B) Fidélité à Riggs: Ouverture - «Oh, What a Beautiful Mornin'»
Rodgers et Hammerstein voulaient aussi tous les deux rester excessivement fidèles au Green Grow the Lilacs de Lynn Riggs. On peut le constater dès l’ouverture du musical. Comme le soulignent de nombreux analystes de l’œuvre, dès les premiers moments, il y a une rupture nette avec ce qui se faisait d’habitude.
Contrairement aux débuts habituels des musicals de Broadway de l’époque, avec leur chœur de danseuses aux longues jambes, le rideau se lève dans Oklahoma! () sur Tante Eller en train de faire du beurre sur son porche alors que Curly chante Oh, What a Beautiful Mornin’ depuis les coulisses. Rodgers a affirmé que cette option n’est apparue qu’après «de nombreuses réflexions et discussions». La volonté était de ne pas commencer par quelque chose d’évident, comme une danse de grange avec tout le monde.
En fait, toutes ces réflexions ont ramené Rodgers et Hammerstein à l’ouverture de la pièce de Riggs, reprenant la didascalie de sa première scène:
«C’est un matin d’été radieux, il y a plusieurs années, le genre de matin qui, enveloppant les contours de la terre — les hommes, le bétail dans une prairie, les lames du jeune maïs, les ruisseaux — fait semblant d’exister pour la première fois...»
«Green Grow the Lilacs» - Livret original
La pièce de Riggs commence elle aussi par une chanson hors-scène de Curly (la ballade Whopee Ti Yi Yo, Git Along Little Dogies). On peut aussi y trouver des similitudes avec l’ouverture de Porgy and Bess (), Summertime.
Tout porte à croire que Oh, What a Beautiful Mornin’ a été l’une des premières idées concrètes du spectacle: ses paroles figurent déjà dans le premier livret provisoire de Hammerstein (où la plupart des autres chansons sont mentionnées par un titre et un bref aperçu du futur contenu). Oh, What a Beautiful Mornin’ devient donc le premier texte d’Hammerstein dans le nouveau partenariat Rodgers & Hammerstein.
Cette chanson tient une place à part dans l’histoire des musicals. Dans son livre Rodgers and Hammerstein, Ethan Mordden explique comment Oklahoma! () a changé les règles du spectacle à Broadway:
«Don’t start with a star; start with a story – Don’t paste fun onto the show; find the fun within the action – The songs and dances define the characters or further the narrative.»
«Ne commencez pas par une star; commencez par une histoire – Ne rajoutez pas du fun dans le spectacle; trouvez le fun dans l’action – Les chansons et les danses définissent les personnages ou approfondissent le récit. »
«Green Grow the Lilacs» - Livret original
There's a bright, golden haze on the meadow
There's a bright, golden haze on the meadow
The corn is as high as an elephant's eye
And it looks like it's climbing clear up to the sky
Oh, what a beautiful mornin'
Oh, what a beautiful day
I've got a beautiful feelin'
Everything's goin' my way
All the cattle are standin' like statues
All the cattle are standin' like statues
They don't turn their heads as they see me ride by
But a little brown maverick is winkin' her eye
Oh, what a beautiful mornin'
Oh, what a beautiful day
I've got a beautiful feelin'
Everything's goin' my way
All the sounds of the earth are like music
All the sounds of the earth are like music
The breeze is so busy it don't miss a tree
And ol' weepin' willer is laughin' at me
Oh, what a beautiful mornin'
Oh, what a beautiful day
I've got a beautiful feelin'
Everything's goin' my way
Oh, what a beautiful day...
«Oh, What A Beautiful Mornin'» (Rodgers/Hammerstein II)
Le but d'Oklahoma! () n'était pas de montrer le point de vue d'un New-Yorkais sur ce qu'était la vie en Oklahoma au tournant du siècle, mais bien de le montrer du point de vue des Oklahomans, en utilisant leur propre langue.
Dans la chanson d’ouverture, Hammerstein a dans ses paroles écrit Oh, What a Beautiful Mornin', conservant l’abandon du "g" du dialecte régional de l’Oklahoma. Toutes les chansons ont été écrites en dialecte, un dispositif qui a aidé à faire croire au public que les chansons étaient en fait créées par ces personnages. Hammerstein a inclus les images du maïs et de la brume dorée sur la prairie, mais a pris soin de ne pas élever le langage de Curly au-delà de ce dont son personnage était capable. Hammerstein a déclaré plus tard: «Il est, après tout, juste un cow-boy, pas un dramaturge.»
La ligne The corn is as high as a elephant’s eye était à l’origine The corn is as high as a cow pony’s eye, mais en regardant le champ de maïs d’un voisin, Hammerstein s’set rendu compte qu’il était plus haut que l’œil d’une vache, il lui fallait bien un éléphant. Rodgers a vu la phrase The corn is as high as a elephant’s eye et a immédiatement proposé une valse qui ne lui a pris que dix minutes à écrire.
L’art d’écriture d’Hammerstein a été perfectionné avec cette chanson. Il a réalisé que la franchise et la simplicité étaient les clés de l’écriture pour un personnage, et son travail a été facilité en raison de son confort dans l’écriture dans une variété de dialectes. Toutes les chansons du spectacle ont été écrites de cette façon, à l’exception de People Will Say We’re on Love, un duo dans lequel Curly et Laurey se déclarent leur amour mutuel, mais où chacun est trop prudent pour le faire ouvertement; au lieu de cela, il doit y avoir une sorte d’antagonisme entre eux, où chacun se refuse à exposer ses vrais sentiments.