6.
1927 - Show Boat

 7.2.
Les Revues de
l'après Ziegfeld

 7.3.D.
George & Ira Gershwin
(8/10)

 7.3.D.
George & Ira Gershwin
(10/10)

 7.4.
Le Royaume-Uni
Années '20 et '30

 8.
1943 Oklahoma!

D) George et Ira Gershwin (II) (9/10) (Suite)

D.5) Les œuvres posthumes (Suite)

  My One and Only (1983)  

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«My One and Only»
Affiche à Broadway

My One and Only () avait été initialement conçu comme une version révisée de Funny Face (), succès musical de 1927 de George et Ira Gershwin. Mais pendant les répétitions et les premières previews du try-out à Boston, il est devenu évident que le musical avait des problèmes majeurs de livret. Peter Stone a rejoint le librettiste initial, Timothy S. Mayer, pour tenter de sauver la situation. Et quelques jours seulement avant la première preview de Boston, le metteur en scène Peter Sellars a été viré et Thommie Walsh et Tommy Tune, qui étaient jusque-là les chorégraphes du spectacle, ont également assumé la mise en scène. Le directeur musical Craig Smith a été congédié et remplacé par Jack Lee. Pendant les try-out de Boston, cinq numéros musicaux ont été coupés.

Il semble que tout le monde théâtral New-Yorkais a été impliqué dans le sauvetage de My One and Only () d’une mort prématurée. Le 28 février 1983, Kevin Kelly dans un article intitulé «Falling on Its Funny Face» dissèque les problèmes chaotiques, tant sur scène qu’en coulisses, de ce spectacle qui a suivi «une route désastreuse en chemin vers Broadway». De plus, Peter Sellars, le metteur en scène viré, ne s’est pas privé d’alimenter toutes les polémiques. Les previews à Boston ont été reportées deux fois et une fois les représentations lancées – représentations du 8 au 26 février 1983 – le spectacle semblait terriblement morose et totalement confus. Il y a eu une matinée mémorable durant laquelle l’encens utilisé sur la scène a été confondu avec de la fumée, ce qui a poussé des dizaines de spectateurs à quitter le théâtre en pleine représentation, croyant à un incendie. Kelly a fait remarquer dans son article que, pendant les try-out de Boston, «seule la partition de Gershwin semble vivre».

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«My One and Only»

Le musical devait ouvrir à Broadway le 17 avril, un mois et demi après la fin des try-out, laissant ainsi beaucoup de temps pour des previews modificatives à Broadway. Les previews ont bien débuté le 31 mars au St. James Theatre, mais la première n’a eu lieu que le 1er mai, après 37 previews. A la surprise générale, le spectacle a reçu généralement de bonnes critiques et s’est joué durant deux ans (767 représ.), suivi d’un US Tour, et a remporté trois Tony Awards.

L’intrigue tournait autour du capitaine Billy Buck Chandler (Tommy Tune), un aviateur du Texas qui fait son entrée pendant dans les airs accroché à un parachute. Son ambition est d’être le premier pilote à traverser l’Atlantique en solitaire, et quand il rencontre Edith Herbert (Twiggy), qui s’empresse de constater qu’elle est la première «très jolie» nageuse à avoir traversé la Manche, c’est le coup de foudre. On découvre aussi dans le musical: Mickey, le mécanicien de Billy (Denny Dillon); l’infâme manager russe d’Edith, Nicolai (Bruce McGill); le révérend de l’église J. D. Montgomery (Roscoe Lee Browne); l’ami et conseiller de Billy, M. Magix (Charles «Honi» Coles).

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Il faudra attendre plus de 15 ans pour que l’on découvre le spectacle à Londres, le 25 février 2002 au Piccadilly Theatre avec Tim Flavin (Capitaine Billy Buck Chandler) et Janie Dee (Edith Herbert). Il a été mis en scène par Loveday Ingram et chorégraphié par Craig Revel Horwood. La première au Royaume-Uni avait eu lieu à Chichester en juillet 2001, et a été ensuite transféré dans le West End. Il a généralement reçu de bonnes critiques, avec de belles louanges pour la chorégraphie, mais le spectacle n'a tenu l'adffiche que 183 représentations pour une série de cinq petits mois.

  Crazy for You (1992)  

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«Crazy for You» - Affiche à Broadway

Comme le musical précédent My One and Only () (1983) et le suivant, Nice Work If You Can Get It () (2012), Crazy for you () est un juke-box musical de George et Ira Gershwin, c’est-à-dire un musical qui met une histoire en musique grâce à toute une série de chanson d’un compositeur, mais qui n’ont à priori pas été composée pour cette histoire. Dans le cas qui nous occupe, l’histoire s’inspire du succès de 1930 des Gershwins, Girl Crazy (). Même si cela n’a jamais été déclaré officiellement, cette influence semble claire, car d’une part les deux musicals racontent l’histoire d’un américain de l’est qui émigre vers l’Ouest et d’autre part Crazy for you () comprend cinq chansons de Girl Crazy (). Enfin, le programme de Crazy for you () indique que le livret a été «inspiré par des documents» écrits par Guy Bolton et John McGowan, les librettistes de Girl Crazy ().

L’anglais Mike Ockrent a imaginé une mise en scène rapide et aérée de cette somptueuse production de 7,5 millions de dollars. Mike Ockrent avait réussi en 1985 une magnifique mise en scène d’un revival d’un spectacle des années’30, Me and My Girl (), qui se jouera 8 ans à l’affiche de l’Adelphi Theatre londonien, soit 3.303 représentations! Un an plus tard, le musical sera créé dans la même mise en scène à Broadway au Marquis Theatre où il tiendra l’affiche pour 1.420 représentations. Il apportera toute son expertise de la musique des années ’30 pour donner vie à Crazy for you (). Le livret de Ken Ludwig était très équilibré, drôle et intelligent. S’y rajoutaient un certain nombre de chansons glorieuses de Gershwin et, pour la première fois à Broadway, une création chorégraphique de Susan Stroman.

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«Crazy for You» - 1992 - Subert Theatre - Broadway
© www.williamiveylong.com/crazy_for_you.html

L’énergique livret de Ken Ludwig comprenait des personnages excentriques, un amoncellement de blagues ringardes, mais bienvenues, un coup de théâtre à la fin du premier acte et une scène irrésistible scène entre deux personnages saouls agissant sur scène en miroir, une scène qui rappelait les Marx Brothers au mieux de leur folie.

L’histoire se concentre sur City Bobby (Harry Groener), playboy à New York, qui ne porte pas le moindre intérêt aux affaires bancaires de sa famille et encore moins à son étouffante fiancée, Irene (Michele Pawk). Il préférerait tellement être dans le show-business et s’amuser avec des showgirls: parées de splendides costumes de musical, sortant de l’intérieur de sa limousine, une douzaine de showgirls surgissent magiquement dans un nuage rose de plumes et se joignent à lui dans un numéro de claquettes endiablé I Can’t Be Bothered Now. Mais les affaires exigent que Bobby se rende à Deadrock au Nevada, pour opérer à une saisie sur le théâtre Gaiety dont le propriétaire, Everett Baker (Ronn Carroll), est en retard dans les paiements hypothécaires.

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«Crazy for You» - 1992 - Subert Theatre - Broadway

Une fois arrivé là-bas, c’est le coup de foudre quand Bobby rencontre Polly (Jodi Benson), et quand il découvre qu’elle est la fille de Baker, il se fait passer pour le célèbre producteur de théâtre Bela – allant jusqu’à la barbe de l’impresario, sa canne et son accent d’Europe du Centre. Il annonce qu’il a l’intention de produire un spectacle à Deadrock afin de sauver le théâtre.

Mais sa femme, Irene, va bientôt débarquer à Deadrock. Cette situation potentiellement explosive va se résoudre lorsqu’elle rencontre un garçon du coin, Lank (John Hillner), une relation amour-haine dès le premier regard et ils vont entrer dans ce qui promet être une relation sadomasochiste mutuellement satisfaisante dans la chanson – dans une mise en scène «apache» - Naughty Baby. D’autres complications surgissent lorsque le vrai Bela Zangler (Bruce Adler) se présente à Deadrock, et comme il fait son entrée, il s’évanouit de déshydratation alors que le rideau du premier acte tombe.

Dans le second acte, le vrai Zangler et le faux se «rencontrent», mais ne réalisent pas tout à fait ce qui se passe, car ils sont tous deux saouls… Néanmoins, dans la scène de duo dont nous avons parlé, ils se lamentent ensemble dans le duo délicieux What Causes That?. Malgré un tas de malentendus, et près de nombreux rebondissements rocambolesques, Bobby et Polly sont réunis à la fin de la comédie musicale dans le nouveau spectacle du Gaiety, dans une production plus somptueuse et glamour que tout ce qui n’a jamais été vu à Broadway.

Bruce Adler (le vrai Bela Zangler) était magnifique dans le spectacle, mais c’est Susan Stroman qui était la star incontestée de la soirée avec ses danses inventives. Comme les critiques l’ont noté, les accessoires de scène étaient sa spécialité et bon nombre de ses chorégraphies les intégraient parfaitement. Comme nous l’avons mentionné, les showgirls sortaient de la limousine de Bobby pour I Can’t Be Bothered Now; pour I Got Rhythm, les membres de la distribution ont utilisé des articles à portée de main (dont des pioches, des casseroles et des poêles, des enjoliveurs …) pour prouver qu’ils avaient du rythme; pour Stiff Upper Lip (dans un clin d’œil à la barricade de Misérables (Les) () et aux chaises de Grand Hotel ()) le casting, lentement mais sûrement, construisait une montagne de chaises tout en chantant et dansant; et pour Slap That Bass, les chorus girls sont devenues des instruments de musique humains dont se servaient les cowboys – aujourd’hui, ce numéro serait sans doute considéré comme sexiste.

Dès la première preview du try-out au National Theatre de Washington, il est apparu comme une évidence que le spectacle serait un succès. Le public s’est délecté en regardant ce musical inspiré et astucieux où brillait tout le savoir-faire traditionnel de Broadway. À l’époque, les ovations debout étaient rares, mais dès cette première preview, le public se tenait debout, applaudissant et sifflant. Après les récents et terribles flops d’Annie 2 () ou de Shogun () – et d’innombrables autres déceptions – Crazy for you () est apparu comme un spectacle où le professionnalisme de Broadway brillait comme un diamant.

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«Crazy for You» - 2011 - Regent's Park Open Air Theatre
© Photo: Tristram Kenton

Frank Rich, du New York Times, affirme que Crazy for you () a marqué le «moment exact» où «Broadway s’est enfin levé pour récupérer la comédie musicale des Britanniques» avec «une fraîcheur et une confiance rarement vues pendant la décennie de Cats () ». Rappelons qu’à cette époque, Brodway est envahi de musicals d’origine anglaise qui triomphent et monopolisent les salles: Misérables (Les) (), Cats (), The Phantom of the Opera (), Miss Saigon (), … N’oublions cependant pas que le metteur en scène de Crazy for you () est justement un anglais, Mike Ockrent, dont l’import londonien, Me and My Girl (), triomphe à Broadway. Frank Rich poursuit en disant qu’il s’agit d’un spectacle «débordant de talent original» qui «repense de façon effrontée la tradition musicale américaine», et que le livret de Ludwig est «un modèle de construction de musical à l’ancienne dans son insistance à établir un contexte narratif, comique ou émotionnel, pour chaque chanson».

Ce musical, sous-titré comme "The New Gershwin Musical Comedy", va être un gros succès, tenant l’affiche du Shubert Theatre du 19 février 1992 au 7 janvier 1996, soit 1.622 représentations!

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«Crazy for You» - 2011 - Regent's Park Open Air Theatre
© www.openairtheatreheritage.com - Photo: Tristram Kenton

Une production dans le West End, également mise en scène par Ockrent et chorégraphiée par Stroman, avec en vedette Ruthie Henshall, Kirby Ward et Chris Langham, a été présentée au Prince Edward Theatre le 3 mars 1993 et est restée à l’affiche près de trois ans.

Près de vingt ans plus tard, en 2011, le Regent’s Park Open Air Theatre a proposé un revival de Crazy for you () dans le cadre de sa saison estivale. Vu le succès, la production a été transférée dans le West End, au Novello Theatre, où elle s’est jouée du 8 octobre 2011 au 17 mars 2012.

  Nice Work If You Can Get It (2012)  

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«Nice Work If You Can Get It» - Affiche à Broadway

Nice Work If You Can Get It () est un juke-box musical de George et Ira Gershwin, dans la tradition de My One and Only () (1983 – 767 représ.) et Crazy for you () (1992 – 1.622 représ.) qui s’inspiraient l’un de Funny Face () et l’autre de Girl Crazy (), deux succès des Gershwins.

Nice Work If You Can Get It () a été inspiré par un autre succès de Gershwin, Oh, Kay! () (1926). L’adaptation de Joe DiPietro a conservé les grandes lignes de l’original, se déroulant aussi à Long Island avec ses trafiquants de Rhum en pleine Prohibition. Mais cette version n’a retenu que deux chansons de Oh, Kay! () (Someone to Watch Over Me et Do, Do, Do) et rajouté 19 autres chansons de différents autres musicals des Gershwins.

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«Nice Work If You Can Get It» - 2012 - Broadway

Nice Work If You Can Get It () a ouvert à l’Imperial Theatre, la maison où avait été créé l’original Oh, Kay! (), et on peut se demander ce que les fantômes de Victor Moore, Oscar Shaw, Harland Dixon, les Fairbanks Twins, et, surtout, Gertrude Lawrence ont pensé de tout cela. C’est dans cette production que Lawrence, d’une humeur solitaire, chantait Someone to Watch Over Me à sa poupée de chiffon.

Nice Work If You Can Get It () se concentre sur le playboy Jimmy Winter (Matthew Broderick) qui est fiancé à Eileen Evergreen (Jennifer Laura Thompson), mais amoureux de Billie Bendix (Kelli O’Hara). Cette dernière travaille pour les contrebandiers qui fournissent l’alcool des fêtes de Jimmy. Billie souhaite Someone to Watch Over Me, et même si nous savons que c’est Jimmy qui est la personne, c’est plutôt étrange qu’elle chante avec un fusil à la main (après tout, on n’est pas dans Annie get your gun ()).

Ben Brantley dans le New York Times a noté que parfois «une bulle de charme pur surgit au milieu des bulles artificielles», mais autrement le spectacle était «un enchainement de blagues et de brillants numéros de danse exécutés par des gens talentueux, mais qui n’arrivent pas à se connecter avec la fantaisie d’une époque révolue.» Jeremy Gerard, de Bloomberg, a déclaré que le spectacle était «prédestiné à être un flop» dans laquelle Broderick et O’Hara étaient de «faibles étincelles» alors que les rôles secondaires Kaye et McGrath – ils gagneront tous deux un Tony Award – ont aidé à «sauver en partie cette entreprise malavisée». Le Time a trouvé que Broderick était un «mauvais choix» et que le «plus grand défi» de la metteuse en scène et chorégraphe Kathleen Marshall était de trouver des pas de danse réalisables par lui. Et Hilton Als dans le New Yorker a déclaré que la «lugubre» soirée reléguait les grandes chansons de Gershwin à de la «musique de fond».

Malgré ces terribles critiques, le spectacle est resté à l’affiche de l’Imperial Theatre pour 478 représentations, du 24 avril 2012 au 15 juin 2013. Le spectacle a eu 10 nominations au Tony Award dont Best Musical, Best Book, Best Choreography, Best Direction of a Musical. Il en gagna deux: Best Performance by a Featured Actor in a Musical (Michael McGrath) et Best Performance by a Featured Actress in a Musical (Judy Kaye).

  An American in Paris - Musical (2014)  

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«An American in Paris» - Affiche à Paris

Nous avons longuement parlé ci-dessus du film An American in Paris () réalisé par Vincente Minnelli et couronné par six oscars dont celui du «meilleur film». Dès le succès du film, la famille Gershwin cherchait à faire transposer ce chef-d’œuvre à la scène. Aussi, l’idée d’une comédie musicale sur les planches à partir du long métrage dormait dans les cartons d’un certain nombre de producteurs depuis des dizaines d’années sans que le stade du concept fût dépassé. Christopher Wheeldon lui-même avait été pressenti pour des projets qui n’ont jamais abouti. Inspiré par ce titre incroyablement stimulant et mythique, Jean-Luc Choplin, alors directeur du Théâtre du Châtelet à Paris, approcha les ayants droit pour tenter de monter An American in Paris () … à Paris. Il s’avère que d’autres producteurs, américains, avaient eu la même idée pratiquement en même temps: Stuart Oken et Van Kaplan.

Naturellement, une association se dessina alors entre Paris et l’autre côté de l’Atlantique. Après avoir assez rapidement organisé un workshop (un atelier de création du spectacle), l’excellent travail du britannique Christopher Wheeldon permit aux producteurs de lever les treize millions de dollars nécessaires pour monter la production. L’aventure pouvait donc commencer.

Première mondiale à Paris, Théâtre du Châtelet – 2014

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«An American in Paris»
© DR

Les répétitions eurent lieu à New York pour des raisons pratiques; les acteurs et danseurs engagés étaient quasiment tous Américains. En effet, les syndicats sont très regardants sur la nationalité de ceux qui foulent les planches de Broadway. L’idée séduisante de faire appel à une jeune danseuse française pour interpréter le rôle de Lise, comme une sorte d’hommage à Leslie Caron qui magnifiait le film, ne put se faire. La troupe arriva donc à Paris quelques semaines avant la grande première mondiale, le 22 novembre 2014, au Théâtre du Châtelet.

image«An American in Paris»

Le travail du décorateur et costumier Bob Crowley (qui a œuvré sur près d’une trentaine de spectacles à Broadway), les lumières de Natasha Katz, et les orchestrations de Christopher Austin, tous récompensés aux Tony Awards en 2015, ont aussi permis aux Parisiens de découvrir ce que Broadway a de meilleur. Les ateliers du Châtelet fabriquèrent les décors et les costumes du spectacle qui furent utilisés à Paris et transportés jusqu’à Broadway. Broadway ne s’est pas non plus trompé en récompensant Christopher Wheeldon du Tony de la meilleure chorégraphie: ses numéros, concoctés sur des airs légendaires, rappellent l’âge d’or de la comédie musicale américaine. Sur scène, afin d’éviter que les danseurs ne se fassent mal, les rails traditionnels qui font aller et venir les décors furent remplacés par des roulettes sous les éléments; la scène devenant ainsi un véritable plateau de danse, permettant aux ornements de faire partie de la chorégraphie.

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«An American in Paris»
© Shanghai Poly Grand Theatre

Revisiter le scénario était chose indispensable; c’est sans aucun doute la raison pour laquelle cette œuvre n’a pas connu les planches plus tôt. Un film n’est jamais transposé sur scène tel quel; une adaptation est toujours indispensable. Le journaliste Christophe Schuwey écrivait lors de la création sur ForumOpera.com: «Il faut saluer d’emblée la qualité remarquable du livret: le magnifique travail de réécriture réalisé par Craig Lucas situe la pièce immédiatement après la libération de Paris, offrant ainsi à l’action et à ses protagonistes l’épaisseur et l’intérêt qui manquent un peu à l’œuvre originale

De plus, dans le journal Le Monde du 20 novembre 2014, Renaud Machart relate une conversation avec Rob Fisher, l’arrangeur musical: «Le nouveau livret nous a fait rechercher de nouvelles chansons, certaines méconnues, d’autres célèbres, comme The Man I Love, qui ne se trouvent pas dans le film…».

Broadway – 2015

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«An American in Paris»

L’arrivée à Broadway en mars 2015 se fait avec une nouvelle communication sobre et efficace: un poster bleu foncé, stylisant la Tour Eiffel et les deux personnages principaux, Jerry Mulligan et Lise Dassin, de dos et se tenant par la taille. Le musical subit aussi des changements, notamment une nouvelle fin du premier acte et quelques coupes pour en dynamiser la fluidité.

An American in Paris () devient immédiatement le hot ticket de la saison; il sera joué 623 fois sur la Great White Way, l’autre nom que l’on donne à Broadway à cause de ses devantures de lumières. La critique est quasi unanime. Pour le New York Times, la production est «tout simplement admirable» et est «aussi bien une fête visuelle que musicale». Pour le New York Post c’est «un show aérien, une douce caresse», tandis que USA Today trouve que Christopher Wheeldon a «construit un spectacle qui est somptueux aussi bien pour les yeux que pour les oreilles

US Tour

Non seulement Broadway a fait un triomphe à cet An American in Paris (), en lui attribuant quatre Tony Awards, mais ce musical a aussi été présenté en tournée américaine pendant pratiquement deux ans (2016-2018), de Boston à Milwaukee, en passant par une cinquantaine de villes.

Londres - 2017

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«An American in Paris»

Le spectacle a ensuite été joué à Londres, dans le gigantesque Dominion Theatre (2017), du 4 mars 2017 au 6 janvier 2018. Le spectacle a été filmé pour la postérité et diffusé au cinéma.

La production anglaise a été accueillie par des commentaires dithyrambiques: la projection de paysages kaléidoscopiques «culmine dans une toile de fond inspirée de Mondrian... c’est une hallucination ravissante» (Daily Telegraph); ce spectacle est «à la fois la fusion la plus réussie du ballet classique et de Broadway … et le musical le plus élégant, exubérant et mélodieux du moment» (Sunday Express); cette production «atteint des hauteurs exaltantes d’excellence et il faut absolument le voir pour le croire» (Mail on Sunday). La mise en scène et la chorégraphie de Christopher Wheeldo ont été chaudement saluées, et le spectacle a recueilli plus de cinq étoiles que tout autre spectacle présenté à Londres ces dernières années. S’il y avait des commentaires négatifs, ils étaient mineurs – suggérant que les voix chantantes des rôles principaux n’étaient pas aussi puissantes qu’elles auraient pu l’être – mais, quand ils ont commencé à danser tout cela a été oublié.

Source : [Patrick Niedo – Programme de « Un Américain à Paris – Théâtre du Chatelet]