8.
1943 - Oklahoma!

 9.2.
Le Golden Age
en un coup d'œil

 9.3.4.
Allegro
(1947)

 9.3.6.
The King and I
(1951)

 9.4.
Irving Berlin
(Partie 4)

 10.
1964-1970
La crise

Pour ceux qui ne connaissent pas l'œuvre, le synopsis et une description des personnages se trouve en bas de cette page ()

A) Contexte créatif

Malgré le semi-échec d’Allegro (), Rodgers et Hammerstein restaient les maîtres du musical à Broadway. Ils avaient une règle simple: ne pas faire aujourd’hui ce que l’on a fait hier, ou demain ce que l’on fait aujourd’hui. Mais comme l’affirmait aussi Hammerstein souvent avec confiance, il ne faut pas décider en fonction des désirs du public:

«Nous décidons de ce que nous voulons faire et, ensuite, nous espérons que le public le voudra aussi.»

Oscar Hammerstein II


Bien sûr, il s’agit ici de déclarations publiques à laquelle la réalité peut ajouter certains bémols. Rappelons que Carousel () était inspiré de Liliom, une histoire se déroulant en Hongrie. L’action pour Carousel () a quand-même été transférée aux Etats-Unis car, en cette sortie de guerre, il n’y avait aucun moyen de savoir comment le public réagirait à une histoire se déroulant en Hongrie. Mais même s’ils n’écrivaient pas en fonction des goûts du public, on peut souligner, en analysant leur énorme succès dans les années ‘40 et ’50, qu’ils avaient la capacité de créer des œuvres qui allaient plaire au public.

Il est intéressant aussi de remarquer que sur les 5 musicals les plus réussis du duo: Oklahoma! (), Carousel (), South Pacific (), The King and I () et The Sound of Music (), quatre concernent d’une manière ou d’une autre la Seconde Guerre mondiale. Compte tenu de l’humeur de l’époque en cette fin des années ‘40, Rodgers et Hammerstein pouvaient difficilement éviter de traiter de sujets qu’un monde en guerre avait fait remonter à la surface, par exemple, la fragilité de la vie elle-même, le courage des gens ordinaires dans des situations extraordinaires et le désir ardent de croire en la vie après la mort.

À cela, Hammerstein a ajouté ses propres convictions: la haine peut être désapprise, il y a de la lumière au bout du tunnel, et «vous ne marcherez jamais seul». Cela semble cliché? Peut-être… Mais une partie du succès de Rodgers et Hammerstein à cette époque a été la capacité d’Hammerstein à dépasser ces clichés et à amener le public à réagir viscéralement car il ressentait la force de l’engagement personnel des auteurs. Et nous avons vu (), les deux hommes étaient politiquement très engagés. Une fois que leur foi dans leur message s’affaiblira, il en sera de même de leurs spectacles. Mais nous n’en sommes pas là et à cette époque, ils étaient animés d’une vigueur et d’une conviction en leur travail qui balayait tout ce qui l’avait précédé. Et avec le premier de leurs musicals à aborder un contexte de guerre réel – ce qui n’était pas le cas de Carousel -, ils allaient mettre sur scène de vraies personnes dans des situations réelles.

B) Genèse

B.1) “Tales of the South Pacific » de James Michener

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Le musical South Pacific () s’inspire d’un recueil de nouvelles, Tales of the South Pacific, de James Michener. La personnalité de James Michener est intéressante… Bien le professeur d’anglais James Michener aurait pu éviter le service militaire pendant la Seconde Guerre mondiale en tant que Quaker – pouvant arguer une objection de conscience -, il s'est volontairement enrôlé dans la marine américaine en octobre 1942. Il n'a été envoyé sur le front du Pacifique Sud qu'en avril 1944. En fait, l’armée ne l’a pas affecté au combat mais, vu sa formation littéraire, lui a demandé d’écrire l’histoire de la Marine dans le Pacifique, ce qui l’a amené à voyager beaucoup. Il a survécu à un accident d'avion en Nouvelle-Calédonie; l'expérience de mort imminente l'a motivé à écrire plutôt de la fiction et, en guise d’inspiration, il a commencé à écouter les histoires racontées par les soldats.

Tales of the South Pacific a été un énorme succès et a remporté un Prix Pulitzer lors de sa publication en 1947. Le livre a été remarqué par un scénariste de la MGM, qui l’a fait circuler, et il est tombé entre les mains Josh Logan - scénariste et metteur en scène (dont de Annie get your Gun ()) qui travaillait alors sur la pièce de théâtre Mister Roberts. À la lecture, Logan a immédiatement décelé que cela pourrait être la source d’un spectacle. Il a conclu un arrangement avec le producteur Leland Hayward et l’auteur de Tales of the South Pacific pour développer les histoires en une pièce de théâtre. Quelques temps plus tard, Logan en parla à Rodgers; et une fois que Rodgers et Hammerstein ont eu lu le livre, ils ont émis le souhait d’en faire un musical.

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Ezio Pinza qui jouera Emile de Becque

B.2) Difficultés d’écrire un musical

L’intérêt s’est concentré sur l’une des 19 nouvelles du livre, Fo' Dolla, une histoire d’amour entre un jeune officier, Lieutenant de marine américain, Joe Cable, et Liat, une jeune tonkinoise. Cette histoire d’amour allait être la colonne vertébrale du musical. Mais il y avait aussi un intérêt pour une autre nouvelle, Our heroine, traitant d’un planteur français d’âge moyen, Emile De Becque, et de sa liaison avec une jeune infirmière américaine de l’Arkansas, Nellie Forbush. Le candidat idéal pour jouer le rôle de De Becque s’est rapidement orienté vers Ezio Pinza, un célèbre basse du Metropolitan Opera, qui était intéressé à faire une passage très peu orthodoxe pour l’époque de l’opéra vers le théâtre musical populaire ou le cinéma.

Rodgers a déclaré: «Ezio Pinza est venu sur la côte est en juin pour faire une émission de radio, et nous nous sommes arrangés pour le rencontrer à l’heure du déjeuner au Plaza. Nous sommes ensuite allés à son émission et l’avons entendu chanter devant un public.» Selon Hammerstein, au moment où ils ont vu la réaction du public, leur décision était prise. Ils allaient réécrire le scénario pour faire de De Becque le héros principal de leur musical.

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Mary Martin dans «Annie Get Your Gun»

Mary Martin, qui jouait alors le rôle principal dans l’US Tour d’Annie get your Gun () sur la côte ouest, était la candidate parfaite pour incarner Nellie Forbush. Mais quand elle a appris qu’elle jouerait avec pour partenaire une basse d’opéra, elle a pris peur. Rodgers a déclaré: «Elle était morte de peur. Elle ne voulait pas être ridiculisée par une star du Metropolitan Opera. Elle ne se fait aucune illusion sur son chant…»

Rodgers savait qu’il y avait une solution simple: ne jamais les faire chanter tous les deux en même temps. En attendant, ils avaient deux acteurs puissants alignés … mais encore aucun scénario.

Comme l’envisageaient ses auteurs, South Pacific (), devait aborder le thème des préjugés raciaux. Nellie Forbush, la jeune infirmière américaine, est presque prête à épouser De Becque, le riche planteur français, jusqu’à ce qu’elle apprenne qu’il a des enfants d’une femme polynésienne. Dans la source du musical Tales of the South Pacific, Michener dit clairement qu’aux yeux de Nellie «toute personne qui n'était ni blanche, ni jaune, était un nègre». En fait, dans le livre Emile De Becque a huit filles, hors mariage, avec plusieurs femmes de la région. Nellie, est prête à accepter deux des enfants, ceux d'origine franco-asiatique, qui vivent dans la maison d'Emile mais elle est totalement déconcertée par les deux autres filles qui vivent là, preuve que le planteur avait cohabité avec une Polynésienne noire. À son grand soulagement, elle apprend que cette femme est morte, mais Nellie met sa relation avec Emile De Becque en danger car elle est dans un premier temps totalement incapable d'accepter les «enfants nègres» d'Emile. Sa lutte pour faire face à cela constitue la base de leur histoire. On est très loin ici de ce que veut, spontanément, entendre le grand public de Broadway. Mais ce n’est pas tout…

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Joshua Logan (metteur en scène) et Richard Rodgers (compositeur)
lors des auditions de «South Pacific»

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Le lieutenant Joe Cable, le jeune officier de marine américain issu de Philadelphie et de Princeton, a une liaison avec Liat, une jeune tonkinoise, et doit également faire face à plein de préjugés. Ici encore, le racisme est abordé sans détours. Or nous sommes aux Etats-Unis en 1949!

Des petits morceaux d’autres nouvelles sont également intégré dans les projets de scénario, comme le personnage de Bloody Mary ou l’idée d’espionner les japonais.

Tous ces élément très forts auraient dû galvaniser Hammerstein pour l’écriture d’un scénario fort et cohérent. Mais ce fut juste le contraire. Comme nous l’avons dit, au départ, la colonne vertébrale du musical devait être l’histoire d’amour entre le jeune Lieutenant, Joe Cable, et Liat, la jeune tonkinoise (nouvelle Fo' Dolla). Mais craignant d’écrire une adaptation trop centrée sur Cable et Liat, qui en fait ressemble trop à Madama Butterfly, Hammerstein a passé des mois à étudier les autres nouvelles et a concentré son attention sur Our Heroine, le récit de la romance entre Nellie et Emile.

Logan va aider Hammerstein pour l’écriture. Et ils ont décidé d'inclure les deux histoire d’amour (Cable/Liat & Nellie/Emile) dans le musical. Habituellement, à l’époque dans un musical, si une histoire d’amour était sérieuse, l’autre serait plus comique. Mais ici, les deux étaient sérieuses et perturbées par des préjugés raciaux. Ils ont décidé de renforcer le rôle de Luther Billis, un marin, dont les manigances apporteraient un soulagement comique.

Dans les premières versions du musical, Hammerstein avait donné des rôles importants à deux personnages qui n'ont finalement eu que des rôles mineurs, Bill Harbison et Dinah Culbert:

  • Bill Harbison est l'un des personnages majeurs du recueil de nouvelles Tales of the South Pacific: officier modèle au début de l’histoire, il s’affaiblit peu à peu au point que, une fois la bataille imminente, il demande à son influent beau-père de lui procurer une mutation vers un poste beaucoup plus sûr aux États-Unis. Hammerstein l'a conçu comme un rival amoureux d'Emile dans sa relation avec Nellie. Il lui a donné une chanson, The Bright Young Executive of Today. Alors que les remaniements successifs du scénario recentraient l’intrigue sur les deux couples, Bill Harbison devint moins essentiel et il fut relégué à un petit rôle de directeur général du commandant de l'île, le Capitaine Brackett.
  • Dinah, infirmière et amie de Nellie, est également un personnage majeur dans le travail de Michener et pouvait être la source d’un intérêt amoureux avec Luther Billis, même si les règlements de la Marine interdisant la «fraternisation» entre les officiers (or toutes les infirmières américaines de la Seconde Guerre mondiale étaient des officiers brevetés) et les hommes enrôlés. La chanson I'm Gonna Wash That Man Right Outa My Hair est au départ un duo pour Dinah et Nellie, Dinah commençant la chanson et développant son thème. Cette chanson parle de femmes déçues par leurs amoureux prétendent qu’elles vont se débarrasser de leurs hommes comme elles se lavent les cheveux. Mais, au fur et à mesure des réécritures, l'amitié entre Nellie et Dinah est devenue de plus en plus accessoire à l'intrigue. Hammerstein a finalement réalisé que la décision de «laver Emile de ses cheveux» devait appartenir à Nellie seule. Ce n'est qu'à ce moment-là que la scène a pu trouver tout son potentiel dramatique lors de la transition émotionnelle de Nellie, lorsqu'elle réalise son véritable amour pour Emile. Dans la version finale, Dinah conserve une seule ligne solo dans la chanson.

B.3) Des thèmes forts et moins forts

  Le racisme  Une des raisons du succès de South Pacific (), et le fait qu’il soit devenu un classique, est la manière dont il aborde de front la problématique du racisme. Selon le professeur Philip Beidler:

«La tentative de Rodgers et Hammerstein d'utiliser la scène de Broadway pour faire une déclaration courageuse contre le sectarisme racial en général et le racisme institutionnel dans les États-Unis d'après-guerre en particulier fait partie de la légende de South Pacific.» Même si Tales of the South Pacific traite de la question du racisme, il ne lui donne pas la place centrale qu'elle prend dans le musical. Andrea Most, écrivant sur la «politique raciale» dans South Pacific, suggère qu’à la fin des années ‘40, des libéraux américains, tels que Rodgers et Hammerstein, se sont tournés vers la lutte pour l’égalité raciale y voyant un moyen pratique de faire avancer leurs idées progressistes sans risquer d’être considérés comme communistes. Trevor Nunn, metteur en scène du revival du West End en 2001, souligne l'importance que Nellie, une sudiste, termine la pièce sur le point de devenir la mère d'une famille interraciale: «Cela a été joué en Amérique en 1949. C'est un slogan politique.»

Philip Beidler - «South Pacific and American remembering: Or, 'Josh, we're going to buy this son of a bitch'»
Journal of American Studies – 1993


Comme nous l’avons déjà mentionné, dès les premières versions, Hammerstein et Logan ont placé la question des préjugés raciaux au cœur de l'histoire. Hammerstein a réécrit à plusieurs reprises la scène se déroulant dans les coulisses des Thanksgiving Follies (acte II) où Emile De Becque, Nellie Forbush et Joe Cable s’affrontent à propos de la question du racisme américain: Joe, rempli de dégoût pour lui-même, finira par avouer dans You’ve Got To Be Carefully Taught qu’on ne naît pas raciste, c’est quelque chose que l’on nous enseigne. Robert Butler a souligné dans le dossier pédagogique élaboré pour la production londonienne de 2001: «Si un jeune a un préjugé raciste, il peut s'agir d'une faille de caractère; si deux jeunes partagent un préjugé raciste, cela nous apprend quelque chose sur la société dans laquelle ils ont grandi». Dans une des versions de travail, Emile allait jusqu’à affirmer que les Américains, aux niveaux de leurs préjugés racistes, ne valent pas mieux que les puissances de l’Axe – on est à 3 ans de la fin de la deuxième guerre mondiale où les nazis ont développé des théories raciales terrifiantes! Il suggère qu’ils rentrent chez eux pour chanter des chansons affirmant que tous les hommes ont été créés libres et égaux. Mais il est clair que cette comparaison aurait offensé le public américain d'après-guerre. Dans la version définitive, Emile se limite à affirmer que les préjugés ne sont pas innés.

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William Tabbert (Lt. Joseph Cable) et Betta St. John (Liat)
lors des répétitions de «South Pacific»

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Donc, au cœur de cette scène se trouve la chanson de Joe Cable You’ve Got To Be Carefully Taught dans laquelle Joe Cable prend conscience des sources de son propre racisme. Ses paroles franches en ont fait peut-être l’élément le plus controversé de South Pacific (). James Michener (l’auteur du recueil de nouvelles Tales of the South Pacific qui a servi de base à South Pacific (), rappelons-le) a affirmé dans ses mémoires qu'une délégation d'habitants de la Nouvelle-Angleterre l'avait contacté après un Try-out de South Pacific () à New Haven et lui demandé d’exiger le retrait de la chanson de Rodgers et Hammerstein. Lorsque Michener l'a dit à Hammerstein, ce dernier a ri et a répondu: «C'est de ça dont on parle dans le spectacle!» Elliot Norton, critique théâtral de Boston, après un autre Try-out, a fortement recommandé la suppression de la chanson, ou du moins que Joe Cable la chante moins «vivement», car il y avait beaucoup de sectarisme à Boston. Logan a répondu que c'était une raison de plus pour la laisser telle quelle dans le musical. Plusieurs critiques new-yorkais ont exprimé leur malaise avec la chanson: Wolcott Gibbs s’est plaint de «quelque chose appelé You’ve Got To Be Carefully Taught, un poème faisant l'éloge de la tolérance et que j'ai trouvé un peu embarrassant»; John Mason Brown a estimé qu'il était «un peu affligé par le didactisme outrancier d’un plaidoyer pour la tolérance comme You’ve Got To Be Carefully Taught».

Après l'ouverture de Broadway, Hammerstein a reçu un grand nombre de lettres concernant You’ve Got To Be Carefully Taught. À en juger par les lettres qui restent parmi ses papiers à la Library of Congress, la réaction de nombreux spectateurs à cette chanson a été mitigée.

Mais lorsque le spectacle est parti en US Tour, la réaction a encore parfois été pire. Par exemple quand le spectacle est arrivé dans un théâtre à Wilmington, Delaware, qui pratiquait la ségrégation raciale dans ses sièges. Rodgers et Hammerstein ont menacé d'annuler les représentations à moins que les sièges soient accessibles à tous, ce qui fut décidé. En 1953, lors de la tournée à Atlanta, il y eut une controverse sur You’ve Got To Be Carefully TaughtYou’ve Got To Be Carefully Taught. Deux élus de l'État de Géorgie, le sénateur John D. Shepard et le représentant David C. Jones, se sont opposés à la chanson, déclarant que même si South Pacific () était un excellent divertissement, cette chanson «contenait une philosophie sous-jacente inspirée par Moscou» et expliquait: «Les mariages mixtes produisent des métis. Et les métis ne sont pas propices à un type supérieur de société. Dans le Sud, nous avons des lignées de sang pur et nous avons l'intention de garder cela ainsi.» Ils ont déclaré qu'ils prévoyaient d'introduire une législation interdisant ces œuvres d'inspiration communiste. Finalement, on n’est pas très loin des théories nazies… Lorsqu'on lui a demandé son avis, Hammerstein a répondu qu'il ne pensait pas que ces élus représentaient bien leurs électeurs et qu'il était surpris par la suggestion selon laquelle tout ce qui est bon et décent doit nécessairement provenir de Moscou. En partie à cause de la chanson You’ve Got To Be Carefully Taught, les compagnies de South Pacific () en tournée dans le sud des Etats-Unis ont eu du mal à remplir les salles !!!

Dans la scène finale de l'acte I, Nellie rejette Emile parce qu’il a des enfants en partie polynésiens. En faisant cela, Nellie ne respecte pas l'idéal américain selon lequel «tous les hommes sont créés égaux» qu'Emile avait affirmé plus tôt. Cette scène a également été adoucie par Hammerstein: dans les premières versions, Nellie, initialement incapable de trouver un mot pour décrire la première épouse d'Emile, que lui qualifie de «polynésienne», finit par utiliser le terme »coloré«. Cette déclaration, qui rend le personnage de Nellie moins sympathique, a été restaurée pour le revival de 2008 au Lincoln Center. Comme l'a commenté Frank Rich du New York Times: «C'est bouleversant parce que Nellie n'est pas un stéréotype de raciste - elle est adorable... Beaucoup soutiennent que même Emile est entaché de racisme, car son style de vie dépend du maintien d’un système dans lequel il bénéficie d’une main-d’œuvre indigène sous-payée. Bloody Mary est capable d’attirer des travailleurs pour fabriquer des jupes en herbe à vendre aux GI qui ne sont, comme elle le dit, que des «salauds avares de planteurs français!»»

  Evolution dans la représentation des femmes…  Mais tout n’est pas si «politiquement moderne» dans South Pacific ()… Intéressons-nous au trajet de Nellie Forbush. Elle quitte Little Rock, Arkansas, pour servir comme infirmière dans la Marine avant de revenir à la vie domestique lors de la scène finale. En fait, c’est assez représentatif de l'expérience de nombreuses femmes américaines de l'époque. Elles sont entrées sur le marché du travail pendant la guerre – dans des usines ou à l’armée – pour finalement se rendre compte que, une fois la guerre terminée, la société s'attend à ce qu'elles rendent leurs emplois aux hommes et retournent s’occuper de leurs foyers. Dans cette fin des années ’40, la meilleure manière pour une femme de s’assurer une sécurité financière était de se marier et de devenir femme au foyer. Après s’être attaqué de front au racisme, on peut dire que nos auteurs ont été moins courageux quant à la défense des droits des femmes. Un moyen d'assurer l'acceptation des choix de Nellie de se marier avec un homme qui avait des enfants métis, était d’édulcorer son passé sexuel par rapport à celui du personnage de l'œuvre de Michener qui avait elle un petit ami en Arkansas et vivait une liaison avec Bill Harbison pendant son séjour sur l'île. La Nellie de South Pacific () sera beaucoup plus sage…

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William Tabbert (Lt. Joseph Cable) et Betta St. John (Liat)
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Les personnages masculins de South Pacific () se fondent aussi totalement dans les stéréotypes de l’époque. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la masculinité du soldat américain ne faisait aucun doute publiquement. La virilité de Joe Cable est évidente pour le public. Bien que Billis exploite une blanchisserie – où Nellie, en bonne ex- et future ménagère, le félicite particulièrement pour la qualité de ses plis – et apparaisse en jupe d'herbe dans les Thanksgiving Follies, ces actes sont cohérents avec son désir d'argent et se veulent clairement comiques. Son appétit sexuel pour les jeunes femmes de l'île de Bali H'ai crée sa masculinité.

Meryle Secrest, dans sa biographie de RodgersSomewhere for Me: A Biography of Richard Rodgers» - 2001), théorise que South Pacific () marque une transition pour le duo Rodgers et Hammerstein dans sa conception du couple. On passe de héros et héroïnes qui ont plus ou moins le même âge vers des histoires entre des hommes puissants plus âgés et des femmes plus jeunes qui sont attirées par eux. Lovensheimer (dans «South Pacific: Paradise Rewritten») n’est pas d’accord avec Meryle Secrest. Il souligne que son affirmation ne vaut que pour deux de leurs cinq musicals ultérieurs: The King and I () et The Sound of Music (). Et encore, dans le premier, l'amour entre Anna et le roi n'est pas exprimé en mots. Lovensheimer affirme qu'une transition différente a eu lieu: dans leurs nouveaux scénarios, à commencer par celui du South Pacific (), les femmes ressentent le besoin de s’intégrer au monde de leur amoureux et leur enjeu est donc d’accepter ce monde pour réussir et être acceptée elles-mêmes. Dans les musicals précédents, Oklahoma! () et Carousel (), à contrario, un homme entre dans le monde de sa femme:

  • Curly dans Oklahoma! () est sur le point de devenir agriculteur avec des espoirs de succès
  • Billy Bigelow dans Carousel () ne parvient pas à trouver du travail après avoir quitté sa place d'aboyeur
  • en ce qui concerne Allegro (), pour Lovensheimer, il s’agit d’une transition où les tentatives du personnage féminin principal de modifier le monde de son mari Joe pour l'adapter à son ambition conduisent à la rupture de leur mariage. Il affirme que l'infirmière Emily, qui accompagne Joe à son retour dans la petite ville où il était heureux, est une précurseure de Nellie, déracinant sa vie à Chicago pour Joe

B.4) Casting

  Ezio Pinza pour jouer Emile De Becque  En mai 1948, Rodgers reçut un appel téléphonique d'Edwin Lester du Los Angeles Civic Light Opera. Lester avait engagé pour 25.000$ Ezio Pinza, une ancienne star du Metropolitan Opera, pour jouer dans un nouveau spectacle, M. Ambassador. Mais ce spectacle n’avait pas été écrit et ne le serait jamais. Lester espérait que Rodgers rachèterait le contrat de Pinza. En plus, comme nous l’avons dit, Pinza s'ennuyait en tant que basse lyrique du MET et, après avoir joué dans les plus grands opéras, il cherchait d'autres mondes à conquérir: cinéma et musicals.

Comme nous l’avons aussi décrit ci-dessus, Rodgers et Hammerstein, après avoir assisté à une émission radio où il chantait, ont immédiatement vu en Ezio Pinza le chanteur parfait pour le rôle d'Emile de Becque. C’est Lester qui a abordé le sujet avec Pinza et lui a fourni une copie du recueil de nouvelles Tales of the South Pacific. Lorsque Pinza a lu le livre, il a dit à Lester: «Vendez-moi tout de suite!». Le contrat de Pinza pour South Pacific () comprenait une clause limitant son chant à 15 minutes par représentation. Avec la signature de Pinza, Rodgers et Hammerstein ont décidé de lui confier le rôle masculin principal, c’est-à-dire de faire passer au second plan de leur scénario le couple de jeunes amants (Joe Cable et Liat). Il était totalement inhabituel à Broadway que le protagoniste amoureux soit un homme plus âgé, Ezio Pinza a à ce moment 56 ans! Il s’agit d’un pari qui sera gagnant.

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Mary Martin (Nellie Forbush)
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  Mary Martin pour jouer Nellie Forbush  
Pour le rôle de Nellie, Rodgers et Hammerstein ont fait appel à Mary Martin, qui avait failli être choisie pour jouer le rôle de Laurey dans Oklahoma! (). Martin jouait à ce moment le rôle-titre dans l’US Tour d’Annie get your Gun (). Après que Hammerstein et Rodgers l'aient vue jouer à Los Angeles au milieu de l'année 1948, ils lui ont demandé d'envisager le rôle. Comme nous l’avons vu, Martin hésitait à chanter face à la voix puissante de Pinza et Rodgers lui a assuré qu'il veillerait à ce que les deux ne chantent jamais en même temps, une promesse qu'il a en grande partie tenue. Rodgers et Martin vivaient l'un près de l'autre dans le Connecticut et, après sa tournée, Rodgers a invité Martin et son mari, Richard Halliday, chez lui pour entendre les trois chansons du futur musical qu'il avait terminée, aucune d'entre elles n’étant pour Nellie. Some Enchanted Evening (chanson pour Emile De Becque) a particulièrement frappé Martin, et bien que déçue que la chanson ne soit pas pour elle, elle a accepté de jouer le rôle.

Bien que Nellie et Emile soient déjà des personnages pleinement développés dans les nouvelles de Michener, lors de la création de South Pacific (), Rodgers, Hammerstein et Logan ont commencé à modeler les personnages spécifiquement aux talents de Martin et Pinza et à adapter la musique à leurs voix.

Mary Martin sous la douche

Mary Martin elle-même a eu une idée qui s’est transformée en chanson. Alors qu’elle prenait une douche un jour, il lui est venu à l’esprit qu’elle n’avait jamais vu une actrice se laver les cheveux, vraiment se laver les cheveux, sur scène. Elle a couru nue pour demander à son mari ce qu’il en pensait. «N’ose dire cela à personne», a-t-il dit. «Pas à une âme. Si tu le fais, ils vont trouver ça bien, et ensuite tu devras le faire sur scène huit fois par semaine.» Quelques instants plus tard, elle avait Josh Logan était au téléphone et lui a rapidement parlé de l’idée, lui jurant de ne pas la transmettre à Dick et Oscar. «Alors, naturellement, se souvient Martin, Logan et moi leur avons dit à tous les deux. Ils ont dit que si j’étais prête à le faire, ils adoreraient l’idéeI’m going to Wash That Man Right Outa My Hair est devenu la brève déclaration d’indépendance de Nellie vis-à-vis d’Emile.
Et parce que Martin ne pouvait jamais rincer tout le savon de ses cheveux sur scène, elle se lavait les cheveux à nouveau dans sa loge après chaque représentation, puis à la maison avant le spectacle du lendemain. Elle a calculé qu’elle finissait par se laver les cheveux plus de vingt fois par semaine – pendant trois ans et demi à New York et à Londres.

«Something Wonderful - Rodgers and Hammerstein's Broadway Revolution»
Todd S. Purdum (2019)

Martin a influencé plusieurs de ses chansons. Un jour, alors qu'elle prenait sa douche pendant les répétitions, elle a eu l'idée d'une scène dans laquelle elle se laverait les cheveux sur scène! Cela a donné naissance à I'm Gonna Wash That Man Right Outa My Hair. Construite autour d'une douche primitive dont Logan se souvenait de son temps à l'armée, la chanson est devenue l'une des plus commentées de South Pacific ().

Pour présenter une autre chanson à Martin, Rodgers l'a appelée dans son appartement, où lui et Hammerstein ont joué I'm in Love with a Wonderful Guy pour elle. Lorsque Martin l'a essayé elle-même, elle a chanté les 26 derniers mots, comme prévu, d'un seul souffle, et est tombée de son banc de piano. Rodgers l'a regardée: «C'est exactement ce que je veux. Ne le faites jamais différemment. Nous devons sentir que vous ne pouviez plus faire sortir un autre son.»

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Juanita Hall (Bloody Mary)
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  Autres rôles  Les producteurs ont organisé de nombreuses auditions pour distribuer les autres rôles. Myron McCormick a été choisi pour incarner Billis; selon Logan, personne d'autre n'a été sérieusement envisagé. Les deux rôles qui ont donné le plus de fil à retordre étaient ceux de Joe Cable et Bloody Mary. Ils ont essayé d'obtenir Harold Keel pour le rôle de Cable (il avait joué Curly dans la production du West End de Londres d'Oklahoma! () mais il avait signé un contrat avec MGM sous le nom de Howard Keel. William Tabbert a finalement été choisi pour incarner Joe Cable, bien que Logan lui ait demandé de perdre près de 10 kg. La chanteuse afro-américaine Juanita Hall été choisie pour incarner Bloody Mary. Logan se souvient que lors de son audition, elle avait pris une pose accroupie qui signifiait: «Je suis Bloody Mary et n'ose pas choisir quelqu'un d'autre que moi!»

Betta St. John, qui avait remplacé Bambi Linn dans le rôle de Louise dans Carousel (), a été choisie pour créer le rôle de Liat.

Logan a mis en scène, Mielziner a réalisé la scénographie, Trude Rittmann et Robert Russell Bennett ont préparé l'orchestration et Elizabeth Montgomery du Motley Theatre Design Group a conçu les costumes. Salvatore Dell'Isolaa été directeur musical.

Signalons aussi qu’au tout début du projet, dès qu’ils avaient acheté les droits, Rodgers et Hammerstein ont décidé de ne pas inclure de ballet dans South Pacific (), comme dans leurs œuvres précédentes, estimant que le réalisme du décor n'en supporterait pas un.

C) Création

C.1) Répétitions à New York

Les répétitions commencèrent au Belasco Theatre de Broadway le 2 février 1949. Il n'y avait pas comme dans de nombreux musicals un chœur ou un ensemble au sens strict du terme. Chacune des infirmières et des Seabees (les marins) a reçu un nom, et donc un personnage à créer. Dans ce but, chaque acteur – hors main cast – a reçu 50$ pour aller lui-même choisir les vêtements de ses personnages dans les magasins de surplus militaires qui bordaient la 42ème Rue. Don Fellows, qui jouait le premier lieutenant Buzz Adams, s'est inspiré de sa propre expérience de guerre en tant que Marine pour acheter une casquette de baseball non réglementaire et des bottines noires.

Mary Martin et Ezio Pinza ne se connaissaient pas, mais ils nouèrent rapidement une solide amitié.

Concernant l'ambiance dans les coulisses, l’avis était unanime: tout au long des répétitions, le metteur en scène Joshua Logan a été fougueux, exigeant et brillamment inventif.

Il a mis en œuvre des changements de scène «en chevauchement» - initiés par Rodgers et Hammerstein dans Allegro () – c’est-à-dire que les acteurs de la scène suivante se trouvaient déjà dans une partie sombre de la scène à la fin de la scène précédente. Cela a permis au musical de continuer sans interruption lors des changements de scène, rendant l'action très fluide. Rappelons qu’à cette époque, il n’était pas rare d’avoir une descente de rideau rouge entre chaque scène, pendant que les machinistes changeaient de décor.

Un «film privé autorisé» (voir ci-contre) tiré d’une représentation au Drury Lane pendant la série londonienne du musical est un enregistrement visuel parfait de ce que le metteur-en-scène Logan et les co-librettistes Logan et Hammerstein ont imaginé: des scènes qui s’imbriquent d’une manière presque surréaliste. Par exemple, la première scène se termine sur la terrasse avec de Becque et ses enfants. Alors qu’ils chantent une reprise de Dites-moi (pourquoi) et commencent à quitter la scène, les marins de la deuxième scène se sont soudainement matérialisés sur la terrasse et chantent Bloody Mary. Pendant quelques instants, les personnages des deux scènes partagent le même espace, mélange de terrasse et de plage. Puis de Becque, les enfants et la terrasse sont soudainement partis et la scène est pleine de militaires sur la plage terminant leur salut musical à Bloody Mary (les instructions de scène indiquent que toutes les transitions de scène dans le musical «sont réalisées de cette manière» afin de fournir l’effet que chaque scène se dissout dans la suivante»). Logan, dès le début des répétitions, a fait faire les cent pas aux marins, tels des animaux en cage, pendant There Is Nothing Like a Dame, une mise en scène si efficace qu'elle n'a plus jamais été modifiée jusqu’à la première.

Mary Martin «acrobate»

Juste avant que la troupe ne quitte Broadway pour les premiers Try-Out à New Haven, une catastrophe a été évitée de justesse. Mary Martin faisait des roues depuis qu’elle était enfant, et dans le moment de danse de A Wonderful Guy, elle en avait inséré un long cycle, tourbillonnant à travers toute la scène. Mais ce jour-là, Logan avait remplacé les lumières de répétition par les futures lumières du spectacle et Mary Martin a été temporairement aveuglée. Elle a raté le bord de la scène et a donné un coup violent sur la tête du chef d’orchestre, Salvatore Dell’Isola, avant de tomber bruyamment sur Trude Rittmann au piano. «Oh, Dieu, mon cou est cassé!» a hurlé Rittmann.
Heureusement, ce n’était pas le cas, et le lendemain, Mary Martin a présenté des excuses: un casque de football couvert de fleurs, que Trude a rapidement mis sur sa tête. Mais à partir de ce moment-là, Logan se souvient: «Nous avons remplacé la roue par une bonne note aiguë, beaucoup plus sûre.»

«Something Wonderful - Rodgers and Hammerstein's Broadway Revolution»
Todd S. Purdum (2019)

Mary Martin était censée finir I'm in Love with a Wonderful Guy par une roue exubérante à travers la scène. Mais cette «acrobatie» a été supprimée après qu'elle ait terminé dans la fosse d'orchestre, assommant le chef d’orchestree et le pianiste.

Logan a demandé à Cable de retirer sa chemise pendant la panne de courant après que lui et Liat se soient passionnément embrassés lors de leur première rencontre. Sa nudité partielle devant symboliser leurs ébats amoureux. Rodgers et Hammerstein ont accepté cette proposition de mise en scène à contrecœur.

Il n'y a eu aucune difficulté majeure pendant les quatre semaines de répétition à New York. Martin s'est souvenue plus tard qu’une représentation «Gypsy Run-through» (représentation d'un musical encore en développement sans décors ni costumes, jouée devant des amis et les associés professionnels, en guise de test) avait suscité parmi les applaudissements les plus enthousiastes dont elle se souvenait.

C.2) Try-Out : New Haven et Boston

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Programme de «South Pacific» - New Haven - Mars 1949
© Billy Rose Theatre Division, The New York Public Library - https://digitalcollections.nypl.org/items/79ec4763-6d11-8fcd-e040-e00a18061de6

L'une des rares personnes à avoir ressenti des difficultés était Ezio Pinza, qui avait du mal à s'adapter aux changements constants du spectacle – il était habitué au monde de l'opéra, où un rôle changeait rarement une fois appris. Par ailleurs, ses erreurs de prononciation de l'anglais ont exaspéré Logan, et en route vers New Haven (lieu des premiers Try-Out), Pinza a discuté avec sa femme de la possibilité d'un retour au MET, où il savait que le public l'accueillerait. Elle lui a dit de laisser les spectateurs de South Pacific () décider eux-mêmes. Lorsque les Try-Out ont commencé à New Haven le 7 mars 1949, la pièce a été un succès immédiat. Le New Haven Register a écrit: «South Pacific () devrait entrer dans l'histoire».

Malgré ce succès, un certain nombre de changements ont été apportés à New Haven et au cours des deux semaines suivantes de Try-Out à Boston. Le spectacle était long. Logan a persuadé son ami, le dramaturge Emlyn Williams, de relire le scénario et de couper les dialogues superflus.

Suit à l’accueil de New Haven, même s’il fallait encore le perfectionner, le sentiment profond de tous était que le spectacle serait un succès. Le producteur Mike Todd est venu dans les coulisses de New Haven et, ironiquement, a conseillé que le spectacle n’aille pas à Broadway «parce qu’il était trop bon pour eux.»

C.3) Création à Broadway: 7 avril 1949

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«South Pacific» - Majestic Theatre
© Shubert Organisation

South Pacific () a ouvert ses portes à Broadway le 7 avril 1949 au Majestic Theatre. La prévente s'élevait à 400.000$ et des ventes supplémentaires de 700.000$ ont été réalisées peu après l'ouverture. Le public de la première était constitué de gens importants de Broadway, d’hommes d’affaire et d’artistes importants. Le public a arrêté le spectacle à plusieurs reprises par de longs applaudissements et les applaudissements de fin de spectacle ont été retentissants. Rodgers et Hammerstein avaient préféré, dans le passé, ne pas organiser de «fête de première», mais cette fois, ils ont loué le toit de l'hôtel St. Regis et avaient pré-commandé 200 exemplaires du New York Times pour pouvoir le distribuer durant la nuit aux invités, en prévision d'un succès.

Ils n’avaient pas tort, le célèbre critique du New York Times, Brooks Atkinson, a écrit une critique très élogieuse du spectacle: «A magnificent and thoroughly composed musical drama». Robert Garland dans le New York Journal-American: «The musical has pretty nearly everything, and nearly everything means it is always good, often better, frequently best.». Howard Barnes dans le New York Herald Tribune: «A show of rare enchantment ...a musical play to be cherished». Robert Coleman dans le New York Daily Mirror: «A truly great musical ... beguiling, heart-warming, amusing and rewarding». Ward Morehouse dans le New York Sun: «Stunning ...a thrilling and exultant musical play». William Hawkins dans le New York World-Telegram: «The almost terrifyingly enthusiastic advance reports were on target because the new musical soared exquisitely over the stage of the blessedly enchanted Majestic Theatre». Et Richard Watts dans le New York Post: «Few shows had been so handicapped by advance reports from their out-of-town tryouts, but South Pacific was an utterly captivating work of theatrical art which lived up so handsomely to its pre-Broadway superlatives.»

Trois jours après l'ouverture, Pinza a signé un contrat avec MGM pour jouer dans des films une fois son obligation d'apparaître dans la série de South Pacific () expirée! Il quitta la série le 1er juin 1950, remplacé par Ray Middleton. Notons que Pinza avait manqué un certain nombre de spectacles pour cause de maladie auparavant. Mary Martin se souvient que, peu habitué à donner huit spectacles par semaine, l'ancienne star de l'opéra chantait à fond en début de semaine, ne laissant que peu de voix vers la fin de la semaine, se faisant remplacer par son understudy. Néanmoins, au cours de l'année où il a participé à la série, et bien qu'âgé de 58 ans, il a été acclamé comme sex-symbol.

Mary Martin a quitté la production de Broadway en 1951 pour jouer son rôle dans la production originale du West End de Londres; Martha Wright l'a remplacée. Malgré le départ des deux stars originales, le spectacle est resté une énorme succès à Broadway.

La production de Broadway s’est arrêtée le 16 mai 1953 au Majestic Theatre, pour laisser la place à une nouvelle création de Rodgers et Hammerstein, Me and Juliet (), et a été transférée au Broadway Theatre dès le 29 juin 1953. Entre les deux, le spectacle s’est joué à Boston pendant cinq semaines. Lors de sa fermeture le 16 janvier 1954, après 1.925 représentations, South Pacific () était le deuxième musical ayant la plus longue série de l'histoire de Broadway, après Oklahoma! ().

Lors de la représentation finale, Myron McCormick, le seul acteur restant du cast de la première, a fait chanter les interprètes et le public Auld Lang Syne (chanson populaire, en particulier dans le monde anglophone, chanté pour dire adieu à la vieille année sur le coup de minuit le soir du Nouvel An). Le rideau n'est pas tombé mais est resté levé lorsque le public a quitté la salle.

D) Autres versions

D.1) Création à Londres: novembre 1951

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«South Pacific» au Théâtre Royal Drury Lane

La production londonienne a ouvert le 1er novembre 1951 pour 802 représentations au Theatre Royal Drury Lane. Ce théâtre avait accueilli Oklahoma! () du 29 avril 1947 au 27 mai 1950 (le spectacle étant transféré au Stoll Theatre jusqu’au 21 octobre 1950), puis Carousel () du 7 juin 1950 au 13 octobre 1951 (566 représentations). South Pacific () se jouera au Drury Lane du 1er novembre 1951 au 26 septembre 1953 (802 représentations). Et après? Bien sûr, le Dury Lane accueillera un nouveau Rodgers et Hammerstein: The King and I () du 8 octobre 1953 au 14 janvier 1956 (926 représentations). En d'autres mots, pendant plus de 8 ans (du 1er novembre 1951 au 14 janvier 1956, le Drury Lane n'a accueilli que des spectacles de Rodgers et Hammerstein.

Logan a une fois encore assuré la mise en scène et Martin Martin a repris le rôle qu’elle avait créé à Broadway.

La production londonienne a reçu des critiques de presse plutôt froides - et a été même surnommée «South Soporific» par un critique. Le musical a été considéré comme beaucoup plus faible qu’Oklahoma! (). Cependant, le public n’a pas du tout été de cet avis et le spectacle a été un grand succès. Après une année de représentation à Londres, Mary Martin a quitté la distribution et a été remplacée par Julie Wilson. Signalons aussi, en guise de clin d’œil, que Sean Connery a joué l’un des jeunes marins.

Le 30 janvier 1952, le roi George VI a assisté à une représentation avec sa fille la princesse Elizabeth et d'autres membres de la famille royale. Il est décédé moins d'une semaine plus tard.

D.2) Reprises aux États-Unis

  A New York  A ce jour, le musical a été repris 7 fois à New York. Les quatre premiers revivals ont été produits par la New York City Canter Light Opera Company au New York City Center:

  • Du 4 au 15 mai 1955 (15 représentations) avec Sandra Deel (Nellie), Richard Collett (de Bacque), Herb Banke (Cable), Sylvia Sims (Bloody Mary), Henry Slate (Billis) et Carol Lawrence (Liat)
  • Du 24 avril au 12 mai 1957 (23 représentations) avec Mindy Carson (Nellie), Robert (Bob), Wright (de Becque), Allen Case (Cable), Juanita Hall (Bloody Mary), Harvey Lembeck (Billis) et Imelda de Martin (Liat)
  • Du 26 avril au 14 mai 1961 (23 représentations) avec Allyn Ann McLerie (Nellie), William Chapman (de Becque), Stanley Grover (Cable), Rosetta Le Noire (Bloody Mary), Dort Clark (Billis) et Coco Ramirez (Liat)
  • Du 2 au 13 juin 1965 (15 représentations) avec Betsy Palmer (Nellie), Ray Middleton (de Becque), Richard Armbruster (Cable), Honey Saunders (Bloody Mary), Alan North (Billis) et Eleanor Calbes (Liat)

Après ces quatre séries au New York City Center, les deux revivals suivant étaient plutôt «non-commerciaux»:

  • Du 12 juin au 9 septembre 1967 (104 représentations) au New York State Theatre (une production du Music Theatre of Lincoln Center et de Richard Rodgers, lui-même) avec Florence Henderson (Nellie), Giorgio Tozzi (de Becque), Justin McDonough (Cable), Irene Byatt (Bloody Mary), David Doyle (Billis), et Joyce Maret (Liat)
  • Du 28 février au 26 avril 1987 (68 représentations) à nouveau au New York State Theatre (une production de la New York City Opera Company) avec Susan Bigelow et Marcia Mitzman (alternance dans le rôle de Nellie), Justino Diaz et Stanley Wexler (alternance dans le rôle de ), Cris Groenendaal et Richard White (alternance dans le rôle de Cable), Muriel Costa-Greenspon et Camille Saviola (alternance dans le rôle de Bloody Mary), Tony Roberts (Billis) et Ann Yen et Adrienne Telemaque (alternance dans le rôle de Liat)

La première production « commerciale » a été présentée au Vivian Beaumont Theatre du Lincoln Center du 3 avril 2008 (37 previews dès le 1er mars) au 22 août 2010 (996 représentations) avec Bartlett Sher à la mise en scène. Dans les rôles principaux, on retrouve Kelli O’Hara (Nellie), Paulo Szot (de Becque), Matthew Morrison (Cable), Loretta Ables Sayre (Bloody Mary), Danny Burstein (Billis), et Li Jun Li (Liat). Cette production reprenait My Girl Back Home (chantée par Cable et Nellie), qui avait été supprimée durant les Try-Out de 1949 mais réintégrée dans le film de 1958. La production a gagné 7 Tony Awards: Best Revival of a Musical; Best Leading Actor in a Musical (Szot); Best Direction of a Musical (Bartlett Sher); Best Scenic Design of a Musical (Michael Yeargan); Best Costume Design of a Musical (Catherine Zuber); Best Lighting Design of a Musical (Donald Holder); et Best Sound Design of a Musical (Scott Lehrer).

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«South Pacific» au Lincoln Center - Matthew Morrison (Cable) et Li Jun Li (Liat)

À quelques exceptions près, la production a reçu des critiques élogieuses. Ben Brantley a écrit dans le New York Times: «Je sais que nous ne sommes pas censés nous attendre à la perfection dans ce monde imparfait, mais que je sois maudit si je peux trouver un défaut sérieux dans cette production. (Oui, le deuxième acte reste plus faible que le premier, mais M. Bartlett Sher le fait presque oublier). Toutes les rôles secondaires, y compris ceux de l'ensemble, semblent précisément individualisés, jusqu'à la manière dont ils portent les costumes d’époque soigneusement étudiés de Catherine Zuber.»

  US Tour  Un US Tour débuta à Cleveland, Ohio, en avril 1950; il a duré cinq ans avec en vedette Richard Eastham dans le rôle d'Emile, Janet Blair dans le rôle de Nellie et Ray Walston dans le rôle de Billis, un rôle que Walston reprendrait à Londres et dans le film de 1958.

Pour les 48.000 billets disponibles à Cleveland, 250.000 demandes ont été formulées, entraînant la fermeture de la billetterie pendant trois semaines pour les traiter. Une version réduite a tourné dans les bases militaires en Corée en 1951; à la demande d'Hammerstein et de Rodgers, les officiers et les soldats étaient assis ensemble pour le voir et pas, comme habituellement, séparés suivant leurs grades militaires.

D.3) Reprises au Royaume-Uni

  1988 – Revival au Prince of Wales Theatre  Il faudra attendre 37 ans pour qu’un revival de South Pacific () soit proposé dans le West End. Ce revival a été joué au Prince of Wales Theatre du 20 janvier 1988 au 14 janvier 1989 (413 représentations) et mettait en vedette Gemma Craven et Emile Belcourt, soutenus par Bertice Reading, entre autres, et était mise en scène par Roger Redfern.

  2001 – Revival au National Theatre (Olivier Theatre)  Une nouvelle production - avec de légères révisions du livret et de la partition - a été produite par le National Theatre à l’Olivier Theatre pour une série limitée de décembre 2001 à avril 2002, programmée pour célébrer le centenaire de la naissance de Richard Rodgers. Trevor Nunn a mis en scène, aidé pour la partie musicale par Matthew Bourne. La scénographie était de John Napier. Lauren Kennedy était Nellie et l'acteur australien Philip Quast jouait Emile. Comme dans le film de 1958, la première scène d'Emile-Nellie a été placée après la rencontre de Cable, Billis et Bloody Mary.

D.4) Film et téléfilm

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«South Pacific» - le film (1958)

  Film (1958)  Rodgers & Hammerstein avaient connu des succès cinématographiques avec trois adaptations de musicals à la scène: Oklahoma! () (1955), Carousel () (1956) et The King and I () (1956) – l’adaptation de South Pacific () est postérieure à celle de The King and I () alors que sur scène, South Pacific () (1949) a été créé avant The King and I () (1951). N’oublions pas non plus le succès du film musical State Fair () (1945) qui lui n’est pas une adaptation d’un musical à la scène, mais a directement été conçu pour le cinéma. Allegro () n’a pas été un succès suffisant, mais South Pacific () bien… Après Oklahoma! () (1955), Carousel () (1956) et The King and I () (1956), les producteurs ont décidé de s'attaquer à une adaptation sur grand écran de South Pacific ().

Le film a été produit par South Pacific Enterprises, une société créée spécifiquement pour cette production, détenue par Rodgers, Hammerstein, Logan, Magna Theatre Corporation (propriétaires du procédé grand écran Todd-AO dans lequel le film serait filmé) et Leland Hayward, producteur de la version scénique originale. La 20th Century Fox a investi dans la production en échange de certains droits de distribution. En outre, tous les départements de la Fox ont été mobilisés, et la Fox – via son département recherche – a perfectionné le procédé Todd-AO.

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De g. à dr.: Rossano Brazzi (Emile de Becque), Warren Hsieh (Jerome), Candace Lee (Ngana) et Mitzi Gaynor (Nellie)
«South Pacific» - le film (1958)
Bande-annonce originale de «South Pacific» - le film (1958)

Les producteurs souhaitaient initialement qu'Ezio Pinza et Mary Martin, les deux acteurs principaux de la création à Broadway, reprennent leurs rôles pour le film, même si on était 8 ans plus tard. Mais Ezio Pinza est décédé subitement en mai 1957. Suite à ce décès, Mary Martin a été écartée du rôle. Logan a déclaré qu'il était incapable de trouver un acteur qui puisse égaler le talent de Mary Martin. La seule grande star, du bon âge, semblait être Vittorio de Sica… Mais Logan le trouvait "trop saturnien". D'autres sources affirment qu'à 45 ans, Martin était trop vieille pour le rôle au moment du tournage du film…

Joshua Logan a considéré pratiquement toutes les meilleures actrices de l'époque pour le rôle de Nellie Forbush, notamment Judy Garland, Elizabeth Taylor, Doris Day, Audrey Hepburn et même Ginger Rogers. Doris Day s'est vu offrir le rôle de Nellie, mais l’a refusé. Elizabeth Taylor qui était une «denrée prisée» à la fin des années ’50 a raté son audition: elle était tellement intimidée qu'elle n'a pas pu émettre un son lorsqu'on lui a demandé de chanter. Rodgers l’a alors écartée. Logan l'a entendu chanter plus tard, mais ne parvint pas à persuader Rodgers de changer d'avis. Finalement, Mitzi Gaynor, qui avait déjà travaillé dans des films musicaux et avait été testée deux fois pour Nellie, a été choisie pour le rôle. Rossano Brazzi a été choisi pour incarner Emile, un rôle qui a d'abord été proposé à des stars aussi établies que Charles Boyer, Howard Keel et Fernando Lamas. Ray Walston, un acteur musical réputé de Broadway, a joué le rôle de Luther Billis, qu'il avait déjà joué sur scène à Londres.

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Juanita Hall (Bloody Mary) - «South Pacific» - le film (1958)

Juanita Hall, qui avait joué Bloody Mary dans la production originale de Broadway – où évidemment elle chantait ses chansons sur scène – a joué Bloody Mary dans le film, mais a été doublée dans la version cinématographique à la demande du compositeur Richard Rodgers par Muriel Smith (qui avait joué Bloody Mary à Londres).

La baie de Hanalei, sur l' île hawaïenne de Kauai, a servi de lieu de tournage. Des toiles peintes d'Emil Kosa Jr. offraient des vues lointaines de la fantastique île de Bali Ha'i. Une deuxième unité a filmé des vues aériennes des îles Fidji.

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Rossano Brazzi (Emile De Becque), Russ Brown (Capt. Brackett), John Kerr (Lt. Joseph Cable), Tom Laughlin (Lt. Buzz Adams), Floyd Simmons (Commander Harbison) - «South Pacific» - le film (1958)

Craignant que les décors tropicaux luxuriants du film ne semblent artificiels en Technicolor, pour distinguer les numéros musicaux des scènes de dialogue et pour masquer en partie les fluctuations météorologiques pendant le tournage, le réalisateur Joshua Logan espérait atténuer l'effet en filmant plusieurs scènes à l'aide de filtres de couleur, nouvellement disponibles. Il a indiqué plus tard qu'il considérait que c'était la plus grosse erreur qu'il avait commise dans sa carrière de cinéma. Il souhaitait que les filtres soient plus subtils, mais a déclaré que le laboratoire de traitement du film les avait rendus plus extrêmes qu'il ne le souhaitait.

Le montage original du film aurait duré 181 minutes et contenait des versions plus longues des chansons I'm Gonna Wash That Man Right Outa My Hair et This Nearly Was Mine. Cette version n'a jamais été montrée publiquement.

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De g. à dr.: Juanita Hall (Bloody Mary), John Kerr (Lt. Joseph Cable) et Ray Walston (Luther Billis) - «South Pacific» - le film (1958)

Toutes les chansons de la production scénique ont été conservées pour le film. Une chanson intitulée My Girl Back Home, chantée par le lieutenant Cable et Nellie, a été rajoutée alors qu’elle avaiut été coupée de la version scénique lors des Try-Out d’avant Broadway.

L'une des grandes différences entre la version cinématographique et la version de Broadway du musical est que, aux États-Unis, les première et deuxième scènes ont été inversées, ainsi que toutes les chansons contenues dans ces deux scènes. Le montage original du film projeté au Royaume-Uni et en Europe ne change pas ces scènes et se déroule comme sur scène.

Les scènes d’amour entre les personnages Joe Cable et Liat étaient considérées comme choquantes par rapport aux standards encore conservateurs de la fin des années '50.

Comme nous l’avons vu, dès le développement du musical, Richard Rodgers et Oscar Hammerstein II ont subi des pressions pour éliminer la chanson You've Got To Be Carefully Taught, affirmant que le racisme n’était pas de l’inné, mais de l’acquis. Le film a été accueilli par des objections et même des boycotts dans certaines régions du pays, notamment à cause de cette chanson.

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Façade du Dominion Cinema avec «South Pacific» le film dans sa 5ème année

Le film South Pacific () a été projeté pendant un peu moins de 4 ans et 6 mois au Dominion Theatre de Londres. Il a ouvert le 21 avril 1958 et fermé le 30 septembre 1962, pour un record ininterrompu qui ne sera probablement jamais égalé.

South Pacific () était le film musical de Rodgers et Hammerstein le plus rentable jusqu'à la sortie de The Sound of Music () sept ans plus tard.

Le film a remporté l'Oscar du meilleur son. Il a également été nominé pour l'Oscar de la meilleure musique pour un film musical (Alfred Newman et Ken Darby), et la cinématographie Todd-AO 65mm de Leon Shamroy a également été nominée.

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«South Pacific» le téléfilm (2001)

  Téléfilm (2001)  Un téléfilm, réalisé par Richard Pearce, a été produit et télédiffusé en 2001, avec Glenn Close dans le rôle de Nellie, Harry Connick Jr. dans le rôle de Cable et Rade Sherbedgia dans le rôle d'Emile. Cette version a modifié l'ordre des chansons de la comédie musicale (le film s'ouvre sur There Is Nothing Like a Dame) et omet Happy Talk. My Girl Back Home a été filmé, mais n'a pas été maintenu dans le téléfilm en raison de contraintes de temps; la chanson a été restaurée dans la version DVD, sortie en 2001. La dernière demi-heure du film présente des scènes de guerre, notamment des plans de troupes séparées. Lovensheimer déclare que le film est revenu à l'original de Michener sur un point: «Le Joe Cable joué par Harry Connick Jr. est une combinaison fascinante d'un homme sensible et d'un marine crédible».

Le film et Glenn Close ont été salués par le New York Times: «Mme Close, mince et plus mature, laisse entendre qu'une touche de désespoir réside dans l'optimisme arrogant de Nellie.» La critique a également commenté que le film «est magnifiquement produit et est meilleur que le film de 1958» et il a fait l'éloge du chant. Kenrick, cependant, n'aime pas l'adaptation: «Vous ne voudrez certainement jamais mettre ce désastre dans votre lecteur-DVD, à moins que vous ne vouliez entendre Rodgers et Hammerstein hurler dans leurs tombes. Glenn Close est à la hauteur, mais les seconds rôles sont uniformément désastreux. Un gaspillage inutile et offensant d’argent, de temps et de talent.» Voilà qui est dit!

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Mary Martin - Scène de la douche

E) Nouveautés

South Pacific () a été un énorme succès, et a provoqué une attention particulière des médias et du public.

South Pacific () a été l'un des premiers spectacles pour lesquels du merchandising a été disponible: les fans pouvaient acheter des cravates South Pacific () et les femmes, du rouge à lèvres et des foulards. Il y avait des boîtes à musique, des poupées, des accessoires de mode et même des brosses à cheveux South Pacific () à utiliser après avoir lavé les cheveux des hommes (pour paraphraser I'm Gonna Wash That Man Right Outa My Hair).

La douche de Mary Martin sur scène a suscité un engouement immédiat pour les cheveux courts qui pouvaient être coiffés par un lavage une fois par jour à la maison, plutôt que dans un salon de beauté, et pour les produits qui permettraient de tels soins.

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«South Pacific» LP Original Cast (1949)

L'album du casting, enregistré dix jours après l'ouverture du spectacle, a été un succès immédiat. Sorti par Columbia Records, il a passé 69 semaines au n°1 du Billboard et un total de 400 semaines dans les charts, devenant ainsi le disque le plus vendu des années '40. C'était l'un des premiers disques LP, avec une vitesse de rotation de 33 1/3 tours par minute, et a contribué à populariser cette technologie - auparavant, les albums de spectacle et les opéras étaient publiés sur des sets de disques 78 tours, avec des prix élevés et beaucoup moins de musique sur un seul disque. Dans les années à venir, le LP deviendra le support de choix pour le créneau musical «cheveux longs» du spectacle, de l'opéra et des performances classiques.

 

 



A) Synopsis

A.1) Acte I

Sur une île du Pacifique Sud pendant la Seconde Guerre mondiale, deux enfants polynésiens, Ngana et Jerome, jouant ensemble, chantent joyeusement une chanson simple en français (Dites-Moi).

Alors qu'ils sont pourchassés à l'intérieur par un employé de maison, le propriétaire d’âge moyen d'une plantation française, Emile de Becque, accompagne Nellie Forbush, une infirmière de l'Arkansas, dans une visite de son domaine. Nellie admire la vue du soleil sur l'océan. Même dans les moments d'obscurité, où tous se demande quelle sera l’issue de la guerre, elle ne peut s'empêcher d'exprimer son caractère naturellement brillant et son optimisme quant à l’issue des combats (A Cockeyed Optimist). Nellie confie à Emile qu'elle a rejoint la Marine pour voir le monde et rencontrer de nouvelles personnes. Alors qu'ils se perdent dans les yeux l'un de l'autre, Emile s'écarte pour leur verser un cognac, les laissant se réfugier séparément dans une courte solitude. Chacun d’eux se demande si l'autre partage ses sentiments (Twin Soliloquies). Après une petite conversation polie sur la littérature française, Emile avoue son amour pour Nellie, se souvenant du dîner à peine deux semaines auparavant lorsqu'il l'a remarquée pour la première fois (Some Enchanted Evening). Nellie, promet de réfléchir à leur relation. Juste avant que Nellie ne reparte travailler, Emile lui avoue qu'il a quitté la France parce qu'il y a tué un homme, et elle lui fait confiance lorsqu'il lui dit que c'était justifié. Ngana et Jerome reviennent, et Emile rejoint leur chant ludique (Dites-Moi - Reprise), révélant au public qu'ils sont ses enfants, ce dont Nellie n’est évidemment pas au courant.

À travers l'île, les Seabees américains agités, dirigés par l'astucieux Luther Billis, déplorent l'absence de compagnie féminine. Les infirmières de la Marine sont des officiers brevetés et interdites aux soldats. La seule femme civile de l'île, surnommée «Bloody Mary», est une impertinente tonkinoise d'âge moyen, vendeuse de jupes en herbe qui attire les marins avec des plaisanteries sarcastiques et aguicheuses alors qu'elle essaie de leur vendre ses marchandises (Bloody Mary). Billis aspire à visiter l'île voisine de Bali Ha'i – qui est interdite à tous sauf aux officiers – soi-disant pour assister à une «Cérémonie de la dent de sanglier» (au cours de laquelle il peut obtenir une relique indigène inhabituelle). Les autres marins le chahutent en disant que sa véritable motivation est d'y voir les jeunes Françaises (There is Nothin' Like A Dame).

Le lieutenant de marine américain Joe Cable arrive sur l'île en provenance de Guadalcanal, après y avoir été envoyé pour participer à une dangereuse mission d'espionnage dont le succès pourrait inverser le cours de la guerre contre le Japon. Bloody Mary décrit de façon inquiétante ce qu'il pourrait trouver sur une île mystérieuse à peine visible à travers les nuages (Bali Ha'i). Bien que Cable rejette d'abord la suggestion enthousiaste de Billis de prendre un bateau, le lieutenant se montre intéressé à assister à la «Cérémonie de la dent de sanglier» décrit sur l'île interdite.

Le capitaine George Brackett accuse catégoriquement Bloody Mary d'avoir provoqué «une révolution économique» sur l'île parce que ses pratiques commerciales sont plus favorables aux travailleurs autochtones qu'à celles des colons français. Inébranlable face à cette agression, elle traite les propriétaires agricoles français d'«avares» et le capitaine ordonne aux hommes de jeter son chariot de souvenirs hors des propriétés de la Marine.

Cable raconte à ses commandants, le capitaine George Brackett et le commandant William Harbison, une mission visant à espionner les Japonais depuis leurs îles. Avant que Cable ne s'y fraye un chemin, il doit recruter un allié pour l'aider, quelqu'un qui connaît bien le pays. Cable pense à Emile car il a vécu sur l'île où se déroulera la mission. Suite à cette suggestion, Cable, Harbison et Brackett appellent Nellie – officier américaine, rappelons-le – pour lui demander d’enquêter sur les tendances politiques du Français et de tenter de savoir pourquoi il a tué un homme avant de fuir son pays d'origine. La raison du meurtre pourrait le rendre peu souhaitable pour une telle mission. Nellie se rend compte qu'elle ne sait pas grand-chose de lui. Une fois seuls, Brackett et Harbison estiment que la mission d'espionnage de Cable ne peut durer plus d'une semaine avant qu'il ne soit découvert par l'ennemi.

Le lieutenant Cable tombe sur Nellie en train de lire une lettre désapprobatrice de sa mère. Rappelant ses propres différences familiales chez lui, Cable explique que lui aussi a été incompris parce qu'il avait emprunté un chemin moins fréquenté (My Girl Back Home).

Près des douches, les autres infirmières demandent à Nellie ce que voulait le capitaine Brackett. Elle essaie d'écarter leurs questions en annonçant qu'elle a l'intention de mettre fin définitivement à sa relation avec Emile (I’m Gonna Wash That Man Right Outa My Hair). À ce moment-là, Emile arrive, l'invitant à un dîner qu'il organise pour la présenter à ses amis et comparses. Elle accepte l’invitation, car cela va lui permettre de réaliser ce qu’on lui a ordonné. Elle profite de l’occasion pour s’assurer qu’Emile croit aux idéaux américains – selon lesquels chaque homme est créé de manière égale. Lorsqu'elle évoque la politique, il lui parle de liberté universelle. Il lui parle également de l'homme qu'il a tué en France quand il était beaucoup plus jeune – un tyran qui s'est emparé de sa ville, laissant ses citoyens impuissants. Cet homme est décédé accidentellement alors qu’il se battait avec Emile. Emile demande à Nellie de l'épouser (Reprise - Some Enchanted Evening) et, ignorant sa promesse antérieure de se débarrasser de lui comme on se lave les cheveux, elle accepte de venir à son dîner de présentation à ses amis. En entendant ses amies rire de la rapidité avec laquelle elle a bafoué sa propre promesse, elle s'abandonne à l'amour qu'elle ne peut plus nier (A Wonderful Guy).

Dans une "war room", trois militaires surveillent un homme inquiet en tenue civile. Le capitaine Brackett prévient Emile que s'il accepte d'aider le lieutenant Cable dans sa mission d'espionnage, il ne survivra peut-être pas, mais que cela pourrait potentiellement faire un grand bien à l'Amérique dans cette région. La mission de Cable est d'atterrir sur une île sous contrôle japonais et de rendre compte des mouvements des navires japonais. À la grande déception de Cable, Emile refuse pensivement. Le commandant Harbison suggère à Cable de prendre quelques jours de congé jusqu'à ce que la mission puisse avoir lieu.

Cable décide de suivre Billis quant à suggestion d'une excursion en bateau vers le paradis exotique (Reprise - Bali Ha'i). Billis obtient un bateau et emmène Cable à Bali Ha'i. Là, Billis participe à la cérémonie indigène, tandis que Bloody Mary présente Cable à sa jeune et belle fille, Liat, avec qui il doit communiquer de manière hésitante en français. Croyant que la seule chance de Liat d'avoir une vie meilleure est d'épouser un officier américain, Bloody Mary abandonne Liat seule avec Cable. Ils sont tous deux instantanément attirés l'un par l'autre et dans une cabane indigène, ils deux passent la nuit ensemble et font l’amour (Younger Than Springtime). Le lendemain, Billis et le reste de l'équipage sont prêts à quitter l'île, mais doivent attendre Cable qui, à leur insu, est avec Liat (Bali Ha'i - reprise). Bloody Mary dit fièrement à Billis que Cable va être son gendre.

Pendant ce temps, après la fête d'Emile, Nellie enthousiaste décide de rester avec Emile cette nuit-là… Ils expriment à quel point ils sont heureux d'être amoureux (Reprises de A Wonderful Guy - Twin Soliloquies - Cockeyed Optimist - I’m Gonna Wash That Man Right Outa My Hair).

Après une nuit de champagne, les deux sont follement amoureux (This Is How It Feels). Emile présente Nellie à Jerome et Ngana. Même si elle les trouve charmants, Nellie est choquée lorsqu'Emile révèle qu'ils sont ses enfants de sa défunte première épouse, une Polynésienne à la peau foncée. Nellie est incapable de surmonter ses préjugés raciaux profondément enracinés et quitte Emile en larmes, après quoi il réfléchit tristement à ce qu’aurait pu être sa vie (Final Act I).

A.2) Acte II

C'est le jour de Thanksgiving. Les GI et les infirmières dansent dans une revue de vacances intitulée «The Thanksgiving Follies» (Danse). Emile arrive, portant des fleurs pour Nellie, qui anime l'événement sur scène. Billis, promettant de lui donner les fleurs, apprend à Emile que Nellie a demandé un transfert vers une autre île.

La semaine précédente, une épidémie de paludisme a frappé l'île de Bali Ha'i. Ayant visité Bali Ha'i quotidiennement pour y retrouver Liat, Cable est tombé malade: il a un grave cas de paludisme. Mais il s'échappe de l'hôpital pour retrouver Liat. Elle est avec Bloody Mary, qui annonce que Liat est convoitée par un riche homme blanc sur une autre île. Elle exhorte le lieutenant Cable d’épouser sa fille immédiatement, décrivant en détail la belle vie que les deux auraient ensemble sur l'île (Happy Talk). Cable, perturbé par sa maladie, donne à Liat sa montre, qui appartenait autrefois à son grand-père… Mais Cable, conscient des préjugés de sa famille, affirme qu'il ne peut pas épouser une Tonkinoise. Bloody Mary part avec Liat, affirmant avec colère qu'elle épousera Jacques Barrere, un propriétaire de plantation français beaucoup plus âgé. Cable déplore sa perte.

Pour le dernier numéro des «Thanksgiving Follies», Nellie réalise une comédie burlesque habillée en marin chantant les louanges de «sa» chérie (Honey Bun). Billis joue Honey Bun, vêtu d'une perruque blonde, d'une jupe en herbe et d'un soutien-gorge en coquille de noix de coco!!!

Après le spectacle, Emile demande à Nellie de reconsidérer sa décision. Elle insiste sur le fait qu'elle ne peut pas ressentir la même chose à son égard maintenant qu'elle connaît l’existence de la mère polynésienne de ses enfants. Frustré et incapable de comprendre, Emile demande à Cable pourquoi lui et Nellie ont de tels préjugés. Cable, rempli de dégoût de soi, répond que ces préjugés racistes, ce n'est pas quelque chose avec quoi on naît mais bien queluqe chose qu'on enracine en nous par éducation. Cable jure que s'il sort vivant de la guerre, il ne rentrera pas chez lui aux États-Unis; tout ce qu'il veut est sur ces îles. Emile imagine une fois encore ce qu’aurait pu être sa vie (This Nearly Was Mine).

Déprimé et sentant qu'il n'a plus rien à perdre, Emile accepte maintenant de rejoindre Cable dans sa dangereuse mission.

La mission commence avec un soutien aérien important, hors-scène. Billis monte dans l'avion mais doit sauter en parachute lorsque l'avion est touché par des tirs antiaériens et se retrouve dans l'océan en attendant d'être secouru. L'opération massive de sauvetage se transforme par inadvertance en une diversion qui permet à Emile et Cable d'atterrir de l'autre côté de l'île sans être détectés. Les deux hommes peuvent envoyer de précieux rapports sur les mouvements des navires japonais dans le «Slot», un détroit stratégique. Grâce à ces informations, les avions américains interceptent et détruisent les navires japonais. Lorsque les avions japonais mitraillent la position américaine, Emile s'échappe de peu, mais Cable est tué.

Nellie apprend la mort de Cable et la disparition d'Emile. Désemparée, elle se rend à la plage et réfléchit avec regret à ses choix dans leur relation. Elle se rend compte qu'elle aime Emile et qu'elle a été stupide de le rejeter en raison de la race de la mère de ses enfants (Reprise - Some Enchanted Evening).

Bloody Mary et Liat viennent voir Nellie pour lui demander où se trouve Cable. Bloody Mary explique que Liat refuse d'épouser quelqu'un d'autre que le lieutenant Cable. Après lui avoir annoncé la mort de Cable, Nellie réconforte Liat.

Ce soir-là, les troupes des Marines se préparent à réagir contre les Japonais. Le travail d'espionnage de Cable et Emile a permis le lancement d'une offensive majeure, l'Opération Alligator. Les combattants auparavant inactifs, dont Billis, partent au combat.

Nellie passe du temps avec Jerome et Ngana et en vient bientôt à les aimer. Un après-midi, sur la terrasse de la maison d'Émile, alors que les enfants apprennent à Nellie à chanter Dites-Moi, la voix d'Émile les rejoint soudain. Emile semble découvrir que Nellie a surmonté ses préjugés et est tombée amoureuse de ses enfants. Emile, Nellie et les enfants se réjouissent (Finale Ultimo).

B) Personnages

B.1) Enseigne Nellie Forbush

Nellie Forbush, infirmière de la marine américaine de Little Rock, Arkansas, a quitté son domicile pour voir ce que le monde avait à offrir. Bien-aimée de ses collègues infirmières et des Seabees, elle est indépendante, optimiste et vertueuse. À sa grande surprise, elle tombe amoureuse du Français du coin, Emile de Becque. Lorsque Nellie se rend compte que ses préjugés raciaux enracinés font obstacle à sa relation avec Emile, elle va courageusement vaincre ses préjugés et embrasser une nouvelle vie de compassion et d'empathie.

B.2) Emile de Becque

Séduisant planteur français, Emile de Becque vit sur l'île en exil depuis 16 ans. Il a deux enfants, Jérôme et Ngana, de sa défunte épouse polynésienne. Malgré son passé – il a fui la France après avoir tué un homme – Emile est un homme honorable et d’une grande bravoure. Bien qu'il choisisse initialement de rester avec Nellie plutôt que de participer à une dangereuse mission d'espionnage, il rejoint finalement Cable pour cette mission. En fin de compte, il rentre sain et sauf chez Nellie, qui a embrassé ses deux enfants.

B.3) Bloody Mary

Femme tonkinoise entreprenante bien-aimée – et franche –, Bloody Mary est intelligente, ingénieuse et imperturbable. Même si elle a travaillé autrefois pour un planteur français, elle dirige désormais sa propre entreprise, vendant des souvenirs aux hommes de la marine tout en rémunérant généreusement ses artisans locaux. Bloody Mary souhaite avant tout la meilleure vie possible pour sa fille, Liat.

B.4) Liat

Jeune, belle et innocente fille tonkinoise de Bloody Mary, Liat parle français mais parvient à transcender les barrières de la langue en tombant amoureuse du lieutenant américain Joe Cable. Contrairement à sa mère intrigante et ambitieuse, Liat a des aspirations simples, valorisant l'amour plutôt que les possessions matérielles.

B.5) Luther Billis

Seabee rusé qui veut désespérément visiter l'île interdite de Bali Ha'i, Billis se met souvent en difficulté. C'est un marin entrepreneurial et sociable qui exploite une activité parallèle de blanchiment d'argent secret. Il a un profond respect et une admiration pour Nellie et est toujours à la recherche de ses camarades Seabees. Lorsqu'une opportunité risquée d'aider son pays se présente, Billis franchit le pas.

B.6) Lieutenant Joseph Cable

Lieutenant formé à l'Ivy League et originaire de l'extérieur de Philadelphie, Cable est venu d'une petite île au sud de Marie Louise à la recherche d'Emile de Becque. Il est chargé d'exécuter une mission d'espionnage sur l'empiétement japonais depuis l'intérieur de leur territoire. Formel et réservé au début, il tombe amoureux de Liat et doit résoudre son conflit intérieur concernant la race.

B.7) Personnages secondaires

  • Ngana et Jérôme: le fils et la fille d'Emile et de sa défunte épouse polynésienne
  • Stewpot: marin et acolyte de Luther Billis, Stewpot aide Billis à faire fonctionner sa machine à laver maison
  • Henry: originaire de l'île, il travaille comme majordome de la maison d'Emile
  • Capitaine George Brackett: le commandant le plus haut gradé du camp de la marine américaine sur l'île
  • Cmdt. William Harbison: commandant en second sur l'île, il est le bras droit du Capitaine Brackett
  • Opérateur radio Rob McCaffrey: un marin et opérateur de la radio utilisé pour communiquer pendant la mission du lieutenant Cable