreen Duke (Tuptim) et Jan Mazurus (Lun Tha).
Harold Hobson du Sunday Times de Londres a rapporté à propos de cette ouverture capital: «L’enthousiasme du public était sans limite, et il est facile de comprendre pourquoi. Ces deux redoutables auteur et compositeur créent leurs musiques et histoires à l'unisson, d'une manière inégalée depuis Gilbert et Sullivan, et cette oeuvre offre un flux incessant de musiques magnifiques, un ballet intelligent, une série de costumes colorés et scintillants et une histoire d'amour abordée avec délicatesse».
D.2) Reprises aux États-Unis
9 revivals Comme souvent, au milieu du XXème siècle, les spectacle de Rodgers et Hammerstein vont être repris au Lincoln Center. Ils sont au nombre de 5 cette fois:
- Du 18 avril au 6 mai 1956 (1 preview (17 avril) - 23 représentations) avec Jan Clayton (Anna), Zachary Scott (The King), Muriel Smith (Lady Thiang), Patrick Adiarte (Prince Chulalongkorn) - Mise en scène de John Fearnley
- Du 11 au 29 mai 1960 (1 preview (10 mai) - 23 représentations) avec Barbara Cook (Anna), Farley Granger (The King), Anita Darian (Lady Thiang) - Mise en scène de John Fearnley
- Du 12 au 23 juin 1963 (15 représentations) avec Eileen Brennan (Anna), Manolo Fabregas (The King), et Anita Darian (Lady Thiang) - Mise en scène de John Fearnley
- Du 6 juillet au 8 août 1964 (40 représentations) avec Rise Stevens (Anna), Darren McGavin (The King), Patricia Neway (Lady Thiang), Lee Venora (Tuptim) et Frank Porretta (Lun Tha) - Mise en scène de Edward Greenberg
- Du 23 mai au 9 juin 1968 (2 preview (21 et 22 mai) - 22 représentations) avec Constance Towers (Anna), Michael Kermoyan (The King), Anita Darian (Lady Thiang) - Mise en scène de John Fearnley
Après ces cinq séries au New York City Center, les quatre revivals suivant étaient plutôt «commerciaux»:
- Du 2 mai 1977 au 30 décembre 1978 (24 previews depuis le 24 avril – 719 représentations) à l’Uris Theatre (aujourd’hui Gershwin Theatre) dans une mise en scène de Yuriko avec Yul Brynner (Roi), Constance Towers (Anna Leonowens), Larry Swansen (Captain Orton), Alan Amick (Louis Leonowens), Jae Woo Lee (The Interpreter), Michael Kermoyan (The Kralahome), June Angela (Tuptim), Hye-Young Choi (Lady Thiang), Gene Profanato (Prince Chulalongkorn), Julie Woo (Princess Ying Yaowalak), Martin Vidnovic (Lun Tha), John Michael King (Sir Edward Ramsay).
- Ce revival a donné à New York l’occasion de voir Yul Brynner jouer sur scène son rôle du Roi pour la première fois depuis l’ouverture de la production originale de Broadway quelque 26 ans plus tôt. Le public a profité de l’occasion, car l’acteur original a repris sa prestation légendaire dans l’un des rôles les plus célèbres de tout le théâtre musical.
- On voit aussi l'évolution des choses... A la création, le nom de Gertrude Lawrence dominait les affiches. Cette fois, c'est celui de Yul Brynner qui est en haut et en grand, et celui de Constance Towers qui joue Anna est en bas et en petit. Le rôle-star a changé!
- Du 7 janvier au 30 juin 1985 (16 previews depuis le 26 décembre 1984 – 191 représentations) au Broadway Theatre dans une mise en scène de Mitch Leigh avec Yul Brynner reprenant encore son rôle du Roi et Mary Beth Peil (Anna), Jeffrey Bryan Davis (Louis Leonowens), Burt Edwards (Captain Orton), Jae Woo Lee (The Interpreter), Jonathan Farwell (The Kralahome), Kathy Lee Brynner (Lead Royal Dancer, Eliza), Sal Provenza (Lun Tha), Patricia Welch (Tuptim), Irma-Estel LaGuerre (Lady Thiang), Araby Abaya (Prince Chulalongkorn), Yvette Laura Martin (Princess Ying Yaowalak), Patricia Weber (Fan Dancer, Angel), Edward Crotty (Sir Edward Ramsey), Hope Sogawa (Uncle Thomas), Evelina Deocares (Little Eva), Deborah Harada (Topsy), Rebecca West (Simon). Ce fut la dernière version où Yul Brynner apparut. Lors de la soirée de clôture, le 30 juin 1985, Yul Brynner a fait sa dernière révérence dans The King and I (); c'était sa 4.625ème représentation en tant que Roi du Siam. L'Associated Press a écrit à propos de ce moment historique: «Au cours d'un rappel de cinq minutes, le public s'est levé et l'orchestre a joué 'Auld Lang Syne'.» Ce fut un moment légendaire dans l'histoire du théâtre musical américain. La même année, Brynner a reçu un deuxième Special Tony Award récompensant sa performance record dans le rôle emblématique.
- Du 11 avril 1996 au 22 février 1998 (27 previews depuis le 19 mars 1996 – 781 représentations) au Neil Simon Theatre dans une mise en scène de Christopher Renshaw avec Lou Diamond Phillips (Roi), Donna Murphy (Anna Leonowens), John Curless (Captain Orton), Ryan Hopkins (Louis Leonowens), Alan Muraoka (The Interpreter), Randall Duk Kim (The Kralahome), Lou Diamond Phillips (The King of Siam), Jose Llana (Lun Tha), Joohee Choi (Tuptim), Taewon Kim (Lady Thiang), John Chang (Prince Chulalongkorn), Kelly Jordan Bit (Fan Dancer), Lexine Bondoc (Princess Yaowlak), Guy Paul (Sir Edward Ramsey). Plus tôt dans la saison, le City Opera a relancé sa production de musical TV Cinderella () de 1957 de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein, et deux semaines avant la reprise de The King et I (), Broadway a accueilli sur scène la première du musical State Fair () inspiré du film éponyme de 1945.
- La production a été nominée pour huit Tony Awards en gagnant quatre dont le Best Revivalet le Best Performance by a Leading Actress pour Donna Murphy pour son interprétation d'Anna. Le spectacle a aussi été nominé aux Theatre World Awards et sept fois aux Drama Desk Awards.
- Du 16 avril 2015 au 26 juin 2016 (previews depuis le 12 mars – 499 représentations) au Vivian Beaumont Theatre du Lincoln Center dans une mise en scène de Bartlett Sher avec Kelli O’Hara (Anna Leonowens), Ken Watanabe (Roi), Ruthie Ann Miles (Lady Thiang), Paul Nakauchi (Kralahome), Ashley Park (Tuptim), Conrad Ricamora (Lun Tha), Jon Viktor Corpuz (Prince Chulalongkorn), Jake Lucas (Louis Leonowens), Murphy Guyer (Captain Orton), Edward Baker-Duly (Sir Edward Ramsey), Marc Oka (Phra Alack), Christie Kim (Princesse Ying Yaowalak). Les critiques étaient uniformément élogieuses: Ben Brantley du New York Times la qualifiant de «production resplendissante», louant le casting (en particulier Kelli O'Hara), la mise en scène, les chorégraphies, les décors et l'orchestre, et commentant que Sher jetait une lumière nouvelle sur une œuvre datée, clarifiant et équilibrant le balayage épique avec une sensibilité intime. Cette production a été nominée pour 9 Tony Awards, en remportant quatre, dont Best Revival of a Musical, Best Leading Actress (Kelli O'Hara), Best Featured Actress (Ruthie Ann Miles) et Best costume design (Zuber). Elle a aussi remporté le Drama Desk Award for Outstanding Revival. Ce spectacle sera suivi d’un US Tour et il servira de base du revival de Londres en 2018
Le cas Yul Brynner Au début de 1976, Brynner reçut une offre pour reprendre le rôle qu'il avait créé 25 ans auparavant, dans un US-Tour et un revival à Broadway (voir ci-dessus). Il accepta avec enthousiasme. L’US Tour a ouvert à Los Angeles le 26 juillet 1976, avec Constance Towers dans le rôle d'Anna. Le soir de la première, Brynner avait une forte laryngite et il a joué le rôle sur scène avec son fils Rock qui chantait depuis la fosse d'orchestre. L’US Tour s’est joué à guichet fermé dans toutes les villes traversées avant d’ouvrir à l’Uris Theatre de Broadway le 2 mai 1977. Pendant cette longue série, les stars ont cédé leurs rôles à peine trois semaines: Angela Lansbury remplaçant Constance Towers et Michael Kermoyan remplaçant Yul Brynner. La production a été nominée pour le Drama Desk Award for Outstanding Musical.
Comme rien n’est jamais simple avec Yul Brynner, ce dernier a insisté sur la rénovation de l'Uris Theatre avant d'y jouer, déclarant que le théâtre ressemblait à «des toilettes publiques». Il a également insisté pour que les loges pendant l’US Tour et à l’Uris Theatre soient aménagées à son goût. Selon son biographe Michelangelo Capua, pendant des années, les artistes ont remercié Brynner d'avoir ainsi fait «rénover» les loges à travers le pays.
Après la fin de la série à Broadway, le 30 décembre 1978, l’US Tour a repris en 1979 toujours avec Yul Brynner et Constance Towers. Et pourquoi s’arrêter en si bon chemin. La production a ensuite débuté dans le West End, au London Palladium – énorme théâtre de plus de 2.200 places – le 12 juin 1979. Ce spectacle a eu à l’époque la plus importante prévente de billet de la scène anglaise! Brynner, toujours modeste, a déclaré: «Ce n'est pas une pièce de théâtre, c'est un événement!» Il a joué le Roi et Virginia McKenna a joué le rôle d'Anna pour lequel elle a remporté un Olivier Award. Le spectacle s’est joué jusqu’au 27 septembre 1980 (538 représentations).
Brynner n'a pris que quelques mois de congé après la fin de la série à Londres, ce qui a contribué à son troisième divorce. Il a repris la route au début de 1981 pour un long US Tour produit et mis en scène par Mitch Leigh, reprenant toujours les chorégraphies originales de Robbins (reproduites par Rebecca West). Patricia Marand jouait Anna, Michael Kermoyan était à nouveau le Kralahome, Patricia Welch était Tuptim. En 1981, Kate Hunter Brown a succédé à Anna, conservant ce rôle pendant au moins un an et demi. En 1983, Mary Beth Peil a joué Anna.
Le 13 septembre 1983, à Los Angeles, Brynner célèbre sa 4.000ème représentation en tant que Roi; le même jour, on lui a diagnostiqué en privé un cancer du poumon inopérable, et la tournée a dû être interrompue pendant quelques mois pendant qu'il recevait une radiothérapie douloureuse pour réduire la tumeur. Le critique du Washington Post a assisté à la dernière tournée d'adieu de Brynner en décembre 1984 et a écrit à propos de la star:
«Lorsque Brynner débuta dans la production originale en 1951, il était le nouveau venu et Gertrude Lawrence la star établie. Aujourd'hui, 33 ans et 4.300 représentations plus tard, il est le 1951 du spectacle… Le génie de sa prestation – et il faut une sorte de génie pour conserver aussi longtemps un personnage – est sa simplicité. Il n’y a pas une expression superflue ni un geste vague. Et si par moments, la posture des bras sur les hanches, le crâne brillant et l'expression farouche rappellent Mr. Clean, il faut rappeler que Brynner était là le premier.»
Cette production atteint Broadway en janvier 1985 (191 représentations au Broadway Theatre). Le rôle d'Eliza a été joué par la quatrième épouse du protagoniste, Kathy Lee Brynner, et le nouveau venu Jeffrey Bryan Davis a joué Louis. Pendant la série, Brynner n'a pas pu chanter A Puzzlement, en raison de ce qui a été annoncé comme une infection de la gorge et de l'oreille, mais il continuait à projeter sa voix avec une vitalité éclatante jusqu’au fond du balcon. Il a reçu un Tony Award spécial pour son rôle du Roi. Le critique du New York Times, Frank Rich, a fait l'éloge de Brynner mais s'est montré ambivalent à propos de la production, qu'il a qualifiée de «lente», écrivant que «les points forts de Brynner incluaient ses plaisanteries affectueuses et paternalistes avec sa progéniture dans The March of the Siamese Children, ses pitreries en essayant de forcer Anna, une institutrice anglaise, à s'incliner et, bien sûr, la scène de la mort.» La dernière représentation s’est donnée un dimanche soir spécial, le 30 juin 1985, en l'honneur de Brynner et de sa 4.625ème interprétation du rôle. Brynner est décédé moins de quatre mois plus tard, le 10 octobre 1985.
D.3) Reprises au Royaume-Uni
1974 – Revival à l’Adelphi Theatre La première reprise dans le West End de Londres date du 10 octobre 1973. Le spectacle a été proposé à l’Adelphi Theatre dans une mise en scène de Roger Redfarm pour 260 représentations, jusqu’au 25 mai 1974. Les rôles principaux étaient joués par Sally Ann Howes (Anna) et Peter Wyngarde (Roi). On y voyait aussi Moyna Cope (Lady Thiang), Pauline Antony (Tuptim), Valentine Palmer (Lun Tha), Stephen Grover (Louis), David Morris (Chululongkorn), David Davenport (The Kralahome). La production, qui avait débuté en juin 1973 par un UK-Tour reçoit des critiques mitigées à chaleureuses. Michael Billington dans The Guardian a qualifié la reprise de «bien jouée et bien chantée». Bien qu'il soit enthousiasmé par Sally Ann Howes dans le rôle d'Anna, Billington pensait que Peter Wyngarde était «trop fragile pour être capable d'inspirer une terreur impie». Il a fait l'éloge de la mise en scène de Redfarn qui «a progressé à un bon rythme et a fait ressortir un somptueux ballet inspiré de Uncle Tom's Cabin (La Case de l'oncle Tom)». Moins favorable, Robert Cushman dans The Observer pensait que la production était «sous-alimentée sur le plan scénique et économique». Il aimait le Roi de Wyngarde («un clown digne») mais pensait que Sally Ann Howes n'était pas assez formidable pour lui tenir tête dans le rôle d'Anna. Il a noté qu'elle chantait magnifiquement et que les chansons sont le véritable plaisir de la soirée.
1979 – Revival au London Palladium Comme nous l’avons vu ci-dessus, le 12 juin 1979 ouvre au London Palladium – énorme théâtre de plus de 2.200 places – la version mise en scène par Yuriko qui avait été créée en 1976 aux Etats-Unis, ravissant Broadway dès 1977. Ce spectacle a eu à l’époque la plus importante prévente de billet de la scène anglaise! Brynner, toujours modeste, a déclaré: «Ce n'est pas une pièce de théâtre, c'est un événement!» Il a joué le Roi et Virginia McKenna a joué le rôle d'Anna pour lequel elle a remporté un Olivier Award. Le spectacle s’est joué jusqu’au 27 septembre 1980 (538 représentations).
La video ci-contre, est une interview de Yul Brynner et Virginia McKenna une demi-heure après l'annonce à cette dernière qu'elle allait jouer le rôle d'Anna dans la série londonienne. Elle est tourée sur le plateau du London Palladium.
2000 – Revival au London Palladium Un troisième revival a ouvert à Londres, une fois encore au London Palladium, le 3 mai 2000 (avec des previews depuis le 8 avril). La mise en scène était signée de Christopher Renshaw. Cette production avait été initiée en Australie en 1995 avant de se jouer à Broadway du 11 avril 1996 au 22 février 1998 au Neil Simon Theatre. La distribution londonienne comprenait Elaine Paige dans le rôle d'Anna et Jason Scott Lee dans le rôle du Roi, et aussi Taewon Yi Kim (Lady Thiang), Aura Deva (Tuptim), Sean Ghazi (Lun Tha), Robin Kermode (Sir Edward), Richard Avery, Miguel Diaz, Ho Yia.
Après 3 mois, pour des raisons familiales, Jason Scott Lee (Roi) a quitté le spectacle et a été remplacé par son understudy, Paul Nakauchi. Le spectacle s'est joué jusqu’au 5 janvier 2002 (691 représentations), avant de partir dans un UK-Tour en 2002 et 2003, avec Stefanie Powers puis Marti Webb dans le rôle d'Anna et Ronobir Lahiri dans le rôle du Roi.
2009 – Revival au Royal Albert Hall Le metteur en scène est Jeremy Sams et la distribution comprenait Maria Friedman (Anna), Daniel Dae Kim (Roi), Jee Hyun Lim (Lady Thiang), Yanle Zhong (Tuptim), Ethan Le Phong (Lun Tha), Michael Simkins (Sir Edward), David Yip (Kralahome), Stephen Scott, Miwa Saeki, Azumi Ono, Victoria Sahakian Rogers, Yo Santhaveesuk Ho Yi. Il y a eu des éloges particuliers pour Maria Friedman et pour Daniel Dae Kim (plus connu dans la série télévisée culte Lost).
Ce revival est très différent des précédents. Ce fut une production spectaculaire avec un casting de 45 adultes et 77 enfants, et le Royal Philharmonic Orchestra de 40 musiciens, sans oublier un impressionnant feu d’artifice (en salle!). Vu la jauge de la salle - plus de 5.500 places - la série fut courte: du 12 au 18 juin 2009.
2018 – Revival au London Palladium Pour la troisième fois, le London Palladium va accueillir un revival de The King et I (), le cinquième à Londres. Le spectacle se joue du 3 juillet 2018 au 29 septembre 2018 (previews depuis le 21 juin). Il s’agit du revival de Broadway de 2016, mis en scène de Bartlett Sher. Kelli O’Hara (Anna Leonowens) et Ken Watanabe (Roi) ont repris leurs rôles de Broadway. La distribution comprenait Ruthie Ann Miles et Naoko Mori (Lady Thiang en alternace), Dean John-Wilson (Lun Tha), Na-Young Jeon (Tuptim), Takao Osawa (The Kralahome), Jon Chew (Prince Chulalongkorn), Edward Baker-Duly (Sir Edward Ramsay/Captain Orton).
Le spectacle a été nominé pour 6 Olivier Awards, dont celui du Best Musical Revival. La production a été filmée et projetée en salles fin 2018.
2024 - Revival au London Palladium Le sixième revival aura lieu encore au London Palladium et sera un retour de la version de Bartlett Sher. Les têtes d’affiches viennent du West End, Annalene Beechey (Anna), et de Broadway, Darren Lee (Roi). Le spectacle se joue du 20 janvier au 2 mars 2024.
D.4) Cinéma et TV
1956 - Film Comme nous l’avons vu, dans le contrat de Gertrude Lawrence – la star pour laquelle le musical a été écrit et qui a créé le rôle d’Anna – il était prévu qu’après Broadway, elle créerait le rôle à Londres et qu’elle serait Anna dans l’adaptation cinématographique. Mais Gertrude Lawrence est décédée pendant les représentations à Broadway… Vu le succès du musical sur scène, l’adaptation cinématographique a été maintenue, même sans Gertrude Lawrence. Yul Brynner a évidemment repris son rôle. Il est le seul acteur à avoir joué un rôle principal dans une production de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein, tant sur scène qu'à l'écran, remportant respectivement un Tony et un Oscar. Il jouera également le rôle dans la série télévisée Anna and the King.
Dans un premier temps, les producteurs ont envisagé d’engager Dinah Shore, chanteuse et actrice, pour le rôle d'Anna dans le film. Maureen O'Hara, qui avait une belle voix de soprano, a été ensuite le premier choix mais Richard Rodgers n'a pas accepté que ce soit elle et a déclaré: «Je ne laisserai pas cette reine des pirates jouer notre Anna» – elle venait de jouer dans The Black Swan, un film de pirates. Et finalement, c'est Yul Brynner qui a insisté pour que Deborah Kerr joue le rôle.
Mais elle n’était pas capable d’assurer les parties chantées et c’est Marni Nixon qui a doublé vocalement Kerr dans les parties chantées du film. Marni Nixon et Deborah Kerr ont travaillé côte à côte dans le studio d'enregistrement pour des chansons combinant parole et chant. Marni Nixon a déclaré qu'elle avait réalisé que les tonalités des chansons d'Anna étaient très basses pour elle et qu'à 21 ans, elle était trop jeune pour cela. Un modificateur a été placé dans le microphone de Nixon pour rendre sa voix plus grave et plus mature. «J'ai un son très léger et brillant dans ma voix et j'ai essayé de l'éliminer», a-t-elle déclaré, «mais ils ont pu utiliser ce modificateur pour accentuer les parties inférieures de ma voix. Je me souviens aussi d'avoir eu un terrible rhume à l'époque, de ne pas pouvoir respirer pendant ces sessions d'enregistrement. Mais cela a probablement aidé à faire correspondre la voix de Deborah, à l'approfondir.». Quoi qu’il en soit, le travail c’est magnifiquement déroulé et Marni Nixon doublera également les chansons de Deborah Kerr l'année suivante, pour le film An Affair to Remember.
Il y a eu aussi beaucoup d’hésitations pour le rôle de Tuptin, une des concubnes du Roi. Dorothy Dandridge avait un contrat avec la 20th Century-Fox prévoyant qu’elle devait y tourner trois films. Dans ce cadre, elle s'est vu offrir le rôle de Tuptim mais Otto Preminger (son ancien réalisateur et alors amant) l’a dissuadée d’accepter car ce n'était pas le rôle principal.
Des rumeurs circulaient également selon lesquelles Dorothy Dandridge, en tant qu'Afro-Américaine, ne voulait pas jouer une «esclave». Rita Moreno, qui était sous contrat avec Fox, a été invitée simplement pour faire un test, mais a suffisamment impressionné les producteurs pour être sélectionnée pour le rôle. En mars 1954, Moreno figurait sur la couverture du magazine Life avec la légende «Rita Moreno : une actrice sexy et l'innocente». Moreno en était au tout début de sa carrière et n'a pas aimé la plupart de son travail cinématographique pendant cette période, car elle estimait que les rôles qui lui étaient attribués étaient totalement stéréotypés. La seule exception fut son rôle dans The King et I (). Certains reprirent leurs rôles sur scène à Broadway: Terry Saunders (Thiang), Patrick Adiarte (Chulalongkorn) et Martin Benson (Kralahome). Les danseurs Yuriko et de Lappe ont également repris leurs rôles sur scène. La chorégraphie utilisée pour le film était la chorégraphie développée par Jerome Robbins pour la production scénique originale.
Les dirigeants de Fox ont souhaité que l'histoire soit modifiée et que le Roi soit encorné par un éléphant blanc, plutôt que de tomber malade à cause d'une humiliation personnelle. Naturellement, cela a rendu Yul Brynner furieux et il a insisté pour que l’histoire reste fidèle à la version scénique. Ce qui fut fait…
Le film a été réalisé par Walter Lang – c’était déjà lui qui avait réalisé State Fair () – et le scénario a été signé par Ernest Lehman. Il a été annoncé que Richard Rodgers et Oscar Hammerstein II écriraient des nouvelles chansons pour cette adaptation cinématographique de leur musical, mais bien sûr, cela ne s'est pas produit.
Trois chansons de la production scénique originale ont été filmées et sont apparues sur la bande originale du film, mais n'apparaissent pas dans le film:
- Shall I Tell You What I Think of You? dans laquelle Anna exprime de manière comique sa colère envers le Roi
- I Have Dreamed un duo pour Tuptim et Lun Tha, qui devrait être chanté immédiatement après We Kiss in a Shadow
- My Lord and Master, le monologue plaintif de Tuptim après son arrivée au palais
Dans le film, la première moitié de Song of the King a été transformée en dialogue parlé, avec seulement quelques mots chantés, mais elle survit telle qu'elle a été écrite sur l'album de la bande originale.
Bien que ce film ait été filmé et promotionné dans le nouveau CinemaScope55 (55mm), il a en fait été projeté dans le CinemaScope 35mm standard, avec une stéréo à 4 canaux au lieu de la stéréo à 6 canaux initialement promise. CinemaScope55 a été abandonné après avoir été utilisé sur seulement deux longs métrages (Carousel () et The King et I ()).
Le film a couté 4,5 millions de dollars mais il en a rapporté 21 millions au box-office. Il est inclus parmi les 25 films figurant sur la liste 2006 de l'American Film Institute des plus grands musicals.
Le film a été nominé pour 9 Oscars et en a remporté 5, dont celui du meilleur acteur pour Brynner. C’est le seul musical au cinéma de Rodgers et Hammerstein à remporter un Oscar pour un acteur masculin.
En Thaïlande (anciennement Siam), la famille royale est tenue en très haute estime. La Thaïlande a interdit le film en raison d'inexactitudes historiques et d'un manque de respect envers la monarchie. Le véritable prince Chulalongkorn est devenu le Roi Chulalongkorn, qui a ouvert la voie à la modernisation, amélioré les relations avec l'Occident et institué de nombreuses réformes culturelles et sociales importantes…
1972 – Série TV
Une série télévisée non musicale a été produite en 1972, Anna and the King, avec en vedette Yul Brynner. Elle a été diffusée aux États-Unis par CBS mais a été annulée à la mi-saison après 13 épisodes. Elle suivait le scénario principal du musical, se concentrant sur la relation entre les personnages principaux. Samantha Eggar a joué «Anna Owens», entourée de Brian Tochi comme Chulalongkorn, Keye Luke comme Kralahome, Eric Shea comme Louis, Lisa Lu comme Lady Thiang et Rosalind Chao comme Princess Serena. Le premier épisode a été diffusé le 17 septembre 1972 et le dernier le 31 décembre 1972. Margaret Landon – l’auteure du roman Anna and the King of Siam dont Rodgers et Hammerstein se sont inspirés pour leur musical – n'était pas satisfaite de cette série et a accusé les producteurs de «représentations inexactes et mutilées» de sa propriété littéraire; elle a intenté une action en justice sans succès pour violation du droit d'auteur.
Malgré la présence de Yul Brynner, la série a eu de mauvaises audiences, de nombreux critiques estimant que le concept ne fonctionnait tout simplement pas dans le cadre d’une émission télévisée de 24 minutes. L’une des raisons pour lesquelles la série a suscité de nombreuses critiques est qu’elle a fait passer la nationalité d’Anna Leonowens d’anglaise à américaine. La vraie Anna était anglaise (et jouée comme telle dans le film de Deborah Kerr de 1956) et curieusement, Samantha Eggar qui joue le personnage dans cette série est également anglaise, donc changer de nationalité ne semblait être rien de plus qu'une tentative cynique de plaire aux annonceurs!!!
La série a été annulée en cours de production et n’a pas été rediffusée depuis les années 1970, elle a donc été largement oubliée aujourd’hui.
1999 – Dessin animé En 1999, un dessin animé The King and I, tire du musical de Rodgers et Hammerstein a été produit par Morgan Creek Entertainment. Ce sera le seul dessin animé qu’ils produiront! Comment en est-on arrivé là?
Après le succès de La Petite Sirène (1989) de Walt Disney Feature Animation, Warner Bros. a commencé à distribuer plusieurs films d'animation, tout en distribuant également des films Disney en salles sur les marchés étrangers. Cependant, c'est le succès du Roi Lion (1994) qui a convaincu d'autres studios hollywoodiens d'envisager de produire en interne des longs métrages d'animation.
En 1991, Morgan Creek Entertainment a conclu un accord de distribution avec Warner Bros. pour sortir ses films aux États-Unis. En 1994, la société a créé Warner Bros. Feature Animation embauchant Max Howard un an plus tard pour présider la nouvelle division. En 1994, Arthur Rankin Jr. avait effectué une tournée en Thaïlande, où il envisageait d'adapter The King et I () en un dessin animé. Avec son partenaire Jules Bass, ils ont réussi à convaincre The Rodgers and Hammerstein Organization, qui détenait les droits d'auteur du musical, à déclarer qu'un long métrage d'animation «serait un superbe moyen» d'agrandir le succès de l’œuvre. Les deux parties ont conclu un accord, The Rodgers and Hammerstein Organization obtenant une part potentielle du montant brut du box-office. Rankin et Bass ont ensuite recruté Morgan Creek comme société de production.
Les scénaristes David Seidler et Jacqueline Feather ont été engagés pour adapter le film pour Morgan Creek, qui sortira sous le label Warner Bros. Family Entertainment. L'intrigue avait été «légèrement modifiée» par rapport au musical original «dans l'intérêt d’un visionnage en famille»». Cependant, aucun changement ne pouvait être apporté sans l’approbation de The Rodgers and Hammerstein Organization. Selon son président de l'époque, Ted Chapin, on savait que les changements constitueraient un risque, mais ils espéraient que ce dessin animé permettrait à la jeune génération d’aborder l’œuvre plus tôt qu'ils n'auraient pu l'être dans des circonstances normales.
Chacun des personnages du film a été conçu par une équipe d'animateurs composée de Bronwen Barry, Elena Kravets et Michael Coppieters. La conception finale de chaque personnage devait recevoir l'approbation finale de James G. Robinson, directeur de Morgan Creek Entertainment.
Plus d'un millier d'animateurs ont été embauchés dans plus de 24 pays sur quatre continents différents pour dessiner à la main chaque seconde du film. Cela ne sauvera pas le film...
Un album de la bande originale est sorti le 16 mars 1999 chez Sony Classical Records. De nombreuses chansons du musical original sont interprétées dans ce film et toutes les chansons de l'album ont été initialement composées par Oscar Hammerstein et Richard Rodgers.
Comme la plupart des adaptations d’Anna and the King of Siam, le dessin animé a été interdit en Thaïlande.
Sur Rotten Tomatoes, le dessin animé The King and I a un taux d'approbation de 13% sur la base de 24 avis, avec une note moyenne de 3,51/10. Le consensus critique du site se lit comme suit: «Sans charme et mal animé, The King and I n'est rien en comparaison de son homonyme classique à tous égards.» L'historien Thomas Hischak a écrit qu'il était «surprenant de penser que The Rodgers and Hammerstein Organization a permis sa réalisation... les enfants ont apprécié The King et I () pendant cinq décennies sans avoir besoin de dragons dansants». Hischak, dans son ouvrage The Oxford Companion to the American Musical: Theatre, Film, and Television, dit que le film est «de loin le pire traitement de toutes les œuvres de Rodgers et Hammerstein». L'Encyclopédie Rodgers et Hammerstein dit: «Que l'on soit ou non d'accord sur le fait que le film de 1956 The King et I () soit le meilleur film de Rodgers et Hammerstein, la plupart admettraient que l'adaptation animée est la pire». Roger Ebert lui a attribué 2 étoiles sur 4 et a estimé que les adaptations animées de musicals avaient du potentiel mais a trouvé le film plutôt ennuyeux.
En réponse aux critiques extrêmement négatives, les successions de Richard Rodgers et d'Oscar Hammerstein II ont déclaré qu'il n'y aurait plus de longs métrages d'animation basés sur leurs musicals. Une adaptation animée de Oklahoma! () a été annulée après l'échec commercial et critique de ce film. Dans une interview du 17 février 2009 sur Fresh Air de NPR, Ted Chapin, président de The Rodgers and Hammerstein Organization, a déclaré qu'il considérait que permettre que ce film soit réalisé était sa «plus grosse erreur en termes d'accord ou de refus d'autorisation » de l'une des œuvres de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein II.
A) Synopsis
A.1) Acte I
En 1862, Anna Leonowens, une enseignante volontaire et veuve, arrive à Bangkok, au Siam (aujourd’hui la Thaïlande), à la demande du Roi du Siam pour donner des cours particuliers à ses nombreux enfants. Elle est accompagnée de son fils Louis. Le port bondé et l'approche de l'imposant Kralahome (Premier Ministre du Siam) effrayent Louis, mais Anna l'aide à surmonter ses peurs (I Whistle A Happy Tune). Le Kralahome est venu les escorter jusqu'au palais où ils vont vivre. C’est une violation du contrat d'Anna qui prévoyait qu’ils vivraient dans une maison séparée. Elle envisage de retourner à Singapour à bord du navire qui les a amenés, mais finalement part avec son fils et le Kralahome. Plusieurs semaines vont s'écouler pendant lesquelles Anna et Louis sont confinés dans leurs chambres du palais sans rencontrer le Roi.
De son côté, dans la salle du trône, en présence de ses nombreuses épouses, le Roi du Siam accueille Lun Tha, un érudit birman envoyé pour étudier la conception des temples bouddhistes. Lun Tha offre au Roi un cadeau: une belle esclave, Tuptim, indépendante d'esprit, qui parle et lit l'anglais. Elle a été envoyée pour devenir l’une des épouses du Roi, qui vivent toutes dans le palais royal. Bien qu'elle soit promise au Roi, Tuptim est amoureuse de Lun Tha (My Lord and Master).
Le Roi donne enfin à Anna sa première audience. L'institutrice fait partie de son plan de modernisation du Siam; il est impressionné qu’elle le sache. Elle lui rappelle sa promesse de lui fournir sa propre maison, indépendante du Palais. Le Roi nie tout souvenir d'un tel accord, ce qui frustre fortement Anna.
Le Roi présente Anna à sa femme principale, , qui parle également anglais. Tuptim demande à Anna si elle a des livres en anglais qu'elle pourrait lire, en particulier La Case de l'oncle Tom d'Harriet Beecher Stowe, un roman sur les méfaits de l'esclavage en Amérique. Les épouses sont très curieuses de connaître les vêtements et les origines occidentales d'Anna. Anna parle de son fils et de son amour pour son défunt mari, Tom (Hello, Young Lovers).
Le Roi présente à Anna ses nouveaux élèves. Anna doit donner cours aux enfants dont les mères sont en faveur auprès de lui – plusieurs dizaines – et doit également instruire leurs mères. Parmi les enfants, il y a bien sûr l'héritier du trône, le prince Chulalongkorn. Les princes et princesses saluent Anna (March of the Royal Siamese Children). Anna est charmée par les enfants et accepte de commencer leur enseignement, malgré la déclaration du Roi selon laquelle elle doit vivre dans le palais.
Anna enseigne aux enfants des proverbes et des chansons vantant les vertus de la vie familiale, au grand dam du Roi. Ce dernier est inquiet de l’impérialisme occidental qui s’étend sur les pays voisins et craint que le Siam ne soit un jour colonisé. Il a donc suffisamment de soucis pour encore se battre contre l'institutrice et se demande pourquoi le monde est devenu si compliqué. Il commence à remettre en question sa pensée traditionnelle (A Puzzlement).
Un an plus tard, les enfants et les épouses travaillent dur pour apprendre l'anglais (The Royal Bangkok Academy). Anna, adaptée à son nouveau rôle d'enseignante, crée des liens avec ses élèves, se délectant du partage des coutumes. (Getting to Know You). Lors d'un cours de géographie, les enfants hésitent à croire certaines des nouvelles idées d'Anna. En tant que prince héritier, Chulalongkorn, conteste la carte, le Roi entre dans une salle de classe chaotique. Il ordonne aux élèves de croire leur professeur. Anna profite de l'occasion pour rappeler au Roi sa promesse de lui offrir sa propre maison. Ils se disputent, tout comme Louis et Chulalongkorn, et Anna insiste sur la lettre de son contrat, menaçant de quitter le Siam, au grand désarroi des épouses et des enfants. Le Roi lui ordonne d'obéir comme «sa servante»; elle rejette le terme et s'enfuit précipitamment. Le Roi renvoie les élèves, incertain de sa décision finale. Le départ imminent d'Anna bouleverse grandement Tuptim et Lun Tha, qui se rencontrent furtivement, avec Anna comme chaperon (We Kiss in a Shadow). Lady Thiang observe secrètement leur rendez-vous.
Pendant que Louis fait ses valises pour partir, lui et Chulalongkorn réfléchissent à leur manque de compréhension du comportement des adultes (A Puzzlement - Reprise). Dans sa chambre, Anna se souvient de la confrontation avec le Roi dans la salle de classe, sa colère grandissant (Shall I Tell You What I Think of You?). Lady Thiang, l'épouse principale du roi, demande à Anna d'aider le roi. Il a besoin des conseils d'Anna, mais la tradition et la fierté lui interdisent de les demander. C’est d’autant plus urgent que les Britanniques sont tentés de faire du Siam un protectorat... Et il est troublé par la visite prochaine d'émissaires britanniques qui le considèrent comme un barbare. Anna est choquée par ces accusations – le Roi est polygame, mais il n'est pas barbare – mais elle hésite à le voir après leur dispute. Lady Thiang la convainc que le Roi mérite son soutien (Something Wonderful).
Anna se rend vers lui et le trouve désireux de réconciliations. Le Roi lui annonce que les Britanniques envoient un envoyé à Bangkok pour évaluer la situation. Anna «suppose» – la seule manière sous laquelle le Roi acceptera les conseils d’Anna – que le Roi recevra l'envoyé à la manière européenne et que les épouses seront habillées à la mode occidentale. Tuptim a écrit une pièce de théâtre basée sur un livre qu'Anna lui a prêté, La Case de l'oncle Tom, qui peut être présentée aux invités. Lorsque les Britanniques arrivent plus tôt que prévu, le Roi appelle tout le monde à se préparer rapidement: Anna et ses épouses doivent donc rester éveillées toute la nuit pour se préparer. Le Roi rassemble sa famille pour une prière bouddhiste pour le succès de l'entreprise et promet également devant Bouddha qu'Anna recevra la maison qu'elle réclame depuis longtemps.
A.2) Acte II
Les épouses sont vêtues de leurs nouvelles robes et chaussures de style européen, qu'elles trouvent inconfortables (Western People Funny). Dans la précipitation des préparatifs, la question des sous-vêtements a été négligée et les épouses n'ont pratiquement rien sous leurs robes. Lorsque l'envoyé britannique, Sir Edward Ramsay, arrive et les regarde à travers un monocle, ils sont paniqués par le «mauvais œil» et soulèvent leurs jupes par-dessus leur tête en s'enfuyant. Sir Edward reste diplomate à propos de l'incident. Lorsque le Roi est rappelé, il apparaît que Sir Edward est un ancien amour d'Anna, et ils dansent en souvenir du bon vieux temps, alors qu'Edward la presse de revenir dans la société britannique. Le Roi revient et leur rappelle avec irritation que la danse est pour après le dîner.
Alors que les préparatifs pour la pièce s’achèvent, Tuptim vole un moment pour retrouver Lun Tha. Il lui dit qu'il a un plan d'évasion et qu'elle doit se tenir prête à partir après la représentation (I Have Dreamed). Anna les rencontre et ils se confient à elle (Hello, Young Lovers - Reprise).
Dans le pavillon du théâtre, Tuptim et les danseurs et chanteurs royaux présentent une version siamoise du livre de Harriet Beecher Stowe (The Small House of Uncle Thomas, ballet raconté chorégraphié à la création). Tuptim est la narratrice et elle raconte à son auditoire l’histoire du méchant Roi Simon de Legree et sa poursuite de l'esclave en fuite Eliza. Eliza est sauvée par Bouddha, qui gèle miraculeusement une rivière et la cache dans la neige. Bouddha fait alors fondre la rivière, noyant le roi Simon et son groupe de chasseurs. Le message antiesclavagiste est direct.
Après la pièce, Sir Edward révèle que la menace britannique a reculé, mais le Roi est distrait par son mécontentement face au message rebelle de Tuptim. Tuptim enhardi confronte le Roi à propos de l'esclavage, mais il la remet rapidement à sa place. Ensuite, elle disparaît pour rencontrer Lun Tha.
En dehors de l'éclat de Tuptim, le Roi et Anna se réjouissent du succès de la soirée. Les Britanniques ne considèrent plus le Roi comme un barbare. Après le départ de Sir Edward, le Roi offre une bague à Anna, en guise de remerciement.
La police secrète rapporte que Tuptim a disparu. Le Roi se rend compte qu'Anna sait quelque chose; elle répond à ses questions en lui demandant pourquoi il devrait s'en soucier, car Tuptim n'est qu'une femme parmi beaucoup d’autres pour lui. Il est ravi qu’elle comprenne enfin la manière de penser siamoise. Anna et le Roi commencent à partager leurs réflexions sur les relations entre hommes et femmes. (Song of the King). Anna essaie de lui expliquer les coutumes occidentales de la cour et lui raconte ce que c'est pour une jeune femme de danser une danse formelle (Shall We Dance?). Le Roi exprime sa curiosité pour la danse de style occidental et exige qu'elle lui apprenne la danse. Anna et le Roi dansent ensemble une polka exubérante durant laquelle ils expérimentent et expriment l’un pour l’autre un amour qu’ils ne peuvent jamais exprimer à voix haute.
Le Kralahome l'interrompt en annonçant que Tuptim a été capturée et que la recherche de Lun Tha se poursuit. Elle est amenée et le Roi s'apprête à la fouetter, même si elle nie qu'elle et Lun Tha soient amants. Anna essaie de l'en dissuader, mais il est déterminé à ce que l’influence de cette jeune institutrice anglaise ne change pas sa décision, et il prend lui-même le fouet. Il se tourne pour fouetter Tuptim, mais Anna, le suppliant de ne pas la punir de cette façon, traite le roi de barbare. Incapable de continuer, le Roi sort précipitamment.
Lorsque Lun Tha est retrouvé mort, Tuptim est emmenée, jurant de se tuer. On n’entendra plus parler d’elle… Anna demande au Kralahome de rendre sa bague au Roi; l’institutrice et le Premier Ministre expriment leur souhait qu’elle ne soit jamais venue au Siam.
Plusieurs mois s'écoulent sans contact entre Anna et le Roi. Anna est prête à embarquer à bord d'un navire quittant le Siam. Chulalongkorn arrive avec une lettre du Roi, qui n'a pas réussi à résoudre ses conflits intérieurs et est en train de mourir.
Anna se précipite au chevet du Roi où les épouses, les enfants et les prêtres veillent sur le Roi mourant. Ils se réconcilient. Le Roi la persuade de reprendre l'anneau et de rester et d'aider le prochain roi, Chulalongkorn. Le Roi demande à Anna d'apprendre aux enfants à être courageux et Anna décide de rester (I Whistle A Happy Tune - Reprise). Le mourant supplie Anna d’écouter le futur Roi et demande au garçon de dorénavant donner des ordres comme s'il était Roi. Le prince ordonne la fin de la coutume de prosternation qu' détestait. Le Roi accepte cette décision à contrecœur. Alors que Chulalongkorn continue, prescrivant un salut moins pénible pour montrer son respect au Roi, son père meurt. Le prince Chulalongkorn, maintenant Roi, proclame une nouvelle vision pour le Siam, inspirée des enseignements d'Anna.
Anna s'agenouille près du défunt Roi, lui tenant la main et l'embrassant, tandis que les épouses et les enfants s'inclinent ou font la révérence, un geste de respect envers l'ancien et le nouveau Roi. (Finale Ultimo).
B) Personnages
B.1) Anna Leonowens
Veuve d'origine galloise originaire de l'Angleterre victorienne, Anna a été engagée par le Roi de Siam comme enseignante des enfants royaux. Bien que son défunt mari était officier dans l'armée de Sa Majesté, Anna visite le Siam pour la première fois. Face à un adversaire imposant en la personne du Roi, Anna défend avec confiance ce qu'elle croit être juste. Avec une persévérance sans faille, elle gagne le respect du Roi et contribue finalement à sauver son royaume. Finalement, Anna décide de rester au Siam avec son fils Louis pour continuer à enseigner aux enfants royaux.
B.2) Le Roi
Puissant, intelligent et intellectuellement curieux, le dirigeant du Siam ne tolérera le manque de respect de la part de personne. Alors que les pays voisins adhèrent aux idéaux du monde moderne, le Roi souhaite que le Siam adopte le meilleur de la culture occidentale, notamment une imprimerie. Lorsque les enseignements d'Anna remettent en question les coutumes bien ancrées du Roi, il se retrouve pris entre les traditions de son propre monde et son désir de changement. Dans ses derniers instants, le Roi accorde la bénédiction à son fils de diriger le Siam avec une nouvelle vision audacieuse.
B.3) Louis Leonowens
Fils d'Anna, âgé d'environ huit ans, Louis a été élevé dans la classe moyenne de l'époque victorienne. Il est curieux, poli et sincèrement respectueux de son entourage. Bien qu'ayant peur du Siam au début, Louis se lie d'amitié avec le Prince Chulalongkorn et apprend à apprécier les habitants et les coutumes de sa nouvelle maison.
B.4) Lady Thiang
En tant qu'épouse principale du Roi, Lady Thiang dirige le palais. Son fils, le Prince Chualongkorn, est l'héritier du trône et elle le surveille attentivement. Instruite en anglais par un missionnaire, Lady Thiang est plus indépendante que le Roi ne le pense et elle noue un lien particulier avec Anna. Avec amour, compréhension et admiration pour le Roi, elle agit pour servir ses meilleurs intérêts, convainquant Anna de l'aider lorsque les dignitaires britanniques remettent en question sa dignité à servir de Roi.
B.5) Tuptim
Jeune femme offerte au Roi comme cadeau d'un prince de Birmanie, Tuptim est amoureuse du jeune érudit Lun Tha. Même si elle doit se montrer réservée en présence du Roi, Tuptim est forte, indépendante et intelligente. Elle parle anglais et est enthousiasmée par la perspective de lire les livres d'Anna, en particulier La Case de l'oncle Tom, qu'elle présente plus tard avec défi comme une pièce de théâtre délivrant un message anti-esclavagiste pointu au Roi.
B.6) Lun Tha
Amour secret de Tuptim, Lun Tha est un jeune érudit birman qui amène Tuptim au roi au nom du Prince de Birmanie. Bien que les amoureux tentent de garder leur histoire d'amour secrète, Lady Thiang observe leur relation naissante, dont elle sait qu'elle est une erreur fatale. Rêvant d'une nouvelle vie où il pourrait être avec Tuptim, Lun Tha est déterminé à la sauver du Roi. Il tente de s'échapper avec elle, mais ses efforts sont tragiquement contrecarrés.
B.7) Prince héritier Chulalongkorn
Le Prince héritier Chulalongkorn est l'héritier du trône du Roi et reçoit donc un traitement déférent de la part de toute la cour. Bien qu'il essaie de marcher sur les traces de son père, le Prince se demande ce que sont réellement ces traces. Méfiant des enseignements d'Anna au début, il se lie rapidement d'amitié avec son fils Louis et trouve finalement de la valeur dans leur influence. Lorsque le Roi tombe gravement malade, le Prince Chulalongkorn monte sur le trône pour poursuivre une nouvelle vision pour le Siam.
B.8) Le Kralahome
Bras droit du Roi, sorte de «Premier ministre», le Kralahome veille à tout moment sur le Roi, le protégeant de tout ce qui pourrait se mettre en travers de son chemin. Il conspire également avec Lady Thiang alors qu'ils savent tous les deux ce que le Roi a besoin d'entendre.