Pierre et Marie Curie vont découvrir successivement
la radioactivité, le radium et … l'amour.
Une pièce de théâtre dans laquelle Pierre et Marie Curie sont les protagonistes, qui se déroule dans un laboratoire, ayant pour thème la découverte de la radioactivité et qui en plus soit une folle comédie. Voilà ce que Jean-Noël Fenwick rêvait d’écrire avec «Les Palmes de Monsieur Schutz». Les 11 nominations aux Molières, de nombreux prix et surtout 6 ans de représentations ininterrompues à Paris montrent qu’il a totalement réussi don pari.
Marie Sklodowska est née à Varsovie, le 7 novembre 1867. La capitale polonaise est alors occupée par les Russes, qui tentent d’affaiblir l’élite locale. Comme de nombreux intellectuels, Maria est une adepte de la doctrine positiviste d’Auguste Comte, seule voie du progrès pour eux.
Élevée dans une famille d’enseignants, elle mène une vie austère. Élève brillante, sérieuse, avec un étonnent pouvoir de concentration, Maria fait le rêve, alors inconcevable pour une femme, de mener une carrière scientifique. En juin 1883 elle obtient en Pologne son diplôme de fin d’études secondaires (avec la médaille d’or). La timide Maria arrive à Paris en 1891 pour poursuivre des études scientifiques. Elle est reçue en 1893 première à la licence de physique, puis de mathématiques.
Pierre Curie est né à Paris le 15 mai 1859, fils d’un médecin protestant. Il obtient une licence de physiques en 1877.
En 1880, il observe en collaboration avec son frère Jacques un phénomène important baptisé « piézo-électricité »selon lequel une pression exercée sur un cristal de quartz crée un potentiel électrique. Il est chef de travaux à l’Ecole de Physique et Chimie industrielle de Paris à partir de 1889, puis professeur dans la même école en 1895.
Au printemps 1894, Marie fait connaissance avec un jeune homme timide et réservé, Pierre Curie. Il est déjà reconnu pour ses travaux sur la cristallographie et le magnétisme. Il lui écrivait « comme il serait beau de passer la vie l’un près de l’autre, hypnotisés dans nos rêves : votre rêve patriotique, notre rêve humanitaire et notre rêve scientifique. » En 1895, il devient son mari.
Après son mariage avec Pierre Curie, elle se consacre à des recherches sur les rayons uraniques de Becquerel. Celui-ci venait de montrer que l’uranium émet des radiations ionisantes dont on distingue trois types: alpha, béta et gamma, et qui ont certaines propriétés communes avec celles que produisent les tubes à rayons X (Roentgen). Henri Becquerel venait de découvrir qu’un sel d’uranium impressionne une plaque photographique malgré des enveloppes protectrices (il communique sa découverte à l’Académie des Sciences le 24 février 1896 et le 2 mars 1896). Marie veut comprendre l’effet, l’énergie de ces rayons uraniques. Elle brasse des tonnes de minerai, elle analyse les rayonnements de la pechblende, minerai riche en uranium et s’aperçoit qu’une autre substance, le thorium, est « radioactive », terme de son invention.
Les Curie découvrent ensemble le polonium en juillet et le radium en décembre 1898 et prouvent – découverte majeure – que la radioactivité n’est pas le résultat d’une réaction chimique mais une propriété de l’élément, en fait de l’atome. Dans le hangar qui leur sert de laboratoire, Pierre observe les propriétés des rayonnements et Marie purifie plutôt les éléments radioactifs. « L’une de nos joies était d’entrer la nuit dans notre atelier ; alors nous percevions de tous côtés les silhouettes lumineuses des flacons et des capsules qui contenaient nos produits. » Les Curie refusent de déposer un brevet qui aurait pu les mettre à l’abri financièrement, afin de permettre à tout scientifique, français ou étranger, de trouver des applications à leur découverte, la radioactivité. Pierre teste le radium sur lui-même. Il constate une brûlure, puis une plaie de la peau : ainsi l’action sur l’homme est prouvée. Bientôt le radium sert à traiter les tumeurs malignes. La curiethérapie est née.
Le 25 juin 1903, Marie Sklodowska-Curie soutient sa thèse de doctorat à la Sorbonne intitulée «Recherches sur les substances radioactives». Elle termine ainsi son mémoire : « nos recherches sur les substances radioactives nouvelles ont donné lieu à un mouvement scientifique, et ont été le point de départ de nombreux travaux relatifs à la recherche de substances radioactives nouvelles et à l’étude du rayonnement des substances radioactives connues. »
Deux prix Nobel
Le 10 décembre 1903, à Stockholm, en séance solennelle, l’Académie Royale de Sciences de Suède décerne le prix Nobel de physique à Henri Becquerel pour «la découverte de la radioactivité spontanée» et à Pierre et Marie Curie «en reconnaissance des mérites extraordinaires dont ils ont fait preuve par leurs recherches communes sur les phénomènes de radiations découverts par le Professeur Becquerel». En 1904, Pierre Curie obtient une chaire de physique à la Sorbonne et est élu en 1905 à l’Académie des sciences.
A la mort brutale de Pierre Curie survenue près du Pont-neuf à Paris le 19 avril 1906, renversé par une voiture à cheval, elle prend la direction de leur laboratoire et remplace Pierre à son poste d’enseignant et devient la première femme à enseigner à la Sorbonne. Dans le même temps, elle assume seule l’éducation de leurs deux filles Irène et Eve. Le sexisme de l’époque lui refuse l’entrée à l’Académie des sciences malgré un deuxième prix Nobel de chimie qu’elle obtient le 10 décembre 1911, pour avoir déterminé le poids atomique du radium.
La guerre éclate. Les rayons X peuvent localiser éclats d’obus et balles, faciliter les opérations chirurgicales. Marie organise le premier service radiologique mobile en créant des voitures radiologiques et équipe les hôpitaux. Elle poursuit ses études avec sa fille Irène et avec le docteur Claudius Regaud. On utilise alors pour toute protection un écran de métal et des gants de tissu !
Le 4 mai 1921 Marie Curie et ses deux filles embarquent pour les Etats-Unis où une campagne a été organisée par la rédactrice en chef du magazine « The Delineator », « Miss Meloney » pour offrir un gramme de radium à l’éminente scientifique, afin de poursuivre ses recherches. La cérémonie officielle de remise du coffret contenant le précieux métal aura lieu à la Maison Blanche le 20 mai. Le séjour aux Etats-Unis va se poursuivre par la visite de collèges et d’Universités sur l’ensemble du territoire nord américain. Son retour en France se fait dans une certaine indifférence.
En 1922, malgré ses hésitations Marie Curie accepte de participer activement à la commission pour la coopération intellectuelle de la Société des Nations. Elle correspond à ce sujet avec Albert Einstein et se rend plusieurs fois à Genève.
Epuisée, les mains brûlées par son « cher » radium, presque aveugle, Marie meurt de leucémie le 4 juillet 1934 au sanatorium de Sancellemoz en Haute-Savoie.
Sa fille Irène acharnée comme elle, dans le même laboratoire, découvre en janvier avec Frédéric Joliot, son mari, la radioactivité artificielle, qui leur vaudra aussi un prix Nobel. A l’origine des traitements du cancer et des techniques de datation des objets anciens, des roches et de l’univers, comme de la biologie moléculaire et de la génétique moderne, la radioactivité est aussi à la source de l’énergie nucléaire et de la bombe atomique
Marie Curie et Claudius Regaud: de l’Institut du radium à la Fondation Curie
En 1906, Claudius Regaud découvre que les radiations bloquent les cellules germinales chez l’animal et en conclut qu’elles pourraient aussi stopper le développement de cellules à croissance rapide telles que les tumeurs. Il comprend que le rayonnement des sources usuelles doit être filtré – pour éliminer les rayons alpha qui brûlent la peau, et ne garder que les rayons gamma qui travaillent en profondeur.
L’Institut Curie est né de la volonté d’une femme, Marie Curie, et de l’importance d’une cause, la lutte contre le cancer.
Son origine remonte à 1909, date à laquelle Claudius Regaud dirige le laboratoire Pasteur consacré aux effets biologiques des radiations.
L’Université de Paris et l’Institut Pasteur décident de construire à frais communs d’un grand laboratoire pour Marie Curie.
Le laboratoire Pasteur et le laboratoire Curie vont constituer l’Institut du radium. A partir de 1914, Marie Curie dirige le pavillon Curie de l’Institut du radium, l’un des plus importants laboratoires de recherche scientifique à cette époque. Sa plus grande joie est de participer à « soulager la souffrance humaine. »
En 1912, Claudius Regaud se voit confier l’élaboration d’un programme de lutte contre le cancer.
La Fondation Curie
En 1920, la lutte de Marie Curie et de Claudius Regaud pour obtenir des moyens supplémentaires débouche sur la création de la Fondation Curie, grâce à une donation du docteur Henri de Rothschild. Département d’applications médicales des radiations, c’est un établissement de soins et de recherche spécialisé dans la lutte contre le cancer. Cette Fondation obtient le statut de « fondation privée à but non lucratif reconnue d’utilité publique » le 27 mai 1921.
L’hospice Paul-Brousse, devient à l’initiative du Professeur Gustave Roussy, le premier centre anticancéreux de la banlieue parisienne, associant les activités cliniques et de recherches fondamentales.
Le 1er octobre 1945, est promulguée l’ordonnance, prévoyant la naissance de centres de lutte contre le cancer en France. Elle est signée du général de Gaulle, président du Gouvernement provisoire de la République française.
L’hôpital Claudius Regaud est un outil des plus performants avec une zone de radiothérapie remarquablement équipée, ses installations de pointe en imagerie.
A Orsay, en banlieue parisienne, l’Institut Curie dispose aussi d’un centre de protonthérapie, permettant d’irradier des tumeurs peu accessibles par chirurgie, en préservant les tissus sains. Enfin, des essais de thérapie génique sont en cours.
La mission de l’Institut Curie est aujourd’hui de promouvoir la coopération entre les sciences physique, chimique, biologique et médicale avec pour finalité la prévention, le diagnostic et le traitement du cancer. Plus de 600 personnes travaillent dans sa section de recherche et 900 dans la section médicale. Biologie moléculaire et cellulaire des tumeurs, gènes et mécanismes immunitaires, synthèse et développement de nouvelles molécules figurent parmi les axes de recherche.
En ce début du troisième millénaire, le décryptage du génome et une connaissance de plus en plus précise de la plasticité du vivant, laissent espérer l’avènement d’une approche biomédicale mieux ciblée des cancers dans leur diversité. Comme il y a un siècle, les médecins se trouvent aujourd’hui face à une nouvelle page blanche à écrire.
Depuis une quinzaine d’années, les thérapeutiques du cancer sont mieux comprises, plus rationnelles, mieux intégrées. Radiothérapie et chirurgie guérissent…
Le 21 avril 1995, les cendres de Marie Curie et de son époux, Pierre ont été transférées au Panthéon ( Basilique Sainte Geneviève), aux côtés de l’écrivain Victor Hugo, de l’homme politique Jean Jaurès et du résistant Jean Moulin. Ce geste permet à la patrie d’honorer une femme d’origine étrangère, pour sa contribution au prestige de la recherche scientifique française.
Parmi les savants contemporains, Marie Curie a été, de son vivant, la personnalité la plus célèbre dans toutes les classes sociales de tous les pays du monde. Elle reçut une vingtaine de distinctions honorifiques du plus haut niveau et fut nommée membre de nombreuses académies étrangères, docteur honoris causa des plus grandes universités, citoyen d’honneur de plusieurs villes.