Un conte féérique, musical, lumineux et tendre

Moins connu que "Lorenzaccio", "Les Caprices de Marianne" ou "On ne badine pas avec l’amour", "La quenouille de Barberine" est un magnifique divertissement méconnu offert par le génial Alfred de Musset.


Une pièce peu connue de Musset pour la tournée des châteaux des Galeries.
Un des charmes de la tournée estivale de la Compagnie des Galeries est de faire découvrir de belles demeures de la campagne wallonne. Samedi soir, la troupe faisait escale en Hesbaye, à Avernas-le-Bauduin, tout à côté de Hannut, avec son 31 éme spectacle d'été.

Les bancs de bois en gradin plantés dans la cour carrée de l'imposante ferme de Mme Dochen accueillaient une foule tranquille, curieuse de découvrir cette «Barberine», pièce moins connue et peu jouée d'Alfred de Musset.

Après les annonces d'usage - les représentations sont achetées par des associations et collectivités locales qui en font l'occasion d'une récolte de fonds en faveur de leur raison sociale -, la représentation pouvait commencer.

Dans la chaleur enfin supportable du crépuscule, Marc De Roy paraît en pourpoint et haut-de-chausses, guitare à la main, doux ménestrel digne du Moyen Age tel que se le représentaient les poètes romantiques français. Nous sommes en Europe centrale, au temps des chevaliers et des gentes dames.

Réfugiés dans la grange
Le comte Ulric (Vincent Vanderbeecken) quitte sa belle et jeune épouse Barberine (Christel Pedrinelli) pour quérir fortune à la cour du roi de Hongrie. Il y fait la connaissance d'Astolphe (Pierre Pigeolet), jeune fat qui se donne des airs d'avoir beaucoup vécu et pérore sur l'infidélité des femmes. Mis au défi, il décide d'entreprendre la conquête de Barberine.

C'est à ce moment précis, environ aux deux tiers de la pièce, que les lourds nuages noirs qui s'étaient accumulés par-dessus le portique monumental de la ferme crevèrent en un violent orage. Les spectateurs s'égayèrent comme une volée de moineaux pour trouver refuge dans la grange... Il revint à David Michels, directeur du Théâtre des Galeries, de raconter le dénouement de la fable à un public penaud, un tantinet frustré et copieusement mouillé, mais toujours bon enfant.

De ce qu'on a pu voir du spectacle, on peut dire à peu près ceci. Un Musset jeune encore mais déjà désillusionné sur l'amour et le gouvernement des hommes y développe avec faconde un conte inspiré de Boccace et de Shakespeare. Assortie d'un décor sonore produit en live par Eléonore Meeus sur de multiples instruments, la mise en scène de Bernard Lefrancq ne manque pas de charme. Si Pierre Pigeolet et Marc De Roy cabotinent un peu, si Vincent Vanderbeecken manque de consistance, si la reine de Jacqueline Paquay paraît assez amidonnée, Christel Pedrinelli sauve la mise par sa fraîcheur et son allant. Et puis il y a la langue de Musset, riche et piquante, primesautière et allusive.

On regrette vraiment de n'avoir pu voir le clou de la pièce: la «mise en boîte» d'Astolphe, contraint à filer la quenouille et à tourner le fuseau pour ne pas mourir de faim, à la plus grande joie des courtisans venus assister à sa déconfiture. Mais sans les aléas de la météo, je vous le demande, quel serait encore le sel d'organiser des spectacles en plein air?

La Libre Belgique - 24/7/2006 - Philip Tirard

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