4.
1866 - «The Black Crook», première création américaine

 5.3.
Harrigan & Hart

 5.4.B.
Die Lustige Witwe (La Veuve Joyeuse)

 

 5.5.
Victor Herbert

 6.
1927 - «Show Boat»

C) Les dernières années de Lehár

C.1) Flirt avec le nazisme...

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Partitions de "Der Graf von Luxembourg" (1909)

Les œuvres ultérieures de Franz Lehár comprennent Der Graf von Luxemburg (1909), Das Land des Lachelns (1923) et Paganini (1925) qui furent d'énormes succès en Europe centrale mais beaucoup plus limités ailleurs. Lorsque l'Allemagne nazie annexa de force l'Autriche en 1938, de nombreux artistes quittèrent le pays. Il resta, affirmant qu'à l'âge de 68 ans, il n'était pas disposé à émigrer.

Il était même prêt à accepter les honneurs des nazis. Il a affiré qu'en 1905, quand Adolf Hitler n’était qu’un artiste sans le sou à Vienne, il a assisté à la 50ème représentation de Die Lustige Witwe () depuis le poulailler du théâtre (le balcon le plus élevé). Depuis, Hitler a toujours été fan de Lehár. Ce dernier a envoyé au dictateur un programme de cette soirée dédicacé, et Hitler lui a répondu en l’invitant à la Chancellerie du Reich à Berlin.

Les nazis ont interdit toutes les œuvres juives à la radio allemande mais pas Die Lustige Witwe (), évitant toute mention à ses librettistes juifs. Lorsque l'ami de Franz Lehár, qui avait créé le rôle de Danilo, Louis Treumann a été envoyé dans un camp de concentration parce qu'il était juif, le compositeur n'a rien fait. Plus tard, Il affirma qu'il était trop occupé à protéger sa femme juive, mais Hitler l'avait déjà classée « aryenne honoraire ».

Après la guerre, Franz Lehár fut choqué lorsque le monde l'accusa d’avoir collaboré avec le régime d'Hitler. Lorsque les théâtres viennois refusèrent de présenter ses œuvres, il se sentit trahi: «Je n'aurais jamais pensé que tout ce que j'avais accompli à Vienne et au service de Vienne serait si vite oublié.» Il était encore évité de tous au moment de sa mort en 1948. Mais ses œuvres ont vite retrouvé leur place sur les scènes viennoises, notamment Die Lustige Witwe ().

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Affiche du film "Der Graf von Luxembourg" de la MGM (1934)

C.2) La valse continue

On estime que The Merry Widow () a été jouée plus d'un demi-million de fois au cours de ses soixante premières années. Il y a eu de très fréquents reprises, des traductions et des enregistrements. Les Shubert Brothers ont fait tourer l’œuvre aux États-Unis pendant des décennies, et l'une de leurs troupe comprenait la soprano américaine Beverly Sills au début de sa carrière, bien avant qu’elle ne devienne une star. Des années plus tard, à la fin de sa carrière, elle a joué dans une nouvelle traduction signée par le parolier Sheldon Harnick qui a été programmée aux opéras de San Francisco et New York.

L'adaptation muette à l'écran par la MGM a été l'un des films les plus rentables de 1925. Irving Thalberg a produit un somptueux remake sonore en 1934, mettant en vedette Jeanette MacDonald et Maurice Chevalier, et réalisé par Ernst Lubitsch. Il a suivi fidèlement l'intrigue originale, mettant en vedette les paroles délicieuses signées Lorenz Hart. Le même studio a présenté une version Technicolor grinçante en 1952 avec la star, mais pas chanteuse, Lana Turner dans le rôle-titre.

Une version du British Ballet de The Merry Widow (), chorégraphiée par Ruth Page et mettant en vedette Alicia Markova, a ouvert à Broadway en 1955. Une adaptation ultérieure, mise en scène pour l'Australian Ballet par John Lanchberry, s’est jouée à Londres et New York avec Dame Margot Fonteyn dans le rôle-titre. Une production de Holiday on Ice a traversé l'Amérique du Nord en 1956.

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DVD de la version du MET

En raison des importantes exigences vocales de la partition de Franz Lehár, la plupart des productions de The Merry Widow () sont mises en scène par des compagnies d'opéra. Actuellement, c'est la seule opérette qui a été jouée au Metropolitan Opera de New York – où le rôle-titre était interprété par Frederica von Stade et Renée Fleming. Malheureusement, l'esprit original de The Merry Widow () peut être perdu dans ces énormes maisons d'opéra.

Chaque traduction anglaise de The Merry Widow () a fait des ajouts et des suppressions. Même les productions en allemand font des changements. La fortune de la veuve de «vingt millions» est souvent augmentée, même en milliards, bien qu'il soit encore d'usage de ne pas indiquer la monnaie. Beaucoup de productions reprennent des numéros d'autres opérettes de Lehár, généralement pour donner un ou les deux solos supplémentaires aux rôles principaux.

Franz Lehár s'est finalement débarrassé de l'ouverture qu'il avait ajoutée un an après le début à Vienne. Cela n'a pas empêché d'autres personnes d'en composer de nouvelles. Une ouverture «très Broadwaysienne» due au compositeur Douglas Gamley a été entendue pour la première fois dans la production de l'Australian National Opera en 1988 mettant en vedette Joan Sutherland. Il a depuis été utilisé ailleurs, généralement sans crédit dans le programme.

C.3) L'héritage de la Veuve

Dans n'importe quelle langue et n'importe quel format, The Merry Widow () offre toujours un merveilleux divertissement. C'est la seule comédie musicale de la première décennie des années 1900 encore régulièrement jouée aujourd'hui. Et toute œuvre qui provoque encore le rire plus d'un siècle après sa création, ne peut être considérée seulement comme une pièce de musée. Qu'est-ce qui l'a rendue si vivace?

Bien sûr, la raison principale en est la partition séduisante de Franz Lehár, ainsi que ses personnages crédibles créés par Leon et Stein. Artistiquement parlant, la musique et le livret sont les réussites les plus importantes de The Merry Widow (). Complètement intégrées, leur cohérence maintient le spectacle engageant et agréable.

En outre, The Merry Widow () est bien plus qu'une histoire d'amour. Il offre au public un aperçu critique de la manière dont les «classes supérieures» vivaient à la fin du XIXème siècle à Paris. Intrigues diplomatiques, rencontres interdites, et boîte de nuit décadente où la crème de la société se mêle aux danseuses du demi-monde (femmes entretenues qui participaient à la vie mondaine). Cette comédie musicale parle d’un monde étincelant qui va être rayé de la carte par la Première Guerre mondiale.

La sensuelle Merry Widow Waltz de Franz Lehár a apporté à l'opérette – et à toutes les formes de théâtre musical quelque chose de nouveau: la danse comme expression respectable de la passion sexuelle. Cet élément séduisant et quelque peu audacieux était si mélodiquement séduisant que même les prudes l'approuvaient. Lorsque Danilo et Hannah tourbillonnent, ils incarnent la romance en trois temps.

Leon et Stein sont responsables d'une autre innovation. Jusqu'à The Merry Widow (), les comédies musicales se concentraient sur une intrigue centrale. Un couple secondaire existait souvent pour fournir des «respirations comiques», mais on pouvait les retirer du livret original sans affecter le résultat de l'histoire principale. The Merry Widow () a créé un scénario principal et une sous-intrigue complètement interdépendants. La romance clandestine entre Camille et Valencienne, et les machinations du mari jaloux de Valencienne sont des facteurs clés dans la résolution de l'histoire d'amour d'Hanna et Danilo. Lorsqu'elles sont bien construites, ces sous-intrigues entrelacées rendent les livrets beaucoup plus intéressants. Elles sont devenus une caractéristique standard dans les musicals actuels.

Hannah et Danilo ont également été les premiers d'une longue lignée de personnages à captiver le public en refusant de dire «Je t'aime». Ces couples ont longtemps été des incontournables littéraires, comme avec Elizabeth Bennett et Mr. Darcy dans Pride and Prejudice (1813) de Jane Austen. La tension comique générée par ces attractions inexprimées fonctionne particulièrement bien dans les comédies musicales. Il est très amusant de regarder le donner et prendre des amants jouant «difficile à obtenir» et que le plaisir semble s'intensifier lorsque le jeu est mis en musique. Oklahoma! (), Kiss me Kate (), Hello, Dolly! (), Grease (),et beaucoup d'autres comédies musicales font écho à l'intrigue principale de The Merry Widow () de deux amants niant leurs sentiments au nom de la fierté.

Enfin, The Merry Widow () était une comédie musicale avec pour personnage principal une femme autonome. Au début des années 1900, alors que la modification du marché de l’emploi pouvait donner aux femmes une indépendance financière, certaines ont commencé à exiger de jouer un plus grand rôle dans la société. Le livret de Stein et Leon était centré sur une femme disposant d’une richesse extraordinaire et qui avait la volonté de l'utiliser à son avantage. Et qui finit par gagner.

The Merry Widow () a créé une demande en Grande-Bretagne et aux États-Unis pour les opérettes avec des valses viennoises. Des dizaines de ces opérettes ont été exportées à Londres et à New York dans les années qui ont suivi. The Chocolate Soldier (NY 1909, 296 représentations; Londres, 500 représentations) est basé sur Arms and the Man de George Bernard Shaw, une comédie sur une femme idéaliste qui tombe amoureuse d'un soldat ennemi épris de paix. La partition romantique d'Oscar Straus (aucun lien de parenté avec le roi de la valse) comprend My HeroCome, come, I love you only, my heart is true») qui est devenue l'une des chansons les plus populaires de l'époque. Shaw a été tellement consterné par cette révision romantique de sa pièce de théâtre qu’il interdira jusqu’à sa mort d'autres adaptations musicales de ses pièces. Il faudra donc attendre sa mort pour que l’on puisse adapter son Pygmalion en My Fair Lady ().

Les opérettes viennoises ont continué d'inonder Broadway et le West End de Londres au cours de la décennie suivante, donnant aux producteurs américains et britanniques un flot régulier. Mais New York avait aussi un trio de compositeurs fournissant une riche offre de succès musicaux locaux: Victor Herbert (), George M. Cohan () et Irving Berlin ().