Elisabeth, impératrice d’Autriche (1837-1898) apparaît dans ce drame musical comme une femme en lutte pour obtenir sa propre liberté. Parce qu'elle est issue d’un monde dont le déclin est évident, la "modernité" d’Elisabeth la contraint à une isolation désespérée. Et pourtant, elle porte sur elle l’image obsolète du pouvoir des Habsbourg. Son assassinat par l'anarchiste italien Luigi Lucheni était en fait un crime symbolique qui a anticipé la fin d'une époque qui a duré mille ans....
La Hongrie, à la différence de l'Autriche sera une vraie patrie pour Elisabeth.
Si Vienne, légère, raille la défaite en couplets moqueurs, Budapest reprend sa vieille et patriotique chanson. Les Hongrois se partagent en deux tendances rivales:
• les irréductibles qui veulent couper tout lien avec l'Autriche et que Kossuth excite de son exil de Florence
• les modérés, Deak et Andrassy qui sont prêts à la conciliation.
François-Joseph a, en la circonstance, une inspiration heureuse. Il envoie sa femme calmer les esprits et préparer un accord; il lui demande, en propres termes, d'être son avocat. Sissi arrive, avec ses deux enfants, comme pour signifier qu'elle se met sous la protection du peuple qui l'accueille, dans ce pays qui n'a pas oublié sa clémence et où elle est aimée et admirée. Andrassy tombe sous son charme. Elle-même ne demeure pas insensible à la séduction de celui qu'on appelle "le beau pendu" depuis son exécution en effigie. L'Impératrice sait le convaincre que dans l'union avec l'Autriche, sous le sceptre des Habsbourg, la Hongrie peut trouver le moyen d'affirmer sa personnalité nationale. La persévérance de Sissi finira par triompher des atermoiements de François-Joseph et de la résistance de la Cour que l'archiduchesse Sophie tient encore en mains. L'Empire d'Autriche et le royaume de Hongrie formeront désormais deux monarchies inséparables, héréditaires dans la postérité mâle de la Maison de Habsbourg. Il n'y aura qu'un État au regard du droit international, mais chaque pays obtient son gouvernement propre et ses assemblées particulières.
Le 8 juin 1867, François-Joseph et Elisabeth sont couronnés roi et reine de Hongrie à la cathédrale Szent Istvan de Budapest. Le cadre est d'une rare grandeur et la cérémonie se déroule avec un exceptionnel éclat. C'est le triomphe de Sissi, de sa beauté, de son intelligence, de sa patience et de sa générosité.
Elle a, selon le rite séculaire, vérifié la veille le manteau de saint Etienne et reprisé les bas tricotés par la reine Gisèle et que le roi portera pour le couronnement.
Autour d'eux les magnats se pressent, épanouis dans leurs costumes d'apparat, brodés et fourrés, serrés dans leurs culottes collantes, bottés de cuir souple et coiffés de toque de velours aux longues aigrettes. Le cérémonial respecte le rite des vieux âges. François-Joseph reçoit la couronne des mains d'Andrassy qui tient lieu de palatin ou vice-roi de Hongrie. Les cris redoublent quand le couple royal quitte la cathédrale et se confondent avec les derniers accords des orgues. Sissi a, ce jour, oublié son horreur du cérémonial. Elle est toute à ce peuple qui lui rend son amour et lui dit toute la ferveur de la "Magyarorszag".
Dressé sur ses étriers, il dessine avec son épée une croix dans l'air, selon les points cardinaux, et prête serment de défendre la constitution magyare contre ses ennemis.
Elisabeth a contemplé le déroulement de ce rite, symbolique d'une tribune ornée de fleurs blanches et bleues, couleurs héraldiques de Bavière.
Le peuple hongrois offre à Sissi le château de Gödöllö qui est situé à une trentaine de kilomètres de Budapest. Gödöllö est le seul véritable endroit où elle se sent chez elle (à l'inverse des palais de Vienne). Elle s'y rendra très souvent.
Le rôle politique d'Élisabeth dans l'élaboration du compromis austro-hongrois, sans avoir été déterminant, est incontestable. Au moins dans l'influence qu'elle eut auprès de François-Joseph à surmonter sa répugnance vis-à-vis des Magyars et celle de ces derniers à l'encontre de leur roi. La répression de la révolution hongroise de 1849 avait laissé des traces d'amertume d'autant plus profondes dans les élites et dans le peuple hongrois qu'il avait fallu que François-Joseph fasse appel aux troupes russes pour rétablir l'ordre.
En 1868, en hommage au pays qu'elle a adopté, Élisabeth met au monde son quatrième enfant, une fille qu'elle fait prénommer Marie-Valérie, qu'elle élève elle-même cette fois. Valéria est le nom de la région où se situe Budapest. Les autrichiens sont soulagés: la naissance d'un fils aurait peut-être signifié à terme une partition de l'Empire Austro-Hongrois.