"L'orthographe, divinité des sots." - Stendhal
On se demande comment respecter l’orthographe mais l’orthographe est-elle respectable ?
L'orthographe est un sujet qui déchaîne les passions. Arnaud Hoedt et Jérôme Piron remettent en question le dogme orthographique. On prend conscience avec eux que l'orthographe française, en plus d'être un vrai casse-tête, est tout sauf logique. Et surtout, que ses racines sont plus fantasmées que l'on veut bien l'admettre. On s'amuse autant que l'on s'interroge sur notre attachement à cette orthographe, adoration pour les uns. chemin de croix pour les autres. Tout le monde a un avis sur la question. Et pourtant, il ne s'agit peut-être que d'un énorme malentendu.
L’orthographe est un sujet qui déchaîne les passions. Les journaux son envahis de lettres de lecteurs qui se plaignent d’une faute découverte dans un ensemble de textes équivalent à un roman ! Chaque tentative de simplifi cation de l’orthographe suscite des torrents d’opposition. Cela doit rester un effort et « se mériter ».
« Convivialité » créé mardi au Théâtre National à Bruxelles (on en avait vu un résumé au festival XS) se présente comme une conférence ludique, instructive, interactive menée par deux professeurs reconvertis en acteurs : Arnaud Hoedt et Jérôme Piron.
Les compères nous expliquent d’abord les bizarreries de l’orthographe. Curieusement, on ne nous a jamais expliqué les raisons de tant de règles et d’exceptions.
La langue française est unique à cet égard. Le seul son « s » peut s’écrire de 12 manières alors qu’en turc par exemple, à chaque son correspond une seule orthographe.
Ils égrènent les subtilités absconses comme les doubles consonnes.. « Alléger » prend deux « l » mais pas « alourdir », « persifl er » ne s’écrit pas comme « siffl er ». Pourquoi « confi ture de groseilles » prend « s » mais pas « gelée de groseille » ?
Les moines copistes
Basé sur les études de linguistes, le spectacle remonte à l’origine de cette orthographe On découvre que l’accord du participe passé est basé sur la plus grande facilité qu’avaient les moines copistes d’accorder avec un complément placé avant plutôt qu’après le verbe. Des erreurs de transcription ou des snobismes (« faire » plus latin ou grec) sont à la base de diffi cultés répétées pour des générations d’écoliers.
Les orthographes des autres langues sont régulièrement revues. Pas la langue française où tout est fi gé depuis 150 ans. Même la tentative de supprimer les « chou, caillou, genou… » fut tuée dans l’œuf.
En fait, explique le duo, l’orthographe n’est pas au service de la langue mais c’est le contraire et elle devient un marqueur social, un signe discriminant. Pourtant Rabelais, Montaigne, Molière, écrivaient avec des fautes. L’orthographe était alors fl exible. Longtemps, il y eut entre les deux grands dictionnaires encore 4000 mots avec des orthographes différentes !
Grâce à un vote du public dans la salle, on voit qu’une majorité est prête à « libérer » l’orthographe. Et suivre Stendhal qui disait : « L’orthographe, divinité des sots », et Queneau qui ajoutait : « L’orthographe est plus qu’une mauvaise habitude, c’est une vanité ».
Chaque soir, après ce spectacle aussi drôle qu’instructif, le public peut débattre s’il le souhaite, de ce sujet si « explosif ».
La Libre Belgique - Guy Duplat - 28/9/2016