7.
1927 1943 - Difficultés

 8.8.
Les artistes-créateur
d'«Oklahoma!»


 8.9.2.
Des auditions

 8.10.
Un périlleux
financement

 9.
1943 1964 - Golden Age

À un moment donné dans la seconde moitié de septembre 1942, Lynn Riggs (qui était maintenant à l’armée) a écrit à la Theatre Guild pour demander des nouvelles de l'avancement du projet musical autour de Green Grow the Lilacs. Il se sentait hors du coup, si l’on en croit un rapport du Monterey Peninsula Herald du 25 août 1942:

«Lynn a appris l’autre jour en lisant le New York Times à la bibliothèque de sa caserne que la version musicale de Green Grow the Lilacs, avec de la musique de Rodgers et Hart [NDLR: étonnant, non, une musique de Rodgers et Hart...], serait produite à New York vers Noël. Il avait signé le contrat et savait que cela devait être fait, mais personne ne lui avait dit quand. Il a dû le découvrir par accident. Il y a toutefois des chances qu’il ne soit pas là pour le voir.»

Lynn Riggs


Il a dû être encore plus confus par les annonces du New York Times des 17 et 18 septembre. Helburn a répondu le 28:

«Dick [Rodgers] et Oscar [Hammerstein] travaillent dur et affirment qu’ils auront un acte prêt à nous montrer au milieu du mois, mais Dick vient d’être appelé à l’extérieur de la ville pour aider à sauver le nouveau spectacle d'Abbott - Beat the Band () - et cela peu retarder les choses.»
Le choix du cast sera un problème difficile parce que nous avons vraiment besoin de vedettes à l'affiche pour supporter les dépenses d’un musical. Je pense qu’Oscar a le bon esprit pour la pièce et veut garder autant que possible sa qualité poétique et son charme.
Cependant, si nous obtenons un livret et une partition d’ici novembre, je pense que nous aurons de la chance.

Lynn Riggs


L’affirmation d’Helburn selon laquelle Hammerstein cherchait à préserver les qualités de la pièce n’était peut-être qu’une tentative de rassurer Riggs, bien qu’elle traduise une intention réelle d'Hammerstein. Toutefois, la question des «vedettes» était plus problématique, et elle est demeurée problématique jusqu’à la première répétition. Il faut dire que les opinions d'Helburn et Langner sur le casting semblent avoir varié de la même façon que leurs vues sur le spectacle en général. Pendant un certain temps, Helburn semble avoir été incapable de décider si Oklahoma! () devait se borner à être une simple expansion musicale de Green Grow the Lilacs ou quelque chose de très différent. Elle avait dans un premier temps envisagé de ramener quelques-uns de ceux avaient participé à la création de la pièce de Riggs, mais dans un rôle différent, comme Bretaigne Windust (le metteur en scène original) ou Tex Ritter comme compositeur de la musique. De même, elle s’est interrogée sur la possibilité de reprendre au moins une partie du casting. Mais la Guild ne tarda pas à changer d’idée.

Rodgers et Hammerstein ont commencé à penser au casting assez tôt. Le 12 août 1942, Hammerstein écrit au chanteur d’opéra John Charles Thomas:

«Dick Rodgers et moi avons une idée d’une pièce musicale qui pourrait être excellente pour vous. La dernière fois que je vous ai parlé, vous avez dit que vous seriez intéressé de participer à un musical. Est-ce toujours vrai? Celui-ci devrait ouvrir à Broadway aux environs des vacances de Noël.»

Oscar Hammerstein II

 

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John Charles Thomas

Thomas répondit le qu’il était intéressé, mais qu’il avait déjà un engagement à la Noël. Au début d’août également, il semble qu'Hammerstein ait approché Charlotte Greenwood pour le rôle de Tante Eller. Greenwood avait joué dans le musical Three Sisters () de Kern/Hammerstein, créé au Drury Lane de Londres en Oklahoma!. Elle ne créera pas Oklahoma! () à la scène mais endossera le rôle de Tante Eller dans la version cinématographique de 1955.

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Mary Martin en couverture de Life
25 octobre 1943

En septembre 1942, Hammerstein poursuivait Mary Martin, voulant qu’elle choisisse entre son projet de revival de Show Boat () (dans le rôle de Magnolia) et la création du rôle de Laurey dans Oklahoma! (). Helburn s’intéressait aussi beaucoup à Mary Martin qui, à la fin des années ‘30 et au début des années ’40 s’était fait un nom à Hollywood et à Broadway (elle avait débuté en 1938 dans Leave It to Me () de Cole Porter de 1938 à 1939).

Le 23 septembre, le mari de Mary Martin, Richard Halliday, a confié à Hammerstein que sa femme était impatiente de jouer à New York cette pièce qui l’enthousiasmait et qui, selon elle, allait l’aider dans sa carrière. Elle voulait en savoir plus sur l’adaptation de Green Grow the Lilacs. Elle avait aussi l’impression que le revival de Show Boat () n’était pas le spectacle dont elle avait besoin à ce stade de sa carrière. Mais elle avait d'autres propositions, et Mary Martin aurait fini par tirer à pile ou face entre Oklahoma! () et Dancing in the Streets () de Vinton Freedley. Malheureusement pour elle, elle choisit ce dernier, qui s’est avéré être un flop: après un Try-Out à Boston pendant la deuxième semaine d’Oklahoma! (), il sera décidé que le musical ne serait pas transféré à Broadway – closed on the road. Dans le futur, la carrière de Mary Martin croisera souvent la route de Rodgers et Hammerstein, avec des rôles de premier plan dans South Pacific () (elle avait déjà fait partie de la tournée d’Annie Get Your Gun () d’Irving Berlin, que Rodgers et Hammerstein avaient produite) et bien sûr de The Sound of Music (. Mais, de toute évidence, Hammerstein a fini par être heureux de ne pas avoir eu Martin pour Oklahoma! () car il lui a écrit plus tard:

«Je vais t’envoyer des roses pendant longtemps. Si tu avais accepté le rôle, j’aurais écrit un autre spectacle.»

Oscar Hammerstein II


Le 2 octobre, Helburn a proposé à Hammerstein la peu connue Jessica Dragonette pour incarner Laurey:

«On me dit qu’elle est petite, blonde, belle, une bonne actrice avec une superbe voix. Bien sûr, la personne qui me le dit est son avocat-agent et n’est pas neutre.»

Theresa Helburn


Cependant, le 8 décembre, les visées d’Helburn se sont à nouveau tournées vers des gens connus, à en juger par son message à d’Universal Pictures à Hollywood:

«Seriez-vous intéressé de prêter Mlle Deanna Durbin pour jouer le rôle principal dans la version musicale de Green Grow the Lilacs pour laquelle Richard Rodgers a composé la musique et Oscar Hammerstein écrit le livret. Nous allons répéter en février. Nous suggérons cela parce que ce spectacle propose un magnifique premier rôle pour Mlle Durbin qui, nous le pensons, ferait également ensuite un grand rôle au cinéma pour elle. Si cela vous intéresse, nous serons heureux de vous envoyer le scénario. Veuillez me faire parvenir vos commentaires le plus tôt possible.» Mais Universal Pictures a répondu par la négative le 10 décembre.»

Theresa Helburn


Ce type de demande pose des questions sur la nature d’Oklahoma! () et ce qui pourrait en faire un succès. Mais aussi la relation symbiotique complexe entre Broadway et Hollywood. Cela montre qu’à l’époque, les théâtres de New York tentaient de capitaliser sur les «noms de vedettes» du cinéma tout en poussant leurs acteurs à ne pas succomber à l’attrait du grand écran. C’est certainement ainsi que Rodgers analysera plus tard le déroulement des événements:

«Dès le départ, Oscar et moi étions déterminés à ce qu’un musical comme la nôtre exige des acteurs et des chanteurs à la hauteur de leurs rôles, qu’ils soient ou non des noms du box-office. Par contre, Theresa Helburn, peut-être en raison de la situation financière difficile de la Guild, estimait que la seule façon de mettre en scène un musical était de dépenser peu pour les décors et les costumes et de concentrer le budget sur des vedettes reconnues qui pouvaient attirer les investisseurs et les spectateurs.»

Oscar Hammerstein II