1.D.1) Introduction à la «troisième période» de la carrière de Victor Hebert
On allait entrer dans la dernière décennie de vie de Victor Herbert, même s'il n'était qu'au milieu de la cinquantaine. Il a poursuivi ses activités théâtrales et les a développées et élargies de façon importante. Bien qu’il ait créé 17 œuvres musicales, seules quelques-unes d’entre elles ont été des réalisations importantes en soi. Souvent, leur importance réside dans la qualité de la contribution musicale d’Herbert. Sa production est importante, car elle représente quelque chose de nouveau. Durant sa première période (1894-1902), Herbert a copié et personnalisé la tradition européenne de l’opérette ; durant sa seconde (1903-1912), il a développé ce qu’il appelait l’opérette américaine. Enfin, dans sa troisième période (1913-1924), il a travaillé à développer ce que l’on peut appeler l’«opérette de danse». Dans chacune de ses compositions ultérieures, c’est la danse, sous ses diverses formes et mouvements, qui prend une importance structurelle accrue. Plus qu’un fondement de la composition, la danse dirige et unifie le travail. C’est aussi le véhicule du succès continu d’Herbert. Les nouveaux rythmes du siècle naissant exigeaient une place d'honneur dans les comédies musicales des années '20 et '30. L’influence célèbre de George Balanchine pour le développement des comédies musicales dans les années '30 et '40, et, plus tard des ballets d’Agnès de Mille, sont le fruit mûr d’une tradition qui commence avec les œuvres de la troisième période de Victor Herbert.
La danse, en devenant un instrument égal à la musique et au texte, a transformé l’une des caractéristiques centrales des œuvres d’Herbert. Dès ses premières œuvres, les rôles de soprano d’Herbert étaient des dames courageuses et indépendantes dont le charme pour le public était basé sur la nature excentrique de leurs personnages. Que le librettiste soit Smith, Blossom ou MacDonough, toutes les héroïnes d’Herbert partagent cette caractéristique. Les Nielsen-Scheff-Trentini furent les capitaines de l’opérette de Herbert. Mais maintenant, savoir chanter et jouer ne suffisait plus. Les actrices qui ont joué les nouveaux rôles de Herbert devaient savoir danser. De plus, les meilleures d’entre elles - Christie MacDonald dans Sweethearts, Wilda Bennett dans The Only Girl et Eleanor Painter dans The Princess "Pat" - ont apporté à leurs performances un style naturel non forcé qui supplante totalement le style de la génération précédente, les Nielsen-Scheff-Trentini. La diva était morte, remplacée par la danseuse chantante.
Bien que sa principale activité ait toujours été la composition pour la scène, il est important de signaler - même si nous n'allons pas ici le développer - l’importance de l'intérêt de Herbert pour l'art cinématographique.
1.D.2) «Sweethearts» (septembre 1913)
1.D.3) «The Madcap Duchess» (novembre 1913)
1.D.4) «Madeleine» (janvier 1914)
1.D.5) «The Only Girl» (novembre 1914)
1.D.6) «The Debutante» (décembre 1914)
1.D.7) «The Princess Pat» (septembre 1915)
1.D.8) «Eileen» (19 mars 1917)
1.D.9) Participation aux «Ziegfeld Follies of 1917» (juin 1917)
1.D.10) «Miss 1917» (5 novembre 1917)
1.D.11) «Her Regiment» (12 novembre 1917)
1.D.12) «The Velvet Lady» (février 1919)
1.D.13) Participation aux «Ziegfeld Follies of 1919» (juin 1919)
1.D.14) «Angel Face» (décembre 1919)
1.D.15) «My Golden Girl» (février 1920)
1.D.16) «Oui Madame» (mars 1920)
1.D.17) Participation aux «Ziegfeld Follies of 1920» (juin 1920)
1.D.18) «The Girl in the Spotlight» (août 1920)
1.D.19) «Sally» (décembre 1920)
1.D.20) Participation aux «Ziegfeld Follies of 1921» (juin 1921)
1.D.21) Participation aux «Ziegfeld Follies of 1922» (juin 1922)
1.D.22) «Orange Blossoms» (septembre 1922)
1.D.23) Participation aux «Ziegfeld Follies of 1923 [summer edition]» (juin 1923)
1.D.24) Participation aux «Ziegfeld Follies of 1923» (octobre 1923)
1.D.25) Participation aux «Ziegfeld Follies of 1924» (juin 1924)
1.D.26) «The Dream Girl» (août 1924)
De même, Victor Herbert a aussi jeté un pont entre l'opérette et le grand opéra dans sa partition de Naughty Marietta () (1910, 136 représentations).
Commandé par l’agent d’Oscar Hammerstein I, il a été adapté aux talents de deux stars de l'opéra. Emma Trentini jouait Marietta, une aristocrate italienne qui évite un mariage imposé en 1780 en fuyant dans une colonie, la Nouvelle-Orléans. Là, elle tombe amoureuse du soldat mercenaire américain Dick Warrington, joué par le ténor Orville Harrold. Les amants doivent composer avec le fils du gouverneur royal, qui s'avère être un pirate meurtrier!
Tout est résolu lorsque Warrington complète la mélodie de rêve inachevée de Marietta, Ah Sweet Mystery of Life. L'air enthousiaste d'Herbert sauve les lourdes paroles signées Rida Johnson Young:
Ah, sweet mystery of life at last I’ve found thee!
Now at last I know the secret of it all.
All the longing, seeking, striving, waiting, yearning,
The burning hopes, the joy and idle tears that fall.
For ‘tis love, and love alone, the world is seeking;
And it’s love, and love alone, that can reply;
‘Tis the answer, ‘tis the end and all of living,
for it is love alone that rules for aye!
Extrait de la chanson «Ah Sweet Mystery of Life» tirée de «Naughty Marietta» (1910)
Acceptable pour les amateurs de théâtre en 1910, ce langage semble maladroit aujourd'hui. Ah Sweet Mystery of Life a eu le «malheur» de devenir une blague dans Young Frankenstein (1974), le film de Mel Brooks. En conséquence, il est maintenant presque impossible pour le public d’aujourd’hui de prendre au sérieux cette chanson autrefois populaire. Et pourtant, près de 90 ans après sa création, deux chansons de Naughty Marietta () (I'm Falling in Love With Someone et Ah, Sweet Mystery of Life) vont être réutilsées dans un musical moderne à succès Thoroughly Modern Millie () (2002) à Broadway.
Naughty Marietta a créé une formule à succès que la plupart des opérettes américaines vont adopter pour les deux décennies suivantes :
- Un cadre historique et/ou exotique.
- La musique compte le plus.
- La romance est l'ingrédient principal, pas le sexe.
- L'héroïne doit être indécise; le héros fidèle et macho.
- Une différence de classe (réelle ou imaginaire) entre les deux amoureux est préférable.
- Superbes décors et costumes.
- L'humour est nécessaire, mais le suspense de l’intrigue est centré sur la romance.
Herbert – grand buveur au large appétit – était un bon vivant mais il avait un bon sens des affaires. Lorsqu'il s'est rendu compte qu'il n'avait pas perçu un sou de droit d’auteur lorsque les orchestres des restaurants où il mangeait, jouaient sa musique, il a co-fondé l'American Society of American Composers, Authors and Publishers (ASCAP), la première organisation à protéger et à garantir les droits des auteurs-compositeurs.
La plupart des spectacles d'Herbert sont aujourd’hui oubliés, mais sa musique vaut toujours la peine d'être écoutée. Alliant sophistication européenne et esprit de plaisir américain, liant opérette et comédie musicale. Ce que Herbert a initié, sera poursuivi par Jerome Kern, Richard Rodgers, Leonard Bernstein, et Frederick Loewe.
Homme en bonne santé tout au long de sa vie, Herbert est décédé subitement d'une crise cardiaque à l'âge de 65 ans le 26 mai 1924 peu de temps après que son dernier spectacle, The Dream Girl (), aie commencé les pre-Broadway Try-out à New Haven, Connecticut. Il ne le verra jamais à Broadway. Il a été enterré dans le cimetière Woodlawn dans le Bronx, à New York City.
Herbert et sa musique sont célébrés dans le film de 1939, The Great Victor Herbert, où il a été interprété par Walter Connolly et qui a également présenté Mary Martin. Il a également été dépeint par Paul Maxey dans le film de 1946 Till the Clouds Roll By. De nombreuses œuvres d'Herbert ont été transformées en films et sa musique a été utilisée dans de nombreux films et émissions de télévision.
En 1940, le service postal américain a inclus Herbert dans sa série de timbres "Famous Americans". Pendant la Seconde Guerre mondiale, le navire Liberty SS Victor Herbert a été construit à Panama City, en Floride et nommé en son honneur.