Prix de la Critique 2016 – Meilleur Seul en scène
Cinq ans auparavant, il tue sa femme. Dans cette autobiographie, un des plus grands esprits de son temps, Louis Althusser, interprété par Angelo Bison, tente, mais en vain, de comprendre avec une honnêteté effarante un geste à jamais incompréhensible. Une performance à la frontière entre folie et hyper-conscience. À la place fragile où, en réalité, sont tous les Hommes. Ce spectacle a reçu le Prix de la critique du meilleur seul en scène 2016.
Il n’est pas trop tard, mais il est temps d’aller voir et écouter Angelo Bison dans la reprise d’un inoubliable « seul en scène ». A priori, le titre du spectacle "L’Avenir dure longtemps" en dit peu sur son contenu exact. Il s’agit de l’intitulé de l’autobiographie de Louis Althusser (1918-1990), célèbre philosophe marxiste, professeur à l’École normale supérieure de Paris et publiée après sa mort. Depuis longtemps sujet à des troubles psychiatriques, le 16 novembre 1980, Louis Althusser étrangle son épouse Hélène. Déclaré irresponsable pour raison de démence au moment des faits, Althusser évitera la condamnation et sera soigné en hôpital.
Dans L’Avenir dure longtemps , Althusser veut récupérer sa responsabilité légale éludée lors du non-lieu. Aussi tente-t-il d’expliquer son geste criminel, essaye-t-il de reprendre la main et sur son esprit et sur son comportement.
Ce texte adapté à la scène par Michel Bernard, révèle la complexité de la personnalité de cet énorme intellectuel, vedette des tribunes philosophiques dans les années 70.
Posé sur un tabouret dont il ne dévissera pas le temps du spectacle, le comédien Angelo Bison traque la folie qui s’insinue dans l’esprit de son personnage. Par quelques mouvements de la main ou du bras, il signifie pleinement le désarroi, l’inquiétude d’Althusser. A son tour, le public vissé à ses paroles, à son regard égaré, complètement fasciné par le jeu du comédien, ingurgite sans en laisser une goutte, ce témoignage de la virée au bord du précipice d’un grand esprit de son temps. Et même si le sujet d’une extrême gravité ne se prête pas aux adjectifs fleuris, il s’agit bel et bien pour Angelo Bison d’une performance fabuleuse.
Entre les lignes – 23 janvier 2017 – Lucie Van de Walle