La plus drôle des comédies de Molière avec la création d'une musique originale
Pourquoi avoir monté aujourd'hui "Le Bourgeois Gentilhomme"? Simplement parce que cette pièce nous fait hurler de rire. Et que nous voulions en confier le rôle-titre à Michel Hinderyckx.
Notre "Bourgeois" était ambitieux ... Daniel Hanssens à la mise en scène, la création d'une nouvelle adaptation musicale signée Dominique Jonckheere qui a été exécutée chaque soir par des musiciens live, 25 artistes sur le plateau (comédiens, danseurs, chanteurs, musiciens et acrobates), plus de 50 costumes, une impressionnante scénographie signée Xavier Rijs qui avait déjà conçu celles de "Le Songe d'une Nuit d'été" et de "Cyrano de Bergerac".
◀ Mr Jourdain (Michel Hinderyckx) / Le Philosophe (Philippe Vauchel)
Bourgeois entiché de noblesse, M. Jourdain (Michel Hinderyckx) entend acquérir les manières des gens de qualité. Il décide de commander un nouvel habit plus digne de sa nouvelle condition et se lance dans l’apprentissage des armes, de la danse, de la musique et de la philosophie, autant de choses qui lui paraissent indispensables à sa future condition de gentilhomme.
Il se met également en tête de courtiser la marquise Dorimène (Laurence d'Amelio), amenée sous son toit par son amant Dorante (Laurent Renard), un comte désargenté, qui entend bien profiter de la naïveté de Monsieur Jourdain.
◀ Dorimène (Laurence d'Amelio) / Dorante (Laurent Renard)
Mme Jourdain (Marie-Hélène Remacle) et Nicole (Monia Douieb) sa servante se moquent, puis s’inquiètent de le voir ainsi grisé de belles manières
Nicole (Monia Douieb), Mme Jourdain (MH Remacle) et Mr Jourdain (Michel Hinderyckx) ▶
Elles tentent de le ramener à la réalité du prochain mariage de sa fille Lucile (Jasmine Douieb) avec Cléonte (Vincent Lécuyer). Mais ce dernier n’étant pas gentilhomme, M. Jourdain refuse obstinément cette union.
◀ Cléonte (Vincent Lécuyer) et Nicole (Jasmina Douieb)
Covielle (Pierre Pigeolet), le valet de Cléonte, imagine alors de déguiser le jeune homme «en grand Turc» et de l’introduire dans la maison pour honorer M. Jourdain et lui offrir la distinction de «Mamamouchi».
M.Jourdain: Par ma foi, il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que j’en susse rien , et je vous suis le plus obligé du monde de m’avoir appris cela…
Un grand spectacle populaire des plus drôles et des plus amusants , une comédie ballet , une farce énorme et burlesque, une magnifique interprétation menée tambour battant avec en tête l’étonnant Michel Hinderyckx (M.Jourdain), une excellente mise en scène, truculente, vivante, farcie de gags réalisée par le comédien Daniel Hanssens ( c’est d’ailleurs sa première mise en scène des plus prometteuses).
Consulter article completCinemaniacs - 7/2002 - Roger Simons
Les acteurs et actrices donnent énormément de leur personne pour faire passer un bon moment au public. Lequel ne boudait pas son plaisir, le soir de la première. Ce fut l'ovation debout en fin de soirée, vers minuit quinze.
Consulter article completLa Libre Belgique - 17/7/2002 - Philippe Tirard
Rien encore sur ce spectacle
Madame Jourdain
Il y a fort à gagner à fréquenter vos nobles ,et vous avez bien opéré avec ce beau monsieur le comte dont vous vous êtes embéguiné…
Monsieur JourdainPaix ! Songez à ce que vous dites. Savez-vous bien, ma femme , que vous ne savez pas de qui vous parlez , quand vous parlez de lui. C’est une personne d’importance plus que vous ne pensez ; un seigneur que l’on considère à la cour , et qui parle au roi tout comme je vous parle. N’est-ce pas une chose qui m’est tout à fait honorable que l’on voie venir chez moi si souvent une personne de cette qualité qui m’appelle son cher ami et me traite comme si j’étais son égal ?
Version pleine page (seule version disponible monde Apple)
Bien sûr, il ne s'agit de ne pas se contenter de réciter un texte sur scène ou faire «de la littérature en costumes» selon les mots d'Ariane Mnouchkine, mais d’essayer de jouer «Le Bourgeois Gentilhomme» que Molière aurait rêvé s’il avait disposé des moyens techniques dont nous pouvons profiter et s’il avait pu vivre en ce début de troisième millénaire. Le monde a changé, la société s’est modifiée, mais l’homme si peu. Il y a peut-être même plus de Jourdain aujourd’hui qu’à l’époque…
Le thème central de la pièce est celui du «parvenu». Ce qui intéresse Molière c’est de s’interroger sur le rôle de la représentation au sein de la société. M. Jourdain ne convoite dans la noblesse que ses aspects extérieurs, il ne fait que se gargariser de mots, de titres de noblesse, répète "Mamamouchi", "gentilhomme", "gens de qualité" à tort et à travers; bref, il ne cesse de s'inventer un monde de gentilhomme, sans se soucier de sa réalité, mais selon son propre délire.
Au mois de novembre 1669, Louis XIV avait reçu en grande pompe, à Saint-Germain, un envoyé du sultan. Mais le personnage avait manifesté une indifférence si complète pour la magnificence de la réception qu'on garda rancune à ce dédaigneux et qu'on ne manqua pas l'occasion de se moquer de lui et de la civilisation étrange qu'il représentait.
A vrai dire, depuis longtemps déjà, les turqueries étaient à la mode.
Dès 1641, Scudéry et sa sœur avaient fait paraître un long roman à succès : Ibrahim ou l'illustre Bassa, qui révélait une Turquie de fantaisie.
En 1645 Rotrou avait, dans sa comédie la Sœur, fait parler le turc à l'un de ses personnages.
Lulli, en 1660, avait offert à la cour un Récit turquesque de sa façon qui avait ravi Louis XIV.
Louis XIV mesurait un 1m62. Perruqué et chaussé, il mesurait un 1m88. C’est vêtu que le roi prenait de la hauteur. Mr Jour-dain, lui aussi, veut grandir: il veut dominer et être vu de loin, lui aussi. Il va donc falloir qu’il «s’habille». Le bourgeois est petit, le gentilhomme devra le dépasser d’au moins 16cm. Mais l’entreprise n’est pas aisée: si Louis XIV a le corps gracile (grand danseur) charmant à ha-biller, Jourdain, lui, a le corps qui pèse.
Monsieur Jourdain (Michel Hinderyckx) ▶
Le Bourgeois gentilhomme est avant tout une affaire de corps, d’apparence. Jourdain n’ignore pas que dans la société du spectacle dans laquelle il veut s’introduire, il doit travestir la nature pour «être». Paraître, c’est être vu. Sembler, c’est être reconnu. Mais Jourdain a une nature trop forte qui fait craquer les coutures de l’habit : il ne sera que ce qu’il est, un bourgeois au corps lourd, lourd comme la réalité qui leste ses illusions. Il ne s’en rend pas compte, bien sûr, puisqu’il vit dans le rêve. Comme beaucoup de personnages de Molière, il pense que l’habit lui va à merveille, sans voir que l’habit n’est chez lui qu’un déguisement. Il voulait s’habiller, il se déguise. Tout ce qu’il met de neuf le «carnavalise», le rend grotesque et faux. Jourdain a beau s’évertuer à apprendre à devenir une «personne», il ne sera jamais qu’un personnage.