Le 11 septembre, le monde s’est arrêté.
Le 12 septembre, leur histoire nous a redonné foi en la vie.

«Come From Away» vous transporte au cœur de la magnifique histoire vraie de 7.000 passagers de 38 avions de ligne qui ont atterri d'urgence le 11 septembre 2001 dans la petite ville de Gander à Terre-Neuve dont les habitants vont tout mettre en œuvre pour accueillier au mieux ces femmes et ces hommes venus des cinq continents.
Au milieu des cultures qui s’entrechoquent et de la panique ambiante, l’inquiétude laisse place à la confiance, la musique s’élève dans la nuit et la gratitude se transforme en une amitié qui durera toute la vie.
«Come from Away» montre ce petit monde temporaire où tout le monde est forcé, par des événements bouleversants survenus à des centaines de kilomètres de là, de se réunir et de construire une communauté basée sur des principes de générosité et de bienveillance.


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Dès ce 13 juillet, le Festival Bruxellons ! emmène le public à Terre-Neuve, au Canada, lors des attentats du 11 septembre, avec "Come from Away", un musical moderne et "feel good" traduit pour la première fois en français, avec douze interprètes et huit musiciens sur scène. À quelques jours de la première, "La Libre" est allée à la rencontre de l'équipe de création. Ambiance.

Comme pour beaucoup d'événements en plein air cet été, la pluie est venue jouer les trouble-fêtes dans les préparatifs de cette 26e édition du Festival Bruxellons !. Alors qu'une averse a copieusement arrosé le Château du Karreveld (Molenbeek), toute l'équipe technique de la comédie musicale Come from Away, qui y sera jouée dès ce 13 juillet, scrute le ciel, à l'affût de la moindre éclaircie. Le vaste plateau du praticable posé au centre de la cour du château n'a pas encore été peint et le temps presse, car les détails à régler sont encore nombreux.

Mais Jack Cooper, co-producteur de Bruxellons ! et co-metteur en scène de Come from Away veut rester optimiste : "On s'est arrangé pour qu'il pleuve en mai et en juin et qu'il n'y ait plus une seule goutte en juillet et août", plaisante-t-il. Blague à part, "en moyenne, nous annulons un ou deux soirs par été, ce qui n'est quand même pas énorme sur une centaine de représentations tous spectacles confondus (cette année sont programmés 25 spectacles, du 13 juillet au 24 septembre, NdlR)". Et de relever : "Si le festival existe depuis 25 ans, c'est que, d'une manière ou d'une autre, le risque de la pluie est totalement maîtrisé".

"Tout est suspendu. Le monde s'affole"
Pour l'heure, les répétitions se passent en intérieur, le temps que la peinture sur le plateau puisse sécher sous les quelques rayons de soleil qui ont triomphé de l'épaisse couche nuageuse. Cette après-midi, ce sont les interprètes Margaux Maillet et Arnaud Masclet qui ont été conviés par les co-metteurs en scène Jack Cooper et Anne Mie Gils à travailler leurs différentes scènes.

Des chaises sont alignées en deux rangées. Sur quelques notes de piano, Arnaud s'adresse à Margaux, assise, la tête dans ses pensées. – "Excusez-moi, je peux m'asseoir ici ? Il faut que je travaille un peu et il y a des gens complètement ivres à l'arrière de l'avion, qui chantent à tue-tête." – "Oui, bien sûr", lui répond la jeune femme. Il prend place à ses côtés. – "Je m'appelle Diane", se présente-t-elle. – "Nick. Ça va ?" –"Je m'inquiète pour quelqu'un. Il a pris un avion aujourd'hui. J'aimerais bien pouvoir lui dire où je suis." […] Et Margaux et Arnaud de se mettre à chanter en chœur : "Tout est suspendu […] et, dehors, il y a le monde qui s'affole et on se dit 'Je suis seul€ et si vulnérable'"…

"Très bien, commente Jack Cooper. Mais il manque dans cette scène le fait que ça fait 28 heures que votre avion est cloué au sol, que les passagers ne comprennent pas ce qu'il se passe et qu'il y a une forme de lassitude qui s'installe. Donc, réessayez en gardant cela à l'esprit".

38 avions, 6 600 passagers
Créée en 2017 à Broadway par un couple d'auteurs-compositeurs canadiens, Irene Sankoff et David Hein, la comédie musicale Come from Away s'inspire d'une histoire vraie. Le 11 septembre 2001, les États-Unis sont frappés par quatre terribles attentats : 19 terroristes d'Al-Qaïda ont détourné quatre avions de ligne, qui s'écrasent sur le World Trade Center à New York, le Pentagone à Arlington (Virginie) et dans un champ près de Washington, DC, provoquant la mort de près de 3 000 personnes.

Face à l'extrême gravité de la situation, l'espace aérien américain est fermé. Pour d'évidentes raisons de sécurité, le ministre canadien de l'époque prend la même décision : seuls peuvent atterrir les vols de la police et de l'armée ainsi que les avions internationaux se rendant aux États-Unis (environ 500). Sur ces 500 vols, plus de la moitié (262) ont assez de carburant pour faire demi-tour. Mais il en reste 238 qui doivent impérativement atterrir au Canada. C'est l'opération Ruban jaune. Trente-quatre avions sont accueillis à l'aéroport de Vancouver. Les autres se répartissent majoritairement entre Halifax (47 avions, 7 300 passagers), capitale de la Nouvelle-Écosse, et Gander (38 avions, 6 600 passagers), sur l'île de Terre-Neuve, ainsi que, dans une moindre mesure, St-John, Winnipeg, Toronto, etc.

Autorités et habitants de Gander et des alentours se retroussent les manches dans un grand élan de solidarité pour organiser l'accueil de ces milliers de voyageurs égarés (les Come from Away) : nourriture, médicaments, produits d'hygiène, vêtements, lits de camp, matelas, couvertures…

Petite ville de 10 500 habitants, Gander voit, en quelques heures, sa population quasi doubler avec ces quelque 7 000 rescapés du ciel posés sur son tarmac. Dans un premier temps, les passagers ne sont pas autorisés à quitter les appareils, la crainte étant que d'éventuels terroristes s'y cacheraient encore. À bord, peu de pilotes communiquent sur les raisons pour lesquelles les avions ont été déviés vers le Canada et sont désormais cloués au sol. Ce n'est que dix heures plus tard que les premiers passagers commencent à débarquer, entre fatigue, questionnements et angoisse.

Le 11 septembre 2001, 38 avions transportant près de 7 000 passagers ont atterri à l'aéroport de Gander, à Terre-Neuve, au Canada.
Pendant ce temps, autorités et habitants de Gander et des alentours se retroussent les manches dans un grand élan de solidarité et de générosité pour organiser, en un temps record, l'accueil de ces milliers de voyageurs égarés (les Come from Away) : nourriture, boissons, médicaments, produits d'hygiène, vêtements, lits de camp, matelas, couvertures… Ils resteront six jours à Gander, avant que les avions ne puissent redécoller. Six jours intenses et riches en émotions au cours desquels vont se nouer des liens d'amitié, d'amour indéfectibles entre de nombreux habitants et passagers.

Dix ans plus tard, en 2011, Irene Sankoff et David Hein, qui vivaient à NY au moment des attentats, ont vent de cette histoire incroyable. Ils décident de se rendre à Gander, à l'occasion de la cérémonie commémorative du 10e anniversaire du 11 septembre, où sont conviés tous les passagers, pilotes et personnel de bord des 38 avions. Conscients du potentiel dramaturgique que renferme cette aventure humaine inédite, ils recueillent des centaines de témoignages en vue de créer un projet théâtral et musical. L'aventure Come from Away était lancée…

Des raconteurs d'histoire
Après le tube planétaire West Side Story l'été dernier, Bruxellons ! Propose donc cette année un titre moins connu, mais, relève Jack Cooper, "très certainement le plus contemporain" de toutes les comédies musicales montées au Karreveld depuis 2015 (La Mélodie du bonheur, Evita, Sunset Boulevard, My Fair Lady…). Une modernité qui transparaît tant dans la musique que la construction du spectacle. "Come from Away est la comédie musicale qui parle le mieux de l'être humain, de l'entraide entre humains. Elle touche tout le monde, car on peut s'identifier à tous les personnages. Surtout, elle s'inspire d'une histoire vraie que tous les plus de 30 ans ont vécue d'une manière ou d'une autre, décrit le co-metteur en scène. Donc, sa contemporanéité réside dans l'envie de raconter une histoire, avant de faire un spectacle. D'ailleurs, ça marche avec douze chaises et rien d'autre, tant l'histoire est forte".

Douze chaises pour les douze interprètes qui forment la distribution. "On suit une douzaine d'habitants de Gander et une douzaine de passagers, explique Jack Cooper. Certains personnages racontent l'histoire réelle d'un seul habitant ou passager ; d'autres combinent les témoignages de trois, quatre personnes. Et, ce qui est génial, c'est que tous les comédiens jouent deux, trois, quatre rôles différents, ce qui révèle toute leur virtuosité". Ainsi, contrairement à "West Side Story, où il fallait avant tout de très bons danseurs ou à Elisabeth, où le spectacle demandait d'excellents chanteurs", ici, lors des auditions, "nous avons privilégié des raconteurs d'histoire, c'est-à-dire de très bons comédiens qui nous donnaient envie de les écouter".

Les douze interprètes de "Come from Away" au Château du Karreveld jouent chacun plusieurs personnages différents.
Parmi eux : Arnaud Masclet et Margaux Maillet. "Je joue trois personnages différents. Donc, je bascule sans cesse entre des habitants de Gander et des passagers des avions. C'est un switch mental constant, décrit Arnaud, parce qu'il faut trouver une corporalité, une façon de parler, une vocalité. Et ce, toujours dans une rapidité et une justesse d'exécution parce qu'on ne caricature pas des personnages, donc on cherche à être le plus proche de ce qu'ils seraient".

Musique celtique et folk rock
Traduit pour la première fois en français par Stéphane Laporte, le texte de Come from Away a été soumis à "un gros travail chirurgical", affirme Margaux Maillet, notamment en termes d'interprétation et d'accents toniques, car "la prosodie française est différente de la prosodie anglaise", complète Jack Cooper, "donc, il fallait que cela sonne juste en français". Stéphane Laporte a donc aussi pu compter sur la précieuse collaboration de Bo Waterschoot, nouvelle directrice musicale.

«Il y a des instruments qu'on ne retrouve pas dans les comédies musicales traditionnelles : guitares (acoustique, électrique, mandoline…), flûtes, bodhráns, cuillères, accordéon…» Bo Waterschoot, directrice musicale

Moderne dans sa dramaturgie, Come from Away l'est aussi dans sa composition musicale, Irene Sankoff et David Hein ayant imaginé des sonorités celtiques et folk rock colorées. "L'équipe des huit musiciens (qui jouent en live sur scène, NdlR) est donc nouvelle en raison du style particulier de ce spectacle, indique Bo Waterschoot, car il y a des instruments qu'on ne retrouve pas dans les comédies musicales traditionnelles : guitares (acoustique, électrique, mandoline…), flûtes, bodhráns, cuillères, accordéon…" Quasiment omniprésente pendant tout le show, cette musique du peuple accompagne et porte "l'histoire de gens ordinaires qui se sont retrouvés dans une situation extraordinaire et ont agi de manière extraordinaire". Et "je pense que la raison du succès de Come from Away est que les histoires qui y sont racontées sont universelles, car elles peuvent résonner en chacun de nous".

Stephanie Brocart - La Libre - 12/7/2024

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