Elisabeth, impératrice d’Autriche (1837-1898) apparaît dans ce drame musical comme une femme en lutte pour obtenir sa propre liberté. Parce qu'elle est issue d’un monde dont le déclin est évident, la "modernité" d’Elisabeth la contraint à une isolation désespérée. Et pourtant, elle porte sur elle l’image obsolète du pouvoir des Habsbourg. Son assassinat par l'anarchiste italien Luigi Lucheni était en fait un crime symbolique qui a anticipé la fin d'une époque qui a duré mille ans....
Très vite, les choses vont mal tourner…
Les préparatifs du mariage
Les princes ne se marient pas aussi vite que la canaille. Petite, son institutrice devait parfois l'attacher à sa chaise pour qu'elle se tint tranquille. Elle est brillamment douée pour les lettres et pour les langues et se prête docilement, mais un peu tristement, à la recherche du temps perdu.
En octobre, François-Joseph vient à Possenhofen, passer dix jours auprès de sa fiancée. Ce sont des promenades à travers la campagne jaunie par l'été et dans les bois dont le feuillage, en ce début d'automne, se colore de teintes éclatantes comme d'un fard pour masquer sa mort prochaine.
Le fiancé, esprit positif, n'aime pas plus la nature, en dehors de la chasse, qu'il ne goûte les ouvrages de l'imagination et les travaux de la pure pensée.
A Noël, nouvelles retrouvailles pour l'anniversaire de Sissi, ses 16 ans! Le trousseau avance. Les couturières ont du mérite car Sissi fuit les essayages. La dot de la future est modeste, à la mesure de la fortune de ses parents – 50.000 florins (soit 93.000 francs de Germinal) remis dès l'acte "par amour et affection paternels".
L'empereur compense par une donation de 100.000 ducats (1.185.000 francs de Germinal) auxquels s'ajoutent les 12.000 ducats du "Morgengabe", le cadeau du matin, indemnité que l'époux verse à l'épouse pour prix de la virginité qu'elle a perdue dans la nuit.
La pension annuelle de l'impératrice s'élève aussi à 100.000 ducats qui représentent "les épingles" pour la toilette et les aumônes. Ce chiffre sera en fait et de beaucoup dépassé. Le 29, aux termes d'une déclaration solennelle, l'archiduchesse Elisabeth renonce à ses droits éventuels à la couronne de Bavière. Sissi a changé de patrie.
Le voyage vers Vienne
Le 20 avril, c’est le départ de Possenhofen. Joie de la famille qui, en voiture au grand complet cette fois, avec un peu de mélancolie, sans doute, au cour du duc Max, et quelque amertume dans celui de "Néné" .
Hélène, la sœur de sissi ("Néné")
Elle se consolera quatre ans plus tard en épousant le prince de Thurn et Taxis qui, à défaut d'une couronne, possède l'une des plus belles fortunes d'Allemagne. Quant à Sissi, ce qu'elle éprouve a été admirablement pressenti par le ministre de Prusse qui, quelques jours plus tôt, écrivait à son souve-rain: "La jeune princesse semble appréhender la prochaine séparation de sa famille et de son pays: une ombre légère assombrit sa rare beauté".
Le carrosse ducal que tirent six chevaux traverse une Bavière décorée et enrubannée. Chaque village coiffe la route d'un arc de triomphe de feuilles vertes et dresse le long du parcours des mâts où pendent des couronnes de fleurs. La voiture doit s'arrêter et ses occupants subir de bonne grâce le chant des enfants des écoles, l'hommage des notables et le discours du maire.
François-Joseph est venu accueillir sa fiancée à Linz, où la famille ducale couche, pour reprendre aussitôt la route de Vienne. A Schönbrunn, la règle reprend ses droits. Ses trois dames d'honneur sont présentées à l'impératrice du lendemain: la vieille comtesse Esterhazy et ses cadettes, les comtesses de Lemberg et de Bellegarde.
Alors qu'elle est brisée de fatigue et d'émotion, la pauvre Sissi reçoit au moment où elle gagne ses appartements, deux mémoires, l'un portant sur le "Cérémonial pour l'entrée solennelle de S.A.R. la sérénissime princesse Elisabeth duchesse en Bavière", l'autre exposant dans tout son détail "le Cérémonial pour le mariage de sa Majesté Impériale et royale François-Joseph"… Chacun des participants est à la fois acteur et spectateur et sa personnalité temporairement s'abolit. On pense bien que Sissi n'est aucunement préparée à cette discipline et que sa nature ne la dispose point à s'y soumettre.
Les noces
Elles se déroulent en deux temps; les deux temps prévus par les Mémoires sur lesquels la future Impératrice a pâli: l'entrée solennelle à Vienne le 23 avril, la cérémonie religieuse le 24 avril 1854.
Palais de Schönbrunn
L'entrée à Vienne consiste à se rendre en grande pompe de Schönbrunn, le palais que Marie-Thérèse fit élever à la limite de la ville et qui s'épanouit comme Versailles au milieu des jardins, à la Hofburg, ce vieux château qui sent encore la forteresse et dresse sa masse austère au cœur de l'Altstadt.
Hofburg
La société viennoise d'alors, qui mêle la joie de vivre au respect des usages, compte quatre classes:
• une première société qui comprend la noblesse ancienne, les grands dignitaires et les riches propriétaires. Cette société-là est dans le cortège
• une deuxième société faite des nouveaux barons, des industriels, des financiers. Ces gens-là ont loué les fenêtres et des balcons, comme des loges de théâtre.
• les moyens et petits bourgeois, les "Biedermayer", comme on les appelle alors du nom d'un personnage créé par le romancier Pfau et qui est l'exact pendant, dans son contentement de lui, du joseph Prud'homme d'Henry Monnier, n'ont pas craint, ce jour-là, de confondre dans la rue, leur tube et leur redingote sombre à la blouse et à la casquette des ouvriers.
• les ouvriers
Le silence se fait cependant un moment, quand, à sa descente de carrosse, comme la portière est aussi basse que celle d'une voiture moderne, son diadème heurte le toit et menace de tomber. Une ombre alors sur son visage et son sourcil se fronce.
Le lendemain, le cortège se reforme pour aller cette fois de la Hofburg à l'église des Augustins où le prince archevêque-cardinal Rauscher doit bénir les époux. Sissi s'avance, grande, svelte, pâle et belle dans l'église dont les murs sont tendus d'une tapisserie rouge où se fond la robe des prélats. La lueur pâlotte des cierges, la gravité des chants, l'attitude compassée des officiants offusquent ce climat d'allégresse qu'appellent les hyménées.
A droite, dans la nef, côté des hommes, se pressent les uniformes dorés et chamarrés des généraux et des diplomates, les livrées de la force et de la ruse, les crachats de brillants qui rehaussent les grands cordons, les tenues rouge et blanc des Autrichiens, les dolmans bordés de fourrure des Hongrois, les brandebourgs des Polonais.
Les têtes les plus chenues sont aussi les plus ornées. Ce qui autorise un témoin à comparer, avec plus d'esprit que de galanterie, les diadèmes à des lanternes sur des démolitions. Les badauds émerveillés se pressent aux portes pour acclamer ce couple impérial, à la vérité, si charmant de jeunesse et si rempli de gracieuse majesté qui retourne à Schönbrunn dont les grilles demeurent ouvertes et répond pendant près d'une heure par des sourires et des saluts de la main aux vivats d'une foule inlassable et trépignante. Douze pages porteurs de flambeaux conduisent à pas lents et en grand cérémonial les époux à leur chambre nuptiale. A ce moment se lève, au dehors, un vent violent qui renverse les cheminées des maisons et arrache les branches des arbres.
Les premières années
La jeune impératrice, habituée aux manières simples de sa Bavière natale, supporte mal la pesante étiquette viennoise, et s'enfonce vite dans une profonde dépression. Les premiers temps du mariage, le couple prend ses quartiers au château de Laxenbourg, aux environs de la capitale.
Elisabeth se sent perdue et est surveillée à toute heure du jour par sa belle-mère ou par l'une des nombreuses espionnes à la solde de celle-ci. L'empereur, qui l'adore pourtant, est peu présent. Il est écrasé par les obligations de sa fonction et doit se rendre tous les jours à Vienne, au palais de la Hofburg, ou au palais de Schönbrunn et n'en revient que très tard dans la soirée.
Elisabeth se sent abandonnée.
De là proviennent ses premières répugnances de la vie conjuguale. Beaucoup plus tard, elle confiera à sa fille Marie-Valérie "Le mariage est une institution absurde. Enfant de 15 ans, j'ai été vendue…"
Cependant, elle est rapidement enceinte et donne naissance successivement à deux filles, Sophie et Gisèle et un fils, Rodolphe. L'archiduchesse Sophie décida de prendre en charge l'éducation des enfants du couple ce qui créa des conflits à répétition. De plus la mort de la première fille d'Elisabeth, la petite archiduchesse Sophie, marqua profondément sa mère. La naissance difficile de Rodolphe par la suite et la culpabilité qui la rongeait n'a rien arrangé entre elle et François-Joseph, ni avec sa belle-mère.
Rodolphe
Les relations entre Élisabeth et sa belle-mère (qui est aussi sa tante), l'archiduchesse Sophie, furent souvent orageuses. Les deux femmes ne pouvaient se comprendre et bien au-delà du conflit familial traditionnel il y avait entre elles le fossé de deux visions différentes des devoirs d'une souveraine et de deux conceptions politiques différentes de l'avenir de l'Autriche. Sophie avait sacrifié sans se plaindre les espérances d'une jeune fille romantique, acceptant son destin de princesse mariée malgré elle qu'elle jugeait tout à fait acceptable.
Contrairement à la légende, Sophie n'avait pas été déçue du choix d'Élisabeth. Elle en appréciait les qualités personnelles et elle l'aimait. De plus, sur le plan dynastique et diplomatique, une duchesse en Bavière en valait bien une autre, l'essentiel étant de trouver des alliés au sein de la Confédération germanique pour contrer les ambitions du royaume de Prusse.
Au départ, les ambitions de Sophie et de François-Joseph se portèrent sur la princesse Anne de Prusse mais le gouvernement de Berlin s'y opposa pour mieux préserver sa liberté de manœuvre face à la prééminence autrichienne. Le « couple » d'archiducs se tourna alors vers la famille royale de Saxe mais la princesse Sidonie n'eut pas l'heur de plaire au jeune empereur qui s'éprit ensuite d'une de ses cousines hongroises déjà veuve et mère d'une petite fille. L'archiduchesse, qui gardait un souvenir cuisant de la révolution hongroise - soutenue par le frère de la jeune archiduchesse, chef de la branche hongroise - y était opposée et femme de caractère, fit épouser l'archiduchesse veuve - qui se prénommait également Elisabeth - par un cousin autrichien de la branche de Teschen. Elle se rabattit, en désespoir de cause, sur une de ses nièces issues de la branche ducale de sa maison. C'était le moins mauvais parti à prendre.
L'archiduchesse Sophie reprochait à sa belle-fille un tempérament puéril qui refusait de sacrifier sa vie privée, plaçant sa vie et ses goûts personnels au dessus des devoirs de sa charge. Intelligente, sensible et cultivée, ayant sacrifié sa vie, ses ambitions et ses amours à une union certes prestigieuse mais avec un homme sans éclat, Sophie ne pouvait comprendre ni admettre que la jeune impératrice refusât d'être une souveraine, préférât être Élisabeth et -somme toute- privilégiât sa vie privée au détriment de sa vie publique.
Ni la ville ni la Cour de Vienne n'aimaient Élisabeth dont le mépris pour sa capitale et ses institutions était connu de tous. Ironiquement, un journal titra un 1er janvier: «Nous remercions Votre Majesté d'avoir daigné passer quatre jours à Vienne cette année!».
Elle ne refusa toutefois aucun des avantages financiers de sa position. Elle dépensait sans compter en toilettes, chevaux, équipages et voyages. François-Joseph paya toutes ses dépenses sans jamais lui en faire le reproche. En 1875, à la mort de l'Empereur Ferdinand Ier, qui avait abdiqué en sa faveur en 1848, François-Joseph remit à Élisabeth des sommes importantes prélevées sur cet héritage considérable car il avait conservé la possession de tous les apanages du défunt. Élisabeth plaça lesdites sommes en Suisse. Elles furent ensuite partagées entre ses héritiers à sa mort.
Sa beauté, qu'elle entretenait excessivement, lui ayant reconnu un certain pouvoir, était unanimement admirée et célébrée.
Ses aptitudes équestres étaient également remarquables. Elle fut considérée comme la meilleure cavalière de son temps.
Une souveraine malade
En 1860, Elisabeth souffre d'une toux incessante. On diagnostique une tuberculose et on l'envoie à Madère pour se soigner. En réalité, cette toux était la conséquence de toute une série d'événements qui faisaient souffrir Elisabeth.
Il y a d'abord eu la mort de sa première fille, la petite Sophie. La culpabilité qui la rongeait, et sa belle mère qui ne cessait de l'accuser d'avoir tué sa fille.
Puis la naissance de Rodolphe qui l'a affaiblit.
François-Joseph la laisse seule à Vienne pour faire la guerre contre Napoléon III. Pendant ce temps, Elisabeth ouvre un hôpital au château de Laxembourg pour soigner les blessés qui remontent sur la capitale. Elle y passe des journées entières et suscite même l'admiration de sa belle-mère qui pour une fois reconnait son courage.
Quand elle n'en peut plus des blessés, elle part des journées entières à cheval pour épuiser ses forces. La nuit elle écrit à son mari, l'implorant de revenir et détrempant le papier par ses larmes. Elle s'est mise à fumer et scandalise la cour. Surtout que beaucoup de jeunes filles se mettent à l'imiter et un drame se produit. Une de ses jeunes cousines, entendant son père arriver, à voulu cacher sa cigarette dans un des pans de sa robe, et aussitôt elle s'est transformée en torche vivante. Elle décèdera peu après.
Pour célébrer le printemps, Elisabeth organise des bals privés dans ses appartements avec de jeunes couples de petite noblesse mais elle se lasse très vite. Elle vit la nuit et le jour, épuise ses forces et mange très peu.
Aussi, à Vienne il y a maintenant une nouvelle ennemie, Charlotte de Belgique, sa belle-sœur, épouse de Maximilien. Charlotte est ambitieuse, rompue au protocole, et très jalouse d'Elisabeth. De plus, elle sait comment plaire à l'archiduchesse Sophie. Immédiatement Elisabeth et Charlotte se détestent. Surtout qu'à la cour on murmure que Charlotte est bien plus jolie qu'Elisabeth. C'en est trop, Elisabeth ne sait plus qui elle est, et ne reconnait même plus son image. L'empereur revient à Vienne, il est défait, il a perdu et dans la foule on crie à l'abdication.
Charlotte
De plus à son retour, tout à changé, il ne reconnait plus sa femme, et s'en éloigne. Il part retrouver les comtesses qu'il voyait avant son mariage pour faire son éducation sexuelle et bien sûr à la court on ne se gêne pas pour en parler pour que cela arrive aux oreilles d'Elisabeth. C'est la goûte d'eau qui provoque son mal. Elle se met à tousser et on la croit perdue. Elle passera quelques mois à Madère puis on la fera revenir à Vienne, mais dès son retour son mal réapparait encore plus fort que lorsqu'elle était partie. On l'emmène à Corfu, croyant qu'elle n'en reviendra pas. Là bas, les médecins cherchent à soigner son aversion pour Vienne et pour la cour, bien plus que son mal physique. C'est à Corfu qu'elle commencera une collection de photos de femmes en tout genre, afin de l'aider à apprivoiser son image. Elle revient à Vienne après deux ans d'absence. Plus sereine, prête à accepter la cour et le palais qu'elle appelle sa "prison dorée", elle a pourtant l'envie de voyager de par le monde, ce qu'elle fera très souvent, délaissant mari, devoirs et enfants.
Nonobstant, si Élisabeth n'a pas eu le droit d'éduquer ses trois premiers enfants (la première, Sophie, est morte très jeune), elle a su intervenir quand il le fallait, par exemple pour le choix du précepteur de l'archiduc héritier Rodolphe).
Pour éviter de prendre du poids, Sissi s'astreignait à consommer uniquement du lait et du bouillon de poulet, des substances très nourrissantes[réf. Nécessaire] mais absolument répugnantes au palais, mises au point pour combler les besoins alimentaires des ouvriers trop pauvres pour acheter la nourriture normale des marchés. L'impératrice était tellement obsédée par la peur de grossir - elle ne pesait pourtant qu'un frêle 41 kilos pour 1 m 72 - que certains la considèrent a posteriori comme souffrante d'anorexie mentale.