4.
1866 - «The Black Crook», première création américaine

 5.7.
Irving Berlin (1)

 5.8.H.
Autres Revues de Broadway des années ‘20

 5.8.J.
Toutes les oeuvres produites par Florenz Ziegfeld

 5.9.
Jerome Kern

 6.
1927 - «Show Boat»

I) Florenz Ziegfeld, une vraie légende

I.1) Extravagant et inventif

image
Ziggy, l'éléphant de Ziegfeld
Ici au Brookfield Zoo auquel Ziegfeld a légué son animal
Il a été maltraité dans ce zoo, ce qui a provoqué un scandale dans les années '60.

Flo Ziegfeld était un collectionneur aux goûts pour le moins particuliers. Il était passionné de figurines d'éléphants et de statues, mais seulement si les pachydermes avaient la trompe levée. S'il en recevait une avec la trompe baissée, peu importe la valeur, il la brisait en mille morceaux.

Vu que sa fille Patricia aimait les animaux, il a décidé de lui créer une ménagerie privée dans la propriété de sa femme. Lorsque les voisins se sont plaints de trois buffles beuglant à toute heure, Ziegfeld a vendu le trio à un zoo de Pennsylvanie et les a rapidement remplacés par Ziggy, un bébé éléphant de 150kg.

Ziegfeld aimait les téléphones, et a dépensé une fortune pour des appels interurbains. Mais il adorait aussi envoyer des télégrammes de plusieurs pages – rappelons que les télégramme étaient facturés au mot et la longueur moyennes des télégrammes était de 11,93 mots aux Etats-Unis. Western Union lui a permis d'envoyer 3 millions de mots par an à un taux réduit, un siècle avant l'envoi de SMS! En voyage, Ziegfeld a rarement eu la patience de faire ses valises. Il enroulait une brosse à dents, un pyjama et quelques sous-vêtements dans un journal, le pliait sous son bras et partait. Tout ce dont il avait besoin pouvait être acheté en cours de route.

image
Burkeley Crest
La maison de Billie Burke et Florenz Ziegfeld, en 1930
Billie Burke avait acheté cette maison en 1910

Même des tracas domestiques recevaient parfois des solutions extravagantes. L’invité d’un dîner a fait remarquer que la vaisselle de Ziegfeld était de piètre qualité. Quelques jours plus tard, sa femme Billie a retrouvé l'entrée de leur villa, Berkeley Crest, totalement encombrée par des caisses d'emballage qui contenaient un spectaculaire service de dîner estampillé d'aigles à deux têtes d'or. Ziegfeld avait acheté la vaisselle de feu le tsar Nicolas II, que ses bourreaux communistes avaient vendue pour 38.000$. Billie, qui avait rencontré les Romanov, a été horrifiée et a forcé son mari à retourner le service.

I.2) L’aventure continue, déménage et se duplique

image
New Amsterdam Theatre
The Ziegfield Follies of 1925
(Wisconsin Center for Film and Theater Research)

À partir de 1913, les Follies quittèrent le Jardin de Paris pour le New Amsterdam Theatre, le fleuron art nouveau de de 1.700 places, construit en 1903 1903 par les producteurs A.L. Erlanger et Marcus Klaw.

Les séries annuelles de Follies sont devenues plus longues et les coûts de production encore plus ambitieux (possible vu la taille de la salle). Le public se rendait au théâtre sur son ‘31’, les dames dans des robes élégantes et les hommes en smoking (avec nœud-papillon et manteau). Tous les New-Yorkais – et les touristes – qui pouvaient se permettre des billets venaient assister à la dernière édition. Et même les gens qui ne voyaient pas le spectacle savaient qui jouait dedans.

Ziegfeld a remarqué que beaucoup de ses spectateurs cherchaient, après les Follies, un lieu pour terminer la soirée, type boîte de nuit. Ainsi, en 1915, Ziegfeld a ouvert une revue de fin de soirée, appelée The Midnight Frolic qui se jouait dans le théâtre sur le toit du New Amsterdam Theatre. Après avoir vu les Follies, les amateurs de théâtre prenaient un ascenseur pour assister à une revue plus intime mais tout aussi chic.

image
Les petits ux qui servaient aux applaudissements (1916)

Les tables entouraient une scène amovible qui pouvait être mécaniquement tirée vers l'arrière pour créer une piste de danse. Ziegfeld fournissait de petits marteaux en bois pour que chacun puisse épargner ses mains fatiguées par les applaudissements et exprimer son approbation en frappant sur les tables.

Pendant l'entracte de vingt-cinq minutes entre les partie, les spectateurs étaient invités à danser, boire et dîner. Pour 0,75$ à 1$ (de 15€ à 21€ d’aujourd'hui quand-même), les clients pouvaient prendre une bière froide ou un soda, et pour ceux qui sont prêts à payer 2,75$ (58€ d’aujourd'hui), il y avait de petites bouteilles de champagne disponibles. Les cuisines Ziegfeld étaient surtout connues pour leurs steak, mais le caviar de béluga était très populaire pour 2$ la portion (42,5€).

image
Olive Thomas portant son costume de ballons sur la scène du théâtre sur le toit du New Amsterdam Theatre lors de la première année des The Midnight Frolic (1915). Les spectateurs masculins étaient encouragés à utiliser
leurs cigares et cigarettes pour faire éclater les ballons.

Les différentes éditions de The Midnight Frolic ont souvent obtenu des très bonnes critiques de la presse new-yorkaise, comme celle du New York Times: «The latest edition of Florenz Ziegfeld’s ‘The Midnight Frolic’, which had its first presentation Monday midnight before an audience that embraced all who live and move and have their being in Broadway, out-Ziegfelds all its predecessors. It is like the others only more so. It is a Ziegfeld-Urban-Wayburn show of beautiful women, frocks and tableaux designed for the business man who is too tired to go home after the play… One might search the world and not find anything quite as unique or lavish as this midnight revue

Le club est resté ouvert toute l'année pendant sept ans. Alors que la Première Guerre Mondiale n’a pas fait arrêter les The Midnight Frolic, la Prohibition a finalement conduit Ziegfeld à mettre fin au spectacle en 1922. À ce sujet, il a déclaré au New York Times en 1921: «Les gens les plus classieux du monde entier ont été habitués à monter sur le toit ... et quand ils ont été soumis à l'humiliation d'avoir un policier debout à côté de leur table pour surveiller ce qu'ils boivent, alors je ne me demande si je dois rester ouvert plus longtemps... Mais parfois, certains de mes clients ont apporté de leur propre alcool, et récemment deux hommes ont été arrêtés sur le toit. Quand ces choses peuvent arriver, je pense qu'il est temps de fermer.»

I.3) Toujours évoluer …

image
Joseph Urban

À partir de 1915, le designer Joseph Urban (1872-1933) a apporté un nouvel éclat aux Ziegfeld Follies. Urban est né en mai 1872 à Vienne et a fait des études d’architecture. Urban immigre à 39 ans aux États-Unis, en 1911 donc, alors qu’il était déjà un architecte, illustrateur et scénographe de théâtre international accompli avec plus de 50 productions de l'Opéra Royal de Vienne, de l'Opéra des Champs-Élysées et de Covent Garden. À partir de 1917, il est fréquemment engagé comme décorateur par le Metropolitan Opera de New York.

Au total, il créa les décors de 47 nouvelles productions de la maison jusqu'en 1933. Bientôt, ses décors et son éclairage novateur attirent l'attention de Ziegfeld qui l'engage pour la conception des Follies dans les années ‘20. Urban s'est mis au travail en créant une superbe boîte de nuit avec des balcons en verre, une scène en mouvement et des effets de lumière arc-en-ciel. Son travail a été l’un des premiers à donner vie au style art déco aux Etats-Unis, mettant un cachet personnel aux productions de Ziegfeld, y compris toutes les éditions des Follies jusqu'en 1931. Il a conçu les décors et les toiles de fond, ainsi que les bracelets, les perles et les coiffures qui sont devenues des marques de fabrique de Follies.

image
Ziegfeld Theatre (1927-1966)

Urban a participé à la construction et à la décoration du Ziegfeld Theatre que Ziegfeld a fait construire avec l'appui financier du magnat de la presse William Randolph Hearst. Le théâtre était situé sur la 6e Avenue et entre les 55e et 56e rues de Manhattan. Le Ziegfeld Theatre ouvrit en 1927 et présenta dès sa première année une création du compositeur Jerome Kern, Show Boat (), qui allait révolutioner le monde des comédies musicales. En 1929, la grande dépression économique mit un terme à l'activité théâtrale. Le Ziegfeld Theatre accueillit les Ziegfeld Follies of 1931 (). En 1933, la société Loews Cineplex transforma le théâtre en salle de cinéma. Après la Seconde Guerre mondiale, le théâtre fut utilisé par l'acteur Perry Como pour ses spectacles. À la fin des années 1950, la salle du théâtre fut le cadre pour la retransmission du trophée Emmy Award. En 1966, le théâtre fut finalement détruit malgré une large protestation d'un nombreux public qui se battit pour la conservation de ce patrimoine culturel.

image
L'intérieur du Ziegfeld Theatre (1927-1966) (Shubert Archive)

Ziegfeld a dépensé beaucoup d’argent pour produire des Follies somptueuses. En ce qui concerne les écrivains ou les compositeurs, il était beaucoup plus avare. En 1919, Ziegfeld révise ses priorités et engage Irving Berlin. Berlin a donné au ténor John Steele une chanson qui est devenue un hymne officieux pour les Follies: A Pretty Girl Is Like a Melody. Il a écrit l'hilarant You'd Be Surprised pour Eddie Cantor (1892-1964), un comédien hyperkinétique aux yeux écarquillés qui avait réussi une ascension berlinoise du Lower East Side appauvri via le Vaudeville à la célébrité dans les Follies. Pour Bert Williams, Berlin a écrit une condamnation amusante de la prohibition (période, de 1919 à 1933 aux États-Unis, pendant laquelle, une loi a tenté d'interdire l'alcool): You Cannot Make Your Shimmy Shake on Tea.

L'Amérique venait de modifier sa constitution pour rendre la vente d'alcool illégale. Mais, en pratique, au lieu de décourager l'usage de l'alcool, la prohibition l'a glorifié, le rendant à la mode car il permettait aux Américains respectables d'enfreindre la loi. Mais incapable de rivaliser avec les «speakeasies» (bar clandestin), Ziegfeld a été forcé de mettre fin à sa revue The Midnight Frolic en 1922.

I.4) Une légende en action

image
Affiche du film de 1936

En 1919, Ziegfeld est le producteur le plus puissant du théâtre musical américain. Il a derrière près de trois décennies de succès à son actif. Il est loin le temps où il présentait le colosse Eugene Sandow. Mais ce n’est encore qu’un début. Quelques-uns de ses plus grands triomphes sont encore à venir mais aussi un profond revers de fortune qui a brisé son esprit. Nous y reviendrons dans un chapitre ultérieur, afin de tenter de continuer à avancer chronologiquement.

Après la mort de Ziegfeld, sa veuve, l'actrice Billie Burke, autorisa l'utilisation – moyennant finance – par ses anciens concurrents, les Frères Shubert, d’utiliser son nom pour produire des The Ziegfeld Follies en 1934 et 1936. Ce furent d’importants flops. Le nom a été plus tard utilisé par d'autres promoteurs à New York, Philadelphie, et à nouveau à Broadway, avec moins de connexion avec les Follies d'origine.

Quoi qu’il en soit, son nom n'a jamais perdu son éclat. En 1936, soit quatre ans après son décès, la MGM 1936 produit un film biographique, The Great Ziegfeld, qui a reçu a reçu l'Oscar 1936 du meilleur film. Comme souvent à Hollywood, tout est un peu édulcoré, embelli…