5.
1866 1927 - Recherches

 6.8.
Paul Robeson
«LE» JOE

 6.9.N.
Show Boat
Film (1951) (suite)

 6.9.P.
Show Boat
Londres 1971

 6.10.
Le crash de '29
La fin d'un monde

 7.
1927 1943 - Difficultés

O) New York, 1954 & 1961 & 1966

O.1) New York City Center, 1954

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New York City Center - New York

Curieusement, pour de nombreux musicals qui ont survécu assez longtemps pour être considérés comme des «classiques», il y eut aux États-Unis la volonté, de certains, de les intégrer dans le cadre de saisons d’opéra. L’opéra, du moins aux États-Unis, est toujours considéré avec une sorte d’admiration qui le distingue des autres formes des arts de la scène, probablement parce qu’il est joué dans une langue étrangère que les Américains ne peuvent pas comprendre. Par snobisme, si un musical américain peut rivaliser avec Aida ou un Tannhauser, alors il est accède au «grand art».

Show Boat () est devenu du «grand art» en 1954. C’est du moins l’année où il a été jugé digne d’être présenté par une grande compagnie d’opéra. Le jeudi 8 avril 1954, l’Opéra de New York a présenté l’œuvre au New York City Center, l’ancien Mecca Theatre magnifiquement décoré qui se profile impérieusement sur la 55ème rue au milieu de Manhattan, et qui pendant des décennies a offert de superbes saisons de théâtre, de ballet et d’opéra (à la fois grand et léger) à des prix modestes.

New York City Center

Construit en 1923 sur la 55th Street, entre la 6th et la 7th Avenues, ce lieu d’abord nommé Mecca Theatre peut accueillir près de 2.750 spectateurs sous un dôme de 30 mètres de haut. Le succès de la salle est immédiat et les New-Yorkais se pressent pour assister aux représentations et admirer le décor fastueux. Lors du crash économique de 1929, le promoteur du Mecca Theatre n’arrive plus à payer les factures et il est contraint de céder le bâtiment à la ville…

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New York City Center - New York

Au début des années ‘40, le bâtiment devait être démoli lorsque le maire Fiorello La Guardia ont décidé de convertir le bâtiment en une «maison des arts du spectacle» ayant pour mission de rendre le meilleur des arts du spectacle accessible à tous.

Le 11 décembre 1943, New York City Center ouvrit ses portes avec un concert du New York Philharmonic. Dès son ouverture, le lieu accueillit en résidence le New York City Opera (1944-1964). Chaque saison – des années '40 aux années '60 – le lieu a présenté de nombreux événements musicaux et théâtraux avec des interprètes de renom comme: Helen Hayes, Montgomery Clift, Orson Welles, Gwen Verdon, Charlton Heston, Marcel Marceau, Bob Fosse, Nicholas Magallanes, Francisco Moncion, Tallulah Bankhead, Vincent Price, Jessica Tandy, Hume Cronyn, Uta Hagen, Christopher Walkenont

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New York City Center - New York

L'une des premières compagnies de danse à s'y produire régulièrement fut le Ballet Russe de Monte Carlo, de 1944 à 1948. En 1948, il sera proposé à George Balanchine de s’installer au New York City Center et de créer le New York City Ballet. Mais vite ces prestigieuses compagnies ont ressenti le besoin d’un lieu plus grand, et surtout mieux équipé. Et elles vont déménager au milieu des années ’60 vers un lieu flambant neuf bien plus prestigieux: le Lincoln Center. C’est bien plus qu’une salle de spectacle. Il s’agit d’un «quartier culturel»…

Sous l'initiative de John D. Rockefeller, le Lincoln Center a été construit dans le cadre du «Lincoln Square Renewal Project», pendant le programme de rénovation urbaine de Robert Moses dans les années 1950 et 1960. Ce lieu est un complexe de 6,6 hectares de bâtiments dans le quartier Lincoln Square de Manhattan à New York. Il dispose d’une trentaine de lieux de spectacles (dont 5 salles de plus de 1.000 places!) et accueille 5 millions de visiteurs par an. Il abrite des organisations des arts de la scène de renommée nationale et internationale, notamment le New York Philharmonic, le Metropolitan Opera et le New York City Ballet. La Juilliard School of Music fait également partie du complexe du Lincoln Center.

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Lincoln Center - New York

La migration de ces compagnies du New York City Center vers le Lincoln Center a été très rude. On a à nouveau pensé à une démolition. Mais, petit à petit, de nouvelles compagnies s’y sont installées. Aujourd’hui, le New York City Center abrite de nombreuses compagnies distinguées, dont Alvin Ailey American Dance Theater, le Manhattan Theatre Club et la Pearl Theatre Company; une liste d’artistes invités nationaux et internationaux de renom s’y produisent; et ses propres programmes, tels les prestigieux musicals Encores!, depuis 1994.

L’Opéra de New York (le New York City Opera ou en plus court le NYCO) a présenté au New York City Center 3 représentations de Show Boat () dans leur saison, en alternance avec Tosca, Don Giovanni, Carmen, La Traviata et Salome. Julius Rudel, le directeur musical du NYCO, a expliqué qu’il avait choisi de mettre Show Boat () au répertoire parce qu’après un sondage auprès de son public, il s’est avéré que c’était le spectacle le plus souhaité après La Flûte Enchantée

La mise en scène a été faite par William Hammerstein, l’un des fils du célèbre Oscar Hammerstein II. À ce titre, il avait vu la première production de Show Boat () en 1927 alors qu’il était encore un petit enfant et avait aidé son père à taper à la machine le scénario de la deuxième version cinématographique en 1935. Depuis le revival de 1946, où il était stage manager, le musical n’est plus sorti de sa vie. Il mettra plusieurs fois en scène Show Boat (), travaillant avec son père jusqu’à sa mort en 1960, puis continuant seul. William Hammerstein a adapté bon nombre des dialogues et est à la base de nombreux changements structurels au fil des ans.

Robert Rounseville (Ravenal), Laurel Hurley (Magnolia) et Helena Bliss (Julie) étaient des chanteurs issus de la compagnie du New York City Opera. Ils chantaient magnifiquement. Leurs techniques étaient évidemment opératiques, mais c’était indispensable, sans micro, dans une si grande salle. Par ailleurs beaucoup de rôles Show Boat () contiennent peu ou aucune partie chantée, et ceux-ci ont été joués par des invités: Stanley Carlson (Cap’n Andy), Marjorie Gateson (Parthy), Jack Albertson (Frank) et Diana Drake (Ellie) entre autres.

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Marjorie Gateson (Parthy), Laurel Hurley (Magnolia), Helena Bliss (Julie), Robert Gallagher (Steve) et Burl Ives (Cap’n Andy)
Show Boat - New York City Center (1954)

Joe et Queenie se sont avérés faciles à distribuer à partir de la nouvelle génération montante de chanteurs d’opéra noirs qui allait bientôt transformer la scène de l’opéra d’après-guerre. Le NYCO avait dès ses débuts été un endroit convivial pour ces pionniers. Lawrence Winters (Joe) a acquis sa renommée en chantant Red Ball Express dans la revue de Broadway de 1946, Call Me Mister (), un hommage aux GI’s de retour de la guerre (un succès : 734 représentations). Depuis 1949, Winters a chanté des rôles principaux avec le NYCO. La même saison où il a chanté Joe, il apparaît comme le Comte Almaviva dans Les Noces de Figaro. Helen Phillips a quant à elle chanté le rôle de Queenie. Phillips avait intégré les rangs du chœur du Metropolitan Opera en 1947, quand elle a été appelée pour un remplacement de dernière minute et a été autorisée à jouer par un metteur en scène qui a décidé de lui laisser jouer le rôle, «malgré» sa couleur de peau. Ella a été la première chanteuse noiredu Metropolitan Opera. Phillips avait chanté un récital au Town Hall de New York (1.495 places) en 1953 et a passera une grande partie de sa carrière à chanter dans des tournées en Allemagne de l’Ouest et en Autriche pour le département d’État.

Comme c’était la coutume dans une compagnie jouant en répertoire, divers autres chanteurs ont joué ces rôles dans les représentations de printemps et d’automne de NYCO de 1954. William C. Smith a également joué Joe dans cette production. Ce n’était pas la première fois qu’il abordait ce rôle. Dans le revival de 1946, il était understudy de Joe et finit par remplacer Kenneth Spencer à Broadway et pendant la tournée. Smith a continué à jouer Joe dans diverses productions à travers le pays à la fin des années '40 et durant les années '50… Un portrait de lui, publié dans un journal, a affirmé que Smith avait joué Joe plus de 2.000 fois, et donc chanté Ol' Man River au moins 10.000 fois sur scène (soit 5 fois dans chaque représentation). Smith a été célébré dans la presse noire comme un «non Oncle Tom» et on lui a reconnu la réussite de «donner de la dignité et de la perspective à une époque scénique où le nègre était souvent un bouffon

L’ensemble imaginé par William Hammerstein a été divisé en trois groupes. Quatre filles blanches ont formé un modeste Congrès des Beautés. Le script de 1927 en prévoyait quarante. Trente-sept personnes sont répertoriées dans l’ensemble choral qui pour la première fois dans l’histoire de Show Boat () n’a pas été divisé en noir et blanc dans le programme. Enfin, un chœur de sept enfants a été répertorié séparément.

Après ces 3 représentations (du 8 avril au 2 mai 1954) produites par le NYCO (New York City Opera), le spectacle a été joué pour 15 représentations du 5 au 16 mai 1954 toujours au New York City Center mais dans une production du New York City Light Opera Company (NYCLOC). La majorité du cast est resté identique. Mais ce n’en était pas fini: le spectacle fut repris pour 2 représentations en répertoire par le NYCO la saison suivante: les 28 et 31 octobre 1954, toujours au New York City Center.

Le nombre total de représentations de cette production s’élève donc à 20.

O.2) New York City Center, 1961

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Joe E. Brown (Cap’n Andy)
Ici, dans le film de la MGM (1951)

Le mercredi 12 avril 1961, une toute nouvelle production, mise en scène par Dania Krupska et chorégraphiée par Arthur Partington, est présentée, à nouveau, au New York City Center dans une production du NYCLOC. Cette version met en vedette Joe E. Brown dans le rôle de Cap’n Andy. Il s’agit du comédien qui avait joué ce rôle 10 ans auparavant, en 1951, dans le film de la MGM. Tous les numéros comiques qui avaient été coupés dans le film et avaient réduit comme nous l’avons vu terriblement son rôle, ont été réintégrés et ont permis à Brown de livrer une interprétation brillante. Les danses acrobatiques et les souples chutes volontaires, le large sourire et la vantardise pour laquelle Brown a été aimé pendant un demi-siècle, ont fait de son Cap’n Andy un personnage exubérant et touchant. Il rejoint peut-être le niveau du créateur du rôle, Charles Winninger. On retrouve aussi en vedette Robert Rounseville une fois de plus comme Ravenal, Jo Sullivan (Magnolia), Jane Kean (Ellie), Carol Brice (Queenie), Anita Darian (Julie), Richard France (Frank), Andrew Frierson (Joe), Isabella Hoopes (Parthy), et Herbert Fields (Steve). Il y eut 14 représentations du spectacle, le rideau final tombant le 23 avril 1961.

O.3) Lincoln Center, 1966

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24 avril 1964 - Inauguration du New York State Theatre - Lincoln Center

Au début des années '60, les New-Yorkais ont assisté à la transformation d’un quartier pauvre du West Side de New York en le prestigieux Lincoln Center for the Performing Arts (voir cadre bleu ci-dessus). Le complexe culturel le plus ambitieux du pays contenait un opéra (3.900 places), de nombreuses salles de théâtres et des salles de concert, une scène de concert en plein air, la Bibliothèque et le Musée des Arts de la scène, ... L’une des principales salles, le New York State Theatre, rebaptisé le David H. Koch Theater en juillet 2008, accueillant 2.586 spectateurs a été créée pour proposer des opéras, des ballets et des musicals. Ce théâtre a accueilli en résidence le Music Theater of Lincoln Center, une organisation de production dirigée par Richard Rodgers qui avait pour objectif de créer deux revivals somptueux de musicals, chaque été. Les trois premières saisons ont présenté dans le New York State Theatre The King and I () (àpd 6 juillet 1964), The Merry Widow () (àpd 17 août 1964), Kismet () (àpd 22 juin 1965), Carousel () (àpd 10 août 1965), Annie get your gun () (àpd 31 mai 1966) et Show Boat (), qui a ouvert le mardi 19 juillet 1966.

Pour une raison bizarre, mais récurrente, chaque fois qu’un metteur en scène veut proposer un revival de Show Boat (), il semble considérer l’œuvre comme une «antiquité créée par une ancienne génération» et qu’elle nécessite de la chirurgie esthétique pour la garder jeune et la remettre à la mode. Le revival de 1966 était esthétiquement aussi beau qu’un char dans une procession de carnaval, mais tout aussi artificiel.

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New York State Theatre

Au départ, l’enjeu de mettre en scène un drame émotionnel dans un immense théâtre architecturalement glacial comme l’est le New York State Theatre est énorme. Dans cette salle de qui abrite 2.586 places, le public est tout simplement trop loin, et les acteurs sont comme des taches en mouvement sur une toile. En outre, l’utilisation de l’amplification sonore électronique, balbutiante à cette époque, augmentait le processus de déshumanisation et diminuait gravement l’impact des prestations même les plus déchirantes.

Quoi qu’il en soit, l’accent mis sur les aspects visuels de l’œuvre plutôt que sur les aspects dramatiques semble être incontestablement le fruit d’une décision délibérée. L’élimination complète des débardeurs noirs dans la scène d’ouverture, la réécriture de deux strophes de Can’t Help Lovin' Dat Man pour éliminer toute référence raciale et la restructuration musicale de Ol' Man River en coupant la section centrale dans laquelle les débardeurs travaillent sur le Mississippi sont quelques exemples qui montrent que le spectacle a été conçu pour être une ode nostalgique à un passé idéalisé.

Profitant de l’immense scène du State Theatre et de son plateau tournant, le scénographe Oliver Smith a créé un somptueux «Cotton Blossom» qui pouvait non seulement arriver au port sous les yeux du public, mais pouvait tourner pour permettre aussi bien la vue sur ses ponts et sur l’intérieur. Cela a donné au metteur en scène Lawrence Kasha la possibilité de passer d’une scène à l’autre avec plus de douceur que d’habitude. C’est, en fait, la «douceur» qui caractérise le mieux sa mise en scène, mais aussi les chorégraphies de Ronald Field. Dans cette version, les acteurs ont rarement donné vie à de vrais personnages avec des interrelations entre elles, et la danse n’a pas égayé l’ambiance de façon perceptible. Tout était soigné, mais émotionnellement terne.

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David Wayne (Cap’n Andy)
«Show Boat» - New York State Theatre (1966)

Dans le rôle du Cap’n Andy, David Wayne a montré la différence entre un acteur qui essaie d’être comique et un comique qui essaie de jouer. Tout ce que Wayne faisait était rationnel et pensé, mais il n’a jamais brillé et ses effets comiques étaient souvent caricaturaux. Barbara Cook (Magnolia) et Stephen Douglass (Ravenal) chantaient bien, mais semblaient curieusement indifférents l’un à l’autre. Le feu intense de Barbara Cook chantant Glitter and Be Gay dans Candide () (1956 au Martin Beck Theatre) était réduit ici à une simple étincelle, tandis que l’accent du sud de Stephen Douglass ressemblait à une marée, tantôt présent, tantôt absent.

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Barbara Cook (Magnolia)
«Show Boat» - New York State Theatre (1966)

D’un point de vue musical, la production proposait quelques pénibles surprises. Malgré un orchestre élargi à 43 musiciens, quinze de plus que dans les versions de Broadway, les nouvelles orchestrations de Robert Russell Bennett avaient tendance à manquer de la grâce séduisante, de la délicatesse et de l’innocence de ses spectacles antérieurs. Les sept thèmes musicaux compris dans sa nouvelle ouverture semblaient trop souvent artificiellement liés, s’éloignant de la volonté des auteurs d’une forme globale d’ouverture. Faisant d’habitude preuve d’une finesse musicale, le directeur musical Franz Allers a dirigé ces chansons classiques et familières avec une excentricité presque surprenante dans le tempo. Can’t Help Lovin' Dat Man, par exemple, a été joué à une vitesse effrénée; et le chœur Dandies on Parade était si rapide qu’il a été privé de son rythme naturel. D’autre part, Life on the Wicked Stage était si lent et joué avec une telle indifférence que cette chanson initialement comique ne devait qu’à l’interprétation fougueuse d’Allyn McLerie (Ellie) de ne pas être un chant funéraire…

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Constance Towers (Julie LaVerne)
«Show Boat» - New York State Theatre (1966)

Ol' Man River a été entièrement restructurée, devenant une chanson solo d’un seul refrain, avec le chœur réduit simplement à fredonner en arrière-plan. Bien que ce format fournissait un cadre époustouflant pour la voix puissante de William WarField (Joe), il s’agissait d’une altération inutile de la chanson telle qu’elle avait été initialement voulue par Jerome Kern lui-même.

Sans aucun doute, le moment musical le plus mémorable de la production a été la chanson Bill par Constance Towers, une impressionnante soprano blonde, qui a joué le rôle de Julie avec une perruque sombre.

Elle chantait le premier couplet assise tradition­nel­lement sur son piano – comme l’avait inauguré Helen Morgan – puis sortait de scène. Au milieu des applaudissements, elle revenait comme pour récupérer un sac à main qu’elle avait oublié. Elle déambulait ensuite au bord des coulisses avant de revenir au proscenium et d’offrir la fin de la chanson.

Accompagnée d’un piano solo, la voix de Constance Towers sonnait clairement au sein de cette grotte caverneuse géante qu’était le State Theatre à l’époque. Une impressionnante démonstration d’art vocal et d’art dramatique.

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Margaret Hamilton

De tous les interprètes, ceux qui ont joué leurs rôles dans un style approprié ont peut citer Margaret Hamilton (Parthy) - qui était très célèbre car elle avait, entre autres, créé le rôle de la Sorcière de l'Ouest dans le film Wizard of Oz (1939) - dont l’expression aigre faisait croire qu’elle avait mangé une pomme verte avant chacune de ses entrées en scène, mais aussi le duo Eddie Phillips-Allyn McLerie (Frank & Ellie), dont le numéro de danse était l’une des rares joies de cette production.

Rosetta Le Noire (Queenie) a apporté beaucoup d’esprit à son rôle et a fait preuve d’un battage musical incroyable. Mais son solo dans Can’t Help Lovin' Dat Man a été saboté par une mauvaise réécriture qui posait de très nombreux problèmes...

Paroles originales

Mah man is shifdess
An’ good for nothin’ too,
He’s mah man jes’ de same.
He's never round here
When dere is work to do.
He’s never roun’ me
When dere’s workin’ to do.
De chimley’s smokin’,
De roof is leakin' in,
But he don’ seem to care,
He can be happy
Wid jes’ a sip of gin.
Ah even loves him
When his kisses got gin.

Paroles révisées

Mah man's a dreamer.
He don’t have much to say
He’s mah man just the same.
Instead of workin’,
He sits and dreams all day.
Instead of workin’,
He’ll be dreamin’ all day.
De chimney’s smokin’,
De roof is leakin’ in,
But he don’t seem to care.
He only looks at
The things he wants to see
An’ how I love him
When he’s lookin’ at me.

 

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William WarField (Joe)
«Show Boat» - New York State Theatre (1966)

Ces nouvelles paroles ne s’adaptaient pas à la musique, mais pire, leur banalité affaiblissait tout le caractère de la chanson. Les paroles que chantait Rosetta Le Noire ont été conçues pour éliminer les descriptions voulues par Hammerstein décrivant un Joe paresseux et enclin à boire, tout en redessinant sa relation de couple avec Queenie en des termes plus «blancs», plus romantiques. Hammerstein, décédé en 1960, n’est pas l’auteur de ces nouvelles paroles. Le Joe de cette version était un «rêveur» plutôt qu’un «apathique». Toutes les références au gin ont été enlevées, tout comme la ligne sur les baisers de Joe.

À l’exception de la voix mature de Le Noire, sa Queenie résonnait comme une fille rêveuse avec un petit ami distrait, son solo se terminant par la phrase sentimentale: «Oh combien je l’aime quand il me regarde.»

En 1994, le metteur en scène Harold Prince, dans son revival à Broadway, se débarrassera complètement de ce couplet de Queenie. Il fera chanter par Joe et Queenie une variante du couplet de Julie qui décrira l’amour comme prévu par les anges. Ici aussi, l’imagerie d’Hammerstein a été annulée par la révision de Harold Prince, mettant Joe à l’abri de toute accusation selon laquelle il était un buveur de gin «paresseux». Ces deux approches ont démontré le malaise que ces metteurs en scène avaient avec le texte original de Hammerstein et ne voyaient aucun moyen de sauver le texte du couplet par la seule mise en scène.