Avant Trial by Jury (), W. S. Gilbert et Arthur Sullivan avaient collaboré à un opéra précédent, Thespis (), en 1871. Bien que raisonnablement réussi, c'était un divertissement de Noël, et on ne s'attendait pas à ce que de telles œuvres perdurent. Entre Thespis () et Trial by Jury (), Gilbert et Sullivan n'ont collaboré à aucun autre opéra, et chaque homme a produit séparément des œuvres qui ont continué à solidifier sa réputation, chacun dans son propre domaine.

Gilbert a écrit plusieurs nouvelles, édité le deuxième volume des Bab Ballads, et créé une douzaine d'œuvres théâtrales, dont Happy Arcadia en 1872; The Wicked World, The Happy Land et The Realm of Joy en 1873; Charity, Topsyturveydom et Sweethearts en 1874. Parallèlement, Sullivan écrit divers morceaux de musique religieuse, dont le Festival Te Deum en 1872 et un oratorio, The Light of the World en 1873, et édite le livre Church Hymns, with Tunes en 1874, qui comprenait 45 de ses propres hymnes et arrangements. Deux de ses airs d'hymnes les plus célèbres de cette période sont des mises en musique de Onward, Christian Soldiers et Nearer, my God, to Thee (tous deux en 1872). Comme nous allons le voir, il a également écrit des musique de scène pour une version de The Merry Wives of Windsor (1874) et de nombreuses ballades de salon et autres chansons, dont trois en 1874-1875 avec des paroles de Gilbert: The Distant Shore, Sweethearts (inspiré de la pièce de Gilbert ) et The Love that Loves Me Not.

B.2.1) Trial by Jury (1875)

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«Trial by Jury: An Operetta»
Dans «Fun» en 1868

La genèse de Trial by Jury () remonte à 1868, lorsque Gilbert a écrit une page illustrée pour le magazine Fun intitulée Trial by Jury: An Operetta., comme s'il s'agissait d'une «pièce en une page». S'appuyant sur la formation de Gilbert et sa brève pratique d'avocat, le texte détaille un procès pour «rupture de promesse» qui tourne mal, parodiant ainsi la loi, les avocats et le système judiciaire. À cette époque victorienne, un homme pouvait être condamné à payer une compensation financière s'il refusait d'épouser une femme avec laquelle il était fiancé.

Les grandes lignes de cette histoire ont été suivies dans le futur opéra, et deux chansons sont déjà présentes presque dans leur forme finale dans Fun. Mais dans Fun, l'histoire se termine brusquement: au moment où la jolie plaignante est entrée à la barre des témoins, le juge lui a sauté dans les bras et a juré de l'épouser, alors que dans l'opéra, on laisse l'affaire avancer plus loin avant d'arriver à cette même conclusion.

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Richard D'Oyly Carte

En 1873, le directeur d'opéra et compositeur Carl Rosa demanda à Gilbert une pièce à utiliser dans le cadre d'une saison d'opéra anglais que Rosa prévoyait de présenter au Drury Lane Theatre, Rosa pouvant soit composer ou soit commander la musique. Gilbert a transformé cette page en un livret en un acte, le futur Trial by Jury (). L'épouse de Carl Rosa, la soprano Euphrosyne Parepa-Rosa, amie d'enfance de Gilbert, décède des suites d'une maladie en 1874 à l'âge de 37 ans et Carl Rosa abandonne son projet de saison au Drury Lane. Plus tard dans la même année, Gilbert a proposé son livret à l'impresario Richard D'Oyly Carte, mais Carte ne connaissait aucun compositeur disponible pour le mettre en musique.

Pendant ce temps, Sullivan envisageait se son côté un retour à l'opéra léger: Cox and Box, son premier opéra comique, créé en 1869 (264 représentations), allait avoir un revival à Londres en septembre 1874 avec son frère, Fred Sullivan, dans la distribution. Cherchant toujours un librettiste pour ses futures oeuvres, en novembre 1874, Sullivan se rendit à Paris et contacta Albert Millaud, l'un des librettistes des opérettes de Jacques Offenbach. Cependant, il revint à Londres les mains vides et se mit à travailler sur la musique de scène pour la production au Gaiety Theatre de The Merry Wives of Windsor.

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Selina Dolaro

Au début de 1875, D'Oyly Carte gérait le Royalty Theatre qui était la propriété de Selina Dolaro (célèbre chanteuse, actrice, écrivaine anglaise et ... aussi directrice de théâtre). Il avait besoin d'un court opéra pour compléter une soirée commençant par La Périchole d'Offenbach, dont la première était prévue le 30 janvier (encore avec Fred Sullivan dans le casting) et dans lequel Dolaro devrait jouer. D'Oyly Carte avait demandé à Sullivan de composer quelque chose et avait annoncé dans le Times fin janvier, alors que rien n'était encore finalisé: «En préparation, un nouvel opéra comique composé expressément pour ce théâtre par M. Arthur Sullivan dans lequel apparaîtront Madame Dolaro et Nellie Bromley.» Mais à peu près à la même époque, D'Oyly Carte se souvint également du texte Trial by Jury () de Gilbert. Il se souvint également que Gilbert avait travaillé avec Sullivan quelques années auparavant pour créer Thespis () et que cela avait été un succès d'estime. Il a alors pris le pari de suggérer à Gilbert que Sullivan était l'homme idéal pour écrire la musique de Trial by Jury ().

Gilbert fit finalement appel à Sullivan et lui lut le livret le 20 février 1875. Sullivan était enthousiaste, se rappelant plus tard: «Gilbert l'a lu jusqu'au bout... à la manière d'un homme profondément déçu par ce qu'il avait écrit. Dès qu'il a prononcé le dernier mot, il a refermé le manuscrit avec violence, apparemment inconscient du fait qu'il avait atteint son objectif en ce qui me concerne, dans la mesure où je hurlais de rire tout le temps.» Trial by Jury () sera décrit comme «A Novel and Original Dramatic Cantata» dans le matériel promotionnel. Il a été composé et répété en quelques semaines.

B.2.2) Création et autres productions

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Couverture du programme de la version originale de
«Trial by Jury» au Royalty Theatre dans une soirée où
«La Périchole» était la production principale.

Le résultat de la collaboration de Gilbert et Sullivan fut une pièce spirituelle, mélodieuse et très «anglaise», contrastant totalement avec l'esprit de débauche que l'on retrouvait dans les burlesques mais aussi totalement différente des adaptations d'opérettes françaises qui dominaient la scène musicale londonienne à cette époque - dont La Périchole d'Offenbach présentée dans la même soirée était un merveilleux exemple.

Initialement, Trial by Jury (), qui ne dure qu'environ 30 minutes, était joué en dernier au sein d'un triple programme, sur lequel l'attraction principale, La Périchole (avec Dolaro dans le rôle principal, Fred Sullivan dans le rôle de Don Andres et Walter H. Fisher dans le rôle de Piquillo).

La Périchole étéait précédée par une farce en un acte Cryptoconchoidsyphonostomata. Cette oeuvre fut immédiatement remplacée par une série d'autres levers de rideau.

Le compositeur Sullivan a dirigé la représentation le soir de la première et le directeur musical du théâtre, B. Simmons, a dirigé par la suite. Dans Trial by Jury (), le frère du compositeur, Fred Sullivan, a joué le rôle du juge, avec Nellie Bromley dans le rôle de la plaignante. L'un des choristes de Trial by Jury (), W. S. Penley, fut promu en novembre 1875 au petit rôle du chef du jury et eut un fort impact sur le public avec ses expressions faciales et ses gestes amusants.

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Page 3 du programme de la version originale de
«Trial by Jury» au Royalty Theatre dans une soirée où
«La Périchole» était la production principale.
«Trial by Jury» a obtenu cette page illustrée

En mars 1876, il remplaça temporairement Fred Sullivan dans le rôle principal du juge, lorsque la santé de Fred déclina à cause de la tuberculose. Après ce début, Penley a poursuivi une carrière réussie en tant qu'acteur comique, culminant avec le rôle principal dans la création de la farce en trois actes de Charley's Aunt de Brandon Thomas qui détint un record: 1.466 représentation! Fred Sullivan est décédé en janvier 1877.

Les œuvres du français Jacques Offencbach étaient alors au sommet de leur popularité en Grande-Bretagne, mais Trial by Jury () s'est avéré encore plus populaire que La Périchole, et fut ce que l'on peut aiément qualifier de succès inattendu.

Trial by Jury () a attiré les foules et s'est poursuivi bien après la fermeture de La Périchole. Alors que le Royalty Theatre fermait pour l'été 1875, Dolaro partit immédiatement en tournée en Angleterre et en Irlande avec Trial by Jury (). La pièce reprit au Royalty Theatre plus tard en 1875 et fut relancée pour des saisons supplémentaires à Londres en 1876 à l'Opera Comique et en 1877 au Strand Theatre. Très vite, de nombreuses compagnies vont programmer dans leurs soirées théâtrales le court Trial by Jury () comment «produit d'appel» dirait-on aujourd'hui. Ce fut le cas aussi des compagnies anglaises en tournée qui l'avaient ajoutée à leur répertoire vers 1877.

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Emily Soldene

La production originale fit une tournée mondiale organisée par la directirce adjointe de l'Opéra comique, Emily Soldene, jusqu'en Australie. Des productions «pirates» non autorisées ont rapidement surgi en Amérique, profitant du fait que les tribunaux américains ne faisaient pas respecter les droits d'auteur étrangers. Il est également devenu populaire dans le cadre de la tradition victorienne des «concerts-bénéfice», où la communauté théâtrale se réunissait pour collecter des fonds pour les acteurs et actrices malchanceux ou prenant leur retraite. La D'Oyly Carte Opera Company a continué à jouer l'œuvre pendant un siècle, accordant des licences à des compagnies professionnelles et amateurs, anglaises et étrangères, telles que la J. C. Williamson Gilbert and Sullivan Opera Company. Depuis que les droits d'auteur sur les œuvres de Gilbert et Sullivan ont expiré en 1961, la pièce est disponible gratuitement pour les compagnies de théâtre du monde entier. La popularité durable de l'œuvre depuis 1875 en a fait, selon le spécialiste du théâtre Kurt Gänzl, «probablement l'opérette britannique en un acte la plus réussie de tous les temps».

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Programme de «Eyes and no Eyes»

L'important succès de Trial by Jury () poussait Gilbert et Sullivan à retravailler ensemble. Mais ce fut beaucoup plus difficille que prévu. a suscité plusieurs tentatives pour réunir Gilbert et Sullivan, mais des difficultés sont survenues. Un projet de collaboration pour Carl Rosa en 1875 échouèrent parce que Gilbert était trop occupé avec d'autres projets. Même une tentative de reprise de Thespis () à Noël 1875 par Richard D'Oyly Carte échoua lorsque les financiers se retirèrent. Gilbert et Sullivan ont continué leurs carrières chacun de leur côté, bien que tous deux aient continué à écrire de l'opéra léger. Par exemple, le nouvel opéra léger de Sullivan, The Zoo (5 juin 1875 - St James Theatre), a été créé alors que Trial by Jury () se jouait encore. Un mois plus tard, Gilbert a créé Eyes and No Eyes (5 juillet 1875 - St. George's Hall), puis Princess Toto en 1876. Gilbert et Sullivan ne retravailleront ensemble qu'en 1877, sur The Sorcerer ().

B.2.3) Réception

Les critiques de la première représentation de Trial by Jury () ont été uniformément élogieuses. Le magazine Fun a déclaré l'opéra «extrêmement drôle et admirablement composé», tandis que le magazine rival, Punch, a écrit que c'était «la bêtise la plus drôle que votre représentant ait vue depuis un temps considérable», regrettant seulement qu'elle soit trop courte. Le Daily News a fait l'éloge de l'auteur: «En termes d'invention fantaisiste et d'humour excentrique, Mr. W S Gilbert n'a pas de rival vivant parmi nos écrivains dramatiques, et jamais sa veine particulière de drôlerie et de satire n'a été plus remarquable que dans cette courte pièce intitulée Trial by Jury ().». Le Daily Telegraph a conclu que l'opéra léger illustrait «la grande capacité d'écriture théâtrale de haut niveau» du compositeur. De nombreux critiques ont souligné l'heureuse combinaison des paroles de Gilbert et de la musique de Sullivan. L'un d'entre eux a noté que «chacun est si complètement imprégné du même esprit que l'autre qu'il serait aussi difficile de concevoir l'existence des vers de M. Gilbert sans la musique de M. Sullivan, que de la musique de M. Sullivan sans les vers de M. Gilbert. Un double charme.» Un autre a convenu qu'«il semble, comme dans les grands opéras wagnériens, que le texte et la musique soient sortis simultanément d'un seul et même cerveau

Le public de la première a également été enchanté par la pièce, la préférant même à l'œuvre d'Offenbach: «À en juger par l'hilarité incessante et presque bruyante qui formait une sorte de commentaire continu de la part du public, Trial by Jury () n'a en rien souffert de la juxtaposition si dangereuse avec une pièce du populaire d'Offenbach. Au contraire, on peut dire à juste titre qu'elle a emporté la palme.» Un critique a noté que »des rires plus fréquents ou plus chaleureux n'ont jamais été entendus dans aucun théâtre que ceux qui ont plus d'une fois amené l'action... à un arrêt temporaire.» Un autre journal résumait son attrait populaire: «Trial by Jury () n'est qu'une bagatelle – et ne prétend pas être plus – mais c'est une de ces joyeuses extravagances que beaucoup iront voir et entendre, dont ils se moqueront et qu'ils conseilleront à leurs amis d'aller voir. Et donc son succès ne fait aucun doute.»

Parmi les acteurs, les critiques ont été particulièrement élogieux avec le frère du compositeur, Fred Sullivan, dans le rôle du juge: «Le plus grand «succès» est dû à Mr. F. Sullivan, dont le mélange de dignité officielle, de condescendance et, au bon moment, d'humour extravagant qui a donné au personnage du juge toute l'importance requise et cela a beaucoup ajouté à l'intérêt de la pièce.» The Times a convenu que son interprétation méritait «un mot d'éloge spécial pour son humour calme et naturel». Nelly Bromley (Plaintiff), Walter H. Fisher (Defendant), John Hollingsworth (Counsel) et d'autres ont également été félicités pour leurs interprétations.

Les critiques ultérieures n’ont pas été moins positives. En 1907, la première biographe de Gilbert, Edith A. Browne, concluait: «Dans Trial by Jury (), nous trouvons un auteur et un compositeur qui regardent le côté humoristique de la vie exactement du même point de vue, et nous réalisons immédiatement à quel point Gilbert et Sullivan ont su faire pour l'opéra comique ce que Wagner a fait pour le grand opéra en combinant les mots et la musique pour n'en faire qu'un.»

HM Walbrook écrivait de la même manière en 1922:

«Trial by Jury ()... fait la satire de la procédure judicière dans le cadre d'une «rupture de promesse», ainsi que du manque de sincérité qui peut parfois sous-tendre la posture de «respectabilité». Tout ce qui est dit ou chanté est ridicule, et pourtant, derrière tout cela se cache un vrai fond de vérité. La pièce est une explosion de rire. La chansonnette du juge, When I, good friends, was call'd to the Bar («Quand pour la première fois, mes amis, j'ai été appelé à la barre»), est la chanson comique la plus connue de langue anglaise. Dans aucun des opéras, le génie de Gilbert en tant qu'inventeur du «business du rire» n'est exposé de manière plus audacieuse et irrésistible. On peut revoir la pièce encore et encore et découvrir de nouveaux traits de comique. Sa place dans le répertoire de Gilbert et Sullivan est plus assurée que jamais; et quelles que soient les réformes qui pourront être effectuées par la suite dans ce département particulier de la King's Bench Division, Trial by Jury () continuera probablement longtemps à être l'un des divertissements du monde anglophone.»


Le biographe de Gilbert et Sullivan, Michael Ainger, en 2002, 127 ans après la première de l'opéra, expliquait son attrait durable: «Rien n'est plus grave qu'un tribunal... et maintenant tout était bouleversé. Le tribunal ést devenu le théâtre de l'humour et de la frivolité; le juge se montre aussi inconstant que l'accusé, et le système judiciaire se révèle totalement défectueux de par la fragilité humaine. Et Sullivan avait compris la plaisanterie... Dès les premiers accords, la musique de Sullivan plante le décor d'un faux-sérieux et se fraye un chemin tout au long de la pièce.»

B.2.4) Impact artistique

En tant que premier véritable «Savoy Opera» et si certains considèrent Thespis () comme le premier - même s'il n'a pas été créé au Savoy Theatre - Trial by Jury () a été un moment important dans l'histoire de la collaboration Gilbert et Sullivan, mais aussi dans la carrière de chacun des deux hommes et dans le drame victorien en général. L'historien Reginald Allen résume la portée historique de Trial by Jury ():

La plupart des spécialistes du théâtre victorien datent la naissance de l'«Opéra Gilbert & Sullivan» le soir de la première représentation de Trial by Jury ()... Certains soutiendront qu'il n'y a pas d'autre date d'importance comparable dans l'histoire du théâtre lyrique moderne que cette occasion qui marque la réunion du triumvirat formé de W.S. Gilbert, Arthur Sullivan et le génial manager Richard D'Oyly Carte. Les 25 années suivantes voient le succès spectaculaire et mondial de cette collaboration: les «Opéras Gilbert & Sullivan», initiés par Trial by Jury (). Sans cette étincelle initiale, qui peut affirmer que l’un des futurs succès instantanés de Gilbert & Sullivan aurait jamais été écrit?

«The First Night Gilbert and Sullivan» - Reginald Allen (1958)

 

B.2.4.a) Modèle pour les futurs «Savoy Operas»

Trial by Jury () est le seul opéra de Gilbert et Sullivan en un acte et la seule œuvre à la scène de Gilbert sans dialogue parlé. Cependant, les futurs opéras de Gilbert et Sullivan ont conservé un certain nombre de spécificités vues dans Trial by Jury (). Par exemple, tous les «Savoy Operas», sauf The Yeomen of the Guard (), commencent par une chanson chorale, une chanson de groupe. De même, comme Trial by Jury (), les opéras suivants ont une fin relativement courte composée d'un numéro d'ensemble entrecoupé de courts solos des personnages principaux.

La partie Comes the broken flower (issue de la 6ème chanson du musical) était le premier d'une série d'«instants méditatifs» mêlant bonheur et tristesse, une acceptation ou une résignation légère. Ces momets permettront désormais aux personnages, dans chacun des «Savoy Operas», une scène introspective où ils s'arrêtent et considèrent leur vie, en contraste total avec la folie des autres scènes.

Bridesmaids
Comes the broken flower -
Comes the cheated maid -
Though the tempest lower,
Rain and cloud will fade!
Take, O maid, these posies:
Though thy beauty rare
Shame the blushing roses -
They are passing fair,
They are passing fair!

Wear the flowers till they fade;
Happy, happy be thy life, O maid!
Wear the flowers till they fade;
Happy be thy life, O maid!
Happy be thy life, O maid!
Happy, happy be thy life, O maid!
Demoiselles d'honneur
Vient la fleur brisée -
Vient la servante trompée -
Même si la tempête s'abaisse,
La pluie et les nuages s'effaceront !
Prends, ô jeune fille, ces bouquets :
Bien que ta beauté soit rare.
Honte aux roses rougissantes -
Elles passent belles,
Elles passent belles!

Portez les fleurs jusqu'à ce qu'elles se fanent ;
Heureuse, heureuse soit ta vie, ô jeune fille !
Portez les fleurs jusqu'à ce qu'elles se fanent ;
Heureuse soit ta vie, ô jeune fille !
Heureuse soit ta vie, ô jeune fille !
Heureuse, heureuse soit ta vie, ô jeune fille !

«Trial by Jurry»

 

Comme les deux airs de ténor dans Trial by Jury (), les airs de ténor des «Savoy Operas» suivants se jouent si souvent dans des mesures 6/8, Anna Russell, dans sa parodie de 1953, How to Write Your Own Gilbert and Sullivan Opera s'est exclamée: «Le ténor... selon la tradition, doit chanter un air en 6/8, s'accompagnant généralement d'un instrument à cordes». Gilbert combine ses critiques avec un divertissement comique, ce qui les rend plus acceptables, tout en soulignant leur vérité : « En riant d'une blague, vous montrez que vous en acceptez le principe.» Cela aussi deviendra caractéristique du travail de Gilbert.


Dans Trial by Jury (), l’hypocrisie est dénoncée et les motivations des personnages sont présentés satiriquement. Gilbert se moque de l’hypocrisie sous-jacente des procédures judiciaires. Andrew Crowther, spécaliste de Gilbert, affirme clairement que Gilbert fait passer ses critiques de la société au travers d'histoires comiques, qui les rendent plus acceptables sans atténuer la vérité énoncée: «En riant d’une plaisanterie, les spectateurs montrent qu'ils comprenne ce qui est affirmé.» Ceci aussi va devenir une caractéristique du travail de Gilbert.

La chanson du juge, When I, good friends, was called to the Bar, va être suivie d'une série de chansons similaires qui devinrent une signature de Gilbert et Sullivan. Dans celles-ci, souvent, un «personnage digne - comme le juge de Trial by Jury () - fournissait une biographie humoristique de lui-même».

Tout comme dans la pièce précédente de Gilbert, The Palace of Thruth, dans ces chansons, les personnages «révèlent naïvement leurs pensées les plus intimes, inconscients de leur égoïsme, de leur vanité, de leur bassesse ou de leur cruauté». Crowther (dans Contradiction Contradicted – The Plays of W. S. Gilbert - 2000) souligne que de telles révélations fonctionnent particulièrement bien dans Trial by Jury (), parce que les gens s'attendent généralement à ce que «les personnages chantant dans un opéra/opérette communiquent à un niveau de vérité plus profond qu'ils ne le feraient dans un simple discours». Dans When I, good friends, le juge décrit le chemin de la corruption qui l'a conduit à devenir juge, et cela également servirait de modèle à de nombreuses chansons à suivre dans les opéras de Gilbert et Sullivan.

L'une des innovations les plus remarquables de Gilbert, trouvée pour la première fois dans Thespis (), répétée dans Trial by Jury () et dans tous les «Savoy Operas» ultérieurs, est l'utilisation du chœur comme partie essentielle de l'action. Dans la plupart des opéras, burlesques et comédies théâtrales antérieures, le chœur avait très peu d'impact sur l'intrigue et servait principalement de «bruit de fond» ou de «décoration». Dans les opéras de Gilbert et Sullivan, le chœur est essentiel, participant à l'action et agissant souvent comme un personnage important à part entière. Sullivan se souvient: «Jusqu'à ce que Gilbert prenne l'affaire en main, les chœurs n'étaient que des préoccupations factices et n'étaient pratiquement rien de plus qu'une partie du décor. C'est dans Thespis () que Gilbert a commencé à mettre en œuvre sa détermination exprimée de faire jouer le chœur sa propre part propre dans la représentation. À l'heure actuelle, il semble difficile de réaliser que l'idée que le chœur soit autre chose qu'une sorte de public sur scène était, à cette époque, une formidable nouveauté.»

Une autre innovation de Gilbert, suivant l'exemple de son mentor, T. W. Robertson, est que les costumes et les décors soient aussi réalistes que possible: Gilbert a basé le décor de la production sur la Session House du quartier de Clerkenwell (centre de Londres) où il avait exercé le droit dans les années 1860. Les costumes étaient contemporains et Angelina et ses demoiselles d'honneur étaient vêtues d'une véritable tenue de mariage. Cette attention aux détails et à la création minutieuse de décors et de scènes réalistes étaient typiques de la gestion scénique - on ne peut encore parler de mise en scène ou de draturgie - de Gilbert et seront répétées dans tout le travail de Gilbert. [75] Par exemple, lors de la préparation des décors du HMS Pinafore () (1878), Gilbert et Sullivan se sont rendus à Portsmouth pour inspecter les navires. Gilbert a réalisé des croquis du HMS  Victory et du HMS St  Vincent et a créé un modèle à partir duquel les charpentiers peuvent travailler. C'était loin d'être une procédure standard dans le théâtre victorien, où le naturalisme était encore un concept relativement nouveau et où la plupart des auteurs avaient très peu d'influence sur la façon dont leurs pièces et leurs livrets étaient mis en scène.

B.2.4.b) Analyse

Andrew Crowther place Trial by Jury au centre du développement de Gilbert en tant que librettiste. Il note que dans certains des premiers livrets de Gilbert, comme Topsyturveydom (1874), les chansons mettent simplement l'accent sur le dialogue. Dans d'autres, comme Thespis ( 1871), certaines chansons sont relativement déconnectées à la fois de l'histoire et de la caractérisation, comme « J'ai connu autrefois un type » ou « Petite servante d'Arcadee », qui transmettent simplement une leçon de morale. [78] Dans Trial by Jury , cependant, chaque chanson fait avancer l'intrigue et ajoute de la profondeur aux personnages. De plus, contrairement à certaines des premières intrigues les plus fantastiques de Gilbert, « Mis à part la fin,[60] Gänzl est d'accord, écrivant que « le livret de Gilbert était supérieur à tous ses efforts précédents. Il était concis, moderne et satirique sans être incroyablement fantaisiste. N'ayant aucun dialogue parlé, il était forcément étroitement construit et ne permettait aucune interpolation ou modification. [79] Le développement de Sullivan en tant qu'auteur d'opéra comique allait également mûrir avec Trial by Jury . À l'exception de la musique de scène pour les productions de Shakespeare, il n'avait écrit aucune musique pour la scène depuis Thespis . Gänzl a écrit que Trial by Jury "a amené Sullivan fermement et finalement dans le monde de la scène musicale" [80] et a confirmé :Cox, Box et Thespis, que « Sullivan était un compositeur de musique lyrique et comique légère qui pouvait rivaliser avec Offenbach, Lecocq et n'importe quel musicien anglais vivant ». [80]

Sullivan a utilisé les opportunités suggérées par la satire de Gilbert sur la pompe et la cérémonie de la loi pour proposer une variété de blagues musicales. [43] "Dès les premiers accords... la musique de Sullivan plante le décor d'un faux-sérieux... Son... utilisation humoristique de l'orchestre se poursuit partout". [56] Par exemple, contrepoint à l'évanouissement calculé de la demanderesse dans « Qu'elle est sous le choc, c'est évident ! » (No. 9) avec un thème tournoyant en tonalité mineure dans l'accompagnement des cordes, montant et descendant les octaves . [20]Les instruments sont également utilisés pour planter le décor de manière comique ; par exemple, il souligne l'inexactitude de l'avocat dans le vers « Se marier à deux à la fois, c'est un cambriolage » avec un basson comique « piquer » en octaves [ 20] et demande à l'accusé d'accorder sa guitare sur scène (simulée par un violon dans l'orchestre) dans l'ouverture de sa chanson. [81]

La partition contient également deux parodies ou pastiches d'autres compositeurs : le n° 3, "All hail great Judge" est une parodie élaborée des fugues de Haendel , [ 82] et le n° 12, "A nice dilemma", parodie "dilemma" ensembles d'opéra italien à l'époque du bel canto ; en particulier "D'un pensiero" de l'acte I de La sonnambula de Bellini . [83] "A nice dilemma" utilise le rythme et la tonalité dominants de "D'un pensiero" et divise certaines lignes chorales entre les basses et les voix supérieures pour créer un effet oom-pa-pa commun dans les chœurs d'opéra italiens.

B.2.5) Productions

Après la première de Trial by Jury en 1875, les compagnies d'opérette de Londres, des provinces britanniques et d'ailleurs l'ont rapidement repris, le jouant généralement comme avant-première ou comme pièce arrière d'une opérette française. Les premières projections américaines furent une production non autorisée d' Alice Oates au Arch Street Theatre de Philadelphie le 22 octobre 1875 [85] une autre au Eagle Theatre de New York le 15 novembre 1875. [22] [ La tournée mondiale de la production britannique originale l'a emmenée en Amérique, en Australie et ailleurs. Il fut même traduit en allemand et créé sous le titre Im Schwurgericht , au Carltheater le 14 septembre 1886, et sous le nom de Das Brautpaar vor Gericht à l'Orpheum de Danzer le 5 octobre 1901.

Les compagnies d'opéra de Richard D'Oyly Carte (dont plusieurs jouaient souvent simultanément) programmaient généralement Trial by Jury comme pièce d'accompagnement du Sorcier ou du HMS Pinafore . Dans la production londonienne de 1884-1885, une scène de transformation a été ajoutée à la fin, dans laquelle le juge et le plaignant sont devenus les personnages d'Harlequinade , Harlequin et Columbine, et le décor a été consumé par le feu rouge et les flammes. À partir de 1894, année où la D'Oyly Carte Opera Company créa une compagnie de tournée toute l'année qui avait la plupart des œuvres de Gilbert et Sullivan dans son répertoire,Le procès par jury a toujours été inclus, sauf de 1901 à 1903, puis de nouveau de 1943 à 1946, lorsque la compagnie a joué un répertoire réduit pendant la Seconde Guerre mondiale . À partir de 1919, les costumes étaient de Percy Anderson et un nouveau décor de tournée fut conçu par Peter Goffin en 1957. [91

Au cours des représentations du centenaire de la compagnie en 1975 des treize opéras Gilbert et Sullivan au Savoy Theatre, Trial a été donné quatre fois, en lever de rideau pour Le Sorcier , Tablier et Les Pirates et comme pièce secondaire après Le Grand-Duc . Avant la première des quatre représentations de Trial , un lever de rideau spécialement écrit par William Douglas-Home , appelé Dramatic License , a été joué par Peter Pratt dans le rôle de Carte, Kenneth Sandford dans le rôle de Gilbert et John Ayldon.comme Sullivan, dans lequel Gilbert, Sullivan et Carte planifient la naissance du Trial en 1875. Le Trial by Jury a été éliminé du répertoire D'Oyly Carte en 1976 par mesure d'économie.