Le Mayflower à son arrivée à Plymouth Harbor
C) Toute la diversité des «Treize Colonies» (1/4)
Afin de mettre en évidence leur diversité, nous esquissons ici l'histoire de la fondation des treize colonies, sur vingt, qui deviendront indépendantes lors de la révolution américaine.
B.1) La Virginie
La Compagnie de Virginie est une compagnie commerciale créée par le Roi Jacques Ier d’Angleterre en avril 1606 dans le but de coloniser la côte orientale de l’Amérique du Nord entre les latitudes 34° et 41° Nord. Ses actionnaires étaient des Londoniens, et elle se distinguait de la Compagnie de Plymouth, qui avait reçu sa charte à la même époque et se composait en grande partie d’hommes de Plymouth.
En décembre 1606, la Compagnie de Virginie envoya trois navires transportant environ 105 colons dirigés par le Capitaine Christopher Newport: le Susan Constant, le Godspeed et le Discovery.
Le 14 mai 1607 les trois navires entrent dans la baie de Chesapeake, une véritable mer intérieure où se trouvent plusieurs estuaires. Ils créèrent un «campement» qu'ils baptisèrent Jamestown en l'honneur du Roi Jacques 1er (en anglais: James 1st) à l'ambouchure de la rivière James (même motivation pour le choix du nom).
Le site semble idéal sous les couleurs du printemps, mais les premières difficultés surviennent en été avec ses températures élevées et ses nuages d'insectes provenant des marécages environnants. Pour ne rien arranger, les colons, qui sont en majorité des gentilshommes, refusent catégoriquement de défricher et de labourer la terre de leurs propres mains.
La nouvelle colonie se composait à l’origine d’un fort en bois construit en triangle autour d’un entrepôt d’armes et d’autres fournitures, d’une église et d’un certain nombre de maisons. Les colons ont beaucoup souffert de la faim et de maladies comme la typhoïde et la dysenterie, causées par la consommation d’eau contaminée du marais voisin. Les colons vivaient également sous la menace constante d’attaques de la part des membres des tribus algonquiennes locales, dont la plupart étaient organisées en une sorte d’empire sous la direction du chef Powhatan.
Néanmoins, elle parvient à s'en sortir grâce à un chef énergique, John Rolfe qui commença à cultiver une plante prometteuse: le tabac. Et en fait, très vite, il créa une véritable industrie du tabac. Ce fut le début de la prospérité.
La première assemblée de la colonie est organisée dans l'église de Jamestown le 30 juillet 1619. En plus du gouverneur et de ses six conseillers, elle réunit également 22 bourgeois qui représentent les colons.
La première résolution adoptée par l'assemblée concerne les impôts, la morale publique et le cours du tabac.
Cela marque le début de la démocratie représentative à la manière américaine. La conversion de l'assemblée en Parlement lui donne des pouvoirs envers le gouverneur sélectionné par la Compagnie de Virginie. En 1624, la charte de la compagnie fut révoquée et la Virginie devint la première colonie royale d’Angleterre. Dans les années qui suivirent, de nouvelles colonies furent établies et des systèmes administratifs locaux furent développés.
En 1619, un bateau transporte 90 jeunes filles d'Angleterre afin que les colons puissent les prendre pour femmes, à condition de payer leur voyage. Cela favorisera la croissance et le développement de la colonie, sans avoir à dépendre de la métropole.
En 1619, un navire hollandais arrive à Jamestown en août, avec une cargaison singulière: une vingtaine d'Africains. Les planteurs sont d'emblée attirés par les malheureux, enchantés de pouvoir compter sur une main-d'œuvre plus soumise que les Indiens et les travailleurs blancs sous contrat.
Les Africains, qui sont officiellement reconnus comme des travailleurs ordinaires engagés par contrat pour une durée de cinq ans, sont confrontés à une détérioration de leur statut au fil des décennies, allant jusqu'à devenir de véritables esclaves. C'est le début d'une malédiction qui continue de tourmenter les États-Unis.
Jusqu'à présent, les Indiens avaient globalement accepté la perte de leurs territoires au profit des nouveaux arrivants. En Virginie, le «Sachem Suprême» ou grand chef de la Fédération des Powhatans avait même marié sa propre fille, Powhatan, au plus important planteur de tabac de la région, John Rolfe
Après sa disparition en 1618, Opechancano, son frère et successeur, adopte une attitude moins respectueuse envers les Blancs. Le 22 mars 1622, il lance une série d'attaques coordonnées contre tous les villages de Virginie. 346 personnes blanches ont été massacrées. Les colons réagissent avec violence, et en 1643, ils parviennent à capturer et exécuter leur ennemi. C'est la première des grandes guerres indiennes qui auront lieu pendant plus de 250 ans entre Indiens et Européens.
B.2) Le Massachusetts
La couronne ayant «pris le contrôle de la Virginie», les actionnaires londoniens de la Compagnie envisagent, en 1620, d'occuper des territoires plus au nord. Dans cette optique, ils établissent un «Conseil pour la Nouvelle-Angleterre», nom qui désigne toujours les quatre États compris entre le Maine et l'État de New York (Massachusets, Rhode Island, Connecticut, New Hampshire).
Les colons qui vont être envoyés pour représenter le Conseil pour la Nouvelle-Angleterre vont être un peu particulier. Les colons qui ont voyagé vers le Nouveau Monde sur le Mayflower étaient un petit groupe de séparatistes religieux - des «puritains» - qui avaient fui l’Angleterre dans un permier temps vers la Hollande pour pratiquer leur religion sans ingérence officielle. Mais les difficultés économiques et le désir d’établir une identité libre de l’influence néerlandaise les avaient incité à vouloir partir en Amérique.
Une mer agitée et des tempêtes empêchèrent le Mayflower d’atteindre sa destination prévue et le navire fut dirigé plus au Nord. En raison de ce changement de cap, les passagers ne relevaient plus de la juridiction de la Charte qui leur avait été accordée en Angleterre par la Compagnie de Virginie. Dans cette situation juridiquement incertaine, des frictions surgissent entre les séparatistes anglais (les pèlerins) et le reste des voyageurs, certains d’entre eux menaçant de quitter le groupe et de s’installer seuls.
Pour apaiser le conflit et préserver l’unité, les chefs pèlerins (parmi lesquels William Bradford et William Brewster) rédigent le «Mayflower Compact» avant de débarquer. Le bref document (environ 200 mots) liait ses signataires en un corps politique dans le but de former un gouvernement et les engageait à se conformer à toutes les lois et à tous les règlements qui seraient établis plus tard «pour le bien général de la colonie». Le pacte a été signé par presque tous les passagers masculins adultes du Mayflower (41 sur 102).
L'autorité de ce texte fut immédiatement exercée lorsque John Carver, qui avait aidé à organiser l’expédition, fut choisi comme gouverneur de la nouvelle colonie. Les colons débarquent le 26 novembre 1620 près d'une région encore sauvage, Cap Cod. La charte instaure une démocratie locale efficace et respectueuse des croyances de chacun, qui sera la pierre angulaire de la communauté, à l'instar des autres colonies à venir.
C'est de cette manière que le Massachusetts, au nom étrange d'origine indienne, a vu le jour, en tant que deuxième colonie anglaise d'Amérique.
En 1630, onze navires et un millier de colons sont arrivés, tous de confession puritaine. La plupart choisissent de s'installer sur une colline connue sous le nom de Boston, en souvenir d'un village du même nom, dans le Lincolnshire.
Dès le début, les colons manifestent un grand intérêt pour l'éducation. Harvard a vu le jour dès 1636 et en 1647, une loi a été promulguée pour permettre l'ouverture d'une école élémentaire gratuite dans toutes les villes ayant plus de cinquante familles! Il n'est pas étonnant que le grand savant Benjamin Franklin soit originaire de Boston.
Au départ, le gouverneur de la colonie et ses douze assesseurs s'efforcent de limiter les responsabilités de représentation aux membres des Églises puritaines. Néanmoins, cette volonté théocratique est compromise par la désobéissance civile de certaines villes qui sont majoritairement non-puritaines. La démocratie se solidifie encore lorsque les dirigeants s'inclinent.
Les pasteurs puritains, qui ont oublié les persécutions dont ils avaient été eux-mêmes victimes en Europe, manifestent toujours une grande intolérance.
Elle atteint son apogée dans la ville de Salem en 1691-1692, lorsque les pasteurs se mirent à enquêter sur la sorcellerie. Cette chasse aux sorcières, la plus importante de l'histoire de l'Amérique du Nord, a entraîné l'arrestation d'une centaine de personnes et l'exécution de 14 femmes et de 6 hommes entre février 1692 et mai 1693. Ces célèbres procès qui agitèrent le petit bourg de Salem débutèrent à l’hiver 1682-1693. À leur terme, 141 suspects, hommes et femmes, furent reconnus coupables de sorcellerie. 19 furent pendus, une fut lynchée à mort et plusieurs autres périrent dans des geôles épouvantables.
«Notre pays a une longue tradition de chasses aux sorcières, surtout à l’ère coloniale», rappelle Jason Coy, professeur d’histoire à l’Université de Charleston et qui s'est spécialisé dans l'étude de cette pratique.
Selon lui, la façon dont on peut aujourd'hui parler de «chasse aux sorcières» s’est popularisée dans les années 1950, à l’ère du maccarthysme, qui vit le Sénat américain auditionner des personnes suspectées d’être communistes et surtout le succès d’une pièce allégorique d’Arthur Miller écrite en 1953, Les Sorcières de Salem.
En raison du climat puritain de la colonie, certains habitants prennent la fuite et établissent d'autres colonies: Rhode Island, New Hampshire et Connecticut.