Un huis clos sur fond de collaboration et des dialogues en forme d’hommage à Audiard

Dans le Paris occupé, un bistrot voit passer occupants et occupés, des résistants aux collabos en passant par les gens simples qui tentent simplement de s’en sortir. La fin de la guerre approchant, la tension monte, les situations s’emballent et les masques tombent.


Cette année, le Magic Land théâtre nous gâte ! Nous avons droit à deux nouvelles créations (non contemporaines). Et après l’époque victorienne des hortensias de Miss Grolich, la joyeuse troupe du Magic Land va explorer la période noire de la fin de la Seconde Guerre mondiale à Paris : les nazis, la résistance et les collabos.
Tout commence par la découverte du troquet Le Colibri, tenu par Maurice, ni tout à fait résistant, ni tout à fait collabo, qui tente juste de survivre au milieu de tout ce foutoir. Ces rares clients ? Un ancien colonel à la retraite et une prostituée. Et au milieu de ce trio, vont se rencontrer une faune hétéroclite : le macro milicien, le terroriste résistant, le général de la Wermarcht, l’ex-femme qui se rêve héroïne, la campagnarde qui débarque à Paris, le commandant SS et son sous-fifre, etc.

La réussite de ce nouvel opus est multiple. Tout d’abord c’est la parfaite symbiose entre l’humour caractéristique au théâtre, la cinématographie (on retrouve pêle-mêle La Traversée de Paris, La Grande Vadrouille, les dialogues d’Audiard, etc.) de C’est loin l’Eldorado ou encore la gravité et l’émotion de Mélopolis (mais cette fois sans qu’elles pénalisent l’action ou l’humour). Mais aussi, cette réussite est due au risque pris par Patrick Chaboud et ses acteurs qui, en plus d’une écriture bien plus fine que d’habitude, se permettent d’aller loin dans l’imagerie et la gravité de l’époque tout en prenant le parti d’en rire. Les nazis en uniformes sont présents, les résistants préparent un attentat, les collaborateurs dénoncent et/ou changent de camps, des personnes sont maltraitées ou mêmes torturées, etc. Tout en réussisant à garder la folie, l’absurdité et l’hilarité propres aux précédentes créations. Chapeau !

Les décors, impeccables, se jouent cette fois sur deux tableaux (le troquet et la rue). Si cela soulage notre cou, cela joue parfois légèrement en défaveur de la pièce qui suit parfois un peu le rythme d’une fois à l’intérieur, une fois à l’extérieur, sans variante. Cela a pour effet de retarder le démarrage de l’intrigue.

L’interprétation contribue aussi au succès de L’Hotel de la dernière chance : Juan Marquez Garcia interprète cette fois une belle crapule ; Stéphane Stubbé est parfait en français moyen qui ne se mouille pas et retrouve son rôle marquant de L’oracle de Delphes ; Loïc Comans et Philippe Drecq sont impeccables respectivement dans leur habituel rôle de gars sympathique pour l’un et de vieux sage parfois maladroit pour l’autre ; Thomas Linkx est jouissif en commandant nazi sadique, Sophie D’Hondt a une gouaille et un accent parisien des plus réalistes ; Manon Hanseeuw nous charme de sa voix et Xavier Doyen et Bénédicte Philippon enchaîne deux rôles (attention à la tornade Philippon dans un des rôles les plus marquant de la pièce !) avec un naturel confondant.

Encore une fois, c’est une mission accomplie pour le Magic Land Théâre qui ne cesse d’explorer de nouveaux thèmes, prétextes à leur folie. Mais parfois, il y a ce grain de sel en plus qui, comme pour C’est loin l’Eldorado, permet à un spectacle d’être au-dessus du lot. Ces deux spectacles le possède et la meilleur preuve reste bien sûr l’intensité des applaudissements sans aucune mesure avec les autres spectacles.

Le Surricate Magazine - 5 mai 2017 - Loïc Smars

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