B.1.1) Genèse
L'imprésario et auteur John Hollingshead, locataire et directeur du Gaiety Theatre de Londres depuis 1868, y avait produit un certain nombre de burlesques musicaux et d'opérettes à succès. Hollingshead «se vantait d'avoir allumé la lampe sacrée du burlesque».»
Gilbert et Sullivan connaissaient, chacun de leur côté, bien le Gaiety Theatre et ses artistes locaux. Robert the Devil de Gilbert - adaptation burlesque de l’opéra de Giacomo Meyerbeer, Robert le Diable - était au programme lors de la soirée d'ouverture du théâtre le 21 décembre 1868, avec Nellie Farren dans le rôle titre. Arthur Sullivan était dans le public lors de cette soirée d'ouverture en tant qu'invité de Hollingshead. Ce fut un grand succès, restant à l'affiche plus de 120 soirs jouée avant d'être représentée dans les provinces britanniques pendant trois ans par la suite.
Avec moins de succès, Gilbert avait également écrit une pièce de théâtre pour le théâtre en 1869 intitulée An Old Score. Hollingshead dira plus tard que la pièce était «trop fidèle à la nature». Début octobre 1871, le Gaiety annonça que «The Christmas Operatic Extravaganza serait écrite par W.S. Gilbert, avec une musique originale d'Arthur Sullivan. Il y aurait des rôles de premier plan pour le comédien populaire J. L. Toole, ainsi que pour Farren, la vedette masculine principale du théâtre dans tous ses burlesques.»
Quand et comment et les deux hommes ont commencé à collaborer sur Thespis () reste incertain. Gilbert était un choix logique pour cette mission. Avec sept opéras et pièces de théâtre créés cette année-là et plus d'une douzaine d'autres burlesques, farces et extravaganzas à son actif, il était bien connu des amateurs de théâtre londonien comme un dramaturge comique.
Sullivan, par contre, était à ce stade principalement connu pour sa musique sérieuse. Sa musique composée cette année-là comprenait la cantate dramatique On Shore and Sea, des musiques de scène pour des représentations de The Merchant of Venice de Shakespeare et de nombreux hymnes, dont Onward, Christian Soldiers. Il avait seulement deux opéras-comiques à son actif, Cox and Box (1866) et The Contrabandista (1867), mais ce dernier datait de quatre ans et avait été un demi-échec.
En septembre 1871, Sullivan avait été engagé pour diriger à The Royal National Opera, mais ce fut très vite un échec et il se trouva, de façon inattendue, sans emploi. L'offre de Hollingshead d'attibuer un rôle à son frère, Fred Sullivan, dans le projet l'a peut-être encouragé à écrire la musique de Thespis ().
La production "a suscité beaucoup d'intérêt et de spéculations". Ironiquement, il avait « probablement le plus grand public » de toutes les premières de Gilbert et Sullivan, puisque le Gaiety était le plus grand des cinq théâtres de Londres dans lesquels leurs œuvres communes ont été créées.
B.1.2) Composition
Gilbert a eu un automne chargé. Sa pièce On Guard a connu un échec au Court Theatre, ouvrant le 28 octobre 1871, alors que Pygmalion and Galatea, sont plus grand succès théâtral, a été créée le 9 décembre 1871, quelques jours seulement avant le début des répétitions de Thespis (). Sullivan, lui, avait plus de temps libre après avoir composé de ka musique de scène pour The Merchant of Venice de Shakespeare créée à Manchester le 9 septembre 1871.
Gilbert et Sullivan se souviennent tous deux que Thespis () a été écrit à la hâte. Sullivan se borne à déclarer que «la musique et le livret ont été écrits très rapidement». Dans son autobiographie de 1883, Gilbert est plus clair et acerbe:
Peu de temps après la production de Pygmalion and Galatea, j'ai écrit le premier d'une longue série de livrets, en collaboration avec M. Arthur Sullivan. Cela s'appelait Thespis (). L'écriture a mis moins de trois semaines et a été créée au Gaiety Theatre après une semaine de répétition. Il a tenu l'affiche 84 soirs, mais c'était un oeuvre grossière et inefficace, comme on pouvait s'y attendre, compte tenu des circonstances de sa composition rapide.
Gilbert S. SUllivan - 1883
En 1902, les souvenirs de Gilbert sont légèrement différents:
Je peux affirmer que Thespis () n'a en aucun cas été un échec, même s'il n'a pas connu de succès considérable. Je crois qu'il s'est joué environ 70 soirs, ce qui était assez convenable à l'époque. La pièce a été produite sous la pression d'une immense hâte. Tout a été imaginé, écrit, composé, répété et produit en cinq semaines.
Gilbert S. SUllivan - 1902
L'estimation de Gilbert sur 5 semaines de création est en conflit avec d'autres faits apparemment incontestables. Le neveu de Sullivan, Herbert Sullivan, a écrit que le livret existait déjà avant que son oncle ne s'implique dans le projet: «Gilbert a montré à Hollingshead le livret d'un opéra Extravaganza Thespis, et Hollingshead l'a immédiatement envoyé à Sullivan pour qu'il en compose la musique.» Gilbert créait généralement une ébauche de ses livrets quelques mois avant une production, mais n'écrivait pas un livret fini avant d'avoir un engagement ferme pour le produire. À tout le moins, une «ébauche de l'intrigue» devait exister au 30 octobre 1871, à la lumière d'une lettre à cette date de l'agent de Gilbert à R.M. Field directeur du Boston Museum Theatre (important théâtre de Boston), qui se lit comme suit :
À Noël sera produit au Gaiety Theatre, un nouvel et original Opera Bouffe en anglais par WS Gilbert dont Arthur Sullivan compose la nouvelle musique. On s'attend à ce que ce soit une événement - et le but de ma présente lettre est - premièrement - de vous envoyer (ce jour) une ébauche de la pièce pour votre propre lecture, et deuxièmement de vous demander - si vous vous en souciez et si vous le souhaitez de faire en sorte que la pièce soit dûment protégée - en vue de sa vente dans tous les endroits possibles aux États-Unis. Messieurs Gibert et Sullivan travaillent actuellement d'arrache-pied sur cette pièce.
"The First Night - Gilbert and Sullivan" - Allen Reginald - 1958
Gilbert a en fait conclu un accord avec le directeur du Boston Museum, R.M. Field, et le premier livret publié conseillait: «Attention aux pirates américains. — Les droits d'auteur des dialogues et de la musique de cette pièce, pour les États-Unis et le Canada, ont été attribués à M. Field, du Boston Museum, par accord en date du 7 décembre 1871.» Toutefois, si R.M. Field a monté l'œuvre, la production n'a pas été suivie de paiement de droits... L'inquiétude de Gilbert concernant les pirates américains du droit d'auteur préfigurait les difficultés que lui et Sullivan rencontreraient plus tard avec les productions «piratées» non autorisées du HMS Pinafore (), de The Mikado () et de leurs autres œuvres populaires. En tout cas, le livret a été «publié et diffusé» à Londres à la mi-décembre 1871.
B.1.3) Production
Alors que la pièce devait ouvrir le 26 décembre, Gilbert a lu pour la première fois le livret au casting le 14 décembre, mais Toole, qui jouait le rôle central de Thespis, était absent, n'étant pas revenu d'une tournée dans les provinces britanniques jusqu'au 18 décembre. Il a ensuite joué 9 représentations au Gaiety Theatre dans les 6 jours suivant son retour, c'est-à-dire à 2 jours de la première prévue de Thespis () le 26 décembre 1871. Et d'autres acteurs du spectacle avaient des engagements similaires. De plus, Hollingshead avait engagé la compagnie pour jouer une pantomime au Crystal Palace le 21 décembre, à laquelle participaient de nombreux artistes de Thespis (). Pour finir de tout compliquer, Thespis () était le spectacle principal d'une soirée en comprenant 3: Mariage aux lanternes à 19h00; la comédie de H. J. Byron, Dearer than Life à 19h45 et Thespis () à 21h00. En quoi est-ce plus compliqué? C'est le fait que ces spectacles partageaient plusieurs des acteurs, dont Toole et Fred Sullivan, devait être répétée en même temps.
Malgré le peu de temps disponible pour les répétitions, Sullivan a rappelé que Gilbert insistait pour que le chœur joue un rôle majeur, comme il le ferait dans leurs opéras ultérieurs du Savoy:
Jusqu'à ce que Gilbert prenne les choses en main, les chœurs étaient prsque toujours réduit à de la figuration, n'étaient pratiquement rien d'autre qu'une partie du décor. C'est dans Thespis () que Gilbert a commencé à mettre en œuvre sa détermination exprimée pour que le chœur joue le rôle qui lui revient dans la représentation. À l’heure actuelle, il semble difficile de comprendre que l’idée que le chœur soit autre chose qu’une sorte de public sur scène, ait été à cette époque une formidable nouveauté. En raison de cette innovation, certains incidents lors des répétitions de Thespis () furent plutôt amusants. Je me souviens qu'un jour, l'un des des premiers rôles féminins s'est indignée et a dit: «Vraiment, M. Gilbert, pourquoi devrais-je rester ici? Je ne suis pas une chorus-girl!» Ce à quoi Gilbert répondit sèchement: «Non, madame, votre voix n’est pas assez forte. Ou vous le seriez sans doute.»
B.1.4) Réception de l'œuvre
B.1.4.a) Soirée d'ouverture
Le soir de la première, il était évident que le spectacle n'avait pas été assez répété, comme l'ont noté plusieurs critiques, et l'œuvre avait également manifestement besoin de subir quelques coupures... La direction du Gaiety Theatre avait conseillé que les calèches soiet présentes à 23h pour récupérer les spectateurs chics. Mais, passé minuit, Thespis () était toujours en cours.
The Observer a déclaré que «le jeu des acteurs et l'oeuvre devront être retravaillées avant de pouvoir être équitablement critiqués... L'opéra n'était pas prêt». Le Daily Telegraph a suggéré qu'«il est plus honnête, pour de nombreuses raisons, de considérer la représentation d'hier soir comme une répétition générale complète... Quand le spectacle se terminera à l'heure normale du Gaiety Theatre, et qu'il aura été répété avec énergie, on trouvera peu de divertissements plus heureux que celui-ci.»
Certains critiques n'ont pas pu détecter, vu le manque de répétition, les qualités de l'oeuvre, une fois que tout serait finalisé. Le Hornet a sous-titré sa critique: «Thespis, ou les dieux devenus vieux et lassants!» Le Morning Advertiser a parlé d'«une intrigue morne et fastidieuse en deux actes... grotesque sans esprit, et la musique mince sans vivacité... cependant, pas entièrement dénuée de mélodie... Le rideau tombant devant un public bâillant et fatigué.» Mais d'autres ont trouvé beaucoup à admirer dans le travail, malgré la mauvaise performance de la soirée d'ouverture. L'Illustrated Times a écrit :
Il est terriblement grave pour Mr. W.S. Gilbert et Arthur Sullivan, les co-auteurs de Thespis () , que leur travail ait été présenté dans un état aussi rudimentaire et insatisfaisant. Thespis () a de nombreux mérites: les mérites de la valeur littéraire, les mérites du plaisir, les mérites de l’écriture de chansons, ... Il mérite de réussir; mais la direction du théâtre a paralysé une bonne pièce par l'insuffisance des répétitions et par le manque de polissage et d'assurance requis sans lesquels ces opéras joyeux sont inutiles. Je dois cependant préciser que Thespis () vaut vraiment le détour; et quand il aura été corrigé et attirera le vrai public du Gaiety, il tiendra bon courageusement. Il est vraiment dommage qu'une pièce aussi riche en humour et si délicate en musique ait été montée pour l'édification du public d'une Boxing-Night*. Sauf erreur grave, et malgré les sifflements de Boxing-Night, les ballades et l'esprit de M. Gilbert et les jolies mélodies de M. Arthur Sullivan permettront à Thespis () de dépasser cette épreuve et en feront, comme elle mérite de l'être, la pièce la plus louable de la saison de Noël.
"Thespis – A Gilbert & Sullivan Enigma" - Terence Rees - 1964
* En Angleterre le 26 décembre est appelé le «Boxing Day»
Clement Scott, écrivant dans le Daily Telegraph, a eu une réaction plutôt favorable :
Il est possible qu'un public en vacances soit peu enclin à se plonger dans les mystères de la mythologie païenne et ne se soucie pas d'exercer l'intelligence requise pour démêler une intrigue amusante et en aucun cas complexe. Il est cependant certain que l'accueil par le punlic de Thespis () n’a pas été aussi cordial qu’on aurait pu s’y attendre. L'histoire, écrite par Mr. W.S. Gilbert de la plus vivante des manières, est si originale et la musique composée par M. Arthur Sullivan si jolie et fascinante, que nous sommes enclins à être déçus lorsque nous trouvons les applaudissements faibles et les rires à peine spontanés. Et surtout que le rideau tombe non sans sifflets de désapprobation. Un tel sort n’était certainement pas mérité, et le verdict d’hier soir ne peut être considéré comme définitif. Thespis () est trop beau pour être mis de côté et écarté de cette façon: et nous prévoyons qu'une réduction judicieuse et de nouvelles répétitions nous permettront bientôt de raconter une histoire très différente.
"The First Night - Gilbert and Sullivan" - Allen Reginald - 1958
The Observer a commenté :
B.1.4.b) Représentations ultérieures
De nombreux auteurs du début du XXème siècle ont perpétué le mythe selon lequel Thespis () n'était resté qu'un mois à l'affiche et pouvait être considéré comme un échec. En fait, il est resté ouvert jusqu'au 8 mars 1872. Sur les neuf pantomimes londoniennes créées pendant les fêtes de Noël de 1871, cinq ont fermé avant Thespis (). De par leur nature, les pantomimes ne se prêtaient pas à de longues séries, et les neuf avaient fermé fin mars. De plus, le Gaiety Theatre n'accueillait normalement des productions que pendant deux ou trois semaines; le parcours de Thespis () fut en fait extraordinaire pour le théâtre.
Comme ils le feraient pour tous leurs opéras, Gilbert et Sullivan ont procédé à des coupes et des modifications après la première représentation. Deux jours après la première, Sullivan écrivit à sa mère: «J'ai rarement vu quelque chose d'aussi beau sur scène. Le premier soir, j'ai eu d'abord un excellent accueil, mais la musique s'est mal passée et le chanteur a chanté un demi-ton trop aigu, et l'enthousiasme du public ne s'est pas maintenu à mon égard. Hier soir, j'ai coupé la chanson, la musique s'est très bien passée, et par conséquent j'ai eu un rappel chaleureux devant le rideau à la fin de l'acte II. La pièce a finalement atteint un état respectable, et les critiques ultérieures ont été beaucoup plus enthousiastes que celles de la soirée d'ouverture.»
Parlant de la troisième représentation de l'opéra, le London Figaro déclarait: «Plus le moindre problème durant la représentation n'est désormais à percevoir, et… les applaudissements et le plaisir évident du public du début à la fin … partage pleinement l'opinion du critique du Telegraph».
Le 6 janvier 1872, le Penny Illustrated Paper a commenté: «L'approbation du public grandit pour l'extravaganza de M. Gilbert au Gaiety Theatre et à juste titre.»
Le 9 janvier, le Daily Telegraph rapportait la visite de Son Altesse Royale le duc d'Édimbourg.
Au 27 janvier, l'Illustrated Times a noté qu'«un spectateur fortuit ne trouvera certainement pas de place au Gaiety.... Thespis () peut, après tout, se vanter du succès qui lui était prédit».
Les représentations de Thespis () furent interrompues le 14 février 1872, le Mercredi des Cendres, les théâtres londoniens s'abstenant de présenter des représentations costumées par respect pour la fête religieuse. En remplacement, un «divertissement» a été présenté au Gaiety, composé de ventriloques, de chiens de spectacle et, par coïncidence, d'un sketch parodiant une «Penny Reading» (forme de divertissement populaire au Royaume-Uni au milieu du XIXème siècle, consistant en des lectures, pour lesquels l'entrée n'était qu'un penny) par le jeune George Grossmith, qui, plusieurs années plus tard, deviendra le principal comédien de Gilbert et Sullivan.
Le 17 février, Henry Sutherland Edwards écrivait dans Musical World: «Dans presque toutes les combinaisons de la musique et des mots, il y a un sacrifice de l'un ou de l'autre; mais dans Thespis () ... Des opportunités suffisantes ont été données à la musique; et la musique sert à embellir la pièce.»
Des articles similaires ont continué à paraître jusqu'au début du mois de mars, Thespis () ayant fermé le 8 mars 1872.
La dernière représentation du vivant des auteurs a été jouée moins de deux mois plus tard, le 27 avril, lors d'une représentation exceptionnelle en matinée jouée au profit de Mlle. Clary, la Sparkeion de la création (voir ci-contre). Dans une telle occasion, l'artiste choisissait une pièce susceptible de bien se vendre, car le bénéficiaire avait droit aux revenus (après remboursement des frais dépensés) et les billets étaient en général proposés à des «prix gonflés». L'actrice était une des stars du Gaiety Theatre, non seulement en ce qui concerne sa voix mais aussi son délicieux accent français et, bien sûr, sa silhouette. Certains parlaient du «charme de Mlle Clary, avec son joli visage et son anglais piquant et cassé». Elle avait eu beaucoup de succès dans le rôle de Sparkeion et sa chanson de l'acte II, Little Maid of Arcadee, a été la seule dont les partitions ont été publiées.
B.1.4.c) Par après
Après la production de Thespis (), Gilbert et Sullivan se séparèrent. Ils ne retravailleront ensemble que trois ans plus tard, avec Richard D'Oyly Carte comme manager, pour produire Trial by Jury () en 1875. Lorsque cette œuvre fut un succès surprise, des discussions eurent lieu pour relancertrès rapidement Thespis () pour la saison de Noël 1875. Gilbert écrit à Sullivan :
Ils semblent très impatients d'obtenir notre accord et veulent que je leur donne des conditions précises. Bien sûr, je ne peux pas répondre à ta place, mais ils m'ont tellement pressé de leur donner une idée de ce que seraient nos conditions que j'ai suggéré que nous pourrions éventuellement être disposés à accepter deux guinées par soir chacun avec une garantie de 100 soirs minimum. Est-ce que cela correspond à ton point de vue, et si oui, pourrons-nous le faire à temps? Je vais réécrire une partie considérable du dialogue.
Le projet de reprise fut mentionné dans plusieurs autres courriers tout au long de l'automne 1875, jusqu'à ce que le 23 novembre Gilbert écrive: «Je n'ai plus entendu parler de Thespis (). Il est étonnant de voir avec quelle rapidité ces capitalistes s'assèchent sous l'influence magique des mots «cash down».»
Vingt ans plus tard, en 1895, alors que Richard D'Oyly Carte luttait pour retrouver le succès au Savoy Theatre, il proposa une fois de plus une reprise de Thespis (), mais l'idée n'aboutit pas. Et depuis 1897, on n'a aucune idée de l'endroit où se trouve les partitions de Thespis (). Et de très nombreux spécialistes et amateurs les ont recherchées parmi de nombreuses collections existantes. À l'exception de deux chansons et de quelques musiques de ballet, les partitions sont aujourd'hui perdues!!!
Les raisons pour lesquelles Thespis () n'a pas été reprise ne sont pas clairement connues. Certains commentateurs pensent que Sullivan a utilisé la musique dans ses autres opéras. Si cela était vrai, alors, pour cette seule raison, une reprise serait devenue impossible. Cependant, il n'y a aucune preuve que Sullivan ait agi de la sorte. Une autre explication possible est que Gilbert et Sullivan en sont venus à considérer Thespis (), avec ses »filles effrontées en collants et jupes courtes« et son large humour burlesque, comme le genre de spectacle qu'ils souhaitaient éviter. Ils ont vite renoncé aux rôles travestis et aux robes «révélatrices» sur leurs actrices, et ont fait connaître publiquement leur désapprobation à leur égard. En 1885, Hollingshead écrivit avec ironie à la Pall Mall Gazette: «M. Gilbert est quelque peu sévère à l'égard d'un style de burlesque qu'il a beaucoup pratiqué jadis pour se rendre populaire avant d'inventer ce que je pourrais appeler le burlesque en vêtements longs. … M. Gilbert ne s'est jamais opposé. aux robes de Robert the Devil ni aux robes de Thespis ().»
En 1879, Sullivan, Gilbert et D'Oyly Carte étaient au milieu d'une bataille juridique avec les anciens directeurs de la Comedy Opera Company, qui avait produit le HMS Pinafore (). Sullivan a écrit à Hollingshead en disant: «Jadis, vous avez créé un précédent pour moi qui peut m'être très utile aujourd'hui. Je vous ai demandé les partitions des musiques de scène de The Merry Wives of Windsor... et vous avez répondu: «Elles sont à vous puisque notre série est terminée...» Pouvez-vous me les rendre aujourd'hui ainsi que les partitions de Thespis (). Je détiens les droits de HMS Pinafore () et les metteurs en scène ne doivent par partir avec les partitions du Theatre Opera Comique demain, et je fonde mes affirmations sur le précédent que vous avez géré.»
B.1.4.d) Productions modernes
Après sa dernière représentation au Gaiety Theatre en 1872, Thespis () semble ne plus avoir été joué jusqu'en 1953, bien qu'il semble y avoir eu une tentative de reprise datant des années 1940. Tillett et Spencer ont identifié 20 reprises distinctes de Thespis () entre 1953 et 2002. Environ la moitié d'entre elles utilisent une musique adaptée d'autres œuvres de Sullivan; les autres utilisent de la nouvelle musique pour toutes les chansons sauf les chansons survivantes, ou, dans quelques cas, les recomposent également. Aucune de ces versions n'est devenue prédominante.
L'historien du théâtre Terence Rees a développé une version du livret qui tente de corriger les nombreuses erreurs relevées dans le livret survivant. Rees a également préparé une version devant permettre une représentation scénique, basée sur le livret, qui comprenait quelques paroles reprise des opéras non-Sullivan de Gilbert dans une tentative de remplacer les chansons manquantes. Une partition a été fournie par Garth Morton, basée sur la musique d'opéras de Sullivan moins connus, et cette version a été enregistrée. Une version avec une partition originale de Bruce Montgomery (en dehors des deux chansons de Sullivan conservées) a été jouée à plusieurs reprises, notamment en 2000 au Festival International Gilbert et Sullivan. Une partition originale de 1982 de Kingsley Day a été utilisée dans plusieurs mises en scène dans la région de Chicago. En 1996, une autre version avec de la nouvelle musique, de Quade Winter, a été produite par l'Ohio Light Opera.
En 2008, une partition pastiche de Sullivan (avec quelques ajouts d'Offenbach), arrangée par Timothy Henty, a été utilisée pour la première fois avec le livret de Gilbert adapté par Anthony Baker, au Normansfield Theatre de Teddington, Middlesex en Angleterre. Cette version a été jouée plusieurs fois par la suite, notamment au Festival International Gilbert et Sullivan de 2014.
B.1.5) Particularités du spectacle
B.1.5.a) Plus que le burlesque habituel
Thespis () représentait une avancée par rapport aux types de burlesques auxquels le public du Gaiety était habitué. François Cellier le rappelle bien plus tard :
Je garde un vague souvenir d'avoir assisté à la pièce et d'avoir été impressionné par la fraîcheur du livret de Gilbert, notamment en ce qui concerne les paroles, qui étaient, en effet, un régal après le tintement insipide et futile de rimes sans raison qui avaient jusqu'alors été la norme. Pour tous les spectateurs, c'était une nouvelle «sensation» dans les pièces musicales. Quant à la musique d'Arthur Sullivan, dois-je dire à quel point chaque morceau a charmé et charme encore?
Plusieurs critiques ont suggéré que la pièce était peut-être trop sophistiquée pour son public – ou du moins pour le public qui a accueilli sa première représentation lors de cette fameuse Boxing Night. Le Times a écrit: «Les dialogues sont supérieurs en termes d'habileté et de précision à tout ceux auxquels le burlesque et l'extravaganza classiques nous ont habitués; à tel point, en fait, que c'était une expérience audacieuse de créer une telle pièce lors d'une telle nuit. Elle a recueilli cependant un excellent accueil, et en toute autre occasion que lors d'une Boxing Night, les nombreux mérites de la pièce lui assureraient dans l'estime du public une place élevée parmi les nouveautés de la saison.» D'autres critiques présents le soir de la création ont repris des avis similaires. Sporting Life a suggéré: «Il se peut que les spectaeurs recherchaient quelque chose de moins raffiné que les vers de M. Gilbert, et qu'ils aient opté pour quelque chose de plus vaste et plus grossier que l'humour de cet auteur délicieux. Il se peut aussi que Thespis () leur soit passé un peu - je dis seulement, juste un peu – "au-dessus de la tête".» The Orchestra partageait un sentiment similaire: «En fait, la musique et le concept étaient un peu au-dessus de la tête du public.»
B.1.5.b) Le Livret
L'intrigue de Thespis (), avec ses dieux âgés fatigués de leur vie dans l'Olympe, s'apparente à certains opéras d'Offenbach, notamment Orphée aux Enfers. Dans Orphée, comme Thespis (), la mythologie classique, en particulier les dieux de l'Olympe, est impitoyablement parodiée. Dans Thespis (), les dieux échangent leurs places avec les acteurs et descendent sur Terre; dans Orphée, les dieux se dirigent vers l'enfer pour des vacances agréables loin de la perfection ennuyeuse. L'intrigue d'Offenbach – car même si Crémieux et Halévy ont écrit le livret, l'idée était celle d'Offenbach – place Orphée, le grand musicien, au centre; cependant, l'intrigue de Gilbert se concentre elle sur Thespis, le père du drame. Bien que cela puisse être une coïncidence, cela pourrait aussi être vu comme une réponse à Offenbach, car son intrigue place la musique au centre de son opérette, tandis que celle de Gilbert élève le dramaturge.
Le livret a été salué par plusieurs biographes et historiens. L'un d'eux (Isaac Goldberg, en 1929, dans «The Story of Gilbert and Sullivan or The 'Compleat' Savoyard») a déclaré que «le dialogue contient de nombreuses touches gilbertiennes authentiques». Un autre l'a qualifié de «livret gai et pétillant».
Sidney Dark et Rowland Gray ont écrit que «le livret de Thespis () est totalement gilbertien, le Gilbert que tout le monde aime aujourd'hui... Thespis () souligne une fois de plus le fait que le talent artistique de Gilbert n'a guère été affecté au fil des années. Beaucoup de ses chansons du début auraient très bien pu apparaître dans les opéras ultérieurs.» Ils souligent Oh, I'm the celestial drudge de Mercure, qui anticipe le Rising early in the morning de Giuseppe dans The Gondoliers (), et montre la «vraie marque gilbertienne du "sans dessus dessous"».
Isaac Goldberg pensait que «Thespis () regarde beaucoup plus vers l'avant que vers l'arrière: il prédit déjà les méthodes spécifiques du théâtre musical et, de temps en temps, un personnage des oeuvres futures. Ses dialogues sont comiques et souvent un peu au-dessus du niveau des audiences du Gaiety Theatre de 1871.»
Goldberg a écrit en 1929 que le livret «semble n'avoir aucune source spécifique... ni dans ses côtés burlesques ni dans ses ballades... Gilbert a simplement joué avec les dieux et les déesses de la mythologie grecque.» Gilbert avait cependant écrit une série de sketchs humoristiques parodiant les mythes grecs, principalement les héros de l'Iliade, pour la revue illustrée Fun en 1864. Et Pygmalion and Galatea, qu'il a produit juste avant Thespis (), était un traitement plus sérieux de la mythologie grecque.
Jane W. Stedman dans «W. S. Gilbert, A Classic Victorian & His Theatre» (1996) souligne que Thespis () «regarde en arrière vers l'opéra-bouffe français», mais il s'agit «avant tout d'une histoire gilbertienne décrivant un complot d'invasion dans laquelle des étrangers pénètrent et affectent une société définie, souvent pour le pire.» Elle compare la compagnie théâtrale de Thespis () aux politiciens qui remodèlent le pays des fées dans la pièce de Gilbert de 1873, The Happy Land et les «hommes anglais» qui réforment la nation insulaire d'Utopia dans Utopia, Limited () (1893). Des éléments de Thespis () apparaissent également dans le dernier opéra commun de Gilbert et Gilbert, The Grand Duke () (1896), où une compagnie de théâtre remplace le dirigeant et décide de «faire revivre les souvenirs classiques d'Athènes à leur meilleur.»
B.1.5.c) La musique
La partition de Sullivan a généralement été saluée, même si les critiques ont affirmé - comme ils le feront tout au long de sa vie - que ses partitions théâtrales étaient en-deçà de ses capacités. Dans le Standard, A.E.T. Watson a écrit:
M. John Hollingshead... a fait appel avec discernement à Mr W.S. Gilbert pour lui fournir un nouvel opéra-extravaganza, et en a confié la mise en musique à M. Arthur Sullivan. De l'association de ces deux noms on attendait depuis quelques semaines le résultat le plus agréable, que le succès d'hier soir a pleinement confirmé... M. Gilbert dans Thespis () a volontiers fourni au compositeur tout ce qu'il pouvait désirer, maîtrisant le caractère d'opéra-extravaganza, qui souvent ne permet pas l'exercice des plus hauts élans de génie dont un musicien est capable et fixe une limite à l'exercice de ses talents.»
Clement Scott dans The Daily Telegraph a trouvé que l'opéra n'était pas doté d'une musique ambitieuse. Mais il a ajouté: «D'un bout à l'autre, mélodieux, toujours jolis, souvent suggestifs, les chants et les danses sont tout à fait en accord avec le livret de l'auteur. Certaines chansons resteront certainement, et l'impression provoquée par la musique dans son ensemble nous laisse à penser que l'oeuvre aura bien plus qu’un intérêt passager.»
De nombreux critiques ont loué l'originalité de la chanson du premier acte Climbing over rocky mountain sur le chef d'une compagnie ferroviaire, qui était peut-être une parodie du duc de Sutherland, «qui aimait faire rouler des locomotives». Scott a qualifié la chanson de «ballade ridicule», mais «tout à fait dans l'esprit des bien connues Bab Ballads, et, comme elle a été dotée d'une mélodie entraînante et d'un refrain bruyant, un générteux rappel du public a été inévitable. Même si la chanson était longue, le public aurait été bien content de la réentendre.» La Pall Mall Gazette a trouvé l'orchestration «très moderne, y compris l'emploi d'une cloche de chemin de fer, d'un sifflet de chemin de fer et d'un nouvel instrument de musique imitant le son agréable d'un train en mouvement». De même, le Sunday Times a noté: «La compagnie entière se joint au chœur, dont la musique exprime admirablement le tourbillon et le tonnerre d'un train ferroviaire à vitesse express.» The Era a parlé d'«un chœur hurlant, sifflant et criant qui fait succomber le public».
La similitude avec les modèles français de l'époque a été beaucoup commentée. Vanity Fair pensait que «la musique de la pièce est charmante d'un bout à l'autre et s'érige pour la première fois en rival à Offenbach... Thespis () est tout aussi bonne qu'Orphée aux Enfers.»
Un autre a écrit :
Mr W.S. Gilbert et Mr Arthur Sullivan ont tenté, avec non peu de succès, d'imiter l'opéra-comique français, dont nous avons tant entendu parler depuis une demi-douzaine d'années. Ces jours-ci - quand les critiques françaises se tournent habilement vers nous, et nous traitent de pickpockets — il n'est pas désagréable de constater que nous avons des auteurs et des musiciens tout aussi talentueux que nos voisins... Mr Sullivan nous a certainement persuadés d'une chose — qu'un musicien peut écrire à n’importe quel endroit.
Le Morning Advertiser pensait qu'«il y a une tentative évidente de copier les créations d'un compositeur étranger qui est si populaire à l'heure actuelle et qui a écrit de charmantes musiques pour les dieux et les déesses en bouffes.»
D'autres ont accusé Sullivan de copie flagrante. L'Athenaeum a écrit que la musique «a été arrangée et composée par Mr W.S. Sullivan (Le premier verbe n'était pas dans les distributions comme il aurait dû l'être)». Un critique pensait que le duo Here far away from all the world pour Sparkeion et Nicemis, était l'un des «meilleurs éléments de la pièce». En 1873, l'arrangeur Joseph Rummell (qui avait arrangé l'œuvre de Sullivan Merchant of Venice (partition pour piano) a écrit à Sullivan pour lui poser des questions sur la chanson, en vue de sa publication. Le compositeur répondit: «Thespis () n'est pas publié mais si vous le souhaitez je vous enverrai la partition complète du duo en question», mais il n'en sortit rien.
Seuls trois passages musicaux de Thespis sont connus pour survivre: la ballade Little maid of Arcadee, le refrain Climbing over rocky mountain et la musique du ballet.
B.1.5.d) Le ballet
Un ballet en cinq mouvements était interprété quelque part dans l'acte II, chorégraphié par W.H. Payne. Un titre dans le livret, Chœur et ballet, le rattache à la dernière section du final mais n'indique pas comment il figurait dans l'intrigue. La plupart des articles de presse l'ont placé à peu près à ce stade, bien que certains l'aient placé un peu plus tôt dans l'acte II. Lors de certaines représentations, le ballet a été joué dans l'acte I, mais il était certainement dans l'acte II lors de la première, et il semble finalement s'y être installé.
En 1990, Roderick Spencer et Selwyn Tillett ont redécouvert des notes concernant le ballet de l'acte II de Thespis (). Des notes sur deux des cinq mouvements - de la même main qui avait copié la partition de Climbing over rocky mountain - ont été retrouvés avec le matériel d'interprétation survivant d'un ballet de Sullivan de 1864, L'Île Enchantée. Une autre partie a été re trouvée dans le matériel de son ballet de 1897, Victoria and Merrie England.
La numérotation des pages des trois sections survivantes donnait la longueur approximative des pièces manquantes, et une gravure contemporaine (ci-contre), ainsi que d'autres preuves circonstancielles, permettaient d'identifier de manière plausible les deux mouvements restants: un costume de dragon, utilisé nulle part dans le livret, est vraisemblablement du ballet, et la harpe visible dans la fosse d'orchestre était un instrument inhabituel pour l'orchestre du Gaiety Theatre. Des mouvements de longueur appropriée qui donnaient un sens à ces bizarreries ont été trouvés dans d'autres ballets de Sullivan et le ballet reconstitué a été enregistré deux fois sur CD.
Sullivan avait tendance à réutiliser ses musiques de ballet. Sur les cinq mouvements identifiés par Tillett et Spencer, un seul (la Valse, n° 3) n'a été utilisé dans aucune autre œuvre. Trois des mouvements avaient déjà été utilisés dans L'Île Enchantée. Deux d'entre eux, et un autre, ont finalement été réutilisés dans Victoria and Merrie England. Il l'a utilisé aussi dans sa musique secondaire dans Macbeth. Sullivan fut invité en 1889 à composer un ballet pour une production en langue française de The Mikado () à Bruxelles, ce qu'il fit.
B.1.5.e) Le texte...
Le livret dont nous disposons aujourd'hui n'est pas celui entendu par le public du Gaiety Theatre. Il existe de nombreuses divergences entre le livret publiél et ce qui a été décrit comme se déroulant sur scène, et les critiques ont cité à plusieurs reprises des dialogues que l'on ne retrouve pas dans le livret publié. Il manque au moins une chanson. Et dans le livret publié, il manque aussi un personnage entier, Vénus, qui est mentionné dans au moins cinq critiques comme étant corpulente, âgée et fortement maquillée. En fait, elle n'apparaît pas dans le livret mais figurait dans le programme de la première!!!. La mise en scène dans la version originale est bâclée: les personnages réinterviennent dans une scène sans que leur entrée soit mentionnée, ou entrent deux fois de suite sans être sortis. De plus, Sullivan a dit à sa mère qu'au moins une chanson avait été coupée après la première, et qu'il devait certainement y avoir d'autres coupures, étant donné la durée excessive de la première représentation. Mais le texte du livret, tel que publié, est resté «pratiquement inchangé» entre décembre 1871 et mars 1872.
Dans une lettre à Percy Strzelecki du 23 avril 1890, Gilbert s'excuse de l'état du livret. Il a écrit: «J'étais aux États-Unis lorsqu'il a été publié et je n'ai eu aucune possibilité de corriger les épreuves. Cela expliquera la présence d'innombrables erreurs typographiques et autres.» Mais plusieurs chercheurs concluent que Gilbert devait se souvenir d'un mauvais voyage, car à l'automne 1871, il «aurait été impossible pour Gilbert de voyager en Amérique et d'être de retour à temps pour les répétitions de Thespis ()». Même après la première impression, aucun effort ne semble avoir été fait pour corriger les erreurs: il y a eu quatre impressions distinctes du livret entre décembre et mars, mais aucune correction n'a été apportée.
La version finale du livret par Gilbert date de 1911, lorsqu'il fut inclus dans le quatrième volume de ses Original Plays. Cependant, Gilbert mourut avant de pouvoir corriger les épreuves de cette édition, et le texte de 1871 fut donc réimprimé, en corrigeant seulement ... quelques fautes d'orthographe.
B.1.6) Après Thespis
Au cours des trois années suivantes, Gilbert et Sullivan n'eurent plus l'occasion de travailler ensemble, mais chacun devint plus reconnu dans son domaine. Gilbert a travaillé avec Frederic Clay sur Happy Arcadia (1872) et Alfred Cellier sur Topsyturveydom (1874) et a écrit The Wicked World (1873), Sweethearts (1874) et plusieurs autres livrets, farces, extravagances, comédies de fées, drames et adaptations.
Sullivan a terminé son Festival Te Deum (1872); un autre oratorio, The Light of the World (1873); son seul cycle de chansons, The Window; or, The Songs of the Wrens (1871); musique de scène pour The Merry Wives of Windsor (1874); et d'autres chansons, ballades de salon et hymnes.
Dans le même temps, le public des théâtres augmentait en raison de divers critères:
- la croissance rapide de la population britannique
- l'amélioration de l'éducation et du niveau de vie, notamment de la classe moyenne
- l'amélioration des transports publics
- l'installation d'un éclairage public, qui a rendu le voyage de retour du théâtre plus sûr.
Le nombre de pianos fabriqués en Angleterre a doublé entre 1870 et 1890 à fur et à mesure que de plus en plus de gens commençaient à jouer de la musique de salon à la maison et que davantage de théâtres et de salles de concert ouvraient.
A) Synopsis
A.1) Acte I
Lieu: un temple en ruine au sommet du mont Olympe
Sur le mont Olympe, les Dieux âgés se plaignent de se sentir vieux et déplorent leur influence décroissante sur Terre. Mercure se plaint que les dieux plus âgés sont paresseux et lui laissent toutes leurs obligations, alors qu'il n'obtient aucun mérite pour toutes ses corvées. Jupiter affirme que les choses ont atteint une situation critique, mais il ne sait pas ce qui peut être fait pour y remédier. À ce moment-là, les Dieux voient une nuée de mortels gravir la montagne et se retirent pour les observer de loin.
La troupe de théâtre de Thespis se réunissent pour un pique-nique célébrant le mariage de deux de ses membres, Sparkeion et Nicemis. Les acteurs, étant pauvres, n'ont pas réussi à apporter d'importantes denrées alimentaires à ce pique-nique. Sparkeion flirte avec son ancienne fiancée, Daphné, ce qui agace Nicemis. En représailles, Nicemis flirte avec son ancien prétendant, Thespis, mais celui-ci refuse de flirter en retour. Thespis explique à sa troupe qu'un manager qui a réussi doit se tenir à l'écart de ceux qu'il dirige, sinon il perdra son autorité.
Jupiter, Mars et Apollon entrent. Tous les acteurs s'enfuient terrorisés, à l'exception de Thespis. Jupiter demande à Thespis s'il est impressionné par le père des Dieux. Thespis répond que les Dieux ne sont pas impressionnants. Il suggère qu'ils descendent sur terre déguisés pour «se mêler aux umains» et juger par eux-mêmes de ce que les gens pensent d'eux. Ils acceptent d'investir les acteurs de leurs pouvoirs divins, alors qu'ils passeront de joyeuses vacances sur Terre. Thespis convient que lui et sa compagnie assureront le bon fonctionnement du mont Olympe pendant l'absence des Dieux. Chaque acteur prend la place d'un des Dieux, Thespis lui-même remplaçant Jupiter. Mercure reste sur place pour offrir tous les conseils dont les acteurs pourraient avoir besoin.
A.21) Acte I
Lieu: le même endroit, un an plus tard, les ruines ayant été restorées
Sous la direction de Thespis, l'Olympe a retrouvé sa splendeur d'antan et les Thespiens apprécient le nectar et l'ambroisie (nourriture délicieuse des Dieux qui leur assure avec le nectar leur immortalité). Le gouvernement de Thespis est très libéral et il a conseillé à sa troupe de ne pas «se laisser entraver par la routine, les formalités administratives et le passé». Les missions célestes ont cependant causé quelques difficultés, car les liens maoureux des acteurs dans la vie réelle entrent en conflit avec ceux des Dieux qu'ils incarnent. Vénus, interprétée par Pretteia, est censée être mariée à Mars, mais l'acteur qui joue Mars est son père! Vénus a épousé Vulcain, mais Vulcain est son grand-père. Sparkeion, qui a endossé le rôle d'Apollon, accompagne sa femme, Nicemis, qui joue Diana, dans ses tâches nocturnes, afin que le soleil se lève pendant la nuit.
Mercure informe Thespis que les Dieux de remplacement ont reçu de nombreuses plaintes de la part des mortels parce que certains ne remplissent pas leurs fonctions, et que les expériences malavisées d'autres ont fait des ravages dans le monde d'en bas. Par exemple, Timidon, le remplaçant de Mars, est un pacifiste et un lâche; le remplaçant d'Hymen refuse d'épouser qui que ce soit; et l'ersatz de Pluton est trop tendre pour laisser quelqu'un mourir. Daphné, qui joue la muse Calliope, affirme à Thespis, en s'appuyant sur une édition tronquée des mythes grecs, que Calliope était mariée à Apollon. Elle souligne qu'Apollon, joué par Sparkeion, est le frère de Diana (jouée par la femme de Sparkeion, Nicemis). Thespis décide que Sparkeion est marié à Daphné alors qu'ils sont des Dieux, mais son mariage avec Nicémis reprendra lorsqu'ils redeviendront mortels.
Lorsque les Ddieux reviennent, ils sont furieux et disent à Thespis qu'il a «dérangé tout le système de la société». Thespis dit qu'ils devraient se calmer, car la liste des plaintes des mortels est sur le point d'être lue. Les Dieux regardent incognito pendant que Mercure présente les plaintes: les acteurs ont gâché le temps; provoqué des conflits entre les nations; et il n'y a plus de vin, puisque Bacchus est abstinent. Après avoir écouté ces griefs, les dieux se débarrassèrent avec colère de leurs déguisements. Les acteurs supplient de rester sur l'Olympe, mais Jupiter les punit de leur folie en les renvoyant sur terre, maudits comme «d'éminents tragédiens, que personne ne va jamais voir».