7.
1927 1943 - Difficultés

 8.18.
Principales versions
d'Oklahoma!

 8.19.1.
Un nuveau duo
artistico-financier

 8.19.3.
1943: l'année de tous
les changements


 9.
1943 1964 - Golden Age

Bien sûr, il aurait été normal que, très vite, Rodgers et Hammerstein se lancent dans la création d'une nouvelle œuvre. Mais ils avaient chacun de leur côté un spectacle sur lequel ils travaillaient. Il fallait faire atterir leur travaux antérieurs avant de pouvoir s'adonner à leur nouveau duo... Pour Rodgers, ce serait le revival de A Connecticut Yankee () , sa dernière collaboration avec Lorenz Hart. Et pour Hammerstein, ce serait la création de Carmen Jones ().

A) Rodgers: «A Connecticut Yankee»

A.1) Le dernier spectacle de Rodgers & Hart, un revival...

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«A Connecticut Yankee» - Partition 1943

Après le triomphe absolu d'Oklahoma! (), Rodgers a tout fait pour continuer le partenariat avec Hammerstein, Mais il lui était impossible d'assumer une rupture aussi nette avec son partenaire de 25 ans, Lorenz Hart. Il a même espéré que le choc du succès d'Oklahoma! () pourrait le pousser à se remettre au travail, ce qui l’empêcherait de se détruire. Mais leur partenariat était déséquilibré: si Rodgers pouvait travailler avec un autre parolier, il était inconcevable pour Hart de travailler avec un autre compositeur.

Oscar Hammerstein a compris l'inquiétude de Rodgers à propos de Hart; en plus, comme nous allons le voir ci-dessous, à peu près à ce moment-là, il a été impliqué dans un projet distinct auquel il pensait depuis des années et que le succès d'Oklahoma! () a rendu possible, les producteurs étant maintenant prêts à prendre le risque. Depuis quelques années, Hammerstein rêvait de transformer l’opéra de Bizet, Carmen, en une comédie musicale de Broadway avec une distribution entièrement noire. Il l’appela Carmen Jones () et ce fut un gros succès.

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«A Connecticut Yankee» - Broadway 1943

Hammerstein occupé par Carmen Jones (), Rodgers était libre d’essayer de travailler à nouveau avec Hart. Mais que faire? En raison des très lourds problèmes que Rodgers avait du affronter dans ses dernières cessions de travail avec Hart, il voulait se relancer avec quelque chose de simple. Aorès en avoir discuté avec Herbert Fields, le célèbre librettiste, Rodgers décida d'avancer avec un revival de A Connecticut Yankee (), avec Vivienne Segal, une personne très chère à Hart, dans le rôle de Morgan Le Fay. Mais il ne voulait pas que ce soit un revival mot pour mot, note pour note du spectacle de seize ans auparavant. Il y aurait de nouveaux dialogues et une demi-douzaine de nouvelles chansons qui viendraient compléter les numéros populaires de l’original. Rodgers a imaginé que, de cette façon, Hart ne serait pas surchargé. Il serait en territoire familier, il travaillerait avec des gens qu’il aimait, et le plus important, tout ceci pourrait enfin se révéler thérapeutique pour lui. Du moins, c’était l’idée qu'il avait imaginée.

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«A Connecticut Yankee» - Broadway 1943

Hart s’est très bien comporté pendant les mois de préparation du spectacle. Il venait chez Rodgers dans le Connecticut où il travaillaient avec régularité à des heures raisonnables. Il a sans doute bu un verre de temps en temps, mais il ne fait aucun doute qu’il faisait un véritable effort pour se réhabiliter et prouver que le duo «Rodgers et Hart» était toujours une réalité potentielle. Et il a trouvé quelques-unes des paroles les plus charmantes et les plus spirituelles qu’il ait jamais écrites, y compris To Keep My Love Alive, un récit tumultueux sur la manière dont la reine Morgan Le Fay s’est débarrassée de tous ses maris.

Mais une fois les répétitions terminées, une fois que Hart n'avait plus rien à faire, il a tout simplement craqué. Tous ces mois de combats contre ses faiblesses avaient été très difficiles pour lui et il ne pouvait plus résister à sa soif. Il avait réussi prouvé qu’il était encore capable de travailler, mais ce faisant, il s'était approché de son point de rupture. La nuit où A Connecticut Yankee (), a ouvert en try-out à Philadelphie, Hart a sombré dans une beuverie dont il ne s’est jamais remis. Il avait toujours eu l’habitude de laisser son manteau et son chapeau dans les bars, et comme il a plu ou neigé presque tous les jours cette semaine-là, cela n’a fait qu’accélérer sa détérioration physique.

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«A Connecticut Yankee» - Broadway 1943

Le soir de la première du spectacle à Broadway, Rodgers étais tellement inquiet pour Hart qu'il a demandé à deux hommes de la troupe de se tenir près de lui alors qu’il faisait des allers-retours à l’arrière du théâtre. Rodgers s’inquiétait non seulement de la santé de Hart, mais aussi de ce qu’il pourrait faire pour perturber la représentation en cours. Et il s’est avéré que cette préoccupation était fondée. Soudain, au milieu du premier acte, il se mit à parler de façon incohérente aux acteurs qui jouaient en scène, et à ce moment-là les hommes qui se tenaient près de lui le ramenèrent de force chez lui.

Deux jours plus tard, Willy Kron, l’ami et conseiller financier de Hart, est venu voir Rodgers dans les coulisses du théâtre et lui a annoncé: «Larry a une pneumonie. Probablement plutôt une double pneumonie. il est très malade.» Rodgers lui a répondu qu'il savait. Mais il a rajouté que Hart n'était pas gravement malade, il était maintenant en train de mourir.

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Tombe de Lorenz Hart

Cette fois, Rodgers savait que Hart ne s’en remettrait jamais. Mais tous ont fait ce qui était possible. On l’a emmené au Doctors Hospital, mais il n'avait plus aucune force et sa résistance avait disparu. La nuit du 22 novembre 1943, Rodgers et sa femme Dorothy, le médecin de Larry, ont dîné au restaurant de l’hôpital. Ce fut un faux repas car la faim n'y était pas. Tous deux savaient que la fin n’était pas loin. Quand ils sont revenus vers sa chmabre, une douzaine de ses amis étaient dans le couloir, aucun ne disait un mot. Hart était dans le coma.

Les souvenirs de Rodgers sont très clairs. En pleine deuxième guerre mondiale, il y eu cette nuit des alertes aériennes et des pannes d’électricité. Tout à coup, les cris des sirènes ont brisé l’immobilité de l’hôpital, et tout le bâtiment est devenu sombre, à l'exception de quelques lumières de secours ombragées, Une de ces lumières était dans la chambre de Larry parce qu’il recevait de l’oxygène. Ses proches étaiant tous là dans l’obscurité à l’extérieur de sa chambre, leurs yeux sur la porte. Le docteur sortit de la chambre, et comme il nous a dit que Hart était mort, nous avons entendu la sirène de fin d'alerte et les lumières dans tout l’hôpital se sont rallumées.

Rodgers a toujours affirmé que pour lui, ces lumières qui se sont allumées à l'instant de sa mort étaient un signe de libération de cet homme qui avait toujours voulu vivre dans l'obscurité, ne fut-ce que pour cacher son homosexualité qu'il ne pouvait assumer.

Le duo Rodgers et Hart est mort. Vive le duo Rodgers et Hammerstein.

A.2) Une petite digression: Lorenz Hart, un artiste ... tourmenté et homosexuel

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Lorenz Hart

Issu de la classe moyenne supérieure juive, Lorenz Hart - que ses amis et collègues ont toujours dénommé "Larry" - a été torturé toute sa vie durant par sa petite taille et une orientation affective homosexuelle qu’il ne pouvait ni nier ni accepter. Comme nous l'avons, sa brillante collaboration avec le compositeur hétérosexuel Richard Rodgers a fait de Hart une célébrité, avec une réussite professionelle que beaucoup ont enviée. Mais cette célébrité a effrayé et culpabilisé Lorenz Hart, car il n'a jamais réussi à gérer la séparation entre ses pulsions privées et son image publique officielle, ce qu'ont réussi par exemple Noël Coward ou Cole Porter. Hart a opté pour un trajet de vie autodestructeur: plus il essaya de contrôler ses désirs, plus ils le consumèrent.

Trop peu sûr de lui - il était complexé par son physique que pour tenter de développer une relation affective ou sexuelle avec quelqu'un semblable à lui, Hart limita sa sexualité aux choristes ou aux prostitués masculins – dont beaucoup lui furent procurés par Milton "Doc" Bender, un dentiste qui était son ami depuis l’université. Apparemment, l’opportuniste Bender a vite mis de côté sa carrière pour servir d'entremetteur pour Hart (et pour beaucoup d'autres). Les amis et biographes de Hart suggèrent souvent que le malfaisant Bender était responsable de la ruine de Hart, mais c'est un peu rapide. En tant qu’adulte intelligent ayant de l’argent, des relations et une énorme influence professionnelle, Hart pouvait vivre sa vie comme il l’entendait. S’il a couché avec des hommes tout au long de sa vie adulte, le bon sens suggère qu’il l’a fait parce qu’il était gay, et non pas parce qu’un infâme compagnon l’y a forcé. La sexualité ne nécessite pas de motivation externe, et suggérer le contraire revient à accepter le fanatisme déguisé en psychologie.

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Timbre américain - 1999

Certains contemporains de Hart ont également suggéré qu’il s’est tourné vers l’homosexualité parce que les femmes l’ont rejeté, ce qui est totalement absurde! Tout au long de l’histoire, des femmes ambitieuses se sont offertes à des hommes qui avaient de l’argent et du pouvoir, et peu de ces hommes avaient l’esprit généreux de Hart ou son brillant sens de l’humour. Beaucoup de choristes de Broadway et d’Hollywood auraient adoré sauter dans le lit de Hart dans l’espoir d’obtenir un rôle, et autant que nous en sachions, aucune d’entre elles n’a jamais eu cette chance. Hart a peuplé son lit d'hommes. En outre, c’est idiot de déduire que Hart a choisi d’être gay. La sexualité n’est pas une question de choix. Et surtout qui aurait pu choisir d’être homosexuel dans l’atmosphère répressive du début du XXe siècle?

Tout porte à croire que Hart a trouvé fort peu de plaisir dans ses liaisons homosexuelles. Terrifié par l’intimité, il attendait que ses partenaires s’endorment, puis sortait du lit et se blottissait sur le sol de sa chambrepour dormir. Dans Rodgers & Hart: Bewitched, Bothered and Bewildered (de Samuel Marx et Jan Clayton - 1976), plusieurs des connaissances de Hart confirment qu’il a participé à des orgies privées exclusivement masculines, mais strictement comme voyeur. Il trouvait que regarder était moins stressant que de participer.

Lors de la soirée d’ouverture d'Oklahoma! () de Rodgers et Hammerstein, Hart était sobre et abasourdi par ce triomphe sans précédent. Comme nous l'avons vu, il a alors accepté d’aider Rodgers à préparer un reviavl de A Connecticut Yankee () offrant à Vivienne Segal, son amie de longue date, une nouvelle chanson comique To Keep My Love Alive. Mais pendant les répétitions, Hart buvait beaucoup. Il est arrivé totalement saoul pour l’ouverture de Broadway, devant être évacué par des gardes du corps. Après avoir passé la nuit sur le canapé de son frère, il a disparu. Quelques jours plus tard, on l’a trouvé assis sur le trottoir d’une rue, ivre, sans manteau et trempé jusqu’à la peau par une averse glaciale de novembre. La pneumonie a conduit à sa mort quelques jours plus tard. Selon une infirmière, les derniers mots de Hart furent: «What have I lived for?» («Pour quoi ai-je vécu?») Cela l’aurait-il réconforté de savoir que les gens continueraient de chanter et de célébrer ses chansons pour les générations à venir?

 

B) Hammerstein: «Carmen Jones»

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«Carmen Jones» (1943)
Broadway Theatre
d'Oscar Hammerstein d'après George Bizet

Le projet personnel d’Oscar Hammerstein, Carmen Jones (), était une vieille idée avec laquelle il jouait depuis des années. En 1934, il avait vu une version de concert de l’opéra Carmen de Georges Bizet au Hollywood Bowl, et il était certain qu’une histoire aussi captivante – l’histoire d’un soldat espagnol tout ce qu’il y a de plus réglo, Don José, séduit par une sensuelle gitane – et une musique aussi étonnante pourraient trouver un public moderne beaucoup plus large que celui de l’opéra traditionnel. Surtout s’il était réécrit en anglais et ramené dans un cadre plus contemporain. Assis seul à Highland Farm, chez lui à Doleystown, un jour de janvier 1942, juste après le terrible échec de Sunny River () (Romberg/Hammerstein4 déc ’41-3 janv ’42 – 36 représentations au St James Theatre où triomphera son Oklahoma! () un an plus tard), il écouta un enregistrement de l’opéra par la compagnie La Scala de Milan. En fait, il l’écouta en boucle. Puis il a étudié le livret ainsi qu’une traduction anglaise et la partition complète pour piano. Tout seul dans son coin, il commença à travailler sur une adaptation.

Hammerstein a eu l’idée de transférer le cadre gitan du sud de l’Espagne au sud des États-Unis, en plein monde afro-américain. Au lieu d’être une ouvrière dans une usine de cigarettes à Séville, Carmen serait Carmen Jones, une ouvrière d’aujourd’hui travaillant dans une usine de parachutes en Caroline du Sud, tandis que Don Jose deviendrait Joe, un caporal de l’armée. Son rival amoureux, le torero Escamillo, deviendrait Husky Miller, un combattant poids lourd.

Hammerstein est resté proche de la partition originale, laissant tomber des airs qui ne correspondaient pas à son livret condensé en deux actes, mais ses nouvelles paroles rajoutaient une intensité palpitante à la traduction anglaise rigide et guindée qui prévalait alors. Voici en comparaisons quelques lignes de la chanson la plus connue de Carmen « Habanera » :

Texte original
de Meilhac et Halévy
Version anglaise classique Version anglaise de Hammersteinen
«dialecte black» parlé
L'amour est un oiseau rebelle
Que nul ne peut apprivoiser
Et c'est bien en vain qu'on l'appelle
S'il lui convient de refuser
Ah! Love thou art a willful wild bird,
And none may hope thy wings to tame,
If it please thee to be a rebel,
Say, who can try and thee reclaim?
Love’s a baby dat grows up wild
An’ he don’ do what you want him to,
Love ain’ nobody’s angel child
An’ he won’t pay any mind to you...

Hammerstein a terminé le livret en juillet 1942, à peu près au moment où il rencontre Richard Rodgers pour déjeuner au Barberry Room () et accepte de travailler sur Green Grow the Lilacs. Max Gordon, malgré son aversion récemment exprimée à produire d’autres musicals à Broadway (il était le producteur du flop Sunny River ()), a pris une option sur Carmen. Mais il n’a pas pu réunir dans un premier temps l’argent nécessaire. En plus, Oscar était occupé avec le projet de la Theatre Guild et ne pouvait travailler sur les deux projets. En novembre, alors même que Rodgers et Hammerstein étaient en plein travail sur ce qui allait devenir Oklahoma! (, un soutien imprévu est apparu: Billy Rose, l’auteur-compositeur-producteur qui avait produit le Jumbo () de Rodgers and Hart en 1935. Rose avait une mère amoureuse d’opéra, et quand Hammerstein lui a envoyé le livret de Carmen Jones (), il était fasciné. Rose s’est engagé à produire Carmen Jones (), mais il devait attendre la création du spectacle de Rodgers et Hammerstein.

En juillet 1943, avec Oklahoma! () complet tous les soirs, Hammerstein a enfin pu se reconsacrer à la réécriture de Carmen Jones () — il pensait pouvoir l’améliorer d’environ 25% après ne pas l’avoir relue depuis un moment. Il a écrit à son fils Bill avec enthousiasme à propos de l’équipe de création rassemblée pour créer le spectacle. Le metteur en scène serait Hassard Short, un vétéran britannique considéré comme un maître de la mise en scène élégante, et les orchestrations de Bizet seraient adaptées par Robert Russell Bennett – l’orchestrateur magique d’Oklahoma! ().

L’équipe de production avait donné à Hammerstein une critique de Carmen écrite par le philosophe Friedrich Nietzsche, dans laquelle il affirmait que la musique de l’opéra n’était ni française ni allemande, mais africaine! Hammerstein a ajouté:

«Je ne suis pas aussi original que je le pensais et Nietsche était en avance sur son temps. De plus, je suis à peu près certain que je me trompe d’orthographe.»

Oscar Hammerstein

(Ce qui était bien vu, pour la faute d'orthographe!)

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La première ‘Carmen Jones’: Muriel Smith
«Carmen Jones» (1943)
Broadway Theatre
d'Oscar Hammerstein d'après George Bizet

John Hammond, un directeur de disques de Columbia qui était un amateur de jazz et de blues (et découvrira le jeune Bruce Springsteen), a accepté de participer au recrutement d’une centaine d’acteurs noirs, ce qui n’est pas un mince exploit à cette époque où la ségrégation raciale était totalement organisée. Luther Saxon, qui travaillait dans un chantier naval, a été choisi comme l’un des Joe, tandis que Glenn Bryant, un officier de police de New York de plus d’1m90, a pris le rôle du boxeur Husky Miller. Muriel Smith, qui jouerait l’une des Carmen, travaillait comme décapeuse dans un laboratoire photographique!

Des Try-Out se déroulèrent en deux séries:

  • A Philadelphie au Erlanger Theatre du mardi 19 octobre au samedi 6 novembre 1943 (3 semaines)
  • A Boston au Boston Opera House du mardi 9 au samedi 27 novembre 1943 (aussi 3 semaines)

L’ouverture à Broadway au Broadway Theatre de New York a été fixée au jeudi 2 décembre 1943 (une seule preview le 1er décembre). Hammerstein s’inquiétait, surtout au sujet du verdict des critiques de musique classique. Mais les critiques les plus aguerris de Broadway sont été dithyrambiques. «Bravo!» a titré le Herald Tribune. «Le théâtre et la musique ont eu un mariage mémorable... aussi merveilleusement excitant qu’audacieux... Le livret a été brillamment traduit... quelque chose de plus qu’un événement théâtral majeur.» Le spectacle a tenu l’affiche 503 représentations, jusqu’au 10 février 1945.

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«Carmen Jones» (1943) - Broadway Theatre
d'Oscar Hammerstein d'après George Bizet

© The Rodgers and Hammerstein Organization (www.rodgersandhammerstein.com/)

 

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«Carmen Jones» (1943) - Broadway Theatre
d'Oscar Hammerstein d'après George Bizet

© The Rodgers and Hammerstein Organization (www.rodgersandhammerstein.com/)