D) Retour à Hollywood
Après Roberta (), Jerome Kern déménage à Hollywood où il travaille sur des dizaines de films avec de vieux amis new-yorkais comme Hammerstein, Busby Berkeley et Fred Astaire. Les principaux sont:
- The Cat and the Fiddle () (16 février 1934)
- Music in the Air () (13 décembre 1934)
- Sweet Adeline () (29 décembre 1934)
- After Office Hours () (29 décembre 1934)
- Roberta () (8 mars 1935)
- I Dream Too Much () (27 novembre 1935)
- Show Boat () (14 mai 1936)
- High, Wide and Handsome () (21 juillet 1937)
- Joy of Living () (6 mai 1938)
Après une crise cardiaque, ses médecins lui ont conseillé de se concentrer sur l’écriture de films, ce qui était moins stressant et exigeant. Cependant, en 1939, il s’associe à nouveau avec Hammerstein pour le musical à Broadway Very Warm for May.
E) Very Warm for May (1939)
Malgré sa très belle partition, Very Warm for May () de Jerome Kern et Oscar Hammerstein II a été un énorme échec critique et financier qui n’a tenu l’affiche que 59 représentations. Ce fut une des nombreuses déceptions d’Oscar Hammerstein II, qui semblait avoir totalement perdu ses repères depuis le début des années ’30, n’arrivant jamais à renouveler le génie de Show Boat (). Il ne reviendra au véritable succès qu’en 1943 avec le révolutionnaire Oklahoma! (). Very Warm for May () sera malheureusement la dernière création de Kern à Broadway.
Very Warm for May () a vécu une série de try-out excessivement tumultueuse jouant à Wilmington, Washington DC, Boston et Philadelphie. Les critiques et le public qui ont vu le spectacle avant New York étaient généralement enthousiastes, mais le producteur Max Gordon était mécontent de la direction de Vincente Minnelli et a demandé à Hassard Short d’intervenir (Short n’a jamais été mentionné comme metteur en scène dans le programme, Minnelli a conservé la mention «staged by» dans le programme, et tout au long des try-out et de la série à Broadway, Hammerstein a été mentionné comme «director», et donc metteur en scène).
Max Gordon a également été mécontent des danses; il congédia le chorégraphe Harry Losee et engagea Albertina Rasch, mais les deux restèrent mentionnés dans les programmes. Au moins sept numéros musicaux ont été supprimés pendant les try-out: Me and the Roll and You, Minute, une série de danses d’ouverture du deuxième acte (Rhumba-Tango-Paso Doble), Aires de Ballets, Dance Concerto, High Up in Harlem et The Arm of the Law. Les chansons écrites pour la comédie musicale, mais non utilisées, étaient Quartet, Where the Weeping Willows Hide the Brook et Connecticut.
Sous l’insistance de Max Gordon, le livret a lui aussi été largement révisé et une histoire annexe de gangsters et d’enlèvements a été complètement supprimée. Au moment où le musical a atteint Broadway, les artistes, les danses animées et une superbe partition étaient tout ce qui restait du spectacle, car l’histoire était devenue totalement insipide. Elle manquait maintenant de conflit ou de drame, l’intrigue avait perdu son tranchant et sa tension, le spectacle n’avait plus aucune particularité propre. Pour certains, c’est devenu une tentative de clone de Babes in Arms () (1937), un lien renforcé parce que Grace McDonald, qui jouait le rôle-titre de Very Warm for May (), avait également été l’une des filles dans le musical de Rodgers et Hart, Babes in Arms (): avec Rolly Pickert, elle avait présenté I Wish I Were in Love Again, l’une des nombreuses chansons à succès de ce spectacle.
Dépouillé de son histoire originale, le livret révisé se concentrait maintenant sur les activités dans un théâtre d’été. Le spectacle devint une douce satire sur ce théâtre d’été qui se voulait «progressiste» et d’avant-garde avec son écrivain et metteur en scène Ogdon Quiler (Hiram Sherman) et une riche «bienfaitrice des arts» Winnie Spofford (Eve Arden).
Malgré tout ce carnage, il reste toujours de très belles chansons: l’élégiaque All the Things You Are est sans doute l’une des plus belles ballades de la comédie musicale américaine, et In the Heart of the Dark n’est pas loin derrière. La partition proposait aussi That Lucky Fellow (Lady), All in Fun, In Other Words, Seventeen et l’irrésistible Heaven in My Arms conçu pour danser.
F) Les dernières années d’un géant
Victime d'un infarctus en 1939, il se concentre dès lors sur la musique de film, moins exigeante que la musique de scène. Cette nouvelle orientation de carrière lui procurera cependant davantage de succès. En 1940, avec son librettiste de longue date Oscar Hammerstein II, il compose la chanson The Last Time I Saw Paris en hommage à la France occupée par l'armée allemande. La chanson utilisée dans le film Lady be good () lui vaudra l'Oscar de la meilleure chanson. Ses dernières contributions musicales à Hollywood incluent les films You Were Never Lovelier () (1942) avec Fred Astaire et Rita Hayworth, Cover Girl () (1944) écrit avec Ira Gershwin et avec en tête d’affiche Rita Hayworth et Gene Kelly, Can’t Help Singing () (1944) et enfin Centennial Summer () (1946), son dernier film. Durant cette période, Kern affiche un talent de plus en plus affirmé et audacieux.
À l’automne 1945, Kern avait quitté Hollywood pour New York afin de superviser les auditions pour une nouvelle reprise de Show Boat (), mais il a aussi commencé à travailler sur la partition d’un nouveau musical avec son ami de toujours Oscar Hammerstein II. Il n’avait plus écrit pour la scène depuis son terrible flop de 1939, Very Warm for May (). Ce travail deviendra le musical Annie get your gun (), qui sera finalement produit par Rodgers et Hammerstein, aura pour auteur Irving Berlin (paroles et musique), sur un livret de Dorothy et Herbert Fields.
Le 5 novembre 1945, à l’âge de 60 ans, Jerome Kern subit une hémorragie cérébrale en se promenant au coin de Park Avenue et de la 57ème rue. Il avait oublié de prendre avec lui ses médicaments pour le cœur… Identifié uniquement par sa carte ASCAP (American Society of Composers, Authors and Publishers), Kern a d’abord été conduit dans une salle médicalisée pour indigents, avant d’être transféré au Doctors Hospital à Manhattan. Hammerstein était à ses côtés quand Kern a cessé de respirer. Il fredonnait à l’oreille de Kern la chanson I’ve Told Ev’ry Little Star de Music in the Air () (une des préférées de Kern). Sans réponse, Hammerstein comprit que Kern était mort. C’est alors que Rodgers et Hammerstein confièrent la tâche de composer la partition d’Annie get your gun () au compositeur chevronné de Broadway, Irving Berlin.