3.
Une aventure
humaine

 4.2.
XVème et XVIème siècles
Colonies de pêche
européennes

 4.3.
1608-1763: domination
4. Evolution démographique
D) La vision de Vauban pour le Canada

 4.3.
1608-1763: domination
5. Les treize colonies
anglaises en Amérique

A) Introduction

 4.4.
1763-1867: domination
Domination de l'Empire
britannique

 

 

E) Les moyens réduits de la politique d'expansion

Pour les colons de la Nouvelle-Angleterre, l'implantation française au nord (Canada) et à l'ouest (Pays-d'en-Hauts et Pays des Illinois) était devenue insupportable, d'une part, parce qu'elle établissait à l'ouest une barrière pour leur expansion géographique en raison de la possession de la Louisiane, de la vallée de l'Ohio, sans oublier l'implantation d'une série de forts (voir la carte des forts ci-dessous) qui servaient de postes de défense pour le Canada, d'autre part, parce qu'à partir de ces points d'appui il était possible de la part des Canadiens de mener des raids meurtriers contre les colonies anglaises.

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La Nouvelle-France après le traité d’Utrecht
On y voit bien apparaître en hachuré les territoires cédés par la France à la Grande-Bretagne (Terre-Neuve, Acadie péninsulaire,…);
des zones toujours disputées malgré le traité au début des années 1750.
Cette carte ne contient que quelques forts (une trentaine) alors que la Nouvelle-France en comptait plus de 150.

Par exemple, lorsque Louis XIV désigna à nouveau le Comte de Frontenac comme gouverneur de la Nouvelle-France en 1698, il lui ordonna, dans une instruction datée du 7 juin, d'attaquer la Nouvelle-York (New York), car Sa Majesté «est persuadée que lorsque les troupes iroquoises ne recevront plus de secours des Anglois, elles seront obligées d'en passer où Sa Majesté voudra». Conquérir New York signifiait la fin de l'alliance entre Iroquois et Anglais. Finalement, le projet échouera pour des problèmes logistiques, sans qu'on ait pensé ce qui serait advenu d'une Nouvelle-York «française» coincée entre la Nouvelle-Angleterre au nord et les Virginies, puis les Carolines au sud. Pour remplacer cette conquête, en plein hiver de 1690 (fin janvier), Frontenac décida d'organiser trois raids contre la Nouvelle-Angleterre. Pour les commander, il nomma uniquement des Canadiens, plus propres à la guérilla que les officiers de France; les troupes étaient formées de Canadiens et d'Amérindiens. Elles pillèrent Casco (près de l'actuelle ville de Portland dans le Maine), Salmon Falls entre Boston et Casco, puis Corlar au sud du lac Champlain, près d'Albany. Les troupes canado-amérindiennes ne prirent jamais possession des lieux et n'installèrent aucune garnison. Ils s'enfuirent après les pillages et les massacres de colons anglais.

D'après un ministre du culte puritain, Cotton Mather (1663-1728), mais aussi l'un des chefs religieux les plus influents de Boston, ces massacres ont été perpétrés par «des Français à moitié indianisés et des Indiens à moitié francisés». Quoi qu'il en soit, ces raids constituaient toujours des coups d'épée dans l'eau avec en prime, le désir de revanche des Britanniques. Dès la même année, ceux-ci entreprirent une attaque simultanée sur Québec et sur Montréal, qui échoua.

Par la suite, durant deux ans, de 1708 à 1710, le gouverneur Philippe de Rigaud de Vaudreuil lancera à son tour des raids sur le Maine, le Massachussetts et le New Hampshire. Vaudreuil sauvegardait ainsi les alliances avec les Abénakis et les Indiens des missions, mais la «petite guerre» et les ravages qu'elle causait exaspérèrent à tel point les habitants de la Nouvelle-Angleterre qu'ils décidèrent de tenter la conquête de la Nouvelle-France.

Au milieu du XVIIIe siècle, la France n'avait plus les moyens de sa politique d'expansion territoriale. Les dirigeants de la Nouvelle-France avaient toujours rêvé de chasser les Britanniques hors du continent. Leur grand rêve était d'étendre la domination française sur toute l'Amérique du Nord. Embourbée dans des problèmes financiers constants et des guerres sans fin, la France de Louis XIV, puis de Louis XV, revendiquait un vaste territoire sous-peuplé qu'elle ne pouvait contrôler. Elle croyait alors qu'il suffisait d'arpenter de long en large les grands espaces de l'Amérique pour en revendiquer ensuite la propriété. Des explorateurs avaient découvert les Rocheuses à l'ouest et le Mississipi au sud, mais le fait de parcourir un continent ne signifie pas le posséder, pas davantage qu'un marin n'a des droits sur l'Atlantique parce qu'il en a fait la traversée. De plus, la Métropole décidait de tout, alors que les colonies devaient payer ensuite pour les pots cassés d'une France ruinée. Autrement dit, les Français de l'époque étaient probablement de meilleurs conquérants que de bons colonisateurs.

Quant aux autorités coloniales de la Nouvelle-France, elles n'avaient jamais cessé, avec la complicité des Canadiens, des Acadiens et des Indiens, de harceler les établissements britanniques de la Nouvelle-Angleterre, ce qui constitue pour beaucoup d'historiens l'une des causes directes du soulèvement généralisé des habitants de la Nouvelle-Angleterre. Les Britanniques avaient du ressentiment à l'égard des Français (Canadiens ou Acadiens, sans distinction) qui avaient terrorisé, pendant des décennies, les colons de la Nouvelle-Angleterre. D'ailleurs, dans son Manifeste de 1759, Wolfe souleva cette question à deux reprises.

Pendant ce temps, en Grande-Bretagne, les généraux anglais connaissaient depuis 1755 l'imminence de la rébellion des Treize Colonies et de leur éventuelle indépendance. C'est pourquoi il fallait que la Grande-Bretagne élimine au plus tôt la Nouvelle-France avant que ne commence la guerre de l'Indépendance. Militairement, la conquête du Canada offrait aux Britanniques une voie de retraite sûre vers l'Atlantique et une tête de pont utilisable dans l'éventualité d'une guerre de reconquête des Treize Colonies. C'est pourquoi la Grande-Bretagne avait décidé de prendre les grands moyens pour satisfaire ses ambitions: bouter définitivement les Français hors d'Amérique. Il lui fallait d'abord prendre Louisbourg pour couper les communications avec la France, puis prendre le contrôle de la vallée de l'Ohio (le Pays des Illinois) entre les Grands Lacs (le Pays-d'en-Haut) et la Louisiane, et finalement prendre Québec et Montréal. La Grande-Bretagne mit sur pied un plan d'ensemble qui comprenait l'envoi de 23 000 soldats et d'une formidable flotte navale. Après la défaite totale des Français en Amérique du Nord, l'attention des Britanniques pourrait ensuite se porter dans les Antilles où ils prendront la Guadeloupe, puis la Dominique, la Martinique, ainsi que toutes les autres îles, françaises ou espagnoles.

Quant à la France, elle semblait accepter de perdre sa colonie du Canada. Dans une missive adressée au Général Montcalm, datée du 19 février 1759, le Maréchal de Belle-Isle (1684-1761), alors secrétaire d'État à la Guerre, écrivait que le Canada ne devait plus attendre de recevoir des renforts de la France:

« Quant à la besogne que vous aurez pendant cette campagne, je suis bien fâché d'avoir à vous mander que vous ne devez point espérer de recevoir des troupes de renfort. Outre qu'elles augmenteroient la disette des vivres que vous n'avez que trop éprouvée jusqu'à présent, il seroit fort à craindre qu'elles ne fussent interceptées par les Anglois dans le passage. Comme le roi ne pourroit jamais vous envoyer des secours proportionnés aux forces que les Anglois sont en état de vous opposer, les efforts que l'on feroit ici n'auroient d'autre effet que d'exciter le ministère de Londres à en faire de plus considérables pour conserver sa supériorité qu'il s'est acquise dans cette partie du monde.Quant à la besogne que vous aurez pendant cette campagne, je suis bien fâché d'avoir à vous mander que vous ne devez point espérer de recevoir des troupes de renfort. Outre qu'elles augmenteroient la disette des vivres que vous n'avez que trop éprouvée jusqu'à présent, il seroit fort à craindre qu'elles ne fussent interceptées par les Anglois dans le passage. Comme le roi ne pourroit jamais vous envoyer des secours proportionnés aux forces que les Anglois sont en état de vous opposer, les efforts que l'on feroit ici n'auroient d'autre effet que d'exciter le ministère de Londres à en faire de plus considérables pour conserver sa supériorité qu'il s'est acquise dans cette partie du monde. »

Maréchal de Belle-Isle, secrétaire d'État à la Guerre

 

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«Council with the Allies» - Robert Griffing.
La toile «Council with the Allies» («Conseil avec les alliés») représente le général Louis-Joseph,
marquis de Montcalm, alors qu'il rencontre leurs alliés indiens près du fort Carillon
sur la rive du lac Champlain; aujourd'hui, ce fort est connu comme le fort Ticonderoga.
Certains Amérindiens sont venus d'aussi loin que les Grands Lacs pour à joindre à Montcalm
qu'ils considéraient comme un grand chef. Le seul fait de parler avec le général français
était considéré comme un grand honneur pour les autochtones.

Or, selon Louis-Antoine de Bougainville, l'aide de camp du Général Montcalm, la France aurait dû envoyer 8.000 soldats supplé­men­taires pour défendre adéquatement la Nouvelle-France contre la puissante invasion britannique. Parce que Louis XV avait envoyé 100.000 hommes en Autriche, il n'en disposait que de 1.200 en renforts pour le Canada.

Montcalm n'a pu que répondre au Maréchal Belle-Isle: «J'ose vous répondre de mon entier dévouement à sauver cette malheureuse colonie ou à mourir.» Les historiens ont beaucoup reproché au Général Montcalm un certain défaitisme, car dès son arrivée au Canada il n'a cessé de prédire la défaite et de l'annoncer comme inéluctable. Il ne devait pas sauver la colonie et allait décéder le 14 septembre 1759 lors de la prise de Québec.

La réponse du Ministre Berryer (alors secrétaire d'État à la Marine) à Bougainville venu solliciter des renforts pour la Nouvelle-France ne laisse pas de doute sur les intentions de la France: «Quand le feu est à la maison, on ne doit pas chercher à sauver les écuries.» Ce à quoi Bougainville aurait rétorqué: «On ne dira pas, du moins, que vous parlez comme un cheval.» À ce moment, la colonie du Canada ne constituait qu'un partie de l'immense Nouvelle-France, l'empire français en Amérique du Nord.

À peine débarqué, Montcalm se trouva en conflit sur la stratégie à employer avec le gouverneur général de la Nouvelle-France, un Canadien, Pierre Rigaud de Vaudreuil, ce qui s'annonçait mal pour la suite des événements.

Au même moment, Catherine la Grande montait sur le trône de Russie et rêvait d'un empire qui comprendrait tout l'ouest de l'Amérique du Nord. Elle voulait étendre le commerce russe des fourrures le long de la côte occidentale de l'Amérique et affirmer sa souveraineté sur cette région en y établissant des colonies russes. Mais la Russie allait devoir se contenter de l'Alaska où elle installera des colonies de peuplement à partir de 1784 jusqu'à la vente du territoire aux États-Unis en 1867.